Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #drame tag

Le Comte de Monte-Cristo: 1ere époque - la trahison

Publié le par Rosalie210

Robert Vernay (1953)

Le Comte de Monte-Cristo: 1ere époque - la trahison

 

La première adaptation en couleurs du roman de Alexandre Dumas "Le Comte de Monte-Cristo" est de nouveau visible après une restauration qui a permis de lui rendre son éclat, même si elle n'est pas parfaite. Pour information, Robert VERNAY avait déjà réalisé une adaptation du roman dix ans auparavant mais en noir et blanc avec Pierre RICHARD WILLM dans le rôle-titre. Dans la version en couleurs, c'est Jean MARAIS qui interprète Edmond Dantès. Les deux versions possèdent la même structure de deux parties de 1h30 chacune.

La version Vernay-Marais est agréable à suivre. Bien écrite, elle ne manque pas de spiritualité dans sa première partie. Les changements politiques sont racontés avec une certaine ironie, soulignée dans les dialogues par les réparties de Villefort mettant en lumière ses retournements de veste. Ses fiançailles donnent également lieu à une description très juste de ses futurs beaux-parents, le marquis et la marquise de Saint-Méran qui incarnent la nostalgie de l'Ancien Régime. Hélas, le réalisateur ne se sert pas ensuite de cette idée pour montrer comment ceux-ci et le monde révolu qu'ils incarnent sont anéantis dans la deuxième partie. D'autre part, comme dans la version de Henri FESCOURT que j'aime beaucoup, l'aspect théâtre social de l'intrigue est bien restituée. Un parallèle est ainsi établi entre la déchéance de Morcerf à la chambre des pairs et celle de Villefort lors du procès de Andrea Cavalcanti. De même, les retrouvailles entre Dantès et Mercédès ont lieu lors d'un bal masqué. Et comme dans le roman la bonne fortune ne sourit guère à Caderousse, le raté de l'histoire, un esprit faible qui prend systématiquement les mauvaises décisions.

Néanmoins cette adaptation possède également d'importants défauts. Comme la plupart d'entre elles, elle simplifie trop le roman au point de faire passer à la trappe le personnage de Danglars qui est pourtant non seulement le cerveau du complot contre Edmond Dantès mais l'arriviste du monde de la finance qui complète celui de la magistrature qu'incarne Villefort et celui de l'armée qu'incarne Morcerf durant la période de la Restauration et de la monarchie de Juillet propice aux anoblis et aux enrichis peu regardants sur les moyens de leur ascension sociale. Autre gros problème, le personnage de Dantès est dénaturé. Il n'a plus rien de tourmenté, ni de mystérieux. Il semble identique du début à la fin, alors que Edmond Dantès est décrit au départ comme un jeune homme simple et naïf que les épreuves transforment en vengeur manipulateur et mégalomane. Ce manque de profondeur est particulièrement flagrant dans sa relation avec Mercédès. Ils se retrouvent comme s'ils s'étaient quittés deux heures auparavant, Monte-Cristo tentant de convaincre Mercédès de s'enfuir avec lui comme si elle n'était pas mariée et n'avait pas de fils, comme si elle le fait qu'elle ne l'avait pas attendu n'avait aucune importance. Ce qui rend le passage où il se prépare au duel avec Albert incompréhensible. Mais ce n'est qu'une incohérence parmi d'autres dans cette adaptation sympathique mais bien trop légère.

Voir les commentaires

Le Comte de Monte-Cristo: 2ème époque - la vengeance

Publié le par Rosalie210

Robert Vernay (1954)

Le Comte de Monte-Cristo: 2ème époque - la vengeance

 

La première adaptation en couleurs du roman de Alexandre Dumas "Le Comte de Monte-Cristo" est de nouveau visible après une restauration qui a permis de lui rendre son éclat, même si elle n'est pas parfaite. Pour information, Robert VERNAY avait déjà réalisé une adaptation du roman dix ans auparavant mais en noir et blanc avec Pierre RICHARD WILLM dans le rôle-titre. Dans la version en couleurs, c'est Jean MARAIS qui interprète Edmond Dantès. Les deux versions possèdent la même structure de deux parties de 1h30 chacune.

La version Vernay-Marais est agréable à suivre. Bien écrite, elle ne manque pas de spiritualité dans sa première partie. Les changements politiques sont racontés avec une certaine ironie, soulignée dans les dialogues par les réparties de Villefort mettant en lumière ses retournements de veste. Ses fiançailles donnent également lieu à une description très juste de ses futurs beaux-parents, le marquis et la marquise de Saint-Méran qui incarnent la nostalgie de l'Ancien Régime. Hélas, le réalisateur ne se sert pas ensuite de cette idée pour montrer comment ceux-ci et le monde révolu qu'ils incarnent sont anéantis dans la deuxième partie. D'autre part, comme dans la version de Henri FESCOURT que j'aime beaucoup, l'aspect théâtre social de l'intrigue est bien restituée. Un parallèle est ainsi établi entre la déchéance de Morcerf à la chambre des pairs et celle de Villefort lors du procès de Andrea Cavalcanti. De même, les retrouvailles entre Dantès et Mercédès ont lieu lors d'un bal masqué. Et comme dans le roman la bonne fortune ne sourit guère à Caderousse, le raté de l'histoire, un esprit faible qui prend systématiquement les mauvaises décisions.

Néanmoins cette adaptation possède également d'importants défauts. Comme la plupart d'entre elles, elle simplifie trop le roman au point de faire passer à la trappe le personnage de Danglars qui est pourtant non seulement le cerveau du complot contre Edmond Dantès mais l'arriviste du monde de la finance qui complète celui de la magistrature qu'incarne Villefort et celui de l'armée qu'incarne Morcerf durant la période de la Restauration et de la monarchie de Juillet propice aux anoblis et aux enrichis peu regardants sur les moyens de leur ascension sociale. Autre gros problème, le personnage de Dantès est dénaturé. Il n'a plus rien de tourmenté, ni de mystérieux. Il semble identique du début à la fin, alors que Edmond Dantès est décrit au départ comme un jeune homme simple et naïf que les épreuves transforment en vengeur manipulateur et mégalomane. Ce manque de profondeur est particulièrement flagrant dans sa relation avec Mercédès. Ils se retrouvent comme s'ils s'étaient quittés deux heures auparavant, Monte-Cristo tentant de convaincre Mercédès de s'enfuir avec lui comme si elle n'était pas mariée et n'avait pas de fils, comme si elle le fait qu'elle ne l'avait pas attendu n'avait aucune importance. Ce qui rend le passage où il se prépare au duel avec Albert incompréhensible. Mais ce n'est qu'une incohérence parmi d'autres dans cette adaptation sympathique mais bien trop légère.

Voir les commentaires

L'Innocence (Kaibutsu)

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (2023)

L'Innocence (Kaibutsu)

Difficile de parler du dernier film de Hirokazu KORE-EDA sans dévoiler son intrigue en forme de puzzle. Jouant dans un premier temps sur différents points de vue plus biaisés les uns que les autres (la mère, persuadée que son fils Minato est maltraité par un professeur couvert par la hiérarchie, le professeur, persuadé que Minato est un harceleur), il finit par sortir de ce tunnel anxiogène pour épanouir son cinéma à l'air libre, dans ce qui constitue une sorte d'Eden lumineux reconstitué par deux enfants qui hors des cadres sociaux peuvent être eux-mêmes. Cette partie du film, de loin la plus belle fait penser à "Nobody Knows" (2003) qui montrait également comment des enfants marginalisés pouvaient voler des instants de magie en construisant un abri précaire les protégeant de la folie du monde. Les parties précédentes sont plus laborieuses. Le thriller n'est pas le genre de prédilection de Hirokazu KORE-EDA et on a du mal à raccrocher les wagons d'autant que l'intérêt des séquences est inégal. Le faible professeur qui se fait manger tout cru est davantage un instrument de l'intrigue qu'un personnage à part entière si bien que le dysfonctionnement du système scolaire a tendance à se cristalliser sur le personnage particulièrement retors de sa directrice. Néanmoins la critique sociale sous-jacente au film fait mouche. A travers ces deux enfants, Hirokazu KORE-EDA dénonce le conservatisme de la société japonaise, son patriarcat moisi, son incapacité à accepter la différence et ses institutions sclérosées sans parler de sa propension effrayante à la dissimulation et à la cruauté. Les scènes de confrontation entre la mère de Minato et le personnel de l'école sont surréalistes et glacent le sang! Néanmoins et en dépit de son prix du scénario à Cannes, je suis persuadée que plus de simplicité et de clarté dans la narration aurait amplifié l'émotion qui se dégage d'un film inutilement alambiqué.

Voir les commentaires

Les Trois Mousquetaires- Milady

Publié le par Rosalie210

Martin Bourboulon (2023)

Les Trois Mousquetaires- Milady

J'ai pris tout mon temps pour voir la suite des aventures de d'Artagnan par Martin BOURBOULON, anticipant le fait que la suite n'allait pas confirmer les promesses du premier volet. Je ne me suis pas trompée. Faire une suite qui fonctionne, ça ne s'improvise pas. Or c'est exactement l'impression que m'a donnée cette brouillonne et anémique deuxième partie. Exit la mise en scène combinant plusieurs arcs narratifs qui donnait du relief à la première partie. Exit également la qualité d'écriture. On se retrouve avec une intrigue pauvre et décousue qui finit par se résumer à une enfilade de scènes de bravoure: le siège de la Rochelle (transposé à Saint-Malo), le combat d'Artagnan/Milady dans les flammes etc. Tout cela est mené avec une facilité si déconcertante qu'elle enlève tout suspens: on s'infiltre dans la citadelle comme dans du beurre, d'Artagnan braque Richelieu puis s'en va comme si de rien n'était (ils sont passés où les gardes du cardinal?), il suffit à Milady de changer de vêtements pour quitter sa prison sans être inquiétée et à l'inverse, D'Artagnan et ses amis y entrent armés jusqu'aux dents comme dans un moulin (les gardes de Buckingham ne sont pas plus réactifs que ceux de Richelieu). Ce n'est pas le fait d'être invraisemblable qui est problématique mais la désinvolture avec laquelle toutes ces séquences, visiblement bâclées tant au niveau de la dramaturgie que de la chorégraphie sont traitées. Cela va de pair avec l'autre gros problème du film, la dénaturation des personnages créés par Alexandre Dumas. D'Artagnan qui court après Constance durant tout le film et s'offusque presque des avances de Milady (un comble par rapport au roman où c'est lui qui abuse d'elle par la ruse) est inintéressant, Portos et Aramis font de la figuration. Mais les deux personnages les plus transformés sont Athos et Milady. Contrairement à ce qui est annoncé dans le titre, l'intrigue ne repose pas sur Milady et pour cause. Celle-ci s'est tellement ramollie que le scénario revu et corrigé lui épargne de faire couler le sang. Au lieu de trucider Constance, elle la prend dans ses bras. Et comme si cela ne suffisait pas, elle devient même une mère. Mais où est donc passé le monstre assoiffé de vengeance de Dumas? Quant à Athos, il semble regretter ses agissements envers Milady ce qui est impensable chez un grand seigneur dont la ligne de conduite est dictée par le code d'honneur propre à son rang qui lui sert à rendre une justice expéditive. Le fait de leur inventer un fils n'explique pas à lui seul le ramollissement de Milady, après tout, l'enfant n'arrêtait nullement la vengeance de "La Mariée" dans "Kill Bill : Volume 2" (2004). On ne sait pas trop où ce scénario revu et corrigé pour le pire veut nous emmener, sinon vers une nouvelle suite totalement déconnectée des romans de Dumas. Pas sûre d'avoir envie de suivre cette voie-là. Je n'aime guère quand il y a tromperie sur la marchandise, encore moins quand après avoir soigné la première partie, on torche à ce point le travail. Ni Alexandre Dumas, ni les spectateurs ne méritent cela.

Voir les commentaires

Miracle en Alabama (The Miracle Worker)

Publié le par Rosalie210

Arthur Penn (1962)

Miracle en Alabama (The Miracle Worker)

Amateurs d'histoires larmoyantes ou édifiantes, passez votre chemin. "Miracle en Alabama" est un film dur, âpre, éprouvant et qui dépasse de très loin son sujet initial. On sent que Arthur PENN a envie de renverser la table alors même que le Nouvel Hollywood dont il sera l'un des précurseurs reste à inventer: "Les gens qui m’intéressent sont ceux qui vivent en marge de la société, au-delà des lignes toutes tracées. Je fais en sorte que mes personnages soient vrais, c’est-à-dire souvent solitaires, rejetés, souffrants. C’est aussi de ma part une réaction contre les critères hollywoodiens selon lesquels tout le monde est beau, parfait, éclatant de santé." (Arthur PENN, 1983). "Miracle en Alabama" correspond trait pour trait à cette Amérique de l'autre côté du miroir que dépeint Arthur PENN dans ses films. Il s'agit de l'adaptation cinématographique de la pièce de théâtre éponyme de William Gibson dont Arthur PENN avait assuré la mise en scène sur les planches de Broadway avec déjà le duo Anne BANCROFT-Patty DUKE. Arthur PENN avait également réalisé un téléfilm en 1957, deux ans avant la création de la pièce de théâtre. C'est dire s'il connaissait son sujet, tiré de l'autobiographie de Helen Keller qui suite à une maladie infantile fut privée de la vue et de l'ouïe et rendue quasi muette.

Il y a deux oeuvres qui me sont immédiatement venues à l'esprit en regardant "Miracle en Alabama": "L'Enfant sauvage" (1969) de Francois TRUFFAUT et "Le Cri" de Edouard Munch (l'affiche, le générique de début, muet, dépouillé, bouleversant qui montre cette petite fille avancer les bras tendus dans le vide, tomber, se cogner, se relever, crier sans sortir de son). Tout au long du film, Arthur PENN joue sur deux tableaux. D'une part le corps à corps rugueux pour ne pas dire violent entre Helen et son éducatrice, Anne Sullivan, elle-même mal-voyante pour parvenir à sortir Helen des ténèbres et du silence qui l'isolent du monde. Et en même temps la transgression des normes et des valeurs de l'Amérique puritaine qui n'ont aucune prise sur le petit animal sauvage qu'est Helen sans parler de la nécessité de briser ces normes pour espérer la relier au monde qu'incarne Anne Sullivan. Celle-ci doit en effet se battre, au propre et au figuré pour se faire accepter et respecter par Helen mais aussi par sa famille qui la traite moins en éducatrice ou aidante proche qu'en domestique que le moindre faux pas met sur la sellette. Et pourtant Anne ne lâche rien, notamment vis à vis du père dont le degré d'aveuglement vis à vis de la défaite de la civilisation sudiste face au nord dans la guerre de Sécession renvoie aux handicaps de sa fille.

Voir les commentaires

La Chanson du passé (Penny Serenade)

Publié le par Rosalie210

George Stevens (1940)

La Chanson du passé (Penny Serenade)

"La Chanson du passé" est un film bancal dès sa conception. Construit sur des séquences en flashbacks introduites par des disques que l'épouse (Irene DUNNE) écoute avec mélancolie comme si en chacun était gravé un morceau de l'histoire de son couple sur le point de se terminer, il commence pourtant sur un ton assez léger en narrant leur rencontre dans un magasin de disques justement. Une structure qui a peut-être inspiré celle de "5x2" (2004) mais le contenu est bien différent. Après un début plutôt sympathique d'autant que l'on retrouve Cary GRANT en charmeur immature irrésistible, le film s'enlise dans un mélodrame plombé par les valeurs américaines selon lesquelles le couple n'a pas de sens s'il ne fonde pas une famille. Cette question devient une obsession pour le couple accablé par les malheurs mais qui rebondit avec une facilité qui finit par mettre mal à l'aise. L'enfant est tantôt montré comme un ange sur le point de monter au ciel avec une symbolique particulièrement lourde (et la séquence est interminable en plus), tantôt comme un objet de consommation parfaitement remplaçable. Cary GRANT en fait des tonnes dans le pathos ce qui m'a mis mal à l'aise, notamment dans la scène où il supplie le juge de leur laisser la garde de l'enfant. Quant à la fin, elle laisse pantois.

Voir les commentaires

Lola Montès

Publié le par Rosalie210

Max Ophüls (1955)

Lola Montès

Je me souviens que la première fois que j'avais vu "Lola Montès", je m'étais beaucoup ennuyée. Seule l'utilisation de la couleur avait retenu mon attention. Il faut dire que ces couleurs éclatantes sont l'un des points forts du film. L'autre aspect qui retient l'attention, c'est le dispositif narratif non linéaire (que la restauration du film a bien mis en valeur). Plutôt que de jouer la carte romanesque à la manière de "Splendeur et misère des courtisanes", le film est une satire de la société du spectacle fondé sur la marchandisation de la célébrité. D'une certaine manière, la reconstitution de la vie de Lola Montès découpée en tranches et jetée en pâture à un public voyeuriste et avide de ragots est la continuation de sa vie de courtisane. Lola s'exhibe dans un cirque comme une bête de foire après avoir été vendue par sa mère au plus offrant puis être passée de mains en mains au gré de ses aventures tumultueuses subies plus que choisies. La dernière scène souligne en effet s'il le fallait combien la liberté de la jeune femme était illusoire, celle-ci ayant vécu toute sa vie aux crochets des hommes, le cirque l'illustrant de manière grotesque.

Si cette mise en abyme donne matière à réflexion et si esthétiquement, "Lola Montès" en met plein les yeux avec son décorum baroque et l'élégance de ses mouvements de caméra, le spectacle nous met cependant à distance avec un emballage suranné, une succession d'amants quelques peu interchangeables et une actrice -Martine CAROL- complètement figée telle une statue de cire. Ce manque de vie et d'épaisseur ne suscite guère d'émotions, la forme écrasant trop le fond.

Voir les commentaires

Pêcheur d'Islande

Publié le par Rosalie210

Jacques de Baroncelli (1924)

Pêcheur d'Islande

"Pêcheur d'Islande" que l'on peut voir actuellement dans une version restaurée est la troisième adaptation du roman de Pierre Loti. Il se distingue par sa beauté et son hétérogénéité. D'une part, il possède un fort aspect documentaire. Tourné sur les lieux décrits par Loti, dans les villages de Paimpol et de Ploubazlanec, il contient en son sein de véritables séquences documentaires sur la pêche à la morue ou sur une noce en Bretagne telles qu'elles se pratiquaient au début des années 1920. Au cimetière de Ploubazlanec, le mur des disparus en mer recense les noms des pêcheurs et des bateaux disparus lors de la pêche en Islande alors que les femmes de marin guettent le retour des bateaux autour d'un monument au nom éloquent, "la croix des veuves". Mais cet aspect documentaire est contrebalancé par une romance contrariée par l'appel des éléments et la différence de classe sociale. Un canevas mélodramatique que l'on reverra par la suite, à la sauce marseillaise dans "Marius" (1931) ou transposé à la montagne dans "Premier de cordée" (1943). "C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme", cela pourrait être la devise de Yann (Charles VANEL), rude marin qui en pince pour la délicate Gaud (Sandra MILOVANOFF) dont le visage de porcelaine contraste avec les figures burinées des figurants (des habitants locaux pour la plupart) mais n'ose pas lui demander sa main, ce dont elle souffre en silence. Même quand un revers de fortune (au sens propre) rend le mariage possible, la mer déchaînée plane comme une menace sur les amoureux. Enfin, le film possède quelques séquences hallucinatoires de toute beauté, notamment celle où "La Marie", le bateau de Yann croise un vaisseau-fantôme qui apporte les funestes nouvelles venues de la terre ferme.

Voir les commentaires

Le monde de demain

Publié le par Rosalie210

Katell Quillévéré et Hélier Cisterne 52022)

Le monde de demain

Une des meilleures mini-séries de 2022, diffusée d'abord sur Arte puis sur Netflix. Réalisée par Katell QUILLEVERE et Helier CISTERNE dont l'intérêt pour l'histoire et les questions politiques et sociales n'est plus à démontrer, elle raconte la genèse du mouvement hip-hop en France au début des années 80, indissociable de l'émergence artistique d'une jeunesse populaire et métissée jusque là invisible dans les médias alors cadenassés par l'Etat. La mini-série suit plusieurs de ces jeunes, mettant en lumière au passage les différentes facettes du hip-hop que l'on a tendance à réduire au seul rap.

Le premier d'entre eux est le DJ Dee Nasty alias Daniel Bigeault (Andranic MANET) qui a joué un rôle fondateur méconnu et pourtant essentiel. Passionné par ce mouvement qu'il a découvert à San Francisco et qu'il importe en France, il mixe et scratche dans des clubs, enregistre le premier album de rap français en 1984, anime des soirées en plein air, ouvre l'antenne des radios libres au rap et aux rappeurs, notamment sur Radio Nova entre 1988 et 1989. Tout cela en autodidacte et dans une marginalité dont il ne sortira jamais vraiment. Il est dépeint sous les traits d'un jeune homme passionné, sensible, introverti et qui s'affirme peu. Tout le contraire de son explosive compagne Béatrice (Leo CHALIE), personnage fictif mais très fortement inspiré par le parcours et la personnalité de Catherine Ringer (et Daniel a d'ailleurs des points communs avec Fred Chichin). Ce n'est d'ailleurs pas le moindre exploit de la série que de mettre en avant des femmes fortes dans un univers très masculin, à l'image de la graffeuse Lady V (Laika BLANC-FRANCARD) qui fut la compagne de Kool Shen alias Bruno Lopes, l'un des deux membres du groupe NTM.

Parmi la nouvelle génération de talents que Dee Nasty a contribué a révéler, la série se focalise en effet sur Didier Morville (Melvin BOOMER) et Bruno Lopes (Anthony BAJON) qui traversent toutes les strates de ce mouvement sans véritable solution de continuité. Ils sont d'abord danseurs, puis graffeurs (stade durant lequel ils inventent leurs pseudos, JoeyStarr et Kool Shen) et enfin rappeurs. Tout cela dans une sorte de bouillonnement culturel propre à l'époque. L'histoire s'arrête en effet avant leur starisation et ne cherche jamais à les extraire de leur milieu. Celui-ci est dépeint avec beaucoup de réalisme et c'est ce qui est passionnant. On voit par exemple leurs "battles" avec d'autres groupes de danse et de rap. On voit également comment leurs milieux familiaux à la fois proches et opposés les ont forgés. D'un côté la famille chaleureuse et unie de Bruno Lopes dont il ne veut pas s'éloigner ce qui lui fait renoncer à une carrière de footballeur. De l'autre la jeunesse chaotique de Didier Morville cherchant à échapper à un père violent. L'une de mes séquences préférées est celle où le père ouvrier de Bruno Lopes voit son fils pour la première fois à la télévision dans "Mon Zénith à moi" à l'initiative de Nina Hagen qui a connu NTM via son compagnon, Frank Chevalier qui est alors le manager du groupe: choc culturel garanti!

Voir les commentaires

Printemps précoce (Soshun)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1956)

Printemps précoce (Soshun)

Dans la filmographie très cohérente de Yasujiro OZU, "Printemps précoce" se distingue par sa tonalité plus amère que douce. En effet c'est la morosité qui domine cet opus désenchanté que rien ne vient véritablement éclairer hormis deux ou trois scènes sur lesquelles je reviendrai. Morosité d'un quotidien sans perspectives, rythmé par une routine monotone et sans joie, tant dans le travail que dans un couple qui ne semble plus fonctionner que mécaniquement. Yasujiro OZU semble d'ailleurs renvoyer la tradition et la modernité dos à dos. Les conventions sociales sont montrées au travers de la crise que traverse le couple formé par Shoji et Masako. Ces deux-là semblent ne plus rien avoir à se dire depuis la mort de leur enfant (était-il donc leur seule raison d'être?) Lui semble fatigué, résigné et fuyant. Elle n'est qu'un bloc de reproche et de refus silencieux et s'est retirée en elle-même. Pourtant ils ont intégré l'un comme l'autre qu'ils sont condamnés à rester ensemble. Et contrairement à "Le Gout du riz au the vert" (1952), la réconciliation nous laisse, c'est le moins que l'on puisse dire, sur notre faim. Les conventions sociales sont également montrées dans leur hypocrisie au travers de la condamnation sans appel de l'adultère entre Shoji et Chiyo, la jeune secrétaire émancipée, condamnation scellée par une mutation pour Shoji qui a tout d'une mise au placard. De toutes façons, Shoji préfère la compagnie de ses anciens camarades de régiment ou de ses collègues masculins avec qui il peut jouer au mah-jong ou prendre des cuites ce qui en dit long sur une société restée très patriarcale et qui n'a pas tourné la page de la défaite. Sur le plan de la modernité, c'est le triomphe du "métro-boulot-dodo" avec sa cohorte de cols blancs de banlieue s'entassant le matin dans les mêmes trains avant de rejoindre les sempiternels mêmes bureaux pour des salaires faméliques sans espoir de promotion avec au bout du chemin, une retraite médiocre. Une vision très critique du second miracle japonais vu au travers des petites mains qui le soutiennent.

Quelques scènes viennent cependant apporter un peu de lumière à ce sombre tableau. Le personnage de Chiyo possède une fraîcheur comparable à celle de Setsuko dans "Le Gout du riz au the vert" (1952). Elle étonne même par l'expression franche de ses désirs (dont une scène de baiser qui préfigure celle de "Herbes flottantes") (1959) et apparaît comme l'une des seules personnes vivantes au milieu de tous ces gens éteints. Et puis en bon adepte qu'il est du bouddhisme zen, Yasujiro OZU fait dire par la bouche d'un collègue mourant de Shoji combien même la routine en apparence la plus ennuyeuse recèle de possibilités de bonheur si l'on sait où le chercher. Les plans de train en marche ou celui de l'aviron laissent entendre que l'écoulement du temps est inexorable et qu'il faudra bien avancer.

Voir les commentaires