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Articles avec #drame tag

Vertige d'un soir/La Peur

Publié le par Rosalie210

Viktor Tourjansky (1936)

Vertige d'un soir/La Peur

"La Peur" également connu sous le titre "Vertige d'un soir" est une adaptation française de la nouvelle de Stefan Zweig 18 ans avant celle de Roberto Rossellini avec Ingrid Bergman. Viktor Tourjansky le réalisateur d'origine ukrainienne fait partie des nombreux cinéastes ayant fui la Russie pour la France après la Révolution d'octobre 1917. Sa version, scénarisée par Joseph Kessel offre une esthétique typique des années 30 qui n'est pas sans rappeler par sa sophistication et ses intérieurs art déco le raffinement d'un Ernst Lubitsch. Ce rapprochement avec le cinéma d'Hollywood concerne aussi les acteurs, en particulier Charles Vanel dans le rôle du mari avocat à qui je trouve dans ce film des airs de Spencer Tracy. En revanche, Suzy Prim qui joue les maître-chanteuses possède une gouaille typiquement parisienne qui s'oppose en tout points à la classe bourgeoise de Gaby Morlay dans le rôle de l'épouse adultère terrorisée.

Le film, fidèle au livre, dissèque l'usure du couple dont l'épouse paye au prix fort sa passade en s'enfonçant dans le mensonge. Elle ne parvient plus à se dépêtrer de son amant qui la poursuit de ses assiduités et de sa logorrhée sentimentale puis tombe sous la coupe de la prétendue petite amie de celui-ci qui se met à la faire chanter. Tiraillée entre la peur et la culpabilité, prise au piège de sa condition sociale, de ses devoirs conjugaux et familiaux, Irène perd pied dans une mécanique infernale qui fait penser quelques décennies plus tard à celle de "La Victime". La fin dévoile les ressorts cachés de l'emprise qu'elle a subi et donne le vertige.

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Le Loup de Wall Street (The Wolf of Wall Street)

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (2013)

Le Loup de Wall Street (The Wolf of Wall Street)

Il y a sept ans, j'ai reçu en cadeau un coffret de onze films de Martin SCORSESE. Et pourtant ce n'est qu'aujourd'hui que je regarde "Le Loup de Wall Street" (2013) et je n'ai pas encore vu les deux autres de la même eau qu'il a réalisé avant, "Les Affranchis" (1990) et "Casino" (1995). Ce n'est clairement pas ma came si j'ose dire, ce grand cirque hyperactif et hyper-testostéroné même si dans "Le Loup de Wall Street", l'addiction au fric, au sexe et aux drogues ne s'accompagne pas d'un bain de sang. On reste entre cols blancs aux mains bien sales quoique blanchies en Suisse (merci à notre acteur frenchie, Jean DUJARDIN).

L'immersion dans la fuite en avant complètement déjantée d'un escroc de la haute finance ne manque pas d'intérêt. Jordan Belfort représente une version dévoyée et grotesque de la réussite du self made man et Martin SCORSESE s'avère toujours aussi doué pour croquer le portrait de l'inconscient américain. La forme frénétique épouse le fond du personnage, un bonimenteur sans scrupules que ses capacités de persuasion mènent au sommet du succès avec tous ceux qui acceptent de le suivre dans son délire de toute-puissance sur fond de revanche sociale. Le portrait de cette Amérique-là est fort juste, on y trouve tout ce qui caractérise ses pires travers: l'individualisme exacerbé nourri de darwinisme social (derrière les histoires édifiantes de pauvres femmes sorties du ruisseau grâce à lui, la jouissance de pouvoir "entuber" les autres), le culte du dieu dollar (il faut voir avec quel mépris Jordan traite tous ceux qui ne croulent pas sous le fric), le mode de vie ostentatoire et vulgaire qui en résulte, l'inconscience des ravages causés par ses actes, les excès en tous genres qui rappellent notamment ceux du "Scarface" (1983) de Brian DE PALMA avec l'alcool coulant à flot sur les montagnes de coke et de cachets tandis que l'adrénaline accumulée est déchargée dans les orgies de sexe qui servent de substitut aux fusillades, les femmes, toutes vénales ou presque étant ravalées au rang d'objets sexuels interchangeables. Leonardo DiCAPRIO est phénoménal dans le rôle principal par son abattage avec quelques scènes d'anthologie comme celle du téléphone.

Néanmoins 3h d'un tel barnum, c'est trop. Au bout d'une heure on a bien compris à qui on avait affaire et la répétition ad nauseam de ce schéma nous mène à l'épuisement pour ne pas dire à l'écoeurement. Il y a un problème d'équilibre dans le film. Car certes, Martin SCORSESE nous ramène parfois dans le monde réel, au détour de quelques scènes qui sont de loin celles que j'ai trouvé les plus intéressantes: celle où Jordan avoue dans un rare moment d'introspection que le loup le dévore de l'intérieur, celle où il bat sa femme et tente d'embarquer de force sa petite fille complètement terrorisée, celle dans laquelle l'agent du FBI prend le métro et regarde (et la caméra avec lui) la misère qui l'environne, celle dans laquelle Jordan est condamné par la justice. Mais ces moments sont trop rares pour dissiper l'impression que le réalisateur s'est laissé happer dans le tourbillon de la fascination pour son personnage et qu'il a eu bien du mal à redescendre. Du loup au vampire il n'y a qu'un pas et Martin SCORSESE m'a paru un peu trop "mordu".

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24 heures de la vie d'une femme

Publié le par Rosalie210

Laurent Bouhnik (2003)

24 heures de la vie d'une femme

Film inégal en raison de sa construction bancale. Sans doute que Laurent BOUHNIK a pensé que la nouvelle de Stefan Zweig ne suffirait pas à remplir un long-métrage et que son aspect daté allait donner au film un cachet suranné. Il en a conclu qu'il fallait donc ajouter une strate contemporaine à celles qui existaient déjà dans la nouvelle de Stefan Zweig. Seulement, ça ne marche pas aussi bien que dans "The Grand Budapest Hotel" (2014), hommage revendiqué de Wes ANDERSON à l'auteur de "Le Monde d'hier". Certes, le réalisateur-scénariste tente de tisser un système d'échos entre les différentes époques, à commencer par le lieu unique de l'histoire, Monte-Carlo, sa plage, son hôtel et son casino, la pluie qui s'abat sur les personnages et les trempe, un motif décoratif que l'on revoit etc. Le problème, c'est qu'il échoue sur l'essentiel: donner du sens à ce qu'il a rajouté. Le contraste est donc saisissant entre les scènes où jouent Michel SERRAULT et Berenice BEJO qui apparaissent artificielles, laborieuses et confuses et celles qui proviennent directement du texte de Zweig qui semblent couler de source et tiennent en haleine. A ce jeu des comparaisons, c'est Agnes JAOUI qui se taille la part du lion dans le rôle de Marie Collins Brown. "24 heures de la vie d'une femme" est l'histoire d'une double passion destructrice, l'une pour le jeu et l'autre pour le joueur. La description des symptômes de l'addiction à la roulette relève de la haute-couture et il en va de même des effets délétères de la folle passion que Marie se met à éprouver pour Anton qu'elle veut sauver à tout prix et malgré lui. Elle y perdra tout, comme au jeu. Entre les deux récits, celui de la Belle Epoque et celui du début des années 2000 vient se glisser celui de l'adultère et de sa condamnation morale et sociale qui provoque la confession de Marie en 1935 et dont Laurent BOUHNIK ne sait visiblement pas quoi faire. C'est ce segment-là qu'il aurait fallu étoffer en conservant l'idée des injonctions qui pèsent sur les femmes tout en les réactualisant peut-être quitte à déplacer temporellement toute l'histoire plutôt que de vouloir surcharger inutilement la barque avec une prose très mal inspirée.

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Lire Lolita à Téhéran (Reading Lolita in Tehran)

Publié le par Rosalie210

Eran Riklis (2025)

Lire Lolita à Téhéran (Reading Lolita in Tehran)

"Lolita", le roman de Nabokov qui fit longtemps l'objet d'une lecture complètement faussée par les fantasmes des amateurs de "nymphettes" pour reprendre les mots de Bernard Pivot est devenu aujourd'hui, par delà sa réappropriation féministe, un symbole de lutte contre l'obscurantisme et l'oppression. "Lire Lolita à Téhéran" est le livre autobiographique d'Azar Nafisi, une professeure iranienne de littérature anglophone revenue à Téhéran juste après la Révolution islamique de 1979 et qui après avoir vu ses illusions quant à la nature du nouveau régime brisées va durant près de 20 ans essayer de résister au système d'abord en enseignant à l'université puis en ouvrant un club de lecture à son domicile avec d'anciennes étudiantes. Une professeure charismatique et la littérature comme moyen d'émancipation, cela fait penser à "Le Cercle des poetes disparus" (1989) mais le fait de s'inscrire dans un combat contre l'obscurantisme religieux me rappelle davantage "Amal, Un esprit libre" (2023). Le salon comme fragile espace de liberté fait écho à plusieurs films iraniens récents tournés dans la clandestinité qui se sont fait à huis-clos dans une maison, un appartement ou un taxi. Sauf que celui-ci a été tourné en Italie par un réalisateur israélien, Eran RIKLIS et des actrices iraniennes en exil, de Golshifteh FARAHANI dans le rôle principal à Zar AMIR EBRAHIMI dans celui de l'une des étudiantes. Cet aspect hors-sol a dû jouer dans le fait que le film de Eran RIKLIS m'a semblé lisse et superficiel. La professeure est montrée comme une spectatrice plus qu'une actrice d'une Révolution dont les causes ne sont pas expliquées. Face à la théocratie "totalitarisante", elle oppose une nostalgie de la civilisation occidentale très naïve, notamment vis à vis des USA érigés en symbole de liberté alors que la situation actuelle nous rappelle combien l'impérialisme américain fit de ravages, notamment en Iran. Ce manque total de conscience politique et critique produit un manichéisme qui à l'heure actuelle apparaît d'autant plus inadéquat. Face à elle qui semble vivre dans une bulle, les étudiantes sont à peine esquissées et on ne sent jamais ni tension ni danger ni intensité contrairement aux vrais films iraniens. En prime, aucun effort n'est fait pour suggérer le passage du temps alors que l'histoire se déroule sur 25 ans.

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Mon inséparable

Publié le par Rosalie210

Anne-Sophie Bailly (2024)

Mon inséparable

 

Plutôt déçue par ce film que je voulais voir au cinéma parce que le thème m'intéressait. Enfin ce que je croyais être le thème principal au vu de la bande-annonce, l'histoire de l'émancipation "à retardement" d'un jeune homme handicapé trop couvé par sa mère, l'histoire de son désir de fonder une famille à lui en dépit d'une certaine réticence sociale. Or la mise en scène est impersonnelle tout comme le scénario qui brasse très large: le père biologique de Joël, évaporé on imagine peu après sa naissance et que l'on retrouve nanti d'une nouvelle famille dans lequel il n'y a pas de place ni pour lui ni pour Mona; la mère de Mona qui est en train de mourir alors même que Océane, la petite amie de Joël est enceinte; Mona enfin qui en "perdant" son fils se reconstruit une vie personnelle en un clic ou presque. Le film, j'imagine pour des raisons commerciales, n'est en effet pas construit autour de Joël et de sa petite amie mais autour de Mona, survalorisant la performance ostentatoire de Laure CALAMY qui est une fois de plus cantonnée au rôle de la quadragénaire débordée mais si héroïque que chacune de ses crises de colère, chacun de ses soupirs d'extase doit avoir droit à son gros plan. Les fans aimeront, les autres (dont je fait partie) frôleront vite l'overdose. Le film escamote notamment le sujet tabou (et pourtant bien plus intéressant) de la sexualité des handicapés au profit de scènes érotiques convenues autour du personnage de Mona. Charles PECCIA GALLETTO qui joue son fils et est lui-même atteint d'un léger handicap est très juste mais sous-exploité.

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Vanilla Sky

Publié le par Rosalie210

Cameron Crowe (2001)

Vanilla Sky

Je n'ai pas vu l'original, "Ouvre les yeux" (1997) donc il m'est impossible de comparer avec le film de Alejandro AMENABAR. L'histoire qui mélange le rêve et la réalité est assez confuse et m'a fait penser à un "remix" improbable entre "Au revoir la-haut" (2016), "Eternal Sunshine of the Spotless Mind" (2004) et "Matrix" (1998) avec un soupçon de thriller hitchcockien (la confusion entre la blonde et la brune) et de nombreuses allusions (superficielles) à la nouvelle vague française et aux classiques hollywoodiens ("Sabrina" (1954), "Du silence et des ombres" (1962) etc.) Le résultat est inégal. L'aspect thriller proprement dit ne m'a pas emballé, des personnages m'ont paru inutiles car mal amenés (celui joué par Kurt RUSSELL par exemple). En fait, outre quelques scènes spectaculaires comme celles de l'introduction qui montrent Time Square vidé de ses habitants où l'on hésite entre le surréalisme et la fiction dystopique, ce qui m'a le plus intéressé c'est le travail que Tom CRUISE effectue sur son image. On pourra penser qu'il s'agit d'un ego trip mais le visage étant le siège de l'identité, on peut dire que celle de Tom CRUISE devient un grand point d'interrogation tout au long du film. Entre l'héritier play-boy littéralement caricatural qu'il incarne au début mais qui est déjà traversé par un désir de sortir de sa vacuité jusqu'à la gueule cassée dont la démarche alourdie par le poids mort de l'un de ses bras rappelle celle de "Elephant Man" (1980) se trouvent toutes les scènes où il apparaît avec le visage recouvert d'un masque de cire, le coinçant dans un statut d'homme-enfant écrasé par le poids d'un père présent-absent à travers plusieurs avatars. Cette démultiplication donne à voir une personnalité à multiples facettes et en recherche d'identité que l'on retrouve dans d'autres de ses meilleurs films de "Eyes wide shut" (1999) (le masque, l'errance) à "Magnolia" (1999) (le rapport fils-père).

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Allons z'enfants

Publié le par Rosalie210

Yves Boisset (1981)

Allons z'enfants

C'est le deuxième film de Yves BOISSET que je revoie et je suis une fois de plus frappée par son aspect actuel. Alors que le film date de 1981 et que l'action se déroule dans la deuxième moitié des années trente, j'ai vu dans la reconstitution de ces instituts militaires des avatars de "Notre Dame de Bétharram" vivant en autarcie selon leurs propres règles, imperméables aux valeurs et aux lois républicaines. On comprend avec le film de Yves BOISSET le creuset d'où a pu sorti l'Affaire Dreyfus et Vichy avec en particulier la haine du Front Populaire. Surtout, les écoles militaires, comme les pensionnats religieux s'avèrent être les sanctuaires de la "pédagogie noire" dénoncée par Alice Miller, c'est à dire l'éducation à la dure destinée à forger, "des hommes, des vrais" ou à mater les fortes têtes. Si les violences sexuelles ne sont pas évoquées, époque oblige sans doute, le sadisme, la brutalité et la violence tiennent lieu de méthodes éducatives. Et lorsqu'il y a "bavure" c'est à dire mort d'homme, l'institution s'avère être une experte dans l'art du mensonge et du cynisme afin de protéger les coupables. La fin évoque même la "post-vérité", l'armée allant jusqu'à forger publiquement une biographie falsifiée destinée à transformer l'insoumis en héros de guerre. Mais le film de Yves BOISSET qui est l'adaptation du livre autobiographique de Yves Gibeau ne serait pas aussi fort sans son personnage principal, Simon Chalumot (joué par un jeune et bouleversant de sensibilité Lucas BELVAUX), artiste pacifiste et esprit indépendant épris de liberté et d'idéal brisé par le talon de fer d'un père autoritaire et vaniteux (joué par un Jean CARMET abonné chez Yves BOISSET aux rôles de salaud) qui l'enferme dans la servitude militaire pour assouvir par procuration ses propres ambitions. On a souvent écrit que Yves BOISSET versait dans la caricature mais si la galerie de crétins dégénérés qui asservissent et brutalisent Simon peut le faire penser (Jean-Francois STEVENIN et Jean-Claude DREYFUS s'en donnent d'ailleurs à coeur joie), c'est aussi le courage du réalisateur qu'il faut souligner car l'armée n'a guère aimé le projet (euphémisme) et a tout fait pour lui mettre des bâtons dans les roues.

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La Classe de neige

Publié le par Rosalie210

Claude Miller (1998)

La Classe de neige

Il est arrivé parfois à Claude MILLER de rater son pari. C'est le cas ici. Autant "Mortelle randonnee" (1982) ou "Betty Fisher et autres histoires" (2001) pouvaient se permettre tous les délires romanesques parce qu'ils nous tenaient en haleine et sonnaient vrai autant celui-ci est lourd, brouillon et sans vie. Tout repose ou presque sur un enfant perturbé vivant dans une famille qui le surprotège. Cela aurait largement suffi comme point de départ. Mais Claude MILLER charge le père de toutes les tares. Dépressif, angoissé, paranoïaque passe encore. Mais en faire un psychopathe fait perdre tout intérêt à la fantasmagorie morbide qui habite son fils puisque ce sont en réalité des faits commis par son père. De plus ces fantasmes s'accumulent dans le film en un fatras indigeste qui envahit le scénario au détriment de la dramaturgie, du rythme et de la vérité des êtres. Ainsi l'enfant qui est au centre le l'histoire, Nicolas est figé dans une posture apathique durant tout le film et n'est jamais relié à son environnement (la classe de neige) qu'il regarde la plupart du temps derrière une vitre. La justification de ce retrait du monde (cauchemars, énurésie, poussée de fièvre puis toxicité du père) ne tient pas la route car elle aurait dû l'empêcher de participer à ce voyage ou l'emmener à l'infirmerie ce qui n'est pas le cas parce que sinon, il n'y a plus de film. Ce n'est pas une attitude d'enfant et c'est très étonnant de la part de Claude MILLER qui dans plusieurs de ses films a su croquer cette période de la vie avec justesse. Sans doute a-t-il voulu marier des éléments qui ne vont pas ensemble et se neutralisent mutuellement. Sans doute a-t-il voulu dépeindre un enfant abusé mais en faire le support d'un thriller glacé relève du mauvais goût.

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Le Juge Fayard dit "Le Sheriff"

Publié le par Rosalie210

Yves Boisset (1976)

Le Juge Fayard dit "Le Sheriff"

Un film comme "Le Juge Fayard dit 'Le Sheriff'"(1976) qui s'inspire de l'assassinat du juge Renaud en 1975 frappe par ses similitudes avec le monde d'aujourd'hui. Certes, le contexte n'est pas le même mais les magistrats qui "remuent la merde" en enquêtant sur la corruption des hommes politiques et leur collusion avec la pègre (ou avec des dictatures peu recommandables mais pleines aux as) se heurtent aux mêmes accusations, intimidations et menaces. Ainsi, au fur et à mesure que le film se déroule, le juge Fayard remonte toute une filière dont la base est le gang des lyonnais et le sommet, des membres du gouvernement, du monde des affaires et de la magistrature avec comme intermédiaire le SAC, une police parallèle gaulliste occulte créée en 1959 dans le contexte de la guerre d'Algérie et que Yves BOISSET montre comme une machine à recycler truands et terroristes*. Il y est question de grosses sommes d'argent dérobées lors de braquages avant d'être blanchies en Suisse, d'évasions de gros bonnets, de taupes infiltrées dans tous les rouages de l'Etat, rendant celui-ci inefficace dans la traque des truands. Face à ce système sans doute très caricaturé (la facilité de l'évasion par exemple me laisse perplexe, de même que la façon de mettre dans le même "SAC" l'ensemble des élites du pouvoir et de l'argent), le juge Fayard apparaît comme un Don Quichotte des temps modernes, intègre et idéaliste et donc bien seul quoiqu'épaulé par un flic (Philippe LEOTARD) et discrètement un autre juge d'instruction, Jacques Steiner (joué par Jacques SPIESSER), lequel vient titiller le trop pusillanime procureur (Jean BOUISE). Quant à Fayard, il bénéficie de l'interprétation si singulière de Patrick DEWAERE qui donnait à tous ses rôles un supplément d'âme.

* La mention de l'organisation a d'ailleurs été censurée dans le film de sa sortie en 1977 jusqu'à la dissolution du SAC après l'élection de François Mitterrand.

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Aguirre, la colère de Dieu (Aguirre der zorn Gottes)

Publié le par Rosalie210

Werner Herzog (1972)

Aguirre, la colère de Dieu (Aguirre der zorn Gottes)

Quand la nature façonne un film et dicte son scénario, cela donne cet extraordinaire film qu'est "Aguirre, la colère de Dieu", librement inspiré de faits historiques réels*. Un film que l'on peut résumer en un affrontement entre un chef ivre de toute-puissance, d'or et de sang et une nature écrasante dans laquelle lui et ses hommes sont ravalés à l'état d'insectes. De la première scène à flanc de montagne où serpente une interminable colonie de soldats espagnols et d'esclaves indiens avançant péniblement dans la boue comme des fourmis à la dernière sur un radeau qui prend l'eau envahi par des cohortes de petits singes, le film prend l'allure d'une fable pleine d'ironie sur la vanité humaine. Celle de prétendus conquistadors réduits à l'état d'épaves subissant un environnement hostile qui décide à leur place exactement comme les incidents réels liés à l'imprévisibilité de la nature ont infléchi la trajectoire du film, tels ces impressionnants rapides qui ont pris au piège l'un des radeaux ou la brusque montée des eaux qui a emporté une partie du matériel du tournage. Cette primauté donnée à la nature ainsi que l'escamotage systématique des scènes d'action par le montage donnent une image d'impuissance qui fait méditer sur le mythe de l'Eldorado qui aurait été créé pour que la soif d'or insatiable des espagnols les entraîne vers leur propre perte, pas seulement individuelle mais civilisationnelle (c'est, je le crois la raison de la présence de femmes à bord en tenue de cour contre toute vraisemblance historique ainsi que le fantasme incestueux d'Aguirre). Klaus Kinski, acteur complètement habité par la folie incarne à merveille l'ego surdimensionné et ridicule de leur chef, Aguirre qui fait tirer au canon sur des ennemis invisibles qui l'assaillent de tous côtés en prétendant que le monde est à lui alors que son pauvre radeau se délite sous ses pieds. 10 ans plus tard, le duo infernal formé par Werner Herzog et son acteur "fétiche" avec lequel il entretenait des rapports houleux allait accoucher d'un autre chef-d'oeuvre de démesure dans la jungle, "Fitzcarraldo".

* De l’histoire d’Aguirre telle qu’elle s’est déroulée, seule l’expédition pour trouver l’Eldorado, le nom des personnages principaux, la rébellion contre Pedro de Ursúa et le sécession de la couronne d’Espagne sont attestés, le vrai Aguirre a survécu à la jungle, a descendu tout l’Amazone jusqu’à son embouchure, a remonté l’Atlantique jusqu’au Venezuela actuel où il s’est emparé de l’île Margarita avant que l’Espagne réagisse, incite les troupes d’Aguirre à faire défection, capture le conquistador et le supplicie. 

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