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Articles avec #drame tag

Larry Flynt (The People VS. Larry Flynt)

Publié le par Rosalie210

Milos Forman (1996)

Larry Flynt  (The People VS. Larry Flynt)

"On refait toujours le même film" disait Jean Renoir. C'est particulièrement frappant dans le cas de Milos Forman. Ses films sont pour la plupart centrés sur des personnages masculins de fiction (Mc Murphy, Coalhouse Walker Junior) ou ayant réellement existé (Amadeus, Larry Flynt, Andy Kaufman). Des mauvais garçons charismatiques, provocateurs, showmen (plusieurs sont artistes) luttant le plus souvent pour la liberté d'expression ou le respect de leurs droits fondamentaux contre un système tyrannique. Ces leaders quelle que soit la noblesse de leur cause sont très imbus d'eux-même, manipulateurs et parfois grossiers. Néanmoins ils finissent tous par devenir des personnages christiques en se sacrifiant pour leur cause.

Larry Flynt est emblématique de ce type de personnage et parcours. La célèbre et polémique affiche qui le montre crucifié sur un ventre féminin en string avec pour seul vêtement un drapeau américain ainsi que celle moins sulfureuse qui le montre baillonné avec ce même drapeau dit tout.

Larry est en effet au départ un type plutôt minable, tenancier d'une boîte de strip-tease qui va avoir une idée de génie: créer Hustler un magazine concurrent de Playboy sans la caution "porno chic et bon teint" de celui-ci". Ce simple magazine va déchaîner les passions et confronter Larry à l'intégrisme religieux mais aussi au déferlement de haine raciste (car son magazine abolit toutes les barrières du bon goût de l'époque, y compris celle des "races.") C'est pourquoi son avocat très BCBG (Edward Norton) le défend bec et ongles y compris contre lui-même. Il dit en substance "je n'aime pas ce que vous dites mais je me battrai pour que vous puissiez le dire." On ne peut que penser à Charlie Hebdo où le débat sur la liberté d'expression a croisé la violence et le terrorisme (Flynt a été victime d'un serial killer suprémaciste blanc et la rédaction de Charlie Hebdo de deux islamistes fanatiques).

A noter que le véritable Larry Flynt fait une apparition dans le film où il joue...le juge de Larry Flynt!

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Les Ombres du coeur (Shadowlands)

Publié le par Rosalie210

Richard Attenborough (1993)

Les Ombres du coeur  (Shadowlands)

Les Ombres du coeur est un film qui m'a fascinée dès le premier visionnage et continue depuis à me fasciner. Il est en effet traversé de mouvements contradictoires. D'un côté Attenborough s'attache d'une façon parfois un peu pesante et académique (mais pourquoi pas après tout au vu du sujet?) à retranscrire les rites, les fêtes et les moeurs du microcosme oxfordien des années 50 où d'austères professeurs célibataires endurcis cultivaient à la fois l'art des Belles Lettres et celui de la misogynie. D'autre part, tel un chien fou dans un jeu de quilles, il y jette avec une certaine délectation une jeune écrivaine moderne, juive, américaine, communiste et qui n'a pas la langue dans sa poche. Choc des cultures garanti qui donne lieu à des scènes savoureuses comme celle où elle remet à sa place un professeur particulièrement goujat.

Néanmoins l'essentiel du film -inspiré de la véritable histoire de C.S Lewis et Joy Gresham- se situe sur un plan beaucoup plus intimiste. Joy ne fréquente pas Oxford pour le plaisir des joutes oratoires mais parce qu'elle veut rencontrer en personne l'écrivain avec lequel elle entretient une correspondance depuis deux ans et qu'elle admire. Vieux garçon puritain et fervent croyant, vivant avec son frère dans une relation vaguement incestueuse, C.S Lewis est à priori aux antipodes de Joy mais leur confrontation, parfois houleuse finit par porter ses fruits.

Lewis s'avère bloqué dans son développement par le traumatisme de la mort de sa mère lorsqu'il était enfant et dont il ne s'est jamais remis. C'est pourquoi bien qu'il ne connaisse rien aux enfants il est capable d'écrire des récits pour la jeunesse (Les chroniques de Narnia) car il est resté lui-même un enfant. D'autre part il s'est construit une bulle et une carapace qui le mettent à l'abri de tout risque émotionnel "vous vous êtes construit une vie où vous êtes intouchable." Le comble du mensonge étant ses nombreuses conférences où il évoque le pouvoir rédempteur de la souffrance alors qu'il s'est blindé contre elle. Sa rencontre avec Joy ("Joie") provoque un tsunami dans sa vie. Il va longtemps lui résister et nier ses sentiments mais la maladie de Joy finit par lui ouvrir les yeux et lui faire comprendre qu'il doit se déclarer avant qu'il ne soit trop tard. C'est ainsi qu'en quelques mois, il va traverser toutes les émotions qu'il avait refusé de vivre, de la joie la plus intense à la douleur la plus cruelle "la peine qui nous attend fait partie de notre bonheur d'aujourd'hui. C'est la règle du jeu". Grâce à Joy, Lewis parvient au terme de son cheminement à continuer à aimer, même par delà la mort de sa femme.

Antony Hopkins était alors au sommet de sa carrière cinématographique. En effet son rôle de C.S Lewis est contemporain des deux autres grands rôles romantiques qui ont fait sa gloire: Hannibal Lecter (Le silence des agneaux) et le majordome Stevens (Les vestiges du jour). Quant à Debra Winger, elle est parfaite en maîtresse femme la fois incisive et douce.

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Les fils de l'homme (Children of Men)

Publié le par Rosalie210

Alfonso Cuaron (2006)

Les fils de l'homme (Children of Men)

Les fils de l'homme est moins un film de SF qu'un film très contemporain sur les angoisses liées à l'avenir de l'humanité. Le portrait de Londres en 2027 extrapole à partir des problèmes actuels des métropoles des pays développés: terrorisme (islamiste), catastrophe nucléaire, pollution et épuisement des ressources, lutte contre l'immigration, crise des réfugiés politiques et climatiques, chute de la fécondité (qui atteint dans le film le niveau 0). On pense notamment au Japon qui refuse l'immigration, a un des taux de fécondité parmi les plus faibles du monde et est confronté aux conséquences de Fukushima. Dans le film d'un côté il y a l'Angleterre (une île également) qui est le seul Etat qui fonctionne encore et de l'autre le reste du monde qui est plongé en plein chaos. Mais l'Angleterre de 2027 s'apparente en partie à l'Etat nazi avec un régime totalitaire et policier qui persécute les immigrés et en partie à la Bosnie des années 90 ou au Liban des années 70-80 avec une atmosphère de guérilla urbaine menée par les groupes extrémistes. Dans un contexte où il n'y a pas eu de naissances depuis 18 ans, l'enfant à naître d'une jeune fille enceinte devient un enjeu politique, convoité par les deux camps.

Alfonso Cuaron choisit deux approches diamétralement opposées pour traiter de cette histoire apocalyptique. D'une part une approche réaliste s'apparentant au documentaire avec une caméra à l'épaule et de longs plans-séquences immersifs qui plongent le spectateur au coeur de la guerre, d'une course-poursuite en voiture où d'un accouchement dans les pires conditions possibles. Il avoue s'être inspiré de la bataille d'Alger pour les séquences de guérilla urbaine, un film référence en la matière. De l'autre un sous-texte religieux avec les maux qui frappent l'humanité et s'apparentent à une punition divine, une jeune femme qui révèle sa grossesse dans une étable, la naissance d'un enfant-sauveur (Jésus dans les Evangiles est surnommé "le fils de l'homme") devant lequel les soldats s'agenouillent et font le signe de croix, un protecteur dont le prénom Théo signifie en grec "Dieu", un navire "tomorrow" qui devient une nouvelle arche de noé, une femme qui tient son fils dans ses bras comme une piéta sans parler de la fin où la mère et l'enfant sont sauvés des eaux alors que le protecteur meurt en s'étant racheté (l'enfant portera le prénom de son propre fils défunt).

L'enfant étant noir, le message est clair: l'origine de l'humanité se trouve en Afrique mais l'avenir aussi (au vu des perspectives démographiques). Persécuter les immigrés et réfugiés revient à s'auto-détruire.

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Du silence et des ombres (To Kill a Mockingbird)

Publié le par Rosalie210

Robert Mulligan (1962)

Du silence et des ombres (To Kill a Mockingbird)

Ce très beau film de Robert Mulligan célèbre aux USA mais longtemps méconnu en France est une adaptation du roman de Harper Lee Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur (To Kill a Mockingbird en VO, prix Pulitzer 1961) qui signifie "ne tirez pas sur les innocents". Les innocents se sont les enfants et plus généralement les boucs-émissaires: Tom Robinson, Boo Radley et Atticus Finch.

Le film est à mi-chemin entre chronique réaliste et conte fantastique. L'ambiance expressionniste proche de celle de la Nuit du chasseur nous plonge au coeur des peurs enfantines tout en jetant une lumière crue sur Maycomb, une petite ville d'Alabama durant les années 30 où sévit la ségrégation (le roman et le film sont sortis au début des années 60 au moment de la lutte pour les droits civiques des noirs). Atticus Finch, un avocat intègre et (trop) clairvoyant décide de défendre Tom Robinson, un noir accusé d'avoir violé une blanche (l'obsession des racistes américains). Il découvre la vérité et il l'expose durant le procès. Cela n'empêche nullement Tom d'être condamné mais Bob Ewell, le malfaisant père de la jeune fille violée décide de se venger d'Atticus en s'en prenant à ses enfants, Jem et Scout. Ceux-ci sont par ailleurs fascinés par le soi-disant croquemitaine de la ville, un fantôme qui ne sort jamais de chez lui et qu'ils ont surnommé "Boo". Sans qu'ils le sachent, celui-ci leur fait des cadeaux et veille sur eux. Enfin l'ami des enfants d'Atticus, Dill est inspiré de Truman Capote qui était un ami d'enfance d'Harper Lee.

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La nuit du chasseur (The Night of the Hunter)

Publié le par Rosalie210

Charles Laughton (1955)

La nuit du chasseur (The Night of the Hunter)

La nuit du chasseur est un conte cruel truffé de références bibliques et doté d'un riche sous-texte psychanalytique. Dans un monde où la civilisation s'est effondrée suite à la crise de 1929, deux enfants livrés à eux même sont contraints de retourner à la nature pour échapper aux griffes d'un terrifiant prédateur humain. Les références à M le Maudit et l'expressionnisme allemand avec l'ombre portée du pasteur sur les enfants, les symboles phalliques (couteau, locomotive) ne laissent aucun doute: il s'agit d'un prédateur sexuel (l'argent servant de substitut).

Aucun adulte ne semble en mesure de protéger les enfants. Le pasteur est un substitut du père biologique. Ce dernier a en effet violé psychologiquement ses enfants en déchargeant le fruit de son crime sur eux. Il dissimule l'argent volé (que l'on peut associer au sperme) dans le ventre de la poupée de sa fille et contraint son fils au silence. Un silence qu'il est pourtant incapable de garder devant le pasteur, le lançant ainsi aux trousses des enfants, tel un passage de relai puisque lui-même est condamné à la potence. Le pasteur est donc une version grotesque, monstrueuse, sanguinaire du père. Il n'est pas étonnant dans ces conditions que John, le petit garçon, se tienne le ventre de douleur lorsqu'il assiste à l'arrestation de son père puis à celle du pasteur où il se délivre enfin de son terrible secret (les billets s'échappant de la poupée.)

Face au pasteur, la mère s'avère tout aussi défaillante. Elle se laisse séduire puis détruire sans lever le petit doigt, passive et impuissante. Les autres adultes (voisins, amis) se laissent tout aussi facilement abuser quand ils ne sont pas abrutis par l'alcool ou en proie à des pulsions perverses (sexualité vécue par procuration à travers la veuve). Les enfants n'ont d'autre choix que de fuir pour sauver leur peau et leur âme et d'errer dans la nature jusqu'à ce qu'ils rencontrent enfin Rachel Cooper, l'adulte salvateur capable de les protéger face au monstre. Rachel est le double inversé de Harry Powell sa foi religieuse n'est qu'amour et compassion face à la haine et au fanatisme des discours du pasteur. Ils sont liés dans l'âme humaine telles les mains tatouées de ce dernier, telle la scène où ils chantent des versions différentes du même cantique alors que le pasteur assiège la maison-refuge de la vieille dame et que celle-ci veille, sa carabine à la main.

La présence de Lilian Gish est un hommage au père du cinéma américain D.W. Griffith et à l'art du muet dont le film est imprégné. L'esthétique, sublimée par le chef opérateur Stanley Cortez marque les esprits avec un jeu d'ombres et de lumières d'une grande beauté et puissance expressive. Par bien des aspects la nuit du chasseur s'apparente à un rêve ou à un cauchemar.

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Naissance d'une nation (The Birth of a Nation)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1915)

Naissance d'une nation (The Birth of a Nation)

Considéré hier comme aujourd'hui comme le film matriciel de l'histoire du cinéma, cette fresque suscite le malaise en mélangeant reconstitution historique et vision occidentale du monde (messianique, christique, utopiste, raciste). En effet ce qu'il nous montre surtout c'est l'utopie de l'union des blancs (symbolisée par les mariages entre nordistes et sudistes) contre un bouc-émissaire: le monde noir, montré comme extérieur à la nation américaine. Une scène retirée au montage devait d'ailleurs montrer les anciens esclaves re-déportés en Afrique. Cette vision excède largement le racisme historiquement daté du livre de Thomas Dixon "The Clansman" dont le film est une adaptation. Obsédé par la pureté raciale, Thomas Dixon a une phobie du métissage que l'on retrouve dans le film où les mariages mixtes sont dépeints comme le mal absolu et où le noir fait figure de violeur en puissance de la virginité blanche. Il faut dire que la société esclavagiste et ségrégationniste des USA considérait qu'une seule goutte de sang noir faisait de vous un noir d'où la haine que suscitent les mulâtres, les personnages les plus négatifs du film. De même le KKK est une armée de chevaliers blancs bardé de rouge (défense de la pureté du sang blanc). Si ce racisme biologique a pris du plomb dans l'aile depuis la Shoah, ce n'est pas le cas du racisme historique. Il est encore largement répandu de nos jours dans nos sociétés post-coloniales (comme le montre le discours de Dakar de Sarkozy selon lequel "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire") et explique en partie la tolérance bienveillante que continue à susciter le film dont les noirs sont en réalité absents (car ce sont des blancs maquillés de noir qui jouent les rôles de premier plan). Les films pro-nazis de Léni Riefensthal qui présentent bien des points communs avec l'oeuvre de Griffith ne bénéficient pas d'une telle mansuétude. Pourtant ils allient les mêmes qualités cinématographiques (ce sont des chefs d'oeuvre artistiques) à une propagande idéologique à caractère racial. Le tout a assez de force pour séduire c'est à dire manipuler les émotions du spectateur.

Griffith voulait faire un film moins historique qu'allégorique c'est à dire hors du temps. Le problème est qu'au final il manipule l'histoire et les émotions du spectateur contraint de prendre fait et cause pour ces pauvres blancs opprimés par ces méchants noirs, et fait oeuvre de propagande en désignant une communauté opprimée comme étant l'incarnation du mal. Son film a notamment encouragé la renaissance du KKK en 1915.

Comme le dit Pierre Berthomieu dans son analyse des films de Zemeckis (qui détourne les images de chevauchée du KKK de naissance d'une nation dans Forrest Gump, autre fresque dans laquelle l'Amérique s'est reconnue mais qui elle donne la première place aux minorités) "aucune image n'est innocente." De fait naissance d'une nation est celui de la nation blanche la plus intolérante, une représentation que les USA se font d'eux-même qui occulte tout ce qu'ils doivent aux autres communautés. 

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La bataille d'Alger (La battaglia di Algeri)

Publié le par Rosalie210

Gillo Pontecorvo (1966)

La bataille d'Alger (La battaglia di Algeri)

Réalisé en 1965 par Gillo Pontecorvo, un cinéaste et journaliste italien, Lion d'or à Venise en 1966, La bataille d'Alger fut censurée en France jusqu'en 2004. En effet il fallu attendre 1999 pour que le mot de guerre soit officiellement employé pour qualifier les "événements" de cette période. Tourné trois ans seulement après la fin de la guerre, le film se focalise sur un épisode célèbre, celui de la bataille d'Alger de 1957 à travers le parcours de l'un des chefs de la guerilla urbaine du FLN, Ali la Pointe.

Le film possède une valeur documentaire absolument saisissante. Tourné pour l'essentiel sur les lieux mêmes des événements c'est à dire dans la Casbah d'Alger ainsi que dans les anciens quartiers européens de la ville, il revient sur les origines du conflit entre les descendants de colons européens et les musulmans. Il retranscrit fidèlement la montée de la violence avec une succession de cycles attentats-représailles toujours plus meurtriers. Impartial, il souligne la responsabilité des deux camps dans cet engrenage. Puis il s'attache à montrer avec réalisme et minutie les méthodes répressives menée par l'armée française et plus précisément dans le cas d'Alger, par le 10° régiment des parachutistes dirigés par le colonel Mathieu (inspiré du colonel Bigeard). C'est pourquoi d'ailleurs les écoles militaires US utiliseront le film dans leurs propres guerres asymétriques pour lutter contre la guérilla au Vietnam ou en Amérique latine. Enfin il évoque le rôle joué par l'ONU qui choisit de rester neutre dans le conflit ainsi que par les journalistes et les intellectuels, notamment Jean-Paul Sartre.

A noter que la musique du film composée par Ennio Morricone a été réemployée notamment par Tarantino dans l'une des premières séquences d'Inglorious Basterds.

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La vie des autres (Das Leben der Anderen)

Publié le par Rosalie210

Florian Henckel von Donnersmarck (2006)

La vie des autres (Das Leben der Anderen)

La vie des autres s'appuie sur un solide substrat historique et reconstitue avec précision la mise au pas des élites intellectuelles en RDA dans les années 80 par les dirigeants et leur police politique secrète la stasi (mise sur écoute, interdiction d'exercer leur art, de voyager, emprisonnement, tortures, "suicides", chantage à la délation sur l'entourage...) Il montre de façon tout aussi convaincante les conséquences de la chute du mur avec l'ouverture des archives de la stasi et la redécouverte par les allemands de l'est de tout un pan méconnu de leur passé.

Néanmoins, le film sait s'écarter de la véracité historique au profit du romanesque lorsqu'il s'agit de raconter le basculement d'un vaillant petit soldat de la stasi. Wiesler (le dernier rôle du formidable Ulrich Mühe) terrifiant robot obsédé par l'efficacité de ses méthodes répressives est brusquement arraché à son inhumanité par son écoute quotidienne de la vie d'un écrivain, Georg Dreyman (Sebastian Koch). Il est bouleversé à la fois par son amour pour sa compagne Christa Maria Sieland (Martina Gedeck) et par son talent d'artiste et devient son ange gardien. Son évolution psychologique (du réflexe conditionné aux retour du libre-arbitre et aux élans du coeur) est analysée avec beaucoup de finesse et son double jeu est jubilatoire pour le spectateur.

Le supérieur de Wiesler, le carriériste et cynique Grubitz joué par Ulrich Tukur s'oppose en tous points à son subordonné, qui comme Dreyman est un idéaliste déçu par ce qu'il découvre du fonctionnement réel de la RDA (à savoir le fait qu'il surveille Dreyman sur ordre du "camarade ministre" qui veut se débarrasser de lui pour s'emparer de sa petite amie). Dans Amen de Costa-Gavras Mühe et Tukur jouaient deux nazis mais Mühe était au-dessus de Tukur et il était du côté du mal alors que Tukur était l'idéaliste du côté du bien.

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Ragtime

Publié le par Rosalie210

Milos Forman (1981)

Ragtime

Film historique se déroulant au début du XX° siècle aux USA, Ragtime est l'un des opus les moins connus de Milos Forman. Il mérite cependant d'être (re)découvert. Bien que polyphonique, le film se concentre sur un jeune pianiste noir, Coalhouse Walker Junior. Il aspire à réussir socialement mais son destin se transforme après une agression raciste en descente aux enfers. De façon édifiante, Milos Forman montre que les dés sont pipés et que le rêve américain est fermé aux noirs. Walker est un homme méritant dont les signes extérieurs d'embourgeoisement (symbolisés par sa voiture) déclenchent la jalousie et la haine des "petits blancs" incarnés par les pompiers. A toutes ses demandes de réparation, les institutions dominées par les blancs opposent une fin de non recevoir. On lui demande de ravaler sa fierté et de se soumettre ce qu'il refuse. Ayant épuisé tous les moyens légaux, il ne lui reste plus que la violence pour se faire entendre et restaurer sa dignité bafouée.
Autour de Walker gravitent toute une série de personnages plus ou moins liés à lui. Une famille bourgeoise qui recueille sa femme et son fils et dont l'un des membres épouse sa cause au point de lui apprendre à fabriquer des explosifs et de rejoindre sa bande, grimé en noir. Une starlette prête à tout pour réussir. Un juif immigré d'Europe de l'est qui veut devenir cinéaste etc.

A noter la présence de
Samuel L. JACKSON dans un petit rôle et d'Elisabeth Mac Govern, la Cora de Downton Abbey qui avait tout juste 20 ans.

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Interstellar

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2014)

Interstellar

Interstellar qui s'inscrit clairement dans la lignée de 2001 l'Odyssée de l'espace tout en recyclant les obsessions géométriques de Christopher Nolan réussit à instruire tout en réenchantant l'exploration spatiale. Le film s'appuie sur les travaux de l'astrophysicien Kip Thorne et s'avère visionnaire sur les dernières découvertes concernant la théorie de la relativité. J'ai récemment assisté à une conférence de vulgarisation sur le sujet au Palais de la découverte et pour illustrer le phénomène des trous noirs (dont on vient de prouver l'existence grâce à des appareils capables de capter les ondes gravitationnelles qu'ils émettent), il y avait une photo de Gargantua, celui que l'on voit dans Interstellar (trou noir qui illustre également nombre de revues spécialisées).

D'autre part le film rappelle qu'il n'y a pas que la lumière et les ondes gravitationnelles qui sont capables de franchir le vide intersidéral, il y a aussi l'amour. Le lien très fort qui unit Cooper et sa fille Murphy par-delà l'espace et le temps est ce qui sauve au final l'humanité. Et la puissance de cet amour filial est un nouvel hommage au génial théoricien de la relativité, Albert Einstein. Ce dernier avait en effet écrit à sa fille une lettre qui disait en substance:
"Il y a une force extrêmement puissante pour qui jusqu’à présent, la science n’a pas trouvé une explication officielle. C’est une force qui comprend et régit toutes les autres et est même derrière tout phénomène qu’elle opère dans l’univers et qui a été identifié par nos soins. Cette force universelle est l’Amour.
Lorsque les scientifiques étaient à la recherche d’une théorie unifiée de l’univers, ils ont oublié la plus invisible et la plus puissante des forces: L’Amour est Lumière, parce qu’il éclaire celui qui s’y donne et la reçoit. L’Amour est gravité, car elle rend certaines personnes attirées par l’autre. L’Amour est la puissance, car elle démultiplie la meilleure chose que nous ayons et permet que l’humanité ne s’éteigne pas dans son égoïsme aveugle. L’Amour révèle et se révèle. Par l’Amour, meurt et vit. L’Amour est Dieu, et Dieu est Amour".

Les allusions religieuses d'Interstellar (vaisseau arche de noé, héros nouveaux Adam et Eve pouvant vivre plusieurs centaines d'années, puissance de l'amour) sont donc profondément fidèles à la vision d'Einstein et rappellent que la science sans humanité n'a pas de sens. Les critiques français qui dénoncent la dimension religieuse des films de SF américains sont donc complètement à côté de la plaque (c'est d'ailleurs sans doute pour cela que nous sommes incapables de réaliser un film de ce genre).

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