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Articles avec #drame tag

Le fils de Saul (Saul fia)

Publié le par Rosalie210

László Nemes (2015)

Le fils de Saul (Saul fia)

Sur le plan esthétique, le fils de Saul est dans ses premières minutes un choc visuel et surtout auditif. En jouant sur le flou de l'arrière-plan historique et le net de la fiction focalisée sur Saul tout en suggérant l'horreur par une bande-son très riche (ordres aboyés, cris, coups de feu...) le réalisateur met en place un dispositif immersif qui fonctionne sur quelques scènes: la première séquence de gazage et de crémation, vraiment puissante et celle des fosses en particulier. Mais le problème est que rapidement ce dispositif tourne à l'exercice de style un peu vain. L'aspect documentaire du film est flouté et trop à l'arrière-plan pour permettre au néophyte d'y comprendre quoi que ce soit alors que la fiction est d'une totale vacuité. Les personnages sont tous des pantins et malgré les intentions du réalisateur les motivations de Saul laissent de marbre. Sur le papier vouloir à toutes forces enterrer un enfant pour lui donner une sépulture digne (selon les croyances juives) peut séduire mais dans le film, cette idée plus cérébrale qu'autre chose ne marche jamais. D'autant qu'en dépit du titre, il n'existe aucun lien d'aucune sorte entre l'enfant et Saul qui l'a choisi juste parce qu'il a survécu quelques minutes après le gazage. Rajouter du macabre sur du macabre n'a jamais produit d'étincelle. Et l'on retrouve au final un tic agaçant de notre époque, la caméra à l'épaule qui à force de coller aux basques du personnage (façon frères Dardenne) et de nous boucher la vue finit par ressembler à un dispositif de jeu vidéo. L'imposture du film est particulièrement perceptible devant les corps bien portants des prisonniers, Saul en premier lieu. Très crédible, effectivement!

Les pistes intéressantes ne manquaient pas pourtant. La révolte des sonderkommando, évoquée vaguement en arrière-plan en était une. Mais le réalisateur qui a pourtant visiblement lu Des voix sous la cendre (les témoignages des sonderkommando enterrés près des crématorium et retrouvés après la guerre) est incapable de construire un vrai film de résistance. L'exemple des photos de crémation prises clandestinement en témoigne. Cet élément narratif noyé dans le brouillard comme les autres et abandonné très vite aurait pu être un fil directeur. Expliciter leur enjeu comme preuve du génocide alors que les nazis voulaient en effacer toutes les traces. Montrer comment elles étaient sorties du camp et avaient été rendues publiques. Comment aujourd'hui elles servent de référence à Auschwitz même. Mais rien dans ce film n'est creusé ni sur le plan historique, ni sur le plan mémoriel, ni sur le plan humain. Le réalisateur s'est contenté de jeter de la poudre aux yeux ce qui a suffi pour Cannes mais ne résiste pas à un examen un peu plus poussé.

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A nos amours

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1983)

A nos amours

En 1975, Pialat demanda à sa femme, Arlette Langmann, d'écrire un film sur ses souvenirs de jeunesse. Fille de fourreurs, elle avait un frère assez spécial, Claude Langmann devenu par la suite cinéaste et producteur sous le nom de Claude Berri. En 1978, Pialat réalisa Passe ton bac d'abord, tiré de ce canevas. Puis il écrivit Suzanne mais il n'obtint pas les crédits car il ressemblait trop à son précédent film. Il décida alors de privilégier les rapports familiaux et de mettre la fille au milieu, les garçons restant périphériques. Dominique Besnehard alors directeur de casting essaya de choisir un acteur pour le frère mais Pialat décréta que cela faisait trop "cinoche" (mauvais cinéma) et choisit Besnehard lui-même. Il aimait les "natures" qui existent et rayonnent spontanément ce qu'incarne parfaitement le choix de Sandrine Bonnaire (venue initialement accompagner sa soeur au casting) avec qui le lien de confiance fut immédiat. Pialat choisit de jouer lui-même le père. La seule actrice professionnelle du casting fut Evelyne Ker qui vécu d'autant plus mal la situation qu'elle était malade au moment du tournage.
Bonnaire était si moderne que Pialat décida de situer son film en 1983 (date du tournage) et non en 1963 comme cela était prévu initialement (période de jeunesse d'Arlette Langmann). Il était trop tard pour changer les décors mais au final l'aspect démodé de l'appartement des parents de Suzanne servit le film en accentuant le décalage entre elle et eux. Les scènes d'hystérie familiale n'en furent que plus fortes.

A l'image de Pialat, A nos amours est un film rugueux, peu aimable, organique et à l'humeur changeante. Peintre avant d'avoir été cinéaste, Pialat privilégie les éclats de vie au détriment des articulations du récit. De longues ellipses séparent les séquences qui racontent le difficile passage de Suzanne à l'âge adulte.
Bien qu'elle soit de toutes les séquences, Suzanne est un personnage énigmatique. On ne sait pas qui elle est, ce qu'elle pense. Ses comportements sont déroutants, paradoxaux et n'offrent aucune prise au spectateur. Par exemple si le début du film évoque la sexualité, l'été, la jeunesse, la chaleur, le générique casse cette image. On voit Suzanne de dos à la proue d'un bateau pendant que l'on entend The Cold Song chanté par Klaus Nomi (une adaptation de Purcell) qui prie pour qu'on le laisse mourir de froid car il ne retrouve pas sa fiancée. Suzanne devient ainsi cet être ambivalent à la fois perpétuellement en chaleur et dotée d'un coeur sec, froid, stérile. Parallèlement l'air rappelle qu'une sexualité débridée peut mener à la mort (Klaus Nomi est mort du sida en 1982, juste avant le film).
Pialat a offert un rôle si puissant à Sandrine Bonnaire que son personnage a survécu au film et s'est retrouvé dans d'autres films et d'autres cinéastes comme Sans toit ni loi d'Agnès Varda.

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Le Poison (The Lost Weekend)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1944)

Le Poison (The Lost Weekend)

Lorsque le 4° film de Billy Wilder sort sur les écrans il marque une petite révolution. C'est en effet la première fois qu'un film hollywoodien traite frontalement de l'alcoolisme. La descente aux enfers de Don Birnam, un écrivain raté vivant aux crochets de son frère est impressionnante de réalisme avec un Ray Milland particulièrement habité. Son addiction est disséquée dans des séquences à la mise en scène inventive. La figure du cercle vicieux apparaît dès la première image de beuverie et devient celle du film. La fin, un happy end en trompe-l'œil reprend exactement les images du début comme un éternel recommencement. Son obsession pour l'alcool devient celle de la caméra qui lors d'une scène d'opéra fixe verres et bouteilles bien remplis avant que le souvenir de la bouteille qui est dans la poche de son imper laissé au vestiaire n'envahisse tout l'espace. Nous voyons et ressentons l'avilissement et la rage de cet homme présenté comme foncièrement faible et lâche. Il ment, manipule, mendie, vole, menace, agresse, casse tout pour s'enfuir des lieux où on l'enferme, obtenir de l'argent ou directement de l'alcool. La scène où en pleine crise de manque il se traîne en vain d'un prêteur sur gages à l'autre pour mettre sa machine à écrire au clou est très forte.

Dommage néanmoins que les seconds rôles ne soient pas à la hauteur. Son frère et sa fiancée, deux saint-bernards très lisses font de la figuration. D'autre part certains effets visuels sont ratés. Je pense en particulier aux hallucinations de sa crise de delirium tremens. La souris qui fait une crevasse dans le mur passe encore (on est pas loin de Répulsion de Polanski) mais le mobile en forme de chauve-souris non!

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Fedora

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1978)

Fedora

Dans Boulevard du crépuscule, les statues de cire du cinéma muet hollywoodien défilaient sous les yeux de William Holden. Dans le tout aussi funèbre Fedora, celui-ci assiste 28 ans plus tard à l'enterrement de première classe de l'âge d'or du parlant, celui des tournages en studios, des mélodrames en costumes et des stars divinisées et inaccessibles. Fedora est si abstraite qu'elle est comparable à Garbo, une "page blanche à noircir de rêves" et le film lui-même baigne souvent dans une atmosphère irréelle, quasi-onirique. Le rapprochement est d'autant plus pertinent que Fedora s'est retirée de la scène jeune et en pleine gloire. De plus, Holden lui propose de faire un come back pour jouer Anna Karénine, rôle que Garbo a marqué de son empreinte et elle finit par se jeter sous un train comme son modèle. Mais faire de Wilder un nostalgique de cette époque parce qu'il décoche quelques flèches à l'adresse du nouvel Hollywood est beaucoup trop simpliste. Déjà parce que Wilder dissèque avec jubilation les faux-semblants d'une usine à rêves en décomposition accélérée. Ensuite parce que dans sa deuxième partie, Fedora devient un thriller sur le mythe de l'éternelle jeunesse, le masque, la possession et le dédoublement que l'on peut inscrire dans une longue lignée de Vertigo à La Piel que habito en passant par les Yeux sans visage et les films de Brian de Palma (un cinéaste du nouvel Hollywood justement...). Cinéaste des simulacres, mensonges et autres faux-semblants, Wilder livre encore une fois une oeuvre vampirique complètement hantée à la fois classique et seventies qui mérite d'être redécouverte.

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Bonnie et Clyde (Bonnie and Clyde)

Publié le par Rosalie210

Arthur Penn (1967)

Bonnie et Clyde (Bonnie and Clyde)

Film culte qui a ouvert une brèche et initié l’école du “Nouvel Hollywood” avec Le Lauréat et Easy Rider, Bonnie and Clyde repose sur un certain nombre de principes:

- Le rejet de l’autorité et du système sur fond de nihilisme. Si l'action prend place dans l’Amérique en crise des années 30, la rébellion des héros fait écho à celle de nombreux jeunes de l’Amérique en 1967 qui rejettent la société de consommation et la guerre du Vietnam. Le courant du nouvel Hollywood se veut réaliste, tournant sur les lieux même où Bonnie et Clyde ont commis leurs méfaits. Le début du film est plutôt comique puis quand la mort entre dans leur vie, il évolue vers la tragédie. Juste avant de mourir, Bonnie et Clyde échangent un regard amoureux ce qui souligne le lien entre Eros et Thanatos. Le poème de Bonnie adapté par la suite par Serge GAINSBOURG évoque un parcours qui mène à la mort.

-Une intrigue qui suit les déambulations des personnages et préfigure le road-movie. La voiture, omniprésente est un nid et un symbole de progrès social.

- Une vision amorale car les personnages principaux sont des anti-héros. Bonnie et Clyde, braqueurs et assassins, sont montrés comme des justiciers, des robins des bois qui vengent les personnages des Raisins de la colère de John Ford (1940). Un retournement moral que l’on retrouve à la fin du film. Les forces de l’ordre se cachent alors que les héros en pleine lumière s’arrêtent pour aider un homme en panne qui est en fait le traître.

D'autre part la séquence d’ouverture de Bonnie and Clyde fait penser au film Le Mépris de Godard (Une femme blonde nue sur un lit qui attend) ce qui souligne l'influence de la Nouvelle Vague. Bonnie est en manque de sexe (d'où le gros plan sur la bouche et les yeux) et tombe amoureuse du risque que représente Clyde. Un fort érotisme se dégage de sa marche lancinante et également des symboles phalliques (Le Coca et le révolver qu’elle caresse). Or Clyde s'avère être impuissant, une métaphore de la crise qui touche le pays. La violence et l'impuissance sont liés. On peut d'ailleurs dresser également un parallèle avec Terrence Malik et La Balade sauvage : la séquence d’ouverture montre une fille sur un lit qui attend, une marche puis le film se poursuit en road movie avec des meurtres. Comme Bonnie and Clyde, La Balade sauvage montre l’Amérique des petites gens. Le héros resssemble à James Dean et la sexualité, problématique, est compensée par la violence. Enfin comme le héros de La Balade sauvage qui parvient à se faire reconnaître comme un nouveau James Dean, un rebelle « without a cause » Bonnie et Clyde veulent être reconnus, devenir célèbres et faire la une des journaux.

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Le jour du vin et des roses (Days of Wine and Roses)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1962)

Le jour du vin et des roses (Days of Wine and Roses)

Un film très moderne, d'un réalisme cru qui traite l'enfer de l'addiction, ses causes et conséquences avec beaucoup de justesse. On connaît Blake Edwards sous l'angle de ses comédies loufoques. On sait moins qu'il a longtemps souffert d'alcoolisme et de toxicomanies et qu'il connaît donc bien le sujet dont il parle.

Bien que le début du film se situe dans un registre assez léger, celui de la comédie sentimentale, des éléments de critique sociale instillent d'emblée le malaise, créent une atmosphère glauque. Il y a par exemple la tristesse et la solitude, pesantes, dès le premier rendez-vous du couple Joe/Kirsten. Ils ne se regardent pas, plongés en eux-mêmes et pendant que Joe s'imbibe déjà d'alcool, Kirsten, fascinée par l'eau sale qui stagne au bas du pont "attend le monstre marin qui l'entraînera dans les profondeurs". Une manière de souligner leur fragilité et l'attirance de Kirsten pour celui qui l'entraînera dans l'enfer de l'alcoolisme. Il y a aussi les cafards qui pullulent chez elle, le dégoût et la déprime liés à leurs métiers respectifs qui les rabaissent (elle secrétaire-potiche-proie sexuelle lui chargé de relations publiques-maquereau pour les soirées mondaines de ses clients), les allusions aux carences affectives de leur enfance. Bref derrière les similitudes avec La Garçonnière de Billy Wilder tout est en place pour un basculement dans la tragédie domestique naturaliste façon Émile Zola filmée façon Cassavetes. Un des aspects les plus remarquables du film est la démonstration des ravages du ménage à 3 (homme-femme-alcool) qui empêche toute intimité et renvoie chacun plus que jamais à sa solitude et à sa dépendance. La déchéance physique et psychologique de Joe donne lieu à des scènes d'une rare puissance comme celle où réduit à un organisme animal en manque il détruit une serre ou bien celles où il est sevré de force (on pense à l'Assomoir, Jack Lemmon démontrant une fois encore qu'il est une bête humaine de cinéma dévorant tout sur son passage). La déchéance de Kirsten (sexuelle notamment) est en revanche plus suggérée que montrée, censure oblige. Mais la pire des tragédies est celle que ces deux là s'infligent, la façon dont chacun vampirise l'autre pour l'entraîner toujours plus bas dans sa chute. Joe initie Kirsten à son vice puis la manipule pour qu'elle l'accompagne dans ses beuveries. Une fois accro, Kirsten agit de même chaque fois que son mari tente de se sevrer (l'occasion de séquences didactiques avec les AA). Pour s'en sortir, Joe doit renoncer à Kirsten comme il doit renoncer à l'alcool et ses nombreuses rechutes laissent planer le doute sur sa guérison. Un espoir demeure toutefois. L'enfant du couple, négligé et maltraité durant des années comme ses parents l'ont été eux-mêmes semble être la raison profonde de la prise de conscience de Joe alors que sa femme ne manifeste jamais la moindre envie de s'extraire de son vice et de sa place d'éternelle enfant. Le taciturne et taiseux père de Kirsten, un personnage omniprésent dans l'ombre de sa serre semble détenir de biens lourds secrets qui ne nous seront pas révélés mais vis à vis duquel Joe finit par s'émanciper. Il lui paye ses dettes et lui reprend l'enfant vis à vis duquel il n'a jamais été totalement indifférent. En prenant enfin soin de lui, c'est son propre enfant intérieur qu'il soigne.

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Assurance sur la mort (Double Indemnity)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1944)

Assurance sur la mort (Double Indemnity)

Assurance sur la mort a contribué à renouveler le genre du film noir et à le hisser au sommet. Un style proche de l'expressionnisme où les contrastes ombres/lumières rendent l'atmosphère étouffante, carcérale (les rais des stores font penser à des barreaux de prison) avec parfois des flambées de désir ou de sentiments. Une mise en scène magistrale, ménageant un suspense haletant (la voiture qui refuse de démarrer, le témoin gênant au moment crucial, la femme cachée derrière la porte qui peut se révéler à tout instant). L'interprétation est remarquable avec des acteurs qui paient de leur personne et ont (certes, difficilement) accepté de casser leur image pour sonder les tréfonds vaseux de l'âme humaine. Car c'est de cela dont il s'agit dans cette tragédie marquée par la cupidité (l'arnaque aux assurances et un crime pensé pour toucher la "double indemnité", titre en VO du film), le sexe (Phyllis est une femme fatale vulgaire et animale qui envoûte les sens de Walter), l'orgueil (Walter pense se montrer plus malin que sa compagnie et veut en quelque sorte "tuer le père" incarné par son supérieur, le fin limier guidé par son petit homme intéreur Barton Keyes). Wilder dépeint souvent des milieux ou situations pourris jusqu'à la moëlle d'où émerge une petite lumière, la "rose qui pousse sur du fumier" pour reprendre l'expression de Jack Lemmon à propos de La Garçonnière. Dans la noirceur générale d'Assurance sur la mort, c'est la droiture et la bonté de Barton Keyes qui l'incarnent. La magnifique scène finale si wildérienne (heureusement que la scène prévue initialement a été changée!) abonde dans ce sens. Walter Neff qui a voulu duper Barton Keyes et y est parvenu en manipulant ses sentiments est finalement vaincu par une supériorité morale qu'il prenait pour de la faiblesse. L'inversion du rapport de forces est symbolisée par l'allumette que Keyes allume pour Neff alors que jusque là c'était Neff qui l'allumait pour lui. Cette supériorité morale, c'est la tendresse et l'amitié qu'il continue à lui manifester alors qu'il sait tout et que Neff mourant se débat encore dans son désir puéril de l'emporter à tout prix. L'amour est décidément inconditionnel. Wilder, cynique? Pfffff!

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La colline des potences (The Hanging Tree)

Publié le par Rosalie210

Delmer Daves (1959)

La colline des potences (The Hanging Tree)

Gary Cooper est impérial dans ce western sorti seulement deux ans avant sa mort. Il interprète le rôle d'un médecin, le Dr Frail (fragile) qu'un drame personnel a rendu misanthrope et taciturne. Il s'installe à Skull Creek, une petite ville-champignon d'orpailleurs, non au milieu de ses congénères mais seul au sommet d'une colline. Il signifie ainsi autant son asociabilité que sa différence de classe avec les chercheurs d'or. L'ambivalence du personnage mi-ange mi-démon fascine. D'un côté il manifeste un dévouement et un désintéressement dans son métier qui ressemble à un sacerdoce (ou un besoin de se faire pardonner quelque chose). De l'autre, il se méfie tant de la nature humaine qu'il éprouve le besoin de contrôler tout son entourage. Le jeune voleur de pépites qu'il sauve est contraint de se mettre à son service. De même la jeune femme qu'il soigne après l'attaque de sa diligence est traitée par lui en recluse puis infantilisée, puis repoussée lorsqu'elle s'approche trop près de lui alors qu'il l'aide (et l'aime) en secret.
Ce personnage magnifique est confronté à ses démons c'est à dire sa propre violence face à un milieu dans lequel il ne parvient pas à s'intégrer et où les pulsions primitives des hommes se déchaînent. Le personnage de Frenchy (Karl Malden), l'antagonisme du docteur Frail, plus sympathique au premier abord, libidineux et cupide en réalité incarne les pires aspects de la nature humaine. Comme dans les Anthony Mann, Frail doit surmonter ses pulsions de mort pour revenir à la vie, réapprendre à faire confiance et à aimer.
Signalons enfin la beauté des paysages, de la composition du cadre (voir scène de fin) et une chanson titre "the hanging tree" qui reste dans les têtes.

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Les Deux Orphelines (Orphans of the Storm)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1921)

Les Deux Orphelines (Orphans of the Storm)

Les deux orphelines est un grand cru du maître de la fresque historique lyrique et grandiloquente. Comme dans Naissance d'une nation et Intolérance il mêle avec bonheur la petite et la grande Histoire. La petite histoire est celle des sœurs Girard, Louise et Henriette interprétées par deux véritables sœurs, Lilian et Dorothy Gish. Louise, enfant trouvée est élevée avec Henriette jusqu'à la mort de leurs parents. Elle-même est frappée de cécité. Ce n'est que le début de leur martyre. Comme le titre en VO (Orphans of The Storm) l'annonce, elles sont prises dans la tempête d'une période tourmentée qui sied bien à Griffith: la fin de l'Ancien Régime et la Révolution française. Celui-ci en profite pour faire passer un message idéologique à la nation américaine. Il renvoie dos à dos la monarchie présentée comme une tyrannie et la Terreur, "anarchiste et bolchévique." La révolution américaine a libéré un peuple d'une monarchie despotique, celle de l'Angleterre. Mais Griffith met en garde les américains contre une autre révolution, celle de 1917 en Russie qui a débouché sur une guerre civile qui ne s'achève qu'en 1921 soit au moment de la sortie du film. Cette vision orientée explique l'absence des autres périodes de la Révolution, de l'entourage du roi (on ne voit pas Marie-Antoinette par exemple), la mise en avant de Lafayette et le manichéisme simplificateur du couple Danton-Robespierre. Le premier est présenté comme un champion de la justice et de la liberté, un indulgent de la première heure alors que le second est un tyran fourbe assoiffé de sang. Danton est américain et Robespierre...russe.
La tendance de Griffith à confondre Histoire et propagande se marie à l'efficacité des procédés employés pour susciter l'adhésion. Le récit est haletant de bout en bout, utilisant toutes les ficelles du mélodrame avec une maîtrise impressionnante du récit et de son tempo. Griffith nous présente une multitude de personnages en soulignant leur rôle à venir dans l'histoire. Par la suite il utilise les flashbacks comme piqûre de rappel si bien que le spectateur n'est jamais perdu. Chacun d'eux est une pièce du puzzle qui s'avère déterminante dans l'histoire. De même l'utilisation du montage alterné dramatise l'action au maximum. La marche d'Henriette à l'échafaud se combine avec une chevauchée endiablée de Danton et ses révolutionnaires pour la sauver. On pense à la fin de Naissance d'une nation qui utilisait le même procédé.

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West side story

Publié le par Rosalie210

Jérôme Robbins et Robert Wise (1961)

West side story

Devenu aujourd'hui un classique, West Side Story fut pourtant un électrochoc de modernité à sa sortie au début des années 60 comme le chantait alors notre Cloclo national ("Cette année-là [...] West side battait tous les records.") Alors que la comédie musicale américaine des années 50 était démodée, elle trouva un second souffle avec cette adaptation de Roméo et Juliette sur fond de guerre des gangs Jets/Sharks.

Le drame social tragique et ses thèmes toujours actuels (pauvreté, délinquance juvénile, racisme, immigration, quartiers-ghettos, inégalités hommes/femmes) se substitue à l'onirisme sans totalement rompre avec lui. En effet l'histoire d'amour Tony/Maria peut être interprétée comme une forme d'évasion de la sordide réalité dans laquelle ils vivent. Une réalité d'où les parents sont absents. Les jeunes sont livrés à eux-même et n'ont que leur bande pour repère et un territoire restreint pour royaume, un territoire qu'ils défendent bec et ongle contre leurs rivaux. La similarité d'univers avec La fureur de vivre frappe l'esprit et pas seulement à cause de Natalie Wood. Des adultes démissionnaires, des rebelles qui se battent au couteau pour un motif dérisoire et qui sont prisonniers de l'effet de groupe ("chicken" c'est à dire poule mouillée est l'insulte qui sanctionne toute défaillance vis à vis du code d'honneur de ces bandes de jeunes.)

L'époustouflante première scène muette en forme d'ouverture d'opéra pose le contexte socio-spatial du film. Après un générique reprenant les principaux thèmes musicaux sur fond coloré, la caméra survole New-York et lorsqu'elle arrive dans le West side, elle effectue des plans de plus en plus rapprochés (comme les emboîtements d'échelles en géographie) d'une chorégraphie aérienne signée Robbins (on pense à la capoeira) sur la cèlèbre musique de Bernstein.
La suite est moins remarquable sur le strict plan cinématographique (évolution dans des décors figés autour d'une caméra beaucoup plus statique) mais la musique (titres cultes comme "Maria", "America", "Tonight"...) la mise en scène, les décors, costumes, lumières et l'interprétation, Natalie Wood en tête emportent tout sur leur passage.

Jacques Demy synthétisera de façon remarquable l'évolution de la comédie musicale américaine dans Les Demoiselles de Rochefort en rendant à la fois hommage à Gene Kelly et à West side story (la scène d'ouverture est une citation du film de Wise et Robbins sans parler de la présence dans la distribution de George CHAKIRIS.)

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