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Articles avec #drame tag

La Victime (Victim)

Publié le par Rosalie210

Basil Dearden (1961)

La Victime (Victim)

"C'est incroyable de penser que faire ce film ait pu être considéré comme un acte courageux, osé ou dangereux. A l'époque il était les trois à la fois." Dirk Bogarde savait de quoi il parlait car le rôle de Melville Farr était une sorte de mise en abyme de sa propre vie. Bogarde contrairement à son personnage ne s'était pas marié mais il vivait quand même dans le mensonge, du moins dans sa vie publique. Il jouait en effet les jeunes premiers pour midinettes et s'affichait avec des femmes séduisantes pour mieux cacher qu'il était en couple avec un autre homme. En acceptant le premier rôle d'un film engagé n'hésitant pas à appeler un chat un chat, Bogarde prit un risque qui s'avéra déterminant pour la suite de sa carrière. Les Losey et autres Visconti le repérèrent et lui offrirent les rôles majeurs qui l'ont fait passer à la postérité.

"Victim" date de 1961. À cette époque en Angleterre, l'homosexualité jugée comme une perversion contre-nature (on parle "d'invertis") est passible de prison. De sombres individus en profitent pour exercer un odieux chantage sur les homosexuels qui pris entre le marteau (la police) et l'enclume (les maîtres-chanteurs) sont nombreux à se suicider. Mi film noir, mi étude de mœurs, "Victim" entretient habilement un suspense étouffant tout en dressant le portrait d'une société rongée de l'intérieur par la haine et la peur. La paranoïa (chaque personne est filmée comme un délateur potentiel) est à la mesure de la gravité des névroses sexuelles. Les maîtres-chanteurs sont dépeints comme des personnes puritaines qui refoulent leur propre homosexualité en persécutant ceux qui l'assument. La solitude et la détresse des homosexuels est dépeinte avec sensibilité de même que la relation faite d'écoute, de compréhension mutuelle et de franchise entre Melville et sa femme qui de ce fait échappe aux clichés.

Dommage que ce film ressorti au cinéma en 2009 ne soit pas disponible en DVD d'édition française (cela a heureusement changé depuis que j'ai écrit cet avis). Car il est un parfait exemple de la nécessité de l'engagement pour faire cesser les injustices. L'homosexualité fut dépénalisée en Angleterre 6 ans après la sortie du film qui joua un rôle certain dans cette évolution. Mais l'intolérance vis à vis des homosexuels a perduré jusqu'à nos jours car changer les mentalités est une autre paire de manches.

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Vacances à Venise (Summertime)

Publié le par Rosalie210

David Lean (1955)

Vacances à Venise (Summertime)

"Vacances à Venise" de David Lean sorti en 1955 est un peu l'ancêtre de "Chambre avec vue" de James Ivory ou encore des comédies "cartes postales d'Europe" ("Vicky, Christina Barcelona", "To Rome with love", "Midnight in Paris") de Woody Allen. Ce rapprochement est d'autant plus pertinent que:

-Ivory est un américain fasciné par les us et coutumes de la bonne société britannique qu'il a abondamment filmé.
-Woody Allen est le plus européen des cinéastes américains.
-David Lean est à l'inverse un britannique qui a connu la gloire internationale en tournant des superproductions à Hollywood.

C'est pourquoi "Vacances à Venise" est le film passerelle par excellence. Entre l''Amérique et l'Europe, entre ses films britanniques intimistes majoritairement noirs et blancs et petits formats et ses fresques épiques en technicolor et cinémascope. "Vacances à Venise" qui précède "Le pont de la rivière Kwai" est en effet le premier film que Lean n'a pas tourné dans son pays d'origine. Et s'il garde un format 1,33 classique, il utilise le technicolor pour magnifier la ville sous toutes ses coutures, connues et moins connues.

Mais le principal intérêt du film est d'offrir un beau portrait de femme. Certes aujourd'hui les rêves et le puritanisme du personnage sont un peu surannés. L'amant est falot. La romance est pleine de clichés. Mais la solitude et le désarroi de cette femme d'âge mûr laissée sur le carreau ne peuvent que toucher. D'autant plus que Lean prend le temps de filmer ses errances, ses moments de vide et de souffrance dans une ville qui ne fait pas de cadeaux aux célibataires. Katherine Hepburn est superbe.

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Le Jour se lève

Publié le par Rosalie210

Marcel Carné (1939)

Le Jour se lève

"Le jour se lève" c'est d'abord ce décor incroyable imaginé par Alexandre Trauner. Un immeuble de 5 étages dont la verticalité et la hauteur menaçante tranchent avec l'environnement encore très villageois d'une ville ouvrière d'avant guerre.

Il en va de même avec les plans extérieurs de l'usine. Le "temple de la révolution industrielle" est une architecture surdimensionnée et son éclairage à contre-jour par le chef-opérateur Curt Courant renforce encore l'impression d'un monstre écrasant ses proies comme dans Métropolis de Lang ou Les Temps modernes de Chaplin réalisé seulement trois ans avant "Le jour se lève".

L'intérieur de l'usine est tout aussi cauchemardesque. Des alignements de scaphandres qui travaillent dans la poussière et dans le bruit. "Je t'l'avais dit, c'est tout ce qui a de sain ici" dit ironiquement François (Jean GABIN) à Françoise (Jacqueline Laurent) qui contemple avec désolation son bouquet de fleurs fané en quelques minutes au contact de l'air vicié. C'est un poète insurgé contre l'aliénation de l'homme à la machine qui parle: Jacques Prévert.

On retrouve d'ailleurs son personnage fétiche du Roi et l'Oiseau: l'aveugle au costume noir et aux lunettes rondes. Dans les deux films, il fait partie de ce monde ouvrier filmé en plongée, écrasé, opprimé, balayé par la police qui désire faire place nette (adieu les espoirs du Front Populaire et bonjour Vichy!)

Mais ce n'est pas un roi qui trône tout en haut de la tour d'ivoire. C'est un ouvrier qui s'est barricadé dans sa chambre après avoir craqué et tué l'homme qui le torturait psychologiquement (Jules Berry, pervers à souhait). Un drame passionnel indissociable de sa révolte contre sa condition d'éternel soumis:"Y'a une place à prendre, une bonne petite place, un bon ptit boulot avec des heures supplémentaires. Alors allez-y qu'est ce que vous attendez. Un bonheur là, tout un ptit bonheur!"

Oui François a changé comme tous ne cessent de le dire, il ne se reconnaît même plus dans la glace au point de la briser en mille morceaux. Certes, sa révolte solitaire est sans issue, condamnée à l'image de sa porte murée par l'armoire normande. Mais qu'on ne vienne pas me dire que le réalisme poétique est incapable de contestation et de courage politique. Ce sont ces critiques là qui sont aveugles.

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Stand by me

Publié le par Rosalie210

Bob Reiner (1986)

Stand by me

"When the night has come
And the land is dark
And the moon is the only light we'll see

No, I won't be afraid
No, I won't be afraid
Just as long as you stand, stand by me

So darlin', darlin'
Stand by me
Oho, stand by me
Oh, stand, stand by me
Stand by me"

La puissance d'évocation de "Stand by me", c'est d'abord ce classique de 1961 interprété par Ben E. King repris plus de 400 fois et que l'on entend au début et à la fin du film lorsque Gordie, le héros adulte des années 80 se remémore avec nostalgie le moment où il a quitté le monde de l'enfance. Mais toute la bande-son du film est magique (de Every Day de Buddy Holly à Great balls of fire de Jerry Lee Lewis en passant par Lollipop des Chordettes) et nous plonge dans l'ambiance retro des années 50.

"Stand by me" est l'adaptation d'une nouvelle de Stephen King "The body". On retrouve un thème commun à plusieurs de ses œuvres: une attention particulière aux zones d'ombre de l'enfance, sans l'aspect paranormal. Le cadavre du garçon que recherchent les quatre jeunes héros peut ainsi symboliser leur mue car "grandir c'est mourir un peu". Comme pour tout rite de passage qui se respecte, les garçons doivent affronter de multiples épreuves: traverser une étendue d'eau pleine de sangsues, un casse-auto gardé par un soi-disant terrifiant cerbère (qui s'avère être un toutou inoffensif, première expérience de la différence entre mythe et réalité), un viaduc perché à une hauteur de 30 mètres alors qu'un train surgit juste derrière eux etc. A chaque fois, on les voit mettre en péril leur virilité, jouer à se faire peur voire pour certains, jouer à la roulette russe.

Car ces gamins ont un point commun, leur profond mal-être qui rend cette opération périlleuse. A un titre ou à un autre, ils se sentent rejetés de leur famille ou de leur communauté: le chef de la bande Chris (joué par River Phoenix alors tout jeune et déjà brillant) est poursuivi par la mauvaise réputation de sa famille, Teddy le binoclard un peu déjanté (Corey Feldman) est maltraité par son père, Vern (Jerry O'connell) est l'enrobé de service et enfin Gordie (Wil Wheaton) frêle et mélancolique vit dans l'ombre de son frère Denny (joué par John Cusack) dont il doit en plus porter le deuil. Vern et Teddy jouant des rôles de faire-valoir, on se focalise sur le destin de Gordie et de Chris qui sont très proches (et le restent spirituellement à l'âge adulte même s'ils ne se voient plus). Le premier a une sensibilité littéraire et le second, révolté par l'injustice cherche à s'extraire de l'atavisme familial symbolisé par son grand frère surnommé "Eyeball" et sa bande de voyous.

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Pas de printemps pour Marnie (Marnie)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1964)

Pas de printemps pour Marnie  (Marnie)

"Un certain degré de cinéphilie encourage parfois à préférer dans l'œuvre d'un metteur en scène son grand film malade à son chef-d'œuvre" (François Truffaut à propos de Pas de printemps pour Marnie). Sauf que tous les chefs d'oeuvre d'Hitchcock sont de "grands films malades" ou plutôt de "grands films sur des malades" déguisés en thrillers où le metteur en scène ne cache pas sa jubilation à manipuler le spectateur et le spectateur, son plaisir à être manipulé (oui, oui, lorsqu'il est sublimé, le sado masochisme a du bon ^^^^^).

Pas de printemps pour Marnie est donc le dernier grand film/chef-d'oeuvre d'Hitchcock. C'est aussi l'un des films de lui que je préfère. Il conclut en beauté une période de créativité exceptionnelle, fruit de la collaboration de toute une équipe (on a tendance à l'oublier). Peu après le tournage, son directeur de la photographie Robert Burks et son monteur George Tomasini moururent. Quant au compositeur Bernard Herrmann, véritable signature sonore de cette époque glorieuse, il cessa de travailler pour Hitchcock à la suite de divergences d'opinion sur son film suivant "Le rideau déchiré."

Comme Psychose, Hitchcock entraîne le spectateur sur une fausse piste, celle du thriller pour mieux basculer dans son véritable sujet qui est le drame psychologique: "La vie n'est qu'un thriller, une enquête qu'on mène chaque jour sur soi-même pour tenter d'élucider ses propres zones d'ombre." (Jean-Christophe Grangé)

La virtuosité de la mise en scène éclate dans les scènes de suspense. Celle, muette, où Marnie pille le coffre dans la pièce de droite alors qu'à sa gauche la femme de ménage avance inexorablement et risque de la découvrir. Celle qui suit où Marnie essaye de s'éclipser sans bruit en enlevant ses chaussures mais l'une d'elles glisse de sa poche et tombe sur le sol. Celle où la caméra plonge et zoome vers la porte d'entrée pour révéler l'entrée de Strutt chez les Rutland dans un cadrage identique à celui du début du film où il découvre qu'il a été volé. Va-t-il démasquer Marnie?

Mais les aspects techniques ne constituent pas le seul intérêt du film (sinon ce serait juste un exercice de style). Ils accompagnent une histoire à tiroirs et des personnages complexes aux motivations troubles. Pas de printemps pour Marnie est un film psychanalytique, un des plus freudiens d'un cinéaste fasciné par les profondeurs tourmentées de l'âme humaine. L'héroïne (remarquablement interprétée par Tippi Hedren qui alterne moments de glaciation et moments de crise où elle régresse à l'état infantile) est un "cas clinique" dont le traumatisme d'enfance non soigné perturbe toute sa vie adulte. Hitchcock multiplie les signes et les symboles de sa névrose: le premier plan du film montrant un sac fermé en gros plan symbolise la frigidité de Marnie, sa phobie de la couleur rouge renvoie au sang du meurtre et du viol etc. Mais son mari, Mark (joué par Sean Connery) n'est pas moins intéressant. Dès leur première rencontre, son ambivalence (il est à la fois un prédateur, un protecteur et un sauveur) est mise en lumière "Sophie est un jaguarondi. Je l'avais dressée/A quoi faire?/A me faire confiance/C'est tout?/C'est beaucoup pour une chatte sauvage." Marnie (que l'on peut assimiler aux chevaux qu'elle vénère) devient son nouveau trophée de chasse "Vous m'avez prise au piège comme un animal/C'est vrai, j'ai attrapé l'indomptable. Je vous ai prise et je ne vous lâche plus." On sent chez lui une excitation à dominer cette femme qui lui résiste (très perceptible lors de la scène de viol) qui peut s'apparenter à de la perversion. Richissime et beau gosse, il peut avoir toutes les femmes qu'il désire or il jette son dévolu sur celle qui le fuit et hurle à son approche. En même temps il manifeste une patience et une persévérance à toute épreuve aussi bien pour apprivoiser le "fauve" que pour percer son mystère et l'aider à guérir.

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La Nuit de l'Iguane (The Night of the Ignana)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1964)

La Nuit de l'Iguane (The Night of the Ignana)

L'iguane, animal reptilien comme le serpent peut symboliser les désirs refoulés de l'être humain et notamment sa peur de la sexualité. Tennessee Williams, l'auteur de la pièce est hanté par ce thème. Il met donc en scène des personnages tourmentés par leurs désirs et leurs frustrations qui se rencontrent en un même lieu pour une nuit de catharsis émotionnelle: un pasteur défroqué s'accrochant d'une main à sa croix et de l'autre à sa bouteille pour ne pas sombrer dans le désespoir (Richard Burton), l'adolescente tentatrice qui le harcèle de ses avances (Sue "Lolita" Lyon, deux ans après le film de Kubrick), son chaperon, une vieille fille bigote qui refoule ses tendances lesbiennes (Grayson Hall), la patronne de l'hôtel qui cache ses fêlures sous des dehors gouailleurs et libérés (Ava GARDNER) et enfin une cliente atypique, sorte de bonne sœur laïque qui parcourt le monde (ou plutôt le fuit?) avec son grand-père poète à qui elle a consacré sa vie (Deborah Kerr).

La réussite de ce film outre l'interprétation exceptionnelle des acteurs, j'y reviendrai est liée à la manière dont le solaire John Huston tempère les propos très noirs de Williams. Il y a d'abord le soleil et la chaleur du cadre mexicain dans lequel se déroule l'histoire, le choix d'un hôtel surplombant la mer faisant figure de paradis sur terre, une sensualité hédoniste qui rayonne lors des scènes de plage (Maxine-Ava et ses beach boys prenant un bain de minuit, le fessier de Sue Lyon filmé en gros plan tandis qu'elle se déhanche avec ces mêmes boys), des passages burlesques (notamment une irrésistible bagarre au son des maracas).

Mais surtout il y a la façon dont le réalisateur met en confiance ses acteurs, les magnifie et fait ressortir ce qu'ils ont de plus vrai en eux. Burton et Gardner irradient de sensualité et d'intensité, Deborah Kerr est grave, digne et sensible. La confession qu'elle livre à Burton lors de la fameuse nuit est le moment le plus fort du film à savoir la façon dont elle a pu trouver la paix intérieure en dépit de sa vie amoureuse ratée. On entrevoit d'ailleurs à travers son récit un plaidoyer pour la différence qui reflète la personnalité de Tennessee Williams qui était homosexuel: le plus important est de trouver un foyer et de ne pas être seul même si le cœur dans lequel on fait son nid n'est pas conforme aux attentes de la société.

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Un monde parfait (A Perfect World)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (1993)

Un monde parfait (A Perfect World)

" Un soldat, jeune, bouche ouverte, tête nue/ Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,/ Dort; il est étendu dans l'herbe, sous la nue/ Pâle dans son lit vert où la lumière pleut."

C'est par cette scène rimbaldienne à la fois tragique et paisible que s'ouvre et se clôt "Un monde parfait", road-movie qui mêle indistinctement récit de cavale et récit d'apprentissage. Réalisé juste après "Impitoyable", "Un monde parfait" fait partie des nombreux récits de transmission mis en scène par Eastwood où un vieux briscard (Eastwood himself) tend la main aux parias de l'Amérique pour leur donner une seconde chance. Néanmoins la tonalité d'"Un monde parfait" est plutôt amère et désenchantée. Eastwood joue un flic (pour changer) qui dans le passé a pris une mauvaise décision: il a envoyé un jeune délinquant récidiviste dans une maison de redressement pour l'arracher aux griffes de son père maltraitant ce qui a achevé de le faire plonger dans la criminalité. Devenu adulte, Butch Haynes (Kevin COSTNER dans l'un de ses meilleurs rôles) s'évade de prison et prend en otage un petit garçon de 8 ans, Phillip (T.J Lowther) en qui il se reconnaît aussitôt, au point de se mettre immédiatement à sa hauteur. L'enfant n'a pas de père et il est emprisonné dans une éducation rigide qui le met à l'écart des autres enfants et le prive de la plupart des plaisirs de son âge. Butch rêve de réparer le passé en retrouvant son père en Alaska tout en se donnant un avenir en éduquant Phillip. Mais son destin est à l'image des routes inachevées du Texas profond, il se termine en cul de sac. Notamment parce que la maltraitance infligée aux enfants déclenche chez lui une violence incontrôlable et que Phillip qui trouve en Butch un père de substitution va répéter les actes de celui-ci enfant.

Le caractère fataliste du film est également souligné par les scènes satiriques grinçantes servant de contrepoint à l'odyssée tragique de l'anti-héros. Par exemple un père de famille qui semble davantage se soucier de sa voiture que de ses enfants, un magasin où les employées sont payées pour sourire, des forces de l'ordre surarmées dont la gâchette facile va de pair avec la bêtise abyssale, une course-poursuite grotesque en caravane de luxe laquelle devait servir de QG au gouverneur pour la visite de Kennedy au Texas (dont on connaît l'issue fatale) etc.

Néanmoins ce qui l'emporte n'est ni la tristesse, ni l'amertume mais l'espoir. Les petites graines semées par la révolte de l'enfant blessé qu'a été Butch dans l'urgence et parfois la violence porteront-elles leurs fruits? La fin ouverte laisse la réponse en suspens.

 

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Les enfants-loups, Ame et Yuki (Ōkami kodomo no Ame to Yuki)

Publié le par Rosalie210

Mamoru Hosoda (2012)

Les enfants-loups, Ame et Yuki (Ōkami kodomo no Ame to Yuki)

"Les Enfants Loups" est le film de la maturité pour Mamoru Hosoda et celui qui a permis à un plus large public de le découvrir en France. Il s'agit d'une superbe fable qui reprend les thèmes de ses précédents longs-métrages: le temps qui passe et la nécessité de faire des choix pour se construire (comme dans son premier film, "La Traversée du temps"); l'opposition entre ville et campagne, tradition et modernité (comme dans "Summer Wars" son deuxième film). On le compare avec justesse aux "Souvenirs goutte à goutte" d'Isao Takahata à cause de son réalisme et de son caractère intimiste en forme de tranches de vie. Mais des similitudes avec l'œuvre animiste de Miyazaki existent également, notamment avec "Mon voisin Totoro".

Toutefois "Les Enfants Loups" n'a rien d'une redite. Le film développe une histoire originale traitée avec beaucoup de sensibilité et de finesse. Son sujet central n'est pas la maternité ou l'éducation comme on peut le lire ici et là mais la complexité de l'identité humaine. L'hybridité d'Ame et de Yuki, mi-humains, mi-loups est métaphorique et peut s'interpréter de plusieurs façons. Comme une double identité/culture, une mixité, un métissage lié au fait qu'ils sont issus d'un couple humain/loup-garou (lequel est lui-même hybride comme le centaure ou la sirène) qu'il faut cacher pour ne pas être rejeté de la société. Mais également comme une mise en lumière de la double nature de l'homme mi animale, mi spirituelle mise en péril par la civilisation moderne. Selon John Knight, l’un des meilleurs experts des loups japonais, l’attitude de la population japonaise envers le loup reflète son attitude à l’égard de la nature. Longtemps sacralisés, les loups ont été éradiqués à la fin du XIX° parallèlement à l'expansion urbaine du premier miracle japonais et à son occidentalisation. Le bétonnage de la nature va de pair avec celui des émotions. Les grandes villes surpeuplées comme Tokyo ont coupé le contact avec la nature et se montrent particulièrement inadaptées et intolérantes vis à vis de tout ce qui peut s'apparenter à l'animalité de l'homme. Pour survivre, la mère doit se retrancher dans son appartement avec ses enfants, menacés par les voisins et les services sociaux. Elle n'a aucun recours comme on peut le voir dans la scène ou partie pour faire soigner Ame, elle ne peut choisir entre un service pédiatrique et une clinique vétérinaire. La campagne apparaît certes comme un milieu rude et délaissé mais dans lequel il est possible de s'intégrer et de s'épanouir pleinement. Au delà des enfants loups, chacun peut composer avec sa double nature: Hana le prénom de la mère signifie "fleur", elle est aidée par un vieux paysan revêche qui ressemble à un loup solitaire etc. C'est donc là que les enfants peuvent choisir ce qu'ils veulent devenir. De caractères opposés, on les voit grandir et se tourner vers des destins complètement différents. Yuki, jeune fille bouillonnante doit apprendre à canaliser ses émotions animales pour s'intégrer au monde des humains. Ame au contraire doit larguer les amarres humaines et se séparer de sa mère pour intégrer le monde animal.

On le voit la réflexion est riche, subtile et les graphismes sont magnifiques. Un film majeur de l'animation japonaise des dix dernières années.

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E.T. L'extra-terrestre (E.T.the Extra-Terrestrial)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (1982)

E.T. L'extra-terrestre (E.T.the Extra-Terrestrial)

On colle à E.T. l'étiquette de "film pour enfants" mais c'est avant tout un grand film humaniste. Steven Spielberg a pris à contrepied la majeure partie des œuvres de science-fiction où les extraterrestres jouent le rôle de bouc-émissaire en endossant la part monstrueuse en nous que nous ne voulons pas assumer.

L'extraterrestre est le plus souvent une variante de la peur de l'autre. Il est associé au thème fantasmatique de l'invasion que ce soit dans la "Guerre des mondes" de H.G. Wells ou la série des années 60 "Les Envahisseurs" (génialement détournée par les Inconnus dans les années 80 pour dénoncer la peur des migrants, la soucoupe volante devenant un couscoussier puis un bol de riz). Spielberg retourne complètement ce schéma. E.T. n'entre dans la maison que parce qu'il y est invité par Elliott qui l'abrite ensuite dans sa chambre, au milieu de ses peluches. Il y a bien des scènes d'invasion dans le film mais les prédateurs sont des hommes adultes chargés d'espionner la maison d'Elliott puis de l'envahir pour s'emparer de force de l'extraterrestre. Des adultes dont l'inhumanité est soulignée par l'absence de visage. Le haut de leur corps est coupé par une caméra qui filme à hauteur d'enfant (et E.T. est lui-même à cette hauteur) puis celui-ci est dissimulé par un casque de cosmonaute.

Le visage étant le principal vecteur des émotions, on en déduit que Spielberg oppose des adultes mutilés par leur perte de contact avec elles (le symbole des clés accrochées à la ceinture d'un des chercheurs est à ce titre révélateur ainsi que celui des armes dans la version de 1982 et des talkies walkies dans la version retouchée de 2002) à des enfants encore intacts, capables de se connecter aussi bien à leur intériorité qu'au monde qui les entoure. Le thème des enfants extralucides face à des adultes aveugles a souvent été traité au cinéma des Ailes du désir de Wim Wenders (seuls les enfants voient les anges) à Mon voisin Totoro d'Hayao Miyazaki (seuls les enfants voient les esprits de la forêt). Comme chez le réalisateur japonais, capacité d'empathie et respect de la nature sont indissociables. Elliott ressent toutes les émotions de E.T. et libère les grenouilles sur le point de faire les frais du cours de dissection. C'est bien lui Adam, l'homme créé à l'image de Dieu que Michel-Ange a immortalisé au plafond de la chapelle Sixtine par des doigts qui se touchent, iconographie reprise par l'affiche et mêlée à la magie des débuts du cinéma (la lune de Méliès).

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Divines

Publié le par Rosalie210

Houda Benyamina (2016)

Divines

Ce qui m'a le plus gêné dans ce film c'est son manque de simplicité et de rigueur. Il y a plein de fulgurances poétiques (la scène de la Ferrari suggérée par les mouvements de caméra et le son, la scène où Djigui et Dounia tourbillonnent dans le magasin...) mais il y a aussi des maladresses et des longueurs. Un manque d'émotion aussi. Car ce que la caméra filme, c'est surtout un "ego trip", celui de Dounia qui parce qu'elle part de très bas se rêve au sommet de la puissance et de la richesse façon clip de rappeur bling-bling (son slogan préféré? "Money, money, money!"). La séquence où elle humilie sa prof de lycée pro en montant sur la table est particulièrement révélatrice de ses rêves de pouvoir et de grandeur. Des rêves qui prennent pourtant corps dans les bas-fonds du trafic de drogue et de la prostitution. Pour donner du lyrisme à sa mise en scène et rendre ce personnage moins étriqué, la réalisatrice imagine une autre porte de sortie possible pour Dounia: l'art et de façon plus générale, la spiritualité (d'où la grande musique et les chants religieux omniprésents). Seulement, cela ne marche pas vraiment. Dounia reste à la porte de ce monde comme elle reste à la porte de la mosquée ou à la surface de l'église. De plus, la réalisatrice abuse pour conforter son propos des plans de plongée et contre-plongée si bien que la danse de Djigui fait plus penser au serpent tatoué sur son dos qui rampe au sol qu'à un ballet aérien. Ce n'est pas très gracieux. Enfin si j'ai omis de parler de Maimouna c'est à dessein. En dépit du titre pluriel très trompeur, elle n'est que le faire-valoir de sa copine. C'est le personnage le plus sacrifié du film (au sens propre comme au sens figuré) et c'est bien dommage car c'est celui que je trouvais le plus intéressant. Seulement les grandes gueules ont souvent le dessus, au cinéma comme dans la vie.

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