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Articles avec #drame tag

L'Homme qui en savait trop (The Man who knew too much)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1934)

L'Homme qui en savait trop (The Man who knew too much)

Alfred HITCHCOCK fait partie des quelques cinéastes qui ont réalisé un remake de l'un de leur propres films. "L'homme qui en savait trop" existe donc en deux versions, l'une anglaise datée de 1934 et l'autre américaine, réalisée 22 ans plus tard. La première version, inégale, ressemble à une ébauche du film de 1956. Les éléments essentiels du puzzle sont déjà en place (thriller d'espionnage sur fond de crise de couple) mais ils ne sont pas aussi développés que dans le remake américain, notamment en ce qui concerne les scènes intimistes, trop rapidement traitées. L'identité européenne du film est en revanche plus forte et en phase avec le contexte historique de l'époque. Outre le Royal Albert Hall de Londres et l'espion français (interprété dans la version de 1934 par Pierre FRESNAY), le film commence dans les Alpes suisses et fait un détour symbolique par l'Allemagne au travers du personnage joué par Peter LORRE qui s'est exilé en Angleterre après l'arrivée de Hitler au pouvoir à l'instar de Fritz LANG qui est alors en France et à qui Alfred HITCHCOCK rend ainsi hommage (en plus d'évidents emprunts à l'expressionnisme). Et si la crise du couple Lawrence n'est pas aussi approfondie que celle du couple McKenna, elle est évoquée avec moins de puritanisme. Louis Bernard est un séducteur qui tourne autour de Jill Lawrence (Edna BEST) au grand dam de son mari jaloux (Leslie BANKS), lequel espère redorer son blason viril en menant seul l'enquête et obligeant sa femme à l'attendre. Sauf qu'au final, non seulement l'attentat est déjoué par le cri de Jill (comme dans la version américaine) mais celle-ci est une championne de tir qui parvient à abattre le tueur au moment où il allait s'emparer de leur fille.

En dépit de ses imperfections, "L'homme qui en savait trop" marque un tournant dans la filmographie hitchcockienne de par sa maîtrise technique des effets de suspense et dans la manière dont il s'en sert pour jouer avec le spectateur. Le film regorge de scènes de bravoure très réussies (le meurtre de l'espion, la scène chez le dentiste, la bagarre dans l'église, le concert, le siège et l'assaut final). Reste à les lier ensemble de façon plus convaincante pour construire un récit cohérent qui fasse sens. 

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Rashômon

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1950)

Rashômon

Il y a eu un avant et un après "Rashômon" dans l'histoire du cinéma mondial. Lorsque les américains ont occupé l'archipel nippon après la seconde guerre mondiale, ils ont poussé ces derniers à exporter leur cinéma dans le monde entier et notamment en Europe. C'est ainsi que les sélectionneurs du festival de Venise ont choisi "Rashômon" de Akira KUROSAWA parmi les films du catalogue des studios Daiei qui a été le premier à se lancer dans l'aventure. "Rashômon" a non seulement remporté le Lion d'or et ouvert les portes de l'occident au cinéma japonais mais Akira KUROSAWA est devenu le plus célèbre réalisateur asiatique et une source d'influence majeure tant pour ses compatriotes que pour les réalisateurs occidentaux: Sergio LEONE, George LUCAS, Francis Ford COPPOLA, Quentin TARANTINO, Martin SCORSESE ou encore Steven SPIELBERG.

"Rashômon" a constitué un choc aussi bien technique, esthétique que narratif, les trois dimensions étant indissociables. Le film a ouvert des perspectives nouvelles dans la manière de raconter une histoire en abandonnant la linéarité au profit du "questionnaire à choix multiple". Akira KUROSAWA a transposé une énigme de polar (mais qui a tué le mari?) genre qu'il maîtrise à la perfection dans le Japon médiéval ce qui d'ordinaire ne lui aurait pas permis de franchir les fourches caudines de la censure américaine. Celle-ci était en effet impitoyable avec le chambara (film de sabre) et le jidai-geki (films médiévaux en costume), néanmoins elle s'était assouplie au début des années 1950 (le Japon était devenu un allié dans la guerre de Corée) et de plus le film ne faisait en aucune manière l'apologie de la guerre. Il dépeint avec génie les zones d'ombre de l'âme humaine dans l'anomie d'un monde ravagé par la guerre où chacun "a ses raisons" de ne pas dire toute la vérité pour reprendre l'expression de Jean RENOIR. Chaque acteur et chaque témoin livre sa version des faits ce qui entraîne autant de retours en arrière. Il y a d'ailleurs deux niveaux de flashbacks, ceux qui montrent les témoignages lors du procès et ceux qui revisitent le drame lui-même. Le présent du film est incarné par trois hommes, deux témoins et un passant qui commentent les différents récits et jouent un peu le rôle du chœur. La musique (japonisée) du Boléro de Ravel et la photographie impressionniste soulignent le caractère à la fois cyclique et changeant du récit ainsi que la complexité des êtres. Peu à peu, en recoupant les versions, on s'aperçoit que chacun ment pour se donner le beau rôle et dissimuler une part de lui-même dont il a honte et qu'il ne veut pas montrer à la société. Le bûcheron (Takashi SHIMURA) tait son acte cupide, le bandit Tajomaru (Toshirô MIFUNE) cache ses moments de faiblesse, le mari (Masayuki MORI) dissimule sa couardise et sa femme (Machiko KYÔ) sa perfidie. Néanmoins s'il n'y a pas de vérité absolue et que des vérités relatives, il n'en est pas de même des actes. Face aux ravages de la guerre (toile de fond du film), le film se termine sur un moment de grâce lié à un geste désintéressé, l'un de ces gestes qui permet de ne pas désespérer totalement de l'humanité.

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A travers l'orage (Way Down East)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1920)

A travers l'orage (Way Down East)

On peut ne pas aimer D.W. GRIFFITH, trouver ses films soporifiques, trop longs, passéistes, mélodramatiques ou mal fagotés mais ceux qui affirment qu'il doit tout à Lillian GISH et à quelques beaux extérieurs sont des quiches en cinéma ou des snobs. D'abord parce que D.W. GRIFFITH s'il a moins inventé que perfectionné la grammaire cinématographique est l'un de ceux qui ont le plus contribué à construire cet art. Ensuite parce que c'est un formidable conteur dans la lignée des feuilletonnistes du XIX°. Dans "A travers l'orage" comme dans ses autres films, il entremêle les fils de son intrigue de façon à toujours maintenir en haleine le public. Enfin parce qu'il sait mettre en scène des climax d'une grande intensité qui frappent l'imagination du spectateur. Dans "A travers l'orage", le morceau de bravoure de la débâcle finale est entrée dans les annales pour son caractère spectaculaire et kamikaze (qui aujourd'hui risquerait sa vie ou du moins son intégrité physique pour faire du cinéma? A l'époque l'engagement de l'équipe était total et on a mal pour Lillian GISH dont les cheveux et la main trempent réellement dans l'eau glacée) ainsi que l'utilisation particulièrement efficace du montage alterné.

D'autre part si la trame de base de "A travers l'orage" est celle d'un mélodrame, D.W. GRIFFITH transcende ce matériau pour en faire quelque chose de beaucoup plus nuancé et moderne. Il n'oppose la ville et la campagne que pour mieux les englober toutes deux dans sa critique des mœurs et de la société américaine. Si la ville est montrée comme un lieu de perdition, la campagne est remplie de puritains psychorigides, d'hypocrites mielleux et de commères médisantes et jalouses. D'ailleurs le personnage vil de l'histoire, Lennox Sanderson (Lowell SHERMAN) a un pied (à terre) dans chaque milieu, étant accueilli à bras ouverts dans l'un comme dans l'autre. A l'inverse c'est bien parce que le personnage d'Anna Moore (Lillian GISH extraordinaire et bien servie par la caméra de D.W. GRIFFITH) ne trouve sa place nulle part qu'elle se réfugie dans la nature sauvage qui menace de l'engloutir. Du moins jusqu'à ce que David (Richard BARTHELMESS) en loup solitaire ne se dresse contre cet ordre fatal des choses. Car la critique sous-jacente du film va même au-delà de la stigmatisation des filles-mère dans la lignée des "Misérables" de Victor Hugo jusqu'aux films de Jacques Demy un siècle plus tard. Il s'attaque aux racines patriarcales des inégalités hommes-femmes. Le personnage d'Anna ne reste pas cantonné à celui de la "pauvre fille perdue", il évolue et s'affirme au point d'être capable de tenir tête à son abuseur qui veut l'effacer du paysage. Certaines répliques semblent même avoir été écrites l'année dernière, lors de la polémique "Metoo" et "Balancetonporc": "Supposons qu'ils découvrent votre passé, vous n'auriez plus qu'à partir". "Et vous, supposons qu'ils découvrent votre passé?", "C'est différent pour un homme, tout le monde trouvera normal qu'il ait des aventures amoureuses". En une phrase, D.W. GRIFFITH résume l'ignominie d'une société qui en soutenant les plus forts contre les plus faibles camoufle sa barbarie derrière une façade respectable. C'est pourquoi quand le père de famille ultra-puritain (Burr McINTOSH) décide de chasser Anna de la maison sans chercher à connaître le fond de l'histoire, elle dénonce son abuseur devant toute la communauté réunie sans oublier d'égratigner la "sainte famille" au passage "Pourquoi ne cherchez-vous pas à découvrir toute la vérité? Cet homme, un honorable invité à votre table, pourquoi ne cherchez-vous pas à connaître sa véritable vie?" Peu importe au final que D.W. GRIFFITH glorifie la monogamie et ne condamne la stigmatisation sociale que vis à vis des jeunes filles chastes victimes d'abus (et non vis à vis des femmes libérées, D.W. GRIFFITH n'est pas Frank BORZAGE et son sublime "La Femme au corbeau" (1928) en dépit du déchaînement naturel commun aux deux films), il y a aujourd'hui suffisamment d'abus sexuels liés aux rapports de domination devant lesquels la société se montre sourde et aveugle pour rendre son propos pertinent encore de nos jours.

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A bout de course (Running on empty)

Publié le par Rosalie210

Sidney Lumet (1988)

A bout de course (Running on empty)

« A bout de course » s’ouvre sur le défilement d’un ruban de bitume. Encore que sa progressive dissolution dans le noir puisse également signifier l’adieu à une époque, celle des seventies à la fois libertaires et engagées dont le road-movie est un symbole. En effet au bout de quelques minutes, on comprend qu’il s’agit de l’histoire d’une famille traquée par les agents du FBI pour un acte terroriste commis par les parents, militants de l’ultra gauche. Une quinzaine d’années auparavant, en 1971. Ils ont plastiqué un laboratoire du M.I.T (Massachussetts Institute of Technology) qui fabriquait du napalm pour l’armée américaine alors engagée dans la guerre du Vietnam. L’ironie du sort veut que cet acte violent commis au nom d’idéaux pacifistes ait mutilé un gardien, condamnant les parents à une vie d’errance perpétuelle. Au contexte américain où la mobilité est un fait de société (il n’est pas rare qu’une famille déménage 30 fois au cours de son existence au gré d’offres de boulots souvent temporaires) s’ajoute les origines juives communistes d’Arthur le père (Judd HIRSCH) qui donne à cette odyssée un caractère biblique. Annie la mère (Christine LAHTI) ayant renié son milieu bourgeois d’origine en rompant le contact avec ses parents a accepté de faire corps avec le destin du père… du moins jusqu’à un certain point.

Car cet aspect de l’histoire reste en arrière-plan, telle une épée de Damoclès suspendue au-dessus des personnages. On a même tendance même à oublier par moments leur statut de clandestins en cavale tant le film s’attache à dépeindre leur quotidien et non leurs moments de rupture. Ce qui intéresse Sidney LUMET et ce qui rend ce film inoubliable, ce sont les répercussions du drame sur les enfants. Obligés de changer d’identité, d’apparence et de déménager tous les six mois, comment peuvent-ils se construire et se projeter dans l’avenir ? Doivent-ils payer pour une faute qu’ils n’ont pas commise au nom de l’unité du « clan » obligé de se serrer les coudes dans l’adversité ? Cette loyauté qui les condamne au silence n’est-elle pas incompatible avec la rébellion propre à l’adolescence, indispensable pour s’autonomiser ? C’est tout le questionnement qui traverse le personnage central de Danny, le fils aîné de 17 ans, merveilleusement interprété par River PHOENIX. Pour caractériser ses contradictions internes, outre une magnifique scène impressionniste entre ombre et lumière, Sidney LUMET fait apparaître sur la porte d’un placard un poster de Charles CHAPLIN, la star du muet et juste derrière, un poster de James DEAN, le symbole de la jeunesse rebelle des années 50 (identification renforcée a postériori par le fait que River Phoenix comme James Dean est mort très jeune). D’autre part se pose la question de la transmission. Ironiquement (là encore), le seul véritable héritage que reçoit Danny est celui de sa mère Annie (car du côté du père, derrière une idéologie révolue il n’y a qu’un trou béant). En effet Sidney LUMET montre qu’il est impossible de faire table rase du passé. Celle-ci a eu beau couper tout contact avec ses parents, elle a emporté avec elle un clavier de piano, symbole de ses talents musicaux et elle l’a transmis à Danny qui s’avère être un musicien surdoué. Il n’est pas surprenant qu’elle finisse par éprouver le besoin de renouer les liens avec son père pour lui confier l’avenir de son fils lors de l’une des scènes les plus fortes du film. Cette évolution d’Annie était déjà perceptible lors des retrouvailles avec Gus (L.M. Kit CARSON) l’un de ses camarades activistes resté figé dans le radicalisme de sa jeunesse et qui lui reproche de s’être embourgeoisée (parce qu’elle a fondé une famille et qu’elle refuse de le suivre dans un nouveau « coup » dont l’issue tragique ne fait aucun doute). Subtilement, Sidney LUMET renvoie dos à dos les deux systèmes, celui du réseau activiste révolutionnaire et celui de la cellule familiale en ce qu’ils privent les individus de leur libre-arbitre. Alors que les parents se sont engagés très jeunes dans une voie dont ils payent à vie les conséquences, leur fils se sent tellement lié à eux qu’il ne se donne pas l’autorisation de s’engager dans une voie qui lui serait propre. En même temps, le film dépeint le moment clé où celui-ci découvre que son talent peut lui ouvrir une perspective d’avenir distincte de ses parents en étant remarqué par son professeur de musique et en tombant amoureux précisément de sa fille alors que l’attachement en dehors du clan lui est en principe interdit (comme le montre l’abandon du chien dans la séquence d’introduction). Quant à l’accusation « d’embourgeoisement » émise par Gus et par le père de Danny à propos de la vie de famille et de la passion de la musique classique, elle tombe d’elle-même à partir du moment où les « vieux » ont confisqué de façon contre-nature la rébellion qui est le privilège de la jeunesse. La fin tragique de Gus et l’errance sans but de la famille de Danny (« Running on empty » comme le dit le titre en VO, ils tournent à vide) montre que ce choix de vie nihiliste n’en est pas un. Danny ne peut sortir de son aliénation familiale qu’en restant sur place et en prenant racine quelque part. Le tout avec l’aide de sa mère mais aussi de son père qui s’avère moins psychorigide qu’il n’en a l’air. La mort de Gus a souligné que leur existence était une impasse et il aime suffisamment son fils pour lui laisser une chance d’en construire une qui ne le soit pas : « Va changer le monde. Nous avons essayé ».

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Quartier lointain

Publié le par Rosalie210

Sam Gabarski (2010)

Quartier lointain

En 1967, le cinéaste japonais Shôhei IMAMURA réalise " L'Évaporation de l'homme" (1968), un documentaire consacré à un johatsu, c'est à dire un homme qui choisit de disparaître comme 100 mille japonais chaque année (selon l'enquête de Stéphane Remael consacré aux "Evaporés du Japon" parue en 2014). Il y a en effet une spécificité japonaise de la disparition volontaire (tout comme le suicide) liée aux rigidités de la vie sociale à laquelle certains préfèrent se soustraire. Il existe même à Tokyo ou à Osaka des quartiers spécifiques qui accueillent les johatsu et les aident à refaire leur vie, une possibilité liée au fait que le système d'adressage japonais est si compliqué que même les japonais non familiers des lieux s'y perdent (ne parlons même pas d'un occidental pour qui c'est un véritable enfer). Les quartiers-ghettos sont ainsi tout simplement introuvables puisqu'ils sont si repliés sur eux-mêmes qu'on ne les trouve pas sur les cartes.

Ce contexte particulier faisait que la transposition de "Quartier Lointain", le célèbre manga de Jiro Taniguchi dans un contexte franco-français tenait de la gageure. Pour rappel, il s'agit de l'histoire d'un père de famille de 48 ans qui s'évapore en faisant un voyage spatio-temporel. Ce voyage lui permet de revivre un moment clé de son adolescence, celui où son père a lui-même disparu sans laisser de traces… en 1967. Sauf que tout en se retrouvant dans le corps de celui qu'il était à 14 ans, le héros conserve son caractère et son expérience d'adulte. Ce décalage lui permet de voir ses parents avec le regard de quelqu'un à même de les comprendre et d'explorer des détails qui lui avaient échappé pour peut-être sinon pouvoir changer le passé, du moins faire la paix avec lui-même et ne pas reproduire les mêmes erreurs dans son présent d'homme adulte.

"Quartier lointain" comme toute l'œuvre de Jiro Taniguchi multiprimée est un miracle de finesse et de sensibilité. Son style graphique aux cases ordonnées et l'universalité de ses propos lui ont permis de toucher en France un public plus large que celui qui lit habituellement des mangas. Le réalisateur Sam GARBARSKI s'est donc lancé dans une entreprise périlleuse: adapter le manga tout en le francisant. Les critiques ont été divisées à la sortie du film mais selon moi c'est une réussite. Le réalisateur parvient à créer une atmosphère éthérée qui sied particulièrement bien à un voyage qui ressemble à un rêve. Il respecte le cheminement d'origine du héros qui au lieu de rentrer dans le Tokyo/Paris actuel atterrit dans le village de montagne de son enfance (Kurayoshi/Nantua) d'abord de nos jours puis en 1967. Il est particulièrement bien épaulé par la musique planante du groupe "Air" dont est d'ailleurs fan Jiro Taniguchi (qui apparaît brièvement dans le film). L'interprétation globale contribue également à rendre l'atmosphère étrange et irréelle. Alors que certains l'ont trouvé atone, j'ai aimé la mélancolie et la douceur qui se dégagent de la prestation de Pascal GREGGORY (Thomas adulte) et de Léo LEGRAND (Thomas adolescent). Le premier apparaît déconnecté du monde, somnambulique, au bout du rouleau, traînant sa valise comme un poids mort. Le décalage entre l'apparence juvénile et la gravité du second qui semble avoir une connaissance quasi omnisciente de la vie le rendent inquiétant, tel l'extra-terrestre qu'il est en réalité. Et même s'il n'y a pas de phénomène de société autour des disparitions volontaires en France, qui n'a jamais eu envie de prendre un train?

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L'année dernière à Marienbad

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1961)

L'année dernière à Marienbad


" Des salles silencieuses où les pas de celui qui s’avance sont absorbés par des tapis si beaux, si épais, qu’aucun bruit de pas ne parvient à sa propre oreille. Comme si l’oreille, elle-même, de celui qui s’avance, une fois de plus, le long de ce couloir, à travers ces salons, ces galeries, dans cette construction d’un autre siècle, cet hôtel immense, luxueux, baroque, lugubre où des couloirs interminables se succèdent aux couloirs, silencieux, déserts, surchargés par des corps sombres froids des boiseries, de stucs, des panneaux moulurés, marbres, glaces noires, tableaux aux teintes noires, colonnes, encadrements sculptés des portes, enfilades de portes, de galeries, de couloirs transversaux qui débouchent à leur tour sur des salons déserts, des salons surchargés d’une ornementation d’un autre siècle. Des salles silencieuses où les pas de celui qui s’avance… " Ainsi commence "L'Année dernière à Marienbad" un film aussi beau qu'énigmatique, issu de la fusion entre l'écriture du pape du nouveau roman Alain Robbe-Grillet et de l'un des plus importants représentants de la Nouvelle vague, Alain RESNAIS dont c'est seulement le second long-métrage. Néanmoins le film pourrait tout à fait s'intituler "Toute la mémoire des statues" tant il effectue la synthèse entre deux de ses précédents courts-métrages: "Toute la mémoire du monde" qui filme la bibliothèque nationale de France comme les circonvolutions labyrinthiques d'un cerveau et "Les statues meurent aussi" (1953) fondé sur l'animisme de la statuaire africaine.

Tout n'est en effet que labyrinthe et leitmotiv dans ce film-cerveau confinant à l'abstraction qu'est "L'année dernière à Marienbad". On se perd d'autant plus dans l'architecture et les jardins de l'immense hôtel que les plans vertigineux de perspectives tracées par les miroirs, couloirs, enfilades de portes ou de colonnes, d'allées aux arbres taillés ou de bassins en cascades ne cessent de revenir en boucle tout comme l'écriture qui ressasse sans fin les mêmes mots. Tout cette géométrie déroutante, close et répétitive a pour but d'installer une temporalité très particulière, hors du monde qui pourrait être celle du rêve. Cette dimension onirique est renforcée par des personnages aussi rigides et figés que des statues (leurs silhouettes uniformes dans le jardin font penser à celles de Folon ou de Magritte) et qui lorsqu'ils s'animent, répètent mécaniquement tels des robots les mêmes gestes ou les mêmes phrases souvent copiés sur ceux de leurs voisins. Cette facticité du comportement va de pair avec l'environnement en trompe l'oeil donnant à l'ensemble un caractère déshumanisé.

Deux personnages se détachent cependant de ce cadre fantomatique. Un homme, X (Giorgio ALBERTAZZI) et une femme, A (Delphine SEYRIG). Ils ne cessent de se perdre et de se retrouver dans le labyrinthe spatio-temporel construit par le film qui est aussi celui de leur mémoire (thème fondamental de la filmographie de Alain RESNAIS). L'homme cherche à persuader la femme qu'ils se sont déjà rencontrés "l'année dernière" à plusieurs endroits possibles. Mais elle lui résiste et dit ne pas se souvenir. Pour appuyer ses dires, il égrène des souvenirs très précis et même une photographie comme autant de pièces à conviction ou de morceaux d'un immense puzzle que le spectateur serait invité à reconstituer. Le nombre important de photographies conservées par la femme et le caractère répétitif des souvenirs laisse entendre en effet que cette entreprise s'est déjà produite plusieurs fois, qu'il y a eu plusieurs "années dernières" dans "plusieurs endroits" et qu'elles ont toutes échoué. Ce jeu de pistes laisse au spectateur la possibilité de forger plusieurs interprétations de cette histoire. L'homme qui contrairement aux pantins de cire qui peuplent le château est doté d'une conscience, d'une mémoire et d'une imagination peut vouloir échapper à la prison mentale de l'hôtel par le sentiment amoureux. Ce qui implique de fabriquer une femme à son image en l'humanisant. Statue parmi d'autres au début du film (sa posture le suggère fortement), la femme est de plus en plus vivante au fur et à mesure qu'elle se laisse toucher par le récit de l'homme au point que le film finit par épouser son point de vue à elle (c'est donc qu'elle est un être suffisamment autonome pour en avoir un). L'allusion finale au conte de Cendrillon (la chaussure, les 12 coups de minuit) laisse entendre que le temps leur est compté. Mais à l'inverse, on peut aussi voir cet homme comme un prédateur et la femme comme une proie. Les flashs mentaux récurrents peuvent être vus comme un traumatisme. En effet l'intrusion mainte fois répétées de l'homme dans sa chambre et ses réactions d'horreur font penser à un viol de même que la contamination de ses pensées en elle. Comme le nouveau roman et le cinéma de Alain RESNAIS sont très formalistes, on peut ajouter encore une autre sens à cette histoire, celle d'un personnage qui se rebelle contre le metteur en scène pour s'autonomiser, prendre le contrôle du film (les images contradictoires seraient alors l'expression d'une lutte de pouvoir) et s'en échapper à la fin.

Un film aussi abstrait, cérébral et froid en apparence ne fait pas penser a priori à du Alfred HITCHCOCK, pourtant son image apparaît brièvement à la dixième minute du film. C'est que Alfred HITCHCOCK qui est admiré par la Nouvelle vague dissimule son formalisme derrière des histoires divertissantes. Plusieurs de ses films ont pour point de départ des figures géométriques abstraites qui deviennent ensuite figuratives: la spirale de "Vertigo" (1958), les lignes de "La Mort aux trousses" (1959) ou de "Psychose" (1960). On peut ajouter que l'histoire de "La Mort aux trousses" (1959) ressemble à celle de Marienbad avec l'histoire d'un homme que l'on confond avec un fantôme et qui s'extrait d'un monde de simulacres en tombant amoureux.

Enfin "Shining" (1980) réalisé vingt ans après "L'année dernière à Marienbad" partage des caractéristiques avec lui, notamment l'hôtel-labyrinthe hors du temps et les flashs mentaux.

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Délivrance (Deliverance)

Publié le par Rosalie210

John Boorman (1972)

Délivrance (Deliverance)

« On a vaincu la rivière » annoncent triomphalement à la fin de la première journée Lewis, Ed, Drew et Bobby, les quatre citadins venus concrétiser leurs fantasmes de conquête de ce coin sauvage de Georgie avant qu’il ne disparaisse sous les aménagements. Sous un vernis écologiste, leur vraie motivation est narcissique : se prouver à eux-mêmes qu’ils sont des hommes qui « en ont » dans le pantalon en affrontant la nature, la vraie avant qu’elle ne soit émasculée par la main de l’homme. Le film est une attaque en règle du mâl(e) américain, sa suffisance, son arrogance et son machisme. Car ce qu'ils croient être la nature n'est qu'un trompe-l’œil pour touristes, la vraie descente (aux enfers) commence le lendemain et chacun en ressortira marqué à jamais. Lewis (Burt REYNOLDS), le mâle dominant est amputé de la jambe après avoir vécu un martyre physique et l’humiliation morale de dépendre de ses camarades comme un bébé. Drew (Ronny COX) l’artiste qui rêve de communion avec la nature et qui l’espace d’un magique duo guitare-banjo avec un autochtone aussi virtuose que demeuré croit pouvoir toucher son rêve du bout des doigts finit noyé (ou assassiné, le film reste volontairement ambigu sur ce point) dans la rivière avec le corps disloqué. Ed (John VOIGHT), le discret père de famille obligé de prendre les rênes après la blessure de Lewis contrôle mal ses flèches quand il ne se blesse pas avec. Son initiation à la survie dans des conditions extrêmes est aussi rapide que brutale. Du moins échappe t-il in-extremis au viol que veulent lui faire subir deux chasseurs dégénérés du coin qui symbolisent la vengeance de la nature c’est-à-dire de la barbarie. Bobby (Ned BEATTY) n’a pas cette chance. Petit, gros et complexé, moqué par ses camarades, il compense avec une surenchère de propos sur ses exploits virils avant que son viol ne le rabaisse plus bas que terre. Si cette scène-choc a fait sensation à l’époque et reste aujourd’hui incontournable c’est parce qu’elle est la clé du film. Lorsque la nature idéalisée par ces hommes révèle son véritable visage bestial, ceux-ci sont eux-mêmes ramenés au stade animal (le violeur compare Bobby à un cochon et lui demande de couiner) et c’est en se dépouillant de toute conscience morale, en ne conservant que l’instinct de survie que ceux-ci s’en sortent (sauf Drew justement qui ne peut renoncer complètement à ce qui fait de lui un homme ce qui le condamne). Il n’est pas difficile de voir derrière ces quatre destins individuels une critique des fondations de l’Amérique : la conquête de l’ouest et l’éradication des « sauvages », la destruction de la nature par les aménagements et les ravages écologiques (ironiquement le retour à la civilisation des trois survivants se fait par l’apparition de carcasses de voitures rouillées abandonnées au bord de l’eau), la glorification du virilisme et sa destructivité. L’Amérique s’est construite par la violence et elle a eu beau recouvrir ou lester les cadavres derrière son vernis de civilisation, ceux-ci n’en finissent pas de ressurgir telle cette main livide sortant de l’eau dans les cauchemars de Ed.

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Glass

Publié le par Rosalie210

M. Night Shyamalan (2019)

Glass

Si je suis globalement rétive aux films de super-héros (il y a tout de même des exceptions en ce qui concerne Batman et Spiderman), j'aime beaucoup en revanche les œuvres qui interrogent leur univers. J'avais été par exemple impressionnée par les sculptures en lego que Nathan Sawaya avait consacré aux héros de DC Comics avec notamment une vision angoissante d'un Superman se retrouvant emmuré dans sa propre cape. C'est dans cette même veine que se situe "Glass", troisième volet d'une trilogie qui effectue la jonction entre "Incassable" (2000) et "Split" (2016). En effet le titre, "Glass" va au delà du nom du personnage interprété par Samuel L. JACKSON. Il illustre de manière troublante la célèbre phrase de Jean COCTEAU extraite du film "Le Sang d un poète (1930)", "Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu plus avant de renvoyer les images" ^^. D'abord parce qu'il s'agit d'un film de réflexion et non d'action privilégiant la fixité sur le mouvement. Les combats sont par exemple systématiquement avortés, celui de la fin dans la tour d'Osaka étant purement et simplement escamoté. Sa surface vitrée ne réfléchit donc que le vide, omniprésent dans l'ensemble du film. Cette manière de déjouer les attentes du spectateur interroge aussi bien l'identité du super-héros que sa place dans le monde. M. Night SHYAMALAN souligne le même paradoxe que Brad BIRD. Omniprésents dans la culture populaire américaine depuis les années 30, les super-héros sont invisibles dans la réalité (d'où le fait qu'elle ne reflète que le vide, le film de M. Night SHYAMALAN se plaçant délibérément dans un registre réaliste). Est-ce la preuve définitive que les super-héros ne sont qu'un mythe et que leurs supporters ont tort d'y croire ou est-ce parce qu'ils n'ont pas le droit d'exister tels qu'ils sont réellement? Dans "Les Indestructibles" (2004), leur intégration se fait au prix de la dissimulation de leur véritable identité. Dans "Glass", ils sont enfermés à l'asile (ce qui implique qu'il sont considérés comme des malades) dans ce qui est une très intéressante relecture de "Vol au-dessus d un nid de coucou" (1975) (et d'une partie de "L Armée des douze singes" (1995) dans lequel jouait Bruce WILLIS et qui était également un hommage au film de Milos FORMAN). Le docteur Ellie Staple (Sarah PAULSON) est une nouvelle Miss Ratched dont la douceur apparente dissimule les noirs desseins éradicateurs. Se situant dans le registre de la manipulation, elle ne cesse de faire douter d'eux-mêmes les trois hommes qu'elle doit "traiter" pour les détruire de l'intérieur et l'opération projetée sur Elijah (le cerveau du trio tout aussi manipulateur qu'elle) est un avatar de la lobotomie subie par McMurphy avec lequel elle est engagée dans une véritable lutte de pouvoir. On apprécie d'autant plus le twist final qui illustre parfaitement la phrase de Cocteau, la faille du dispositif de surveillance résidant justement dans le fait d'enregistrer des images qui non réfléchies (par les gardes-chiourmes de la normalité) peuvent échapper à leur contrôle et servir de "preuve" (même si ce ne sont que des images et non la réalité, la confusion est inévitable: "c'est vrai, je l'ai vu" ^^).

"Glass" a également un autre sens intéressant. Il renvoie à la vulnérabilité de super-héros que l'on croit à tort invincibles. Cet aspect renvoie à la mythologie grecque, plus précisément à Achille, le héros de la guerre de Troie. Sa mère l'a plongé bébé dans le Styx, l'un des fleuves des Enfers, pour que son corps devienne invulnérable ; mais son talon, par lequel le tient Thétis, n'est pas trempé dans le fleuve et reste celui d'un mortel. Par conséquent il meurt d'une flèche plantée dans le talon. Chacun des trois super-héros de "Glass" possède ainsi une faiblesse qui lui est fatale. David Dunn alias "L'Homme incassable" ou le "Superviseur" (Bruce WILLIS) est hydrophobe, Elijah Price alias M. Glass (Samuel L. JACKSON) souffre de la maladie des os de verre et la Bête alias Kevin Wendell Crumb alias les 22 autres personnalités de sa "Horde" (James McAVOY) lorsqu'elle est ramenée à sa condition humaine ne survit pas aux balles dans le corps. Car entre la bête et le surhomme, ces personnages sont avant tout des hommes et c'est cette dimension humaine qui les rend vulnérables. Elle passe par l'emprise du temps (géniaux flashbacks sur des scènes coupées de "Incassable" (2000) qui témoignent du vieillissement de Bruce WILLIS et de Spencer TREAT CLARK qui joue son fils), les traumatismes de l'enfance (à l'origine de l'hydrophobie de David alors que Elijah résiste à sa lobotomie en se remémorant une scène où enfant il s'est blessé en faisant un tour de manège à sensations, deux scènes de flashbacks également coupées du film "Incassable" (2000) alors que Kevin et Casey partagent des souvenirs indélébiles de maltraitances infligées par un de leurs parents) et enfin l'amour pour les êtres chers (la mère pour Elijah, le fils pour David et Casey pour Kevin, son contact étant le seul moyen de lui rendre son humanité). En les rendant humains trop humains, c'est au final notre propre humanité que M. Night SHYAMALAN interroge.

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Les Herbes folles

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (2008)

Les Herbes folles

Il m'a fallu 10 ans pour tomber amoureuse "Des Herbes folles". Le film m'avait dérouté au premier visionnage et c'est au fil du temps qu'il m'est revenu par bribes fulgurantes, finissant par former dans mon esprit un tout parfaitement limpide. Décalé, irréel et surréaliste (Luis BUÑUEL n'est pas loin, Magritte non plus si j'en juge par l'affiche), le film épouse la forme du rêve éveillé avec ses excroissances anarchiques comme le souligne son beau titre. Plus profondément encore, il suit la pure "logique" illogique du désir ce qui en fait aussi un retour aux sources de la fibre romanesque du cinéma où tout devient possible, y compris les idées les plus "folles". Il s'agit d'ailleurs d'une adaptation littéraire ce que rappelle la voix-off de Edouard BAER tout aussi hésitante et contradictoire que ne le sont les comportements des personnages du film. L'histoire est en réalité d'une simplicité confondante, celle d'une rencontre "fatale" entre une sorcière aux cheveux de feu (elle peut faire du bien avec son jardin des "hélices" comme du mal avec la fraise de son cabinet de dentiste) et un homme fantomatique (nimbé de lumière verte, comme Madeleine dans "Vertigo") (1958) que sa triste épouse (Anne CONSIGNY) tente de raccrocher à la vie en lui donnant des tâches ménagères concrètes à accomplir pour qu'il ne s'envole pas (ou ne déraille pas encore car il traîne un lourd passé derrière lui dont on ne saura rien sinon qu'il a perdu ses droits civiques et a des pensées meurtrières). Marguerite Muir (Sabine Azéma) est à la fois la descendante de Lucy Muir, la sublime héroïne de Joseph L. MANKIEWICZ et de l'aviatrice Hélène Boucher. Pourtant elle a peu à peu laissé tomber sa passion et s'est laisser enfermer dans la routine. Jusqu'à ce que Georges Palet (André DUSSOLLIER) ne découvre son portefeuille dans un parking. Une photo engageante, un nom évocateur, un diplôme d'aviatrice, il n'en fallait pas plus pour que son imagination ne s'emballe. C'est pourquoi il ne peut accepter qu'elle ne fasse que le remercier ("c'est tout"?) ou -comme son épouse- qu'elle ne fasse que s'inquiéter pour lui ("Alors vous m'aimez?"). Les paroles de Georges sont d'autant plus déconcertantes qu'elles semblent tout droit sorties de son inconscient, sans l'ombre du moindre filtre social. Marguerite met donc du temps à embrayer et prend peur dans un premier temps (ce qui est parfaitement normal) mais lorsqu'elle accepte de le voir pour la première fois à la sortie d'un cinéma (une scène nocturne magnifique, filmée comme du WONG Kar-Wai), elle a la même "révélation" sur lui que lui sur elle. C'est que leur histoire est faite pour un écran/écrin de cinéma et lui seul avec les pas de danse désaccordés du "tu me suis, je te fuis, tu me fuis, je te suis" qui alimentent le manque et donc le désir, le baiser filmé sur fond de jingle MGM avec le mot "fin"... mais dans un film d'aujourd'hui, il ne peut plus être le climax. Il y a donc ensuite une séance de haute voltige qui sert de métaphore sexuelle à partir d'un acte manqué particulièrement suggestif (une braguette ouverte!) Cette histoire de mort (petite et grande) et de résurrection (la sève monte tellement en Georges Palet qu'il ne peut plus fermer son pantalon, cette verdeur nouvelle n'ayant plus rien à voir avec la lumière cadavérique qui le nimbait jusque là) laisse entendre que la vie n'est qu'un grand cycle, une histoire toujours recommencée (les premières et dernières images du film le soulignent d'ailleurs). 

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La Confusion des sentiments

Publié le par Rosalie210

Etienne Périer (1979)

La Confusion des sentiments

"La Confusion des sentiments" est une adaptation télévisuelle datant de la fin des années 70 de la célèbre nouvelle (que l'on qualifie aussi de court roman) de Stefan Zweig. Celle-ci dépeint avec une rare justesse les tourments d'une passion interdite alimentée par des désirs aussi violents que refoulés qui entretiennent une atmosphère d'érotisme électrique. Si l'image a beaucoup vieilli et aurait eu besoin d'une restauration lors de son transfert en DVD, force est de constater que Etienne PÉRIER a rendu justice à l'écriture d'orfèvre de Stefan Zweig tout en modernisant quelque peu son oeuvre. Il est amusant que certains aient cru bon de préciser dans leur critique qu'il ne s'agissait pas d'un film gay. Pourtant en dépit du personnage frustré et provocant de la femme du professeur c'est bien le désir homosexuel qui est au coeur du film aussi bien au niveau des dialogues que des images. La caméra devient l'œil et l'âme du professeur qui se pâme devant la musculature supposée d'Hamlet qu'il ne peut imaginer "gras" ou les statues de jeunes éphèbes grecs semblables au corps de l'élève qu'il désire, qu'il ne peut s'empêcher d'entrevoir ou d'imaginer nu ou demi-nu et dont il n'est séparé que par une fragile porte qu'il espère de toutes ses forces voir s'ouvrir. Il en va de même avec des lignes de dialogues dont le contenu est sans ambiguïté ("Je n'ai rien contre les mauvais sujets, au contraire"; "Quand l'amitié atteint ce degré d'exaltation, est-ce encore de l'amitié?"; "Je vais vous faire apporter un lit où le professeur viendra vous border"). Comme dans le livre, chaque élan est suivi d'un retour de bâton plongeant l'élève un peu plus dans la confusion, le professeur soufflant le chaud et le froid, non parce qu'il joue avec lui mais parce qu'il est déchiré entre ce qu'il voudrait désirer (une communion d'esprit avec Roland, une amitié qui serait socialement acceptable) et ce qu'il désire réellement (une fusion charnelle). Et que dire de l'interprétation! Michel PICCOLI comme Stefan Zweig épouse les moindres frémissements de son personnage dévoré par les tourments de sa passion impossible « Il faut revenir à des sentiments de chair, de passion, de vie ! Il n’y a plus de belles histoires que l’on raconte. Et, La Confusion des sentiments en est une justement. Avec trois personnages, d’une intégrité, d’une pureté, d’une rigueur, d’une intensité de vie exceptionnelle (…) c’est la beauté des sentiments.» (Michel PICCOLI à propos de "la Confusion des sentiments".)

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