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Articles avec #drame tag

Oslo, 31 août (Oslo, 31. August)

Publié le par Rosalie210

Joachim Trier (2011)

Oslo, 31 août (Oslo, 31. August)

Au premier visionnage en 2012, je n'avais pas aimé ce film tout en reconnaissant sa virtuosité technique. Le personnage d'Anders (Anders Danielsen LIE) m'avait paru être un gosse de riches plaintif, un intellectuel "fin de siècle" se regardant le nombril et se complaisant dans sa vacuité. La découverte des origines de "Oslo 31 août" à savoir "Le Feu Follet" de Drieu la Rochelle adapté au cinéma par Louis MALLE en 1963 m'a aidé à mieux l'apprécier.

Parmi les scènes remarquables du film, on peut citer un jeu d'échos particulièrement subtil entre trois scènes:

- La scène d'ouverture qui rend hommage au matériau littéraire d'origine avec une adaptation des fragments du "Je me souviens" de Georges Perec. On entend des voix d'hommes et de femmes évoquer des souvenirs d'un Oslo à visage humain qui n'est plus (les habitations ayant été remplacées par des bureaux ou des parkings).

- La scène du café où Anders écoute les conversations autour de lui sans y participer comme s'il ne faisait déjà plus partie de ce monde. On pense à une référence aux "Les Ailes du désir" (1987) sauf qu'au lieu d'être un ange qui aspire à l'humanité, Anders est un humain qui aspire à rejoindre le monde des anges. A un moment donné, il entend une fille faire une longue listes de désirs un peu sur le mode du jeu de cartes de Lynn Gordon "52 choses à faire dans sa vie avant de mourir". Or le drame de Anders est justement de ne plus rien ressentir, comme s'il était déjà mort intérieurement.

-La scène de fin, une succession de plans à rebours des lieux visités par Anders tout au long du film. Des plans désormais vides de présence humaine qui soulignent cruellement l'absence du protagoniste principal. Mais avant d'en arriver à cet effacement total, on remarque tout au long du film combien Anders a fait le vide autour de lui entre sa copine qui ne répond pas au téléphone, sa soeur qui refuse de le voir, ses parents partis en voyage et qui ont vendu la maison ou son ami Thomas (Hans Olav BRENNER) qui l'invite à une soirée où lui-même ne vient pas.


Ultime remarque, la première tentative de suicide de Anders dans le lac fait penser à "L'Intendant Sanshô" (1954) de Kenji MIZOGUCHI.

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Opération dragon (Enter the Dragon)

Publié le par Rosalie210

Robert Clouse (1973)

Opération dragon (Enter the Dragon)


"Aucun des quelques films interprétés par Bruce LEE n’est un chef-d’œuvre, mais Bruce LEE est un chef-d’œuvre dans chacun de ses films" disait Olivier Père sur le site d'Arte en 2010. Ce qui est vrai pour des films comme "La Fureur du Dragon" (1972) ou "Le Jeu de la Mort" (1978) où il n'y a que les combats du petit dragon à sauver l'est à un degré moindre pour celui-ci. Il est plus réussi dans son ensemble mais sans sa tête d'affiche il aurait été oublié depuis longtemps. Surtout c'est celui qui a fait de Bruce LEE une star en occident, hélas à titre posthume puisque celui-ci était déjà décédé quand le film est sorti.

"Opération dragon" est la première collaboration cinématographique entre les USA et la Chine. C'est une évolution dans la manière dont l'industrie hollywoodienne traite les minorités, teintée d'opportunisme devant le succès de Bruce LEE à Hong-Kong. En effet bien que né à San Francisco, Bruce LEE s'est heurté durant les années 60 au rejet raciste de l'industrie hollywoodienne et de la télévision qui comme pour les afro-américains préférait embaucher des acteurs blancs et les grimer qu'employer d'authentiques asiatiques. Cependant au début des années 70, les mouvements contestataires de jeunesse et pour les droits civiques ont quelque peu changé la donne. Il n'est d'ailleurs pas innocent qu'un acteur de la blaxploitation, Jim KELLY joue aux côtés de Bruce LEE dans le film. Quitte à élargir le public, autant faire d'une pierre deux coups!

"Opération dragon" est ainsi une tentative réussie de mélange d'influences occidentales et orientales. Bruce Lee endosse un rôle à la James Bond avec île mystérieuse et base secrète à infiltrer et méchant à la Dr. No à neutraliser. Sauf que l'ambiance est orientalisante et que le kung-fu remplace les flingues. Bruce LEE a en effet obtenu carte blanche pour orchestrer les combats et chorégraphies du film et ses mouvements félins et ultra-rapides ont été magnifiés par les plans larges du réalisateur Robert CLOUSE. Ultime coup de génie, la scène finale, tournée dans une pièce dotée de 8000 miroirs qui démultiplie à l'infini l'image du petit dragon fait penser à "La Dame de Shanghai" (1947) de Orson WELLES.

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Paranoïd Park

Publié le par Rosalie210

Gus Van Sant (2007)

Paranoïd Park

La culture japonaise n'est pas la seule à produire des images de mondes flottants, il y a également celles de Gus Van SANT lorsqu'il cherche à traduire les états d'âme de ses personnages adolescents. En 2007, il offrait un prolongement à sa trilogie de la mort avec son magnifique "Paranoïd Park". Une plongée sensorielle dans le psychisme d'un adolescent dissocié qui peu à peu parvenait à retrouver prise sur ce qui l'entourait.

Un événement traumatique dont on découvre la nature à la moitié du film coupe en effet le personnage principal, Alex (Gabe NEVINS) en deux et le fait s'absenter de lui-même. D'un côté son enveloppe vide continue comme si de rien n'était à vivre sa vie quotidienne de lycéen, sauf que la communication avec l'entourage est coupée. Elle l'était déjà sans doute avant. Les parents (séparés) sont flous et lointains, les amis restent à la surface et la petite amie, une pomp-pom girl égocentrique utilise son corps comme un objet sans se préoccuper de ce qu'il y a (ou pas) dedans. De l'autre son esprit flotte en apesanteur à bonne distance de son corps ce qui est un état finalement très proche de la mort. Alex rêve de "prendre un train", de partir, de s'envoler car il est persuadé qu'il y a "autre chose en dehors de la vie normale" mais les séquences au skatepark montrent qu'il reste collé la plupart du temps au sol avec sa planche à regarder les autres s'élancer. Ces séquences oniriques tournées en super 8, au ralenti et en grand angle avec une bande-sonore expérimentale sont de toute beauté. Elles donnent corps (c'est le cas de le dire) à la vision esthétique que GVS a de l'adolescent. Comme ceux de ses autres films, Alex a une gueule d'ange, son visage faisant penser de façon troublante à celui du peintre Raphaël. A partir de cette impression, le cinéaste ne se prive pas de travailler la question de l'innocence et de la culpabilité. Ainsi lorsque Alex se douche, il accomplit un rituel de purification censé le nettoyer de la souillure du crime qu'il a involontairement commis. Mais Gus Van SANT jette un doute sur son efficacité réelle en filmant la scène comme celle de "Psychose" (1960) (dont il a fait par ailleurs un remake). Finalement, c'est en rétablissant un contact avec la terre ferme grâce à une amie plus attentive que les autres, Macy (Lauren McKINNEY) que Alex reprend pied, notamment en rompant avec sa petite amie factice et en libérant sur le papier le poids de sa conscience, symboliquement transformé par la suite en volutes de fumées s'élevant vers le ciel.

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Un cerveau d'un milliard de dollars (Billion Dollar Brain)

Publié le par Rosalie210

Ken Russell (1967)

Un cerveau d'un milliard de dollars (Billion Dollar Brain)

Il s'agit du dernier des trois films d'espionnage adaptés des romans de Len Deighton réalisés dans les années 1960 dans lesquels Michael Caine incarne Harry Palmer après "Ipcress - Danger immédiat" (1965) et "Mes funérailles à Berlin" (1966). Il s'agit également du dernier film tourné par Françoise DORLÉAC morte peu avant la sortie du film dans un accident de voiture. Son personnage d'espionne jouant un double jeu (voire se jouant de tous) est intéressant mais trop peu exploité.

Ce troisième volet est aux antipodes du deuxième qui était presque trop sobre. Celui-là après un début assez classique en Finlande vire à la comédie burlesque complètement déjantée. Il y a du "Docteur Folamour" (1963) dans ce "Cerveau de un milliards de dollars" avec son général texan fou à lier pour qui tout communiste ou ami des communistes est une cible à abattre, Harry Palmer étant à deux doigts de se faire tirer dessus comme un lapin parce qu'il a été pris en photo avec un espion russe. S'ensuit un épisode délirant où une armée entière (dont les emblèmes rappellent plus le nazisme que le pays de l'oncle Sam) part en croisade pour "crucifier les communistes" avant de terminer au fond d'un lac gelé. Tout cela est très divertissant mais on perd au passage ce qui faisait la spécificité de l'univers dans lequel évoluait le personnage d'Harry Palmer, à savoir la volonté de réalisme, l'inscription du métier d'espion dans une certaine quotidienneté routinière et bureaucratique, les difficultés matérielles du héros. C'est peut-être cet éloignement avec l'état d'esprit originel qui explique l'abandon de la série (du moins jusqu'aux années 1990 où Michael CAINE reprendra son personnage fétiche pour deux nouveaux épisodes).

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Mes funérailles à Berlin (Funeral in Berlin)

Publié le par Rosalie210

Guy Hamilton (1966)

Mes funérailles à Berlin (Funeral in Berlin)

"Mes funérailles à Berlin", le deuxième volet des aventures de Harry Palmer porté à l'écran est un ton en dessous du remarquable "Ipcress - Danger immédiat" (1965). On reste dans l'idée de proposer les aventures d'un anti-James Bond par l'équipe des James Bond puisque c'est Guy HAMILTON qui réalise ce deuxième volet. Mais celui-ci n'a pas le petit grain de folie de Sidney J. FURIE. Sa réalisation en dépit de quelques contre-plongées biscornues qui rappellent le précédent film est très classique et pour le dire franchement, un peu ennuyeuse. Harry Palmer est toujours aussi magistralement interprété par Michael CAINE mais il a moins d'espace pour exprimer son humour pince-sans-rire tordant et son caractère fondamentalement rebelle vis à vis de l'autorité. Néanmoins quelques répliques font mouche comme cette joute verbale où il reproche à son supérieur, le colonel Ross (Guy DOLEMAN) de protéger d'anciens nazis. Ross lui répond alors que son service protège même d'anciens voleurs, allusion au passé délinquant de Harry Palmer et à ses séjours en prison. Histoire de rappeler que les intérêts géopolitiques des puissances occidentales ne s'encombrent guère de questions morales.

La valeur historique du film est en effet un plus indéniable. Tourné au milieu des années soixante, le film est un saisissant instantané du Berlin de la Guerre froide, filmé avec un réalisme quasi documentaire. Un Berlin qui porte encore les stigmates des ravages de la seconde guerre mondiale, notamment dans la partie est non reconstruite (comme le montre également "One, Two, Three" (1961) de Billy WILDER). Un Berlin de surcroît coupé en deux par un mur alors encore en construction (on voit bien que certaines sections de la ville ne sont encore séparées que par des barbelés) où les fuites vers l'ouest s'apparentent désormais à des opérations-suicide. Une cassure créant un nouvel espace de désolation et de ruines au cœur de la ville comme on peut le voir notamment lors du dénouement du film. Les postes-frontières stratégiques tels que Checkpoint Charlie et le pont Glienicke (le "pont des espions") sont le théâtre de scènes cruciales du film. Le centre de gravité de Berlin-ouest, la Kurfürstendamm avec en son coeur son église du souvenir (surnommée le "crayon" ou le "rouge à lèvres" à cause du toit du clocher coupé en biseau suite aux bombardements) est montré comme étant le symbole de la ville par tous les films de cette époque alors que depuis la réunification il s'agit d'un quartier excentré.

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Printemps tardif (Banshun)

Publié le par Rosalie210

Yazujiro Ozu (1949)

Printemps tardif (Banshun)


"Printemps tardif", mon film préféré de Yasujiro OZU, est considéré comme celui à partir duquel il a fixé son style définitif et ses thèmes de prédilection qu'il a ensuite décliné de film en film jusqu'à sa mort. Il s'agit d'un drame domestique, celui de la séparation entre un père et une fille qui vivaient jusque là dans une bulle d'harmonie, en parfaite osmose. Extrêmement subtil dans son approche, Yasujiro OZU ne juge pas, il donne à voir l'intériorité. Pas seulement celle des maisons avec sa caméra à hauteur des tatamis. Mais aussi celle des êtres. L'ami du père résume parfaitement le dilemme qui le tourmente à propos de sa fille "Si elle ne se marie pas tu as des soucis ; si elle se marie, tu as de la peine". Mieux que quiconque, Yasujiro OZU a filmé le syndrome du nid vide et les sentiments de perte et de deuil qui l'accompagnent. Mais mieux que quiconque, puisqu'il n'a jamais réussi à se séparer de sa mère, il connaît l'aspect mortifère de la peur du changement. Noriko rayonne de bonheur auprès de son père et refuse de le quitter. Néanmoins dire comme je l'ai lu très souvent qu'il s'agit d'un choix moderne me fait bien rire. Noriko est au contraire la jeune fille traditionnelle type, timide et dévouée au point de vouloir sacrifier sa vie pour servir son père, et ne surtout pas quitter le cocon familial dans lequel elle vit pour un inconnu qui l'effraye. Cette alliance incestuelle puisque la fille a pris la place de la mère disparue s'oppose aux intérêts de la société mais aussi au sens de la vie selon lequel on ne peut s'épanouir qu'en s'envolant et en prenant donc des risques. En la poussant au mariage, le père fait son devoir, pas seulement vis à vis de la pression sociale qui est très forte (Yasujiro OZU ne l'occulte pas au travers du personnage d'entremetteuse de la tante) mais également parce qu'il aime sa fille et qu'il sait qu'en la gardant auprès de lui, il l'empêche de devenir adulte. Si Noriko finit par se résigner à accepter un mariage arrangé, la seule voie alternative possible pour elle qui est si craintive, Yasujiro OZU montre que ce n'est plus la seule possibilité d'avenir pour les jeunes filles japonaises. L'amie de Noriko s'est mariée avec un homme qu'elle avait choisi elle-même, elle a divorcé et elle travaille. Une modernité imposée par la présence américaine dans le Japon d'après-guerre dont Ozu montre plusieurs fois les traces au travers des vêtements ou d'un panneau Coca-Cola. Il n'est pas innocent que père et fille fassent un pèlerinage à Kyoto, berceau du Japon traditionnel avant que Noriko ne saute le pas à Tokyo, symbole de modernité.

Ajoutons que si le film est dramatique, le stratagème du père pour faire partir sa fille et la réaction virulente de celle-ci a quelque chose de tragi-comique. Il faut voir les regards que celle-ci lance à son père et à la prétendue fiancée de celui-ci lors de la représentation du Nô auquel ils assistent. Comme elle l'avoue elle-même, l'idée qu'un homme plus âgé puisse se remarier (traduction: puisse avoir une sexualité) est pour elle quelque chose d'insupportable, quelque chose d'odieux, de dégoûtant et de déplaisant. Le choix du père nous paraît alors d'autant plus comme une mesure sanitaire d'urgence.

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La poursuite impitoyable (The Chase)

Publié le par Rosalie210

Arthur Penn (1966)

La poursuite impitoyable (The Chase)

Une petite ville du sud des Etats-Unis au milieu des années 60. C'est le samedi soir. Les fêtes y tournent à l'aigre. On se noie dans l'alcool, la débauche ou bien on sort son flingue avec l'envie d'en découdre. "La poursuite impitoyable" qui a des accents de "Furie" (1936) vous prend par les tripes et ne vous les lâche plus. Comme les personnages, on est "happé" dans un maelstrom de haine et de violence. Le respect des trois unités (lieu, temps, action) y participe beaucoup mais c'est aussi un climat de tensions exacerbées qui rend ce film aussi immersif (comme quoi, il n'y a pas besoin d'effets spéciaux sophistiqués pour cela).

Lorsque le shérif Calder (Marlon BRANDO) explique à sa femme Ruby (Angie DICKINSON) qu'il ne veut pas d'enfant parce qu'il grandirait à l'ombre d'une prison, on comprend qu'il ne parle pas de son bureau (qui d'ailleurs apparaît plutôt comme un abri bien fragile) mais de la ville texane de Tarl. Un vrai cloaque dans lequel sont englués tous les personnages. Il n'est pas innocent que le fil conducteur de l'histoire soit la tentative de fuite de son ange blond déchu, Bubber Reeves (Robert REDFORD) qui finit par s'y briser les ailes. Comme si une chaîne invisible (le cordon ombilical non coupé avec sa mère avec qui les relations semblent lourdes de contentieux?) le reliait à Tarl, il est toujours ramené en arrière comme le montre la scène du train qu'il prend à contresens. En arrière et vers le sol. L'Amérique profonde des années 60 est dépeinte comme un enfer sur terre. Un monde clos sur lui-même, étouffant, où l'air est vicié et où les relations humaines sont perverties par l'argent, le puritanisme, les conventions sociales et le racisme qui en 1966, époque de la lutte pour les droits civiques reste virulent. La famille, si sacro-sainte aux Etats-Unis est particulièrement mise à mal. Les relations de couple sont tellement en crise que l'adultère semble être devenu la règle comme le montre l'exemple du couple Stewart avec un mari impuissant Edwin (Robert DUVALL) que sa femme Emily (Janice RULE) piétine de ses railleries et trompe ouvertement avec l'autre vice-président de la banque, la brute locale Damon (Démon?) Fuller (Richard BRADFORD) sous les yeux de son épouse abrutie par l'alcool. Les relations parents-enfants ne sont pas plus heureuses. Val Rogers (E.G. MARSHALL) le nabab de la ville perd son fils Jake (James FOX) dont il a dirigé la vie au détriment de son bonheur personnel. Jake, tout comme Calder ne veut d'ailleurs pas avoir d'enfant. Le beau-père de Anna (Jane FONDA) ne pense qu'à s'approprier son héritage. Les parents de Bubber se reprochent de n'avoir pu l'empêcher de mal tourner. Pas étonnant que dans une telle atmosphère, le nihilisme soit si puissant. Car c'est toute la ville qui semble privée d'avenir.

L'annonce de l'évasion de Bubber suivi d'un meurtre dont il est accusé et c'est l'embrasement: toutes les pulsions refoulées s'expriment dans des manifestations collectives d'une effroyable sauvagerie. Face à des groupes d'hommes armés, avinés et violents, la loi semble impuissante à empêcher les lynchages et cette violence aveugle montre que les mentalités de l'Amérique profonde n'ont guère évolué de la conquête de l'ouest jusqu'à nos jours.

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Il était une fois en Amérique (Once upon a time in America)

Publié le par Rosalie210

Sergio Leone (1984)

Il était une fois en Amérique (Once upon a time in America)

"Il était une fois en Amérique", le film testamentaire de Sergio LEONE aurait pu tout aussi bien s'intituler "La vie est un songe". Son originalité tient au fait qu'il ne raconte pas cinquante ans de la vie d'un homme mais plutôt ce qui lui en reste au travers du prisme de ses souvenirs. Le film d'une mémoire sélective et orientée qu'il passe et repasse dans sa tête en fumant de l'opium. La forme, très proustienne, épouse cette temporalité éclatée, faite de réminiscences, d'ellipses et de moments dilatés. Ainsi 35 ans de sa vie se résument en une seule phrase évoquant l'incipit du premier roman de "A la recherche du temps perdu", "je me suis couché tôt" alors que des moments brefs comme la danse de Deborah ou la mort de Dominic sont devenus des instants d'éternité. Des sons et des images servent de sas temporels entre le présent et le passé: la sonnerie du téléphone, un trou dans les toilettes, une montre, un miroir, les phares d'un véhicule, une chanson (Yesterday des Beatles). La musique de Ennio MORRICONE contribue considérablement au halo de nostalgie qui imprègne le film.

Bien que non linéaire, le film reconstitue trois périodes de la vie de David Aaronson, surnommé Noodles (Robert De NIRO): son adolescence au début des années 20, son activité de jeune truand au début des années 30 et enfin le retour nostalgique sur les traces de son passé à la fin des années 60. Ses 12 ans d'emprisonnement et ses 35 ans d'exil constituant en revanche des trous noirs dans sa biographie.

La période la plus intéressante des trois est sans nul doute celle de la jeunesse dans le quartier juif new-yorkais du lower east side (celui dans lequel ont grandi à la même époque les Marx Brothers). L'étude sociologique et psychologique y est particulièrement poussée. Dans chacun des films de sa trilogie des "Il était une fois", Sergio LEONE filme la perte de l'innocence à travers l'assassinat d'un enfant. C'est la mort de cet enfant qui pousse David à tuer pour la première fois. On découvre en effet comment la délinquance est une pente naturelle dans un contexte alliant l'extrême pauvreté, l'abandon parental et l'injustice liée à la corruption des autorités symbolisées par un flic véreux. D'autre part et contrairement aux idées reçues selon lesquelles la corruption de la jeunesse daterait des images pornographiques de l'ère internet, la découverte de la sexualité chez les jeunes de cette époque se fait sur le mode sordide de la prostitution. Chez le héros, elle entraîne une dissociation destructrice entre l'amour et le sexe, les femmes étant soit des figures éthérées, soit des objets sexuels (le dualisme vierge/putain si caractéristique des sociétés patriarcales).

La période de la Prohibition permet aux activités mafieuses de la bande à Noodles de prospérer mais elle détruit ce qui lui reste d'idéaux et d'illusions, son côté sentimental s'avérant incompatible avec le milieu de la pègre. Les dissensions se creusent entre lui et son meilleur ami Max (James WOODS) dont les rêves de gloire et de fortune sont sans limites. C'est en voulant le sauver, lui et les autres membres de la bande que Noodles les trahit (ou plutôt croit les trahir) et perd tout. Il en va de même avec Deborah (Elizabeth McGOVERN) tout aussi ambitieuse et indépendante qu'il ne sait que posséder et non aimer, la faisant fuir. Enfin la période de vieillesse où il fait retour sur son passé est celle de la délivrance. Paradoxalement, en découvrant qu'il a été trahi et abusé, il éprouve un soulagement car il peut transférer sa culpabilité sur quelqu'un d'autre à savoir le sénateur Bailey en qui il refuse de reconnaître son ami Max, mort pour lui depuis des lustres.

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La forêt de Mogari (Mogari no mori)

Publié le par Rosalie210

Naomi Kawase (2007)

La forêt de Mogari (Mogari no mori)

"La forêt de Mogari" est le premier film de Naomi KAWASE que j'ai vu et il m'a durablement marqué de par sa beauté, sa simplicité, son dépouillement, son caractère contemplatif et en même temps sa grande richesse. Il peut cependant rebuter et ennuyer si l'on est hermétique à la culture japonaise d'autant que le rythme est extrêmement lent et qu'il y a peu de paroles et d'actions.

L'histoire est centrée sur deux personnages très dissemblables: une jeune aide soignante qui travaille dans une maison de retraite (Machiko ONO) et l'un de ses patients, un homme étrange qui ressemble davantage à un jeune homme vieilli qu'à un vieil homme (Shigeki UDA). Tous deux ont cependant un point commun: ils sont minés par la mort d'un être cher dont ils ne parviennent pas à faire le deuil. Pour Machiko il s'agit de son fils mort dans un accident dont elle est en partie responsable. Pour Shigeki, il s'agit de sa femme Mako, morte 33 ans auparavant. La maison de retraite agit comme une prison qui les coupe d'eux-mêmes. Machiko écrasée par la culpabilité passe son temps à s'excuser. Shigeki sombre doucement dans la sénilité. Machiko est attirée vers lui mais a bien du mal à entrer en communication, Shigeki se montrant agressif lorsqu'elle tente de toucher à son intimité. Elle a alors au bout d'une demi-heure (de film) l'idée de l'arracher à sa prison pour l'emmener en promenade. Une promenade qui dérive en périple au cœur d'une forêt. Pas n'importe quelle forêt, celle de Mogari qui signifie "la fin du deuil". Car c'est en renouant le contact avec la nature sauvage c'est à dire avec leurs émotions profondes que Machiko et Shigeki vont pouvoir accomplir leur travail de deuil. Machiko en explosant de chagrin au bord d'une rivière en crue et Shigeki en creusant une tombe pour sa femme et en y déposant les lettres qu'il lui a écrite pendant 33 ans. Parallèlement, tous deux vont redécouvrir le goût de la vie au travers de sensations comme la dégustation d'une pastèque fraîche sous la canicule, la pluie qui trempe, la chaleur bienfaisante du feu de bois ou d'un corps que l'on serre contre soi pour se réchauffer. Car seule l'acceptation de la mort permet de vivre pleinement.

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Ipcress-Danger immédiat (The Ipcress file)

Publié le par Rosalie210

Sidney J. Furie (1965)

Ipcress-Danger immédiat (The Ipcress file)

My name is… Palmer, Harry Palmer. On me considère comme l'anti James Bond. Je suis myope comme une taupe, je préfère boire du café que du thé, je fais moi-même ma popote et mon boulot consiste à remplir des kilomètres de paperasse derrière mon bureau. Je ne quitte jamais Londres et sa grisaille. L'augmentation que j'ai obtenue me permettra tout juste de m'offrir un gril à infrarouge ^^.

Et pourtant les apparences sont trompeuses. Car c'est une bonne partie de l'équipe des premiers James Bond qui est derrière ce premier volet des aventures du sergent Harry Palmer. Un personnage bien plus complexe et passionnant que son allure austère de petit gris ne le laisse deviner. Il faut dire que c'est Michael CAINE qui l'incarne et qu'il est magistral. Son goût pour le café dessine les contours d'un personnage anticonformiste. Son insolence, son indiscipline (un comble pour un militaire, il est d'ailleurs passé par la case prison), son accent cockney et ses manières un peu rustres d'ancien voyou des faubourgs détonnent dans les cabinets feutrés de ses supérieurs distingués. Ses lunettes à monture épaisses soulignent une fragilité tout aussi inhabituelle dans le milieu des agents secrets. Une fragilité néanmoins compensée par une force mentale peu commune qui se révèle lorsque ses ennemis tentent de prendre le contrôle de son cerveau à l'aide du programme de conditionnement Ipcress. Une séquence qui n'est pas sans rappeler "Orange mécanique" (1971) de par son aspect psychédélique. La résistance de Harry Palmer est celle de quelqu'un qui par sa sensualité (il aime regarder les filles et… leur faire la cuisine ^^), son humour ironique pince-sans-rire tordant et la douleur physique qu'il s'inflige lorsqu'on veut l'hypnotiser parvient à rester humain dans un environnement qui cherche à le priver de son identité et de son libre-arbitre. D'ailleurs Harry Potter (dont le fantastique cache une dimension policière/espionnage) pourrait tout à fait être son descendant. Pas seulement parce qu'il a le même prénom, les mêmes initiales et la même myopie symbole de vulnérabilité mais parce qu'il est un outcast et que son caractère rebelle le rend capable de résister au sortilège imperium qui est le parfait équivalent du programme Ipcress.

Pour souligner le malaise, l'étrangeté, l'opacité et la dimension cauchemardesque qui se dissimulent derrière l'apparente banalité du travail des agents, le réalisateur Sidney J. FURIE multiplie les plans obliques et les contre-plongées. Il place souvent sa caméra derrière une vitre ou des objets qui dissimulent une partie du plan quand il n'adopte pas la vision floue de Harry Palmer privé de lunettes ou drogué. Il créé ainsi une ambiance oppressante de film noir en plein jour et rend hommage à Fritz LANG avec une scène reprise du "Le Testament du Docteur Mabuse" (1932) et à Alfred HITCHCOCK avec un plan derrière une paire de lunettes tombées à terre qui fait penser à celui de "L Inconnu du Nord-Express" (1951).

Au début des années 80, le groupe Madness a rendu hommage au film et à son acteur principal avec le titre "My name is Michael Caine", véritable hymne de résistance à l'oppression et au formatage identitaire. Et toute une lignée de films d'espionnage réalistes s'en sont inspirés comme "La Taupe" (2011).
 

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