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Articles avec #drame tag

Cyrano de Bergerac

Publié le par Rosalie210

Jean-Paul Rappeneau (1990)

Cyrano de Bergerac

"Cyrano de Bergerac" est un joyau cinématographique, une adaptation qui semble tellement couler de source que l'on en oublie ses origines théâtrales. Depuis près de 30 ans, on a eu le recul nécessaire pour analyser cet incroyable alignement de planètes ou plutôt de talents: la mise en scène minutieuse et enlevée de Jean-Paul RAPPENEAU, le brillant travail d'adaptation du texte en alexandrins du scénariste Jean-Claude CARRIÈRE, la musique de Jean-Claude PETIT, la photographie, les décors et costumes qui ont l'élégance et l'harmonie des toiles de maître et enfin le casting extrêmement bien dirigé avec en son sommet l'énorme performance de Gérard DEPARDIEU dans ce rôle de colosse aux pieds d'argile qui lui va comme un gant et dans lequel il se donne corps et âme. Tous rendent fluide, limpide, moderne (tout en conservant la poésie de la versification d'origine) et vivante l'œuvre d'Edmond Rostand. L'amour de Jean-Paul RAPPENEAU pour le grand cinéma hollywoodien transparaît dans un film qui est toujours en mouvement. Mouvements extérieurs liés aux scènes d'action qui rattachent "Cyrano de Bergerac" au genre d film de cape et d'épée et mouvements intérieurs liés aux tourments des personnages qu'à l'image des films de Alfred HITCHCOCK on voit penser. Contrairement au théâtre, le cinéma peut se passer de la parole si bien que de nombreuses scènes muettes s'intercalent entre les passages versifiés pour en accentuer la portée. Par exemple à la fin du dernier acte, Cyrano évoque le fait que sa mère ne l'a pas trouvé beau. Mais nous connaissons déjà la faille narcissique de Cyrano parce qu'elle est montrée bien plus tôt dans le film: on l'a vu renverser le miroir qui lui renvoyait son reflet juste avant qu'il découvre que Roxane (Anne Brochet) en aime un autre. On comprend alors pourquoi cet ogre maniant comme personne la langue et l'épée, capable d'embrocher 100 hommes et de rabattre le caquet de 100 autres ne puisse s'approcher d'une femme, ne pouvant s'épancher que par le biais de la plume sous une identité d'emprunt. Cyrano est par ailleurs un être entier et indomptable qui aime les actions d'éclat et refuse les compromissions et plus généralement tout ce qui peut entraver sa liberté de mouvement. Cette pureté d'âme est soulignée dans le film par un rôle muet qui vient ponctuer le film et qui est -comme par hasard- celui du Kid. Un enfant silencieux et admiratif qui donne encore plus de poids à la tirade finale du comte de Guiche (Jacques WEBER): "Il a vécu sans pacte, libre dans sa pensée autant que dans ses actes/Oui je sais, j'ai tout, il n'a rien, mais je lui serrerais volontiers la main/Oui parfois je l'envie, voyez-vous lorsque l'on a trop réussi sa vie, on sent […] mille petits dégoûts de soi dont le total ne fais pas un remord mais une gêne obscure."

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Le Petit César (Little Caesar)

Publié le par Rosalie210

Mervyn Leroy (1930)

Le Petit César (Little Caesar)


"Le Petit César" est l'un des piliers fondateurs du film de gangsters dont il a contribué à fixer les codes dans le cinéma parlant, repris et popularisés ensuite notamment par "Scarface" (1931) de Howard HAWKS. C'est aussi un film novateur de par son approche. Il infiltre le milieu des gangsters et le montre de l'intérieur au lieu de se placer du point de vue des forces de l'ordre. C'est également un film de crise (le contexte de Grande Dépression a imposé un budget réduit), sans fioritures. Il va à l'essentiel. Comme ses successeurs, il narre l'ascension, l'apogée et la chute éclair d'un caïd d'origine immigrée issu des bas-fonds (librement inspiré de la biographie d'Al Capone). Rico se distingue par son ambition et son ego démesuré ainsi que sa détermination sans scrupules qui lui permet de gravir les échelons dans une version perverse du rêve américain. Perverse et grotesque car en dépit de ses costumes de plus en plus élégants et de ses tentatives d'imitation des codes de la haute sphère de la pègre, Rico conserve son comportement de rustre mal dégrossi. Et en dépit de ses attitudes bravaches, Rico a une faille et pas des moindres puisqu'elle le perdra. En effet tout au long du film, il ne cesse de proférer des propos virilistes glorifiant l'inflexibilité et fustigeant la mollesse et le sentimentalisme ("l'amour c'est de la guimauve"), tous ceux qui s'y livrent étant qualifié du terme homophobe de "lavette". Pourtant c'est un autre homme qui le fait reculer, Joe Massera qu'il n'arrive pas à complètement plier à cette loi puisqu'il le considère comme son ami (alors qu'il combat par ailleurs tout espèce de sentiment jugé comme une faiblesse). De plus Joe est danseur ("ce n'est pas le travail d'un homme") at a une fiancée qui veut lui faire quitter un milieu "qu'on ne quitte pas". Bref, cela sent la transgression à plein nez et c'est bien cela qui donne toute son envergure tragique au personnage de Rico (qui sinon en serait juste resté au statut de pitoyable petit psychopathe). C'est le film qui a révélé Edward G. ROBINSON dans un rôle à contre-emploi de ce qu'il était vraiment (il détestait les armes à feu). Il crève l'écran et impose son physique singulier à la Jabba The Hutt, loin, très loin des standards hollywoodiens.

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L'ennemi public (The Public Enemy)

Publié le par Rosalie210

William Wellman (1931)

L'ennemi public (The Public Enemy)

"L'ennemi public" sorti en 1931 fait partie des œuvres matricielles du film de gangsters. Si le genre a été éclipsé dès le début de la décennie suivante par celui du film noir, il s'est perpétué dans le cinéma américain sous forme de clins d'oeils. "Key Largo" (1948) rend hommage à "Little Caesar" (1930) au travers du personnage joué par Edward G. ROBINSON, "Certains l'aiment chaud" (1959) dans lequel joue George RAFT reprend le tic de la pièce qu'il lançait dans "Scarface" (1931), le pamplemousse pressé de "L'Ennemi public" et le surnom "Petit Bonaparte" est décalqué sur "Little Caesar" (1930). Dans les années 70-80, le genre connaît une véritable consécration avec une nouvelle génération de cinéastes qui proposent d'éblouissantes versions "opératiques" des films des années 30: la saga du "Parrain" de Francis FORD COPPOLA, le remake de "Scarface" (1983) de Brian De PALMA ou encore "Il était une fois en Amérique" (1984) de Sergio LEONE qui s'inspire beaucoup de "L'Ennemi public".

Ce qui frappe à la vision du film de William A. WELLMAN, c'est sa touche de réalisme. Lequel s'incarne dans un aspect documentaire et biographique (voire psychologique, la brutalité du père flic s'avérant déterminante dans la violence du fils et sa décision de rejoindre la pègre), le refus de l'héroïsation des personnages et l'interprétation marquante de James CAGNEY un acteur vif et teigneux qui aime aller au contact, que ce soit la pichenette par lequel il exprime son affection ou à l'inverse le jet du demi-pamplemousse sur le visage de celle qui a le malheur de l'irriter. Il aurait pu être boxeur mais en fait il était danseur, il esquisse d'ailleurs quelques pas d'une grande dextérité au cours du film. Il n'en reste pas moins que les rapports entre lui et les femmes sont brutaux et empreints de bestialité, les seules relations un tant soit peu sentimentales qu'il se permette relevant de l'amitié virile. Néanmoins, le film de William A. WELLMAN est également romanesque, ne serait-ce que par sa structure narrative qui montre l'ascension puis la chute d'un caïd au temps de la prohibition. Il ne pouvait en être autrement car bien que datant de l'ère pré-code, le réalisateur se sent obligé de prouver qu'il n'a aucune complaisance pour les gangsters. D'où des cartons moralisateurs et une image accompagnant le générique montrant un mur symbolisant la voie sans issue que représente ce choix de vie.

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Incassable (Unbreakable)

Publié le par Rosalie210

M. Night Shyamalan (2000)

Incassable (Unbreakable)

"Incassable" commence par un accouchement, vu à travers un miroir ce qui est logique puisqu'il s'agit de la naissance du futur mister Glass (Samuel L. JACKSON) et d'une réflexion particulièrement intelligente sur la notion si ancrée dans la culture américaine de super-héros. Elijah Price naît dans la douleur: ses bras et ses jambes se sont cassés dans l'utérus de sa mère et cette fragilité osseuse génétique le met d'emblée sur la touche pour tout le reste de sa vie. Elijah se sent condamné à regarder le monde tourner derrière une vitre cloué dans un fauteuil roulant. De là découle une interrogation existentielle : pourquoi suis-je né? Question à laquelle seule la mère d'Elijah (Charlayne WOODARD) peut lui apporter une réponse, en lui offrant son premier Comic Book. Il échafaude une théorie sur le sens de son existence en partant à la recherche de son double inversé (par effet de miroir), David Dunn.

David contrairement à Elijah vit dans le déni complet de sa différence. Il a tout refoulé et vit une vie en apparence normale. Sauf qu'il est anormalement triste et anormalement solitaire (une caractéristique très profonde des films de M. Night SHYAMALAN.) Un accident de train dont il sort sans une seule égratignure alors que tous les autres passagers ont péri et le voilà sur la touche lui aussi, obligé de se livrer à une douloureuse introspection alimentée par les relances incessantes d'Elijah qui veut l'accoucher de lui-même. Comme dans "Sixième sens", une seule personne peut le suivre dans cette maïeutique, son fils Joseph (Spencer TREAT CLARK) qui a la foi chevillée au corps. Bruce WILLIS trouve là encore un grand rôle et livre une performance exceptionnelle, tout en retenue, l'émotion ne passant qu'à travers son regard. J'avais remarqué l'expressivité de ses yeux dans "La Mort vous va si bien (1992)" de Robert ZEMECKIS et là aussi il arrive à tout transmettre par le regard, notamment lors de la scène des haltères où il prend conscience de sa force surhumaine et encore plus lors de la poignante scène finale de la révélation de la vraie nature d'Elijah. S'il faut un méchant pour révéler le héros, alors la réciproque est vraie tant le bien ne peut exister sans le mal et le mal sans le bien, tous deux étant les facettes d'une même médaille. Celle de l'exception et donc de l'exclusion. Parce que d'un point de vue social et rationnel, Elijah est juste un dangereux psychopathe bon à enfermer et David un agent de sécurité misanthrope. Les scènes de foule dans la gare ou au stade soulignent d'autant mieux son isolement et son manque de communication par les voies normales. Tout passe par la mise en scène avec les visions de David lorsqu'il a un contact physique avec autrui et par le désarroi de son regard.

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La Corde (Rope)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1948)

La Corde (Rope)

"La Corde" est un tour de force technique mais contrairement à l'acte commis par Brandon et Phillip (et à la vision de Alfred HITCHCOCK lui-même qui qualifiait son film de simple "truc"), il n'a rien de gratuit. Difficile de faire plus oppressant, plus irrespirable que "La Corde". La mise en scène est à l'image du titre et de l'acte commis, elle nous enserre et nous étouffe avec son huis-clos et son illusion de filmage en temps réel. Illusion créée par les raccords de plans-séquence (impossible de faire autrement à l'époque) mais aussi par les changements de luminosité perceptibles à travers la grande baie vitrée. Plus on avance dans le film, plus l'atmosphère s'assombrit, rétrécissant encore plus l'espace vital des protagonistes jusqu'à le réduire à celui du coffre à secret autour duquel ils gravitent tous. Un double secret, sexualité et mort étant indissolublement liés chez Alfred HITCHCOCK sans parler du double sens du "cadavre dans le placard". Ce qui est dissimulé dans ce coffre-placard, c'est autant le non-dit de l'homosexualité du couple dominant-dominé Brandon-Phillip (John DALL et Farley GRANGER) et de leur professeur Rupert (James STEWART) qu'une victime des théories raciales nazies pour lesquels les êtres supérieurs autoproclamés ont le droit de supprimer les improductifs inférieurs. Le tout justifié philosophiquement par une interprétation erronée de la pensée nietzschéenne.
Cependant la "Corde" a aussi une dimension ludique de par son suspense haletant. Le spectateur ayant vu le crime se dérouler sous ses yeux se demande quand celui-ci sera découvert.Alfred HITCHCOCK joue sur cette attente et ne cesse de tendre un peu plus la corde tantôt avec la mise en scène perverse, macabre et provocante de Brandon, tantôt avec les réactions apeurées de Philip qui parvient difficilement à se contrôler, tantôt à l'aide de la mise en scène du film lui-même, que ce soit par les mouvements de caméra (l'apparition "surprise du chef" de Rupert dont on sait qu'il est le seul qui peut découvrir le secret) ou la science du cadre et de la profondeur de champ en plan fixe (la servante qui va et vient entre la cuisine et le coffre dont elle débarrasse le dessus pendant que les autres discutent en hors-champ avant de s'apprêter à l'ouvrir, une gestion de l'espace-temps que l'on retrouve à l'identique par exemple dans "Pas de printemps pour Marnie") (1964). Il est également intéressant de souligner que Rupert comprend tout bien avant d'ouvrir le fameux coffre car il partage les secrets de Brandon et Phillip. Mais il fait tout pour retarder le moment où il devra regarder la vérité en face et assumer ses responsabilités dans le crime commis par ses anciens élèves.

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Les Amants du Capricorne (Under Capricorn)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1949)

Les Amants du Capricorne (Under Capricorn)

"Les Amants du Capricorne" est un grand film incompris ou un grand film "malade" comme le disait François TRUFFAUT à propos de "Pas de printemps pour Marnie" (1964) qui a pour point commun avec le film de 1949 de mettre en avant les troubles du comportement d'une jeune femme déséquilibrée. Et j'ai toujours soupçonné la hiérarchie établie par les spécialistes des œuvres hitchcockienne d'être légèrement orientée sexuellement (beaucoup d'histoires d'hommes ou de femmes fantasmées et/ou manipulées par des hommes même si c'est souvent plus complexe et tant mieux!) D'autant que "Les Amants du Capricorne" est un mélodrame romanesque en costumes presque dénué d'action, le genre à réserver aux midinettes donc. Sauf que non en fait, il est beaucoup plus que ça. Alfred HITCHCOCK a choisi d'entremêler une caractérisation des personnages empruntée à la littérature romantique, des monologues de théâtre et des techniques d'écriture proprement cinématographiques avec une mise en scène en longs plans séquences proche de "La Corde" (1948). Cette ambition d'art total a pour but d'atteindre la vérité intime des personnages. Et c'est là que le film frappe fort et c'est ce qui fait que c'est l'un de mes Alfred HITCHCOCK préféré, un "chef d'oeuvre inconnu" pour reprendre l'expression de Jean Domarchi des "Cahiers du cinéma". Et ce alors que le film a été mal aimé par ceux-là même qui l'ont fait, Alfred HITCHCOCK et les deux acteurs principaux, Ingrid BERGMAN et Joseph COTTEN.

L'histoire des "Amants du Capricorne" a ceci d'original qu'elle commence bien après là où les mélodrames d'habitude s'arrêtent. D'ordinaire les histoires d'amour impossibles à base de "ver de terre amoureux d'une étoile" (pour reprendre la magnifique réplique de Ruy Blas) s'achèvent avec la mort tragique des amants. Mais le crime d'honneur projeté pour laver dans le sang la mésalliance se retourne contre l'agresseur et le couple survit à l'épreuve même si Sam Flusky le garçon d'écurie qui a épousé une noble écope de 7 ans de bagne en endossant le crime commis par Henrietta. Dix ans ont passé, Sam a été libéré et a même fait fortune en Australie mais lui et son épouse ne sont toujours pas heureux et n'ont toujours pas d'enfants tant le poids du passé pèse sur leurs épaules et les empêche d'aller de l'avant. "Les Amants du Capricorne" est également une des rares œuvres à aborder d'une manière aussi approfondie le problème des souffrances liées aux différences de condition sociale vécues au quotidien. Comme dans la trilogie de Roger Frison-Roche sur le guide de haute montagne Zian et son épouse bourgeoise Brigitte, dès que l'un des membres du couple se retrouve dans son monde, l'autre dépérit, leur entente ne pouvant s'accomplir que hors de tout cadre social (autrement dit dans la nature, "Les Amants du Capricorne" étant également proche de "Lady Chatterley"). Les codes sociaux européens ont rattrapé les Flusky jusqu'en Australie et ceux-ci vivent même une véritable crise de couple sur fond de lutte des classes. D'une part la gouvernante Milly (Margaret LEIGHTON), jalouse et haineuse veut se débarrasser de l'intruse pour accaparer Sam en la poussant vers la folie et le suicide. Elle se sert du déséquilibre d'Henrietta lié aux souffrances de l'exil et à la culpabilité dévorante d'avoir laissé Sam être condamné à sa place. De l'autre le cousin et ami d'enfance de Henrietta, Charles Adare (Michael WILDING) qui fait peu de cas de Sam à cause de son préjugé de classe s'éprend de Henrietta et la drague ouvertement. Situation d'autant plus délicate qu'en sa présence elle se sent revivre ce qui met Sam face à un dilemme cornélien: d'un côté il veut aider sa femme à retrouver la joie de vivre, de l'autre il est fou de jalousie. L'une des scènes que je trouve parmi les plus émouvantes du cinéma de Alfred HITCHCOCK est celle du collier de rubis. Le gros plan sur un objet clé, il l'a fait mainte fois avant, dans "Soupçons" (1941) avec le verre de lait ou "Les Enchaînés" (1946) avec une clé (justement). Mais ici, l'enjeu est tout autre. Sam s'apprête en témoignage de son affection à offrir le collier à Henrietta qui part s'amuser au bal avec Charles. Mais lorsqu'il en évoque l'idée, tous deux lui font comprendre son mauvais goût. Il n'a plus qu'à faire disparaître l'objet et à ravaler une fois de plus son amertume d'être rejeté, une fois de trop sans doute car son explosion ultérieure attisée par Milly s'explique aussi par cette énième petite humiliation. Quant à Charles, il apprend au contact de la grandeur d'âme de ce couple (il a pu mesurer la profondeur de leur amour et leur sens du sacrifice lors du grand monologue de Henrietta) à dépasser ses désirs égoïstes pour se mettre à leur niveau ce qu'il fait par son témoignage final qui est pour eux une délivrance et peut-être un nouveau départ.

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Mosquito Coast (The Mosquito Coast)

Publié le par Rosalie210

Mosquito Coast (The Mosquito Coast)

Peter WEIR n'a pas son pareil pour dépeindre des microcosmes sous emprise totalitaire tels que "Pique-nique à Hanging Rock" (1975), "Le Cercle des poètes disparus" (1989), "The Truman Show (1998)" ou "Mosquito Coast" réalisé en 1986.

A l'époque de la sortie de "Mosquito Coast", la guerre froide n'est pas terminée. Le monde est encore divisé entre le capitalisme et le communisme et a peur d'une attaque nucléaire venue de l'un ou de l'autre des deux blocs. Peter WEIR commence par montrer pourquoi Allie Fox (Harrison FORD, remarquable dans un rôle à contre-emploi) peut dans un premier temps représenter une alternative à ces deux idéologies. Son discours anti système à la fois altermondialiste, écologiste et anti consumériste est encore plus pertinent aujourd'hui qu'hier. D'ailleurs son employeur dit que s'il est enquiquineur et "monsieur je-sais-tout", il a "quelquefois raison". De plus, c'est un bricoleur de génie qui récupère nombre de déchets dans les décharges pour leur donner une seconde vie. Sa décision de quitter les USA pour le Honduras afin de tenter une expérience "rousseauiste" de retour à la nature s'avère donc en cohérence avec ses paroles. On est donc d'autant plus tenté de le suivre. Néanmoins, on découvre bien vite que dans le petit royaume qu'il s'est construit au Honduras, il règne en seigneur et maître sur une communauté qui lui est entièrement soumise: sa femme qui n'a même pas de prénom, tout au plus un surnom, "Mother" (Helen MIRREN), ses quatre enfants (dont l'aîné est joué par River PHOENIX) et un groupe d'indigènes vus (évidemment) comme de grands enfants à rééduquer. Allie Fox ne peut pas avoir d'égal parce que celui-ci est forcément un rival qui ne peut que remettre en question son "monde parfait". Très vite, il se heurte à un autre pouvoir spirituel et temporel que le sien, celui du révérend Spellgood (Andre GREGORY) à qui il a enlevé sa communauté de fidèles pour les convertir à sa cause. Cette confrontation suggère que Allie Fox est lui aussi un missionnaire en croisade, impression confirmée lorsqu'il se rend dans une autre communauté indigène pour les convaincre de le rejoindre. Mais les obstacles s'accumulent: la glace qu'il a fabriqué a fondu avant qu'il atteigne son objectif et trois bandits armés investissent son royaume déserté par les indigènes qui ont rejoint le révérend en son absence. C'est alors seulement que Allie Fox révèle qui il est vraiment: un dangereux extrémiste qui n'a aucune considération pour l'avis/la vie des autres. Il détruit ce qui lui résiste, tyrannise et manipule sa femme et ses enfants qui en dépit de quelques mouvements de révolte sont sous son emprise et se montre d'une insupportable arrogance paternaliste, colonialiste et raciste vis à vis de la seule personne qui veut l'aider. Le plus ironique toutefois est dans le fait que l'explosion de sa super-machine à glace contamine la rivière: pas très écologique tout ça…

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La Chute (Der Untergang)

Publié le par Rosalie210

Oliver Hirschbiegel (2004)

La Chute (Der Untergang)

Bruno GANZ aura incarné au cinéma pour le meilleur et non pour le pire le meilleur et le pire de l’homme. Qui veut faire l’ange fait la bête disait Blaise Pascal et dans "La Marquise d O..." (1976) de Éric ROHMER, Edith CLEVER lui disait (lui prédisait ?) qu’il ne lui aurait pas semblé être le diable si à sa première apparition, elle ne l’avait pris pour un ange. Bruno GANZ en véritable « étoile noire » a donc incarné les deux polarités extrêmes de l’être humain, sa part céleste d’une part et la bête immonde tapie en lui de l’autre avec une profondeur proprement sidérante. « La Chute », grand film crépusculaire sur l’agonie du III° Reich ressemble à un terrifiant cauchemar entre ruines fumantes et bunker lugubre. Il montre avec un réalisme saisissant de crudité ce que deviennent les hommes lorsqu’ils sont acculés dans leurs derniers retranchements et qu’ils ont la certitude que leur fin est proche. Entre recherche de l’oubli dans l’alcool et les orgies, règlements de comptes et petits calculs sordides, ce qui ressort le plus, c’est la terrifiante litanie des suicides dans une ambiance oppressante et claustrophobique. La culture de mort qui a fait des millions de victimes se referme sur les bourreaux eux-mêmes dont certains entraînent leur famille avec eux. Les plus fanatiques, Hitler et Goebbels en arrivent à souhaiter que le peuple allemand tout entier y passe pour se venger sur eux de leur défaite. Les autres, plus lucides regardent le Führer se décomposer avec consternation et désarroi. Bruno GANZ offre une interprétation hallucinée du personnage entre bouffées délirantes où il donne des ordres à une armée qui n’existe plus, accès de mégalomanie quand il élabore les plans de la future Germania avec Albert Speer, fureur contre ses généraux et son peuple qui lui servent d’ultime bouc-émissaire, larmes de rage et d’impuissance face à l’inéluctable défaite, tremblements incontrôlables dus à la maladie de parkinson. Mais en dépit de tous ces signes qui indiquent à quel point Hitler était diminué à la fin de sa vie, celui-ci continue à exercer sa tyrannie délétère faite de séduction et de terreur sur tout son entourage qu’il veut pousser à mourir avec lui. Le bunker devient alors un véritable tombeau où s’accumulent les cadavres pendant qu’à Berlin encerclé par les russes, les enfants des jeunesses hitlériennes fanatisés lui répondent en miroir en sacrifiant inutilement leur vie.
Ce n’est pas parce que Oliver HIRSCHBIEGEL a humanisé les bourreaux que le film est complaisant ou suscite l’empathie. C’est l’effroi qui domine devant des personnes pour qui la vie (la leur comme celle des autres) n’a aucune valeur et qui n’ont comme solution que la mort à offrir. Il s’interroge également sur la notion de responsabilité en choisissant de privilégier le point de vue de la secrétaire d’Hitler. Celle-ci est incarnée par une jeune actrice pour les faits relatifs à la fin de la guerre mais elle apparaît aussi en personne au début et à la fin du film en tant que témoin ayant effectué un travail de mémoire dans lequel elle reconnaît sa responsabilité dans les choix de vie qu’elle a fait. L’exemple de Sophie Scholl qui avait le même âge qu’elle lui a rappelé que la jeunesse n’était pas une excuse. De ce fait elle tend un miroir aux allemands, les incitant à en faire de même.

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Nuages d'été (Iwashigumo)

Publié le par Rosalie210

Mikio Naruse (1958)

Nuages d'été (Iwashigumo)


"Nuages d'été", premier film de Mikio NARUSE en couleurs et cinémascope est également moins dramatique que ses précédentes œuvres, sans doute grâce à l'influence de Shinobu HASHIMOTO, l’un des plus grands scénaristes du cinéma japonais qui a souvent collaboré avec Akira KUROSAWA sur ses plus grands films tels que "Rashômon (1950)", "Les Sept samouraïs (1954)" ou "Les Salauds dorment en paix" (1960). "Nuages d'été" est également moins intimiste. Il s'agit en effet de la chronique d'une famille traversée par les profonds bouleversements économiques et sociaux du second miracle japonais à la fin des années cinquante. Comme en Europe avec les 30 Glorieuses, ce changement de civilisation va de pair avec l'émancipation de la jeunesse vis à vis du patriarcat et l'exode rural, accéléré par la réforme agraire initiée par les américains. Le patriarcat est incarné dans le film par le propriétaire terrien Wasuké (Ganjiro Nakamura) qui a trois fils de trois lits différents. On apprend que lui-même a dû se soumettre à la loi paternelle qui a répudié ses deux premières femmes parce qu'elles menaçaient d'une manière ou d'une autre la prospérité de la propriété familiale. Wasuké a intégré cette domination et veut également diriger l'avenir de ses fils. Il souhaite trouver une épouse à Hatsu l'aîné mais lorsque celle-ci est trouvée, il les fait attendre parce qu'il veut organiser un grand mariage pour une question de prestige social alors qu'il n'en a pas les moyens. Il souhaite conserver Shin le second à ses côtés alors que celui-ci qui a fait des études et est devenu banquier veut aller vivre à Tokyo. Il veut faire épouser au troisième Jun sa propre cousine Hamako afin de récupérer sa terre en dot alors que Jun veut devenir garagiste. Wasuké a en effet étendu sa domination aux parents d'Hamako (sa sœur et son beau-frère dur d'oreille) à qui il a ordonné de ne pas lui faire faire d'études (contrairement à son souhait à elle).

Mais que peut ce conservatisme forcené lorsqu'il est à contre-courant du temps? Pour une fois, son écoulement n'est pas synonyme d'érosion mais de changement. Les enfants vont s'appuyer pour réaliser leurs désirs sur Yaé (Chikage AWASHIMA), la sœur de Wasuké, paysanne elle aussi. Veuve de guerre, soumise à une belle-mère qui la méprise et l'exploite, elle comprend les bouleversements du monde mieux que les autres. Non seulement elle aide ses neveux à s'émanciper de la tutelle paternelle mais c'est grâce à elle que Wasuké renoue le contact avec sa première épouse (ce qui est une manière symbolique de désobéir à son propre père). Mais Yaé finit par être rattrapée par le fatalisme propre à Mikio NARUSE. Dès qu'elle apprend que son amant Okawa (Isao KIMURA) est muté à Tokyo, elle baisse les bras alors qu'elle avait commencé à apprendre à conduire et que celui-ci lui avait promis de lui montrer un endroit plus vaste pour qu'elle soit plus forte et plus heureuse... 

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Sport de filles

Publié le par Rosalie210

Patricia Mazuy (2011)

Sport de filles

"Sport de filles", titre ironique donne le ton d'un long-métrage ni aimable ni conformiste, filmé de façon parfois approximative mais avec une furieuse énergie. Ironique oui car l'équitation est avec la danse classique une activité cataloguée comme "féminine": en France 85% des licenciées sont des filles. Mais ce que montre le film de Patricia MAZUY c'est un milieu professionnel, celui du dressage, certes dominé par des femmes mais qui ne sont que des héritières. Le milieu est en effet écrasé par des valeurs masculines ancestrales (la compétition, le pedigree, les codes, la hiérarchie sociale) et gangrené par l'argent.

Le personnage surnommé Gracieuse (encore un nom bien ironique) a l'oeil noir, le visage renfrogné, un bandeau de pirate qui lui couvre la moitié du visage, la hargne de sa passion chevillée au corps. Elle est indomptable, entière, perpétuellement en porte-à-faux par rapport à des normes sociales (et genrées) qu'elle méprise et qu'elle bafoue, que ce soit celles de son milieu paysan d'origine ou celui aristocratique dans lequel elle veut s'imposer. Par conséquent elle subit la pression de son père qui veut la caser avec Jacky ("Il est du pays et il travaille, c'est important"), un palefrenier qui a déjà un projet de vie clés en mains pour elle et que son refus pousse à des jugements à l'emporte-pièce tels que "une vraie fille, ça a besoin d'un homme" ou "tu n'aimes que les chevaux, pas les hommes". Il est d'ailleurs intéressant de constater les écarts considérables que les critiques du film manifestent dans leur vision du personnage. Pour "Benzine Magazine", "Revêche et imprévisible, Gracieuse n’attise en rien la sympathie et son comportement nous parait puéril ou à peu près incompréhensible." alors que dans "Causeur", elle a juste le puissant désir de s'en sortir "Pour qui ne connaît pas la province, la scène du supermarché donne envie de faire des études supérieures à tout prix. Ou bien de dresser des chevaux au mépris du scénario social déjà écrit". Quant aux aristos du haras où elle travaille comme palefrenière, ils lui aboient dessus dès qu'elle tente de monter sur un cheval (un paysan c'est fait pour patauger dans la gadoue). Marina HANDS trouve là un rôle qui prolonge l'histoire de sa propre vie (elle voulait devenir cavalière professionnelle) et celui de "Lady Chatterley" (2006) dans lequel elle subvertissait déjà les barrières sociales pour renouer avec sa puissance vitale.

Le film narre sa rencontre avec un autre déclassé, Franz Mann qui est un entraîneur de renom mais qui à cause de ses origines modestes s'est enfermé dans le rôle d'un "sex toy" (pour reprendre l'expression de Patricia MAZUY) pour un petit club de dames fortunées qui exploitent son nom, son savoir et son corps, un petit business florissant tenu d'une main de fer par sa régulière, un véritable dragon dont la préoccupation principale est de faire tourner la machine à cash (Josiane BALASKO est parfaite dans le rôle). Comme elle le dit à Gracieuse en empochant les billets, "Franz Mann ça vaut de l'or". Lui-même est formidable d'ambiguïté entre le cynisme du gigolo sur le retour, la lassitude de l'homme meurtri et les coups de colère du type qui étouffe et qui voudrait prendre un bol d'air. Normal, c'est Bruno GANZ qui l'interprète, d'ailleurs le fait qu'il doive se colleter à une langue étrangère (un parler français plutôt cru) accentue l'impression de décalage et d'étrangeté du personnage par rapport au milieu où il évolue. Comme son personnage, Bruno GANZ aurait bien aimé faire de l'équitation dans sa jeunesse mais il n'avait pas pu réaliser son désir à cause de ses origines modestes (son père était ouvrier d'usine). Quand la réalité rejoint la fiction...

Il est clair que la rencontre entre Gracieuse et Franz Mann représente un espoir pour elle de gravir les échelons et pour lui de sortir de son marasme. Mais cette rencontre n'échappe pas elle non plus aux réalités sociales. Si sur le plan instinctif, les deux âmes s'accordent parfaitement, les compromissions de Franz face au caractère entier de Gracieuse font des étincelles et on ne sait exactement si leur collaboration relève d'une élévation (à tous les sens du terme) ou d'une nouvelle domestication.

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