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Notre-Dame de Paris (The Hunchback of Notre Dame)

Publié le par Rosalie210

Wallace Worsley (1923)

Notre-Dame de Paris (The Hunchback of Notre Dame)

A l'origine de "Notre-Dame de Paris" il y a la démesure du Wonder Boy du cinéma, le producteur Irving THALBERG alors chez Universal. Pour ce qui était le premier film de la série "Universal Monsters" qui devait spécialiser le studio dans le fantastique et l'épouvante, il avait vu grand. "Notre-Dame de Paris" est en effet la première superproduction tirée du célèbre roman de Victor Hugo: plus de 2000 figurants, un décor de 10 hectares reconstituant la façade de la cathédrale grandeur nature, son parvis et les rues adjacentes (le plus grandiose depuis "Intolérance") (1916), 200 costumes de premier plan, 230 électriciens, le tout ayant coûté la bagatelle de 1 millions et demi de dollars (de manière hélas prophétique pour le vrai monument, ce magnifique décor est parti en fumée en 1967) des plans en contre-plongée à couper le souffle et un succès retentissant qui a paradoxalement compromis la conservation du film, celui-ci ayant été invisible de nombreuses années avant qu'une copie en bon état datant 1926 soit retrouvée au début des années 2000.

Autre apport décisif d'Irving THALBERG pour le succès et surtout la pérennité du film: Lon CHANEY le génial acteur transformiste dans le rôle de Quasimodo (les deux hommes rejoindront d'ailleurs peu après la MGM pour "Larmes de clown") (1923). La composition qui fit de lui une star planétaire est inoubliable et sa performance, impressionnante. Il devait chaque jour passer 4 heures à se maquiller et à enfiler un costume si lourd qu'il ne pouvait pas se maintenir debout ni le porter plus d'un quart d'heure d'affilée. On se demande alors d'autant plus comment il fait pour grimper aussi prestement le long des tours. Mais ce ne sont pas ses performances acrobatiques qui marquent le plus. C'est à quel point dans ce film qui a maintenant près d'un siècle, il est le seul dont la puissance de jeu, exacerbée jusqu'à la déchirure permet de crever l'écran. Les autres acteurs paraissent terriblement fades et datés à côté de lui, peu aidés il faut le dire par une censure hollywoodienne qui gomme tous les aspects sulfureux de l'œuvre de Victor Hugo. Claude Frollo (Nigel De BRULIER) devient un saint homme, la concupiscence revenant à son frère cadet laïc Jehan (Brandon HURST) que l'on voit peu à l'écran. Esméralda (Patsy Ruth MILLER) et Phoebus (Norman KERRY) sont un couple de jeunes premiers années 20 très politiquement correct (exit la gitane affriolante et le séducteur qui cherche le coup d'un soir) qui a droit un happy end convenu, la victime expiatoire étant bien entendu le monstre, déchet de l'humanité condamné à mourir seul.

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Larmes de clown (He Who Gets Slapped)

Publié le par Rosalie210

Victor Sjöström (1924)

Larmes de clown (He Who Gets Slapped)

Attention, film historique! "Larmes de clown" est le premier film produit par la MGM qui vient alors tout juste d'être fondée. C'est donc le premier film précédé du célèbre logo du lion pas encore rugissant (film muet oblige!). C'est aussi le premier film important réalisé par Victor SJÖSTRÖM aux Etats-Unis après une brillante carrière en Suède commencée 12 ans plus tôt. Et le casting brille de mille feux entre la prestation magistrale de Lon CHANEY et le duo de jeunes premiers joués par John GILBERT et Norma SHEARER futures stars de la MGM.

Le film est une allégorie cynique de l'homme et de la société. "Rira bien qui rira le dernier" est sa devise. Plus les malheurs s'abattent sur les personnages, plus le clown rit fort en regardant le monde tourner. Car celui-ci est dépeint comme un grand cirque dominé par les passions tristes que sont l'argent, le pouvoir et le sexe-possession. Le héros à l'image de Lon CHANEY est une gueule cassée qui n'a jamais pu intégrer les règles du jeu d'un monde dénué de valeurs morales et peuplé de pantins aussi creux intérieurement qu'insatiables dans leur besoin de se repaître du malheur des autres. Comble de l'ironie, c'est un scientifique qui travaille sur les origines de l'homme mais qui après s'être fait voler son travail, trahi par sa femme et son mécène se reconvertit en clown masochiste, véritable victime expiatoire de la société. Ce qui figure dans ses documents de travail, nous ne le saurons jamais mais c'est son expérience de la vilenie humaine qui est la plus parlante. Il fait figure de dindon de la farce, obligé d'encaisser les gifles avec le sourire de peur d'être obligé d'en pleurer. Fort heureusement le masque du clown lui permet aussi de jouer les deux ex machina, de rétablir la justice et de trouver la paix. Ceux qui l'ont bafoué ne finissent en effet pas mieux lotis: son épouse vénale et adultère se fait larguer comme une vieille chaussette après avoir été payée pour ses services, le père tout aussi vénal de la jeune fille qu'il aime finit dans la gueule du lion (l'animal totem de la MGM ^^) ainsi que l'infâme Baron séducteur et corrupteur.

"Larmes de clown" a eu une influence majeure sur les derniers films de Charles CHAPLIN. Il est probable qu'il y ait puisé l'idée du globe pour "Le Dictateur" (1940) alors que le vieux clown qui se sacrifie sur scène pour permettre l'envol de l'être aimé fait penser à "Les Feux de la rampe" (1952).

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Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights)

Publié le par Rosalie210

Peter Kosminsky (1992)

Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights)

Bien qu'il s'agisse d'un monument de la littérature difficile à adapter, "Les Hauts de Hurlevent" a connu de multiples transpositions à l'écran. Celle du britannique Peter KOSMINSKY, plus connu pour ses réalisations pour la télévision (dont le remarquable "Warriors : L'impossible mission") (1999) est un peu bancale. A son crédit on peut mettre la volonté méritoire d'adapter l'ensemble du roman et pas seulement la relation entre Catherine et Heathcliff, une belle photographie de paysages magnifiques, la musique de Ryuichi SAKAMOTO et l'interprétation habitée de Ralph FIENNES qui est très convaincant dans le rôle si complexe et ambivalent de Heathcliff. Mais le film souffre également de défauts qui le plombent. Il manque d'un véritable point de vue qui lui donnerait une personnalité. Tel quel, il est platement illustratif. Ensuite il a du mal à nous faire ressentir le passage du temps. Les personnages vieillissent peu voire pas du tout alors que l'histoire se déroule sur plusieurs générations. Certes, beaucoup de personnages meurent jeunes mais ce n'est pas le cas de tous si bien que lorsqu'on voit Juliette BINOCHE qui joue à la fois Catherine mère et Catherine fille devant Edgar (Simon SHEPHERD), on a bien du mal à différencier l'époux du père. Enfin, Juliette BINOCHE offre une interprétation assez puérile de Catherine. Ce n'est pas un personnage facile à saisir car il est lui aussi animé de mouvements contradictoires (peur/sécurité, cœur/vanité, passion/raison, sentiments/calculs etc.) néanmoins une chose est sûre, c'est qu'on ne ressent pas la passion dévastatrice qui est censée la relier à Heathcliff. On a plutôt affaire à une gamine agaçante et superficielle qui ne sait pas ce qu'elle veut. Si bien que sa gémellité avec Heathcliff n'a plus rien d'évident. Une Isabelle ADJANI capable de performances extrêmes et hallucinées aurait été plus appropriée. Ce n'est certainement pas par hasard qu'elle a interprété Emily Brontë dans le film "Les Soeurs Brontë" (1979) de André TÉCHINÉ. Tous ces défauts enlèvent à cette transposition la sauvagerie, la fièvre et le souffle du roman, au point qu'on ne ressent même pas l'apaisement du climat lorsque Heathcliff meurt. 

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L'Ombre d'un doute (Shadow of a Doubt)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1943)

L'Ombre d'un doute (Shadow of a Doubt)

Remarquable de maîtrise, "L'Ombre d'un doute" réalisé en 1943 est considéré comme le premier film véritablement américain de Alfred HITCHCOCK. C'est en effet une passionnante réflexion sur le manichéisme propre à cette société pour qui le bien et le mal doivent être strictement séparés et ce dernier, éradiqué. Evidemment comme le bien et le mal cohabitent en réalité en chacun de nous, il faut trouver des boucs-émissaires sur lesquels le projeter (les sorcières de Salem, les vilains des comics, les communistes, les musulmans etc.) Ensuite on envoie les gardiens de l'ordre moral (religieux, armée, super-héros) nettoyer la ville/le pays/le monde jusqu'au prochain épisode. Car le problème est qu'on s'ennuie vite sans méchant à l'horizon. La vie perd tout son sens. C'est la réflexion de la jeune Charlie (Teresa WRIGHT) allongée sur le lit de sa chambre dans la maison proprette de la petite ville de Santa Rosa si représentative de l'American Way of life. Il faut dire que le scénariste Thornton WILDER a été chercher l'inspiration du côté de Sally Benson, auteure du roman adapté au cinéma par Vincente MINNELLI sous le titre "Le Chant du Missouri" (1944). Pour rappel, le livre et le film ont pour théâtre une petite ville américaine rose bonbon où tout le monde se connaît et où il ne se passe jamais rien. Comment grandir en vivant ainsi sous cloche? Alors Charlie convoque en esprit son "jumeau maléfique" (même si "L'Ombre d'un doute" n'est pas un film fantastique, il flirte avec le genre d'aucuns l'ayant comparé à "Nosferatu le vampire") (1921) qui dans un montage parallèle saisissant (plan large sur la ville, puis de plus en plus rapproché jusqu'à la fenêtre de la chambre) est lui aussi en train de réfléchir allongé sur son lit à plusieurs centaines de kilomètres de là. Mais il l'entend et il arrive, précédé par les panaches de fumée noire évocateurs crachés par la locomotive (Charles LAUGHTON s'en est sans doute inspiré pour "La Nuit du chasseur") (1955). Le loup est entré dans la bergerie d'une famille américaine typique à la "Mary Poppins" (1964) (père banquier, mère au foyer, trois enfants) pour y semer le trouble en y introduisant le sexe et la mort, l'un et l'autre étant indissolublement liés. Le sexe y est en effet mortifère, l'oncle Charlie (Joseph COTTEN) ayant des pulsions meurtrières vis à vis des femmes qui préfigurent celles de Norman Bates ou du serial killer de "Frenzy" (1972) même si il y rajoute un motif crapuleux qui ne figure pas chez eux. Sa cible privilégiée semble être en effet la riche veuve d'un certain âge c'est à dire un substitut de sa mère (ou de sa sœur, femme au foyer qui vit des revenus de son mari) et le fait qu'il transfère ce trouble sur sa nièce en lui offrant une bague ayant appartenu à l'une de ses victimes supposée confirme le caractère incestueux de leur relation. En acceptant cette bague, Charlie accepte aussi le jeu dangereux que son oncle lui propose. Car en étant aussi fusionnels (ce n'est évidemment pas par hasard qu'ils ont le même surnom), elle peut deviner tout ce que son oncle cherche à lui cacher et dont elle a sans doute besoin pour devenir adulte. A ses risques et périls cependant car en devenant son objet de désir elle devient aussi la cible de ses pulsions meurtrières. La manière dont évolue leur relation fait penser aux femmes qui une fois la lune de miel passée découvrent les zones d'ombre de leur séducteur et se mettent à éprouver de la répulsion en lieu et place de l'attirance (c'est dire à quel point les contraires se touchent). C'est pourquoi il s'agit sans doute du film où la tentative de meurtre ressemble le plus à une scène d'amour. Lorsque Charlie se débarrasse de cette relation trouble, elle sort définitivement de l'adolescence pour embrasser son destin d'adulte qui est de reproduire le schéma maternel et sociétal en devenant l'épouse d'un gardien du maintien de l'ordre et en ne se posant plus de questions.

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The Magdalene Sisters

Publié le par Rosalie210

Peter Mullan (2002)

The Magdalene Sisters

En Irlande de 1922 à 1996, entre 10 mille et 30 femmes (selon les sources) furent réduites en esclavage dans les blanchisseries des couvents de Marie-Madeleine. Elles n'avaient commis aucun crime sinon ceux qu'avaient inventé une institution catholique toute-puissante diabolisant les femmes et la sexualité hors mariage. Les jeunes filles dont on suit l'histoire sont des proies idéales. La frêle Margaret (Anne-Marie DUFF) a été violée et dans une société religieuse patriarcale où la culture du viol est gravée dans le marbre de la Genèse, c'est toujours la fille qui est coupable. Elle doit donc subir une double peine. La douce Rose (Dorothy DUFFY) est une fille-mère que l'on a séparé de son bébé dès la naissance. Bernadette (Nora-Jane NOONE) est trop jolie et effrontée pour être honnête. A ces trois portraits, il faut ajouter celui d'une autre fille-mère, Crispina (Eileen WALSH) qui est handicapée. Elle subit donc encore plus d'avanies tant de ses camarades que des "sœurs" ou du prêtre qui la viole en toute impunité (les handicapées sont les premières victimes de ce type de crime). Le film, sec, implacable, proche d'une certaine forme de réalisme social (le réalisateur Peter MULLAN est connu notamment pour son prix d'interprétation dans "My name is Joe" (1998) de Ken LOACH) montre leur insoutenable calvaire en huis-clos qui est tout à fait comparable à celui des camps de concentration. Les "sœurs" en réalité des garde-chiourmes et des tortionnaires les exploitent et les maltraitent avec un sadisme à peine imaginable. Le tout avec la complicité de toute la société. Celle des parents est la plus insupportable car c'est elle qui permet les abus. Elle révèle jusqu'à quel degré d'inhumanité autodestructrice peut aller le lavage de cerveau et la pression sociale. Le huis-clos des couvents symbolise donc également celui d'une société verrouillée et aliénée mentalement par l'emprise que l'Eglise avait sur les consciences. Une société cruelle et hypocrite, sans espoir, sans amour, sans beauté, sans pitié, ne générant que turpitudes mortifères (abus sexuels, pouvoir, argent). Bref l'antithèse du royaume de dieu au nom duquel sont commis tous ces crimes. Si bien que lorsque Margaret entrevoit la possibilité de s'évader, elle se rend compte qu'elle n'a nulle part où aller et elle retourne dans sa prison. Aujourd'hui encore, un certain nombre de femmes âgées continuent de vivre avec les sœurs dans les anciens couvents car elles n'ont pu se construire aucune vie en dehors de leur ancienne prison. Et si les héroïnes du film semblent s'en sortir à l'exception de Crispina les informations qui nous sont données sur leur devenir montrent qu'on ne sort jamais indemne d'un tel enfer.

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Je t'aime je t'aime

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1968)

Je t'aime je t'aime

Le cinquième film de Alain RESNAIS se situe quelque part entre le puzzle mental de "L'Année dernière à Marienbad" (1961), les incursions de l'inconscient de "Muriel ou le temps d'un retour" (1962) et le voyage dans le temps science-fictionnel de la "La Jetée" (1963). Il avait d'ailleurs entrepris un projet commun avec Chris MARKER qui échoua mais qui aboutit à deux films ayant d'indiscutables points communs. Notamment un aspect froid, clinique lié au fait qu'il s'agit dans les deux cas d'expériences de voyage dans le passé menées par des scientifiques sur des cobayes humains à l'aide d'une prise de drogue et d'un enfermement dans un lieu clos (souterrain dans "La Jetée" (1963), capsule organique digérant lentement sa proie dans "Je t'aime je t'aime"). Le scénariste du film, Jacques STERNBERG lui a été conseillé par Chris MARKER et s'inspire de sa véritable histoire.

"Je t'aime je t'aime" est cependant moins un film sur le temps que sur la mémoire. Il ne s'agit pas à proprement parler de revivre le passé mais de le reconstituer au travers des souvenirs forcément altérés par le temps mais aussi l'interprétation que le sujet en a fait. On l'a donc beaucoup comparé à l'œuvre de Marcel Proust. Mais "A la recherche du temps perdu" est d'une bien plus grande envergure que "Je t'aime je t'aime" qui se focalise sur l'échec de la vie adulte du héros marquée par l'ennui et le mal-être. Claude (Claude RICH dans ce qui est sans doute son plus grand rôle) passe son temps à essayer de "tuer le temps" dans les différents emplois de bureaux qu'il occupe plus ternes les uns que les autres. D'autre part il voit également le temps détruire sa relation de couple avec Catherine (Olga GEORGES-PICOT), jeune femme dépressive qu'il s'accuse d'avoir tué. Lui-même a perdu le goût de vivre et ne pense plus qu'à se suicider. On le voit, la dépression et la mort sont omniprésentes dans le film qui a également une parenté avec "Le Feu follet" (1963) au point que Alain RESNAIS a refusé Maurice RONET pour le rôle principal de crainte qu'on ne confonde les deux films. De fait si la première partie du film est prometteuse, Alain RESNAIS mettant encore une fois tout son talent de monteur au service de cette histoire éclatée, le dispositif expérimental à du mal à tenir la distance d'un long-métrage. Comme le titre l'indique, au bout d'un moment les séquences deviennent répétitives avec certes de subtiles variations pour chacune d'elles (positionnement des éléments de décor, angles de caméra, changement de personne dans une même situation etc.) Mais le problème réside dans la médiocrité affligeante du héros, un petit-bourgeois névrosé dont on a bien du mal à compatir aux malheurs existentiels alors qu'il se prend des vacances en Provence et en Ecosse et qu'il ne se prive pas de tromper Madame avec tous les jupons qui passent. Bref un stéréotype bien rance de la France des années 60. On est bien loin des enjeux forts de "La Jetée" (1963) qui se déroule sur fond d'apocalypse nucléaire ou de "Muriel ou le temps d'un retour" (1962) qui trouve son sens dans le contexte de la guerre d'Algérie. Heureusement que Claude RICH impose sa présence sensible et mélancolique car son rôle est tout de même assez ingrat. Michel GONDRY réalisera quelques décennies plus tard une version plus pêchue et pop sur cette trame avec "Eternal sunshine of the spotless mind" (2004).

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Personne ne veut jouer avec moi (Mit mir will keiner spielen)

Publié le par Rosalie210

Werner Herzog (1976)

Personne ne veut jouer avec moi (Mit mir will keiner spielen)

Financé par le ministère de l'éducation ouest-allemand, ce film qui date de 1976 a été tourné avec des enfants d'âge préscolaire à Munich. Bien que fictionnel, le récit est partiellement basé sur des faits réels que Werner HERZOG a recueilli auprès des enfants eux-mêmes et la technique employée (caméra à l'épaule et enregistrement du son rudimentaire) prolonge celle de ces précédents courts-métrages qui étaient documentaires.

L'histoire très simple fait ressortir une thématique majeure de la filmographie de Werner HERZOG: celle du paria. Les enfants commencent par imiter le monde des adultes. Il forment un cercle dans la classe qui symbolise la société de l'entre-soi. Ils tournent ostensiblement le dos à un petit garçon allongé tout seul dans un coin sous un meuble. La raison de cet ostracisme nous est expliquée à travers les messes basses des enfants. Ils le rejettent parce qu'il est pauvre et que son apparence est négligée. Personne ne vient le chercher à la sortie de l'école. Sa mère est malade et ne peut pas s'occuper de lui et son père le maltraite. Pourtant il n'y a aucun misérabilisme dans le film qui montre qu'en dépit de cette réalité sociale très sombre le monde de l'enfance reste celui ou tout encore est possible (comme celui du cinéma) contrairement à celui des adultes qui semble indifférent à son sort. Werner HERZOG superpose ainsi dans un même plan la banalité du train-train quotidien et une tragédie insondable.

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La Lettre écarlate (The Scarlet Letter)

Publié le par Rosalie210

Victor Sjöström (1926)

La Lettre écarlate (The Scarlet Letter)

Deux ans avant "Le Vent" (1928), Victor SJÖSTRÖM réalisait un autre chef d'œuvre du cinéma muet avec le tandem Lillian GISH et Lars HANSON. L'histoire est tirée d'un roman de Nathaniel Hawthorne publié en 1850 et a un caractère fondateur à plus d'un titre. C'est l'un des premiers romans de la littérature américaine et il retourne deux siècles en arrière sur les conditions dans lesquelles ont été fondées les 13 colonies. Non sur des valeurs humanistes mais sur le fanatisme religieux et ses soubassements patriarcaux. Les premiers colons étaient en effet des puritains et parmi eux, il y avait l'ancêtre de Nathaniel Hawthorne comme il s'en explique dans la préface:
« Plus de deux siècles se sont maintenant écoulés depuis que le premier émigrant britannique portant mon nom arriva sur ces côtes … Sa figure, investie par la tradition familiale d’une sombre grandeur, faisait partie de mon imaginaire d’enfant aussi loin que je m’en souvienne. Elle me hante encore … Arrivé avec sa bible et son épée, il fut soldat, législateur et juge ; il possédait tous les traits de caractère d’un puritain, les meilleurs comme les pires. Il fut également un persécuteur sans merci comme peuvent en témoigner les Quakers qui se souviennent encore de sa dureté envers une des femmes de leur secte … Le fils de cet ancêtre qui avait hérité de ses traits de caractère fut tellement impliqué dans la persécution et le martyre des sorcières [de Salem] qu’on peut dire que leur sang a laissé sur lui une tache indélébile … »

"La lettre écarlate" est donc avant tout un pamphlet virulent contre le puritanisme de l'époque coloniale, son intolérance et son hypocrisie. Et c'est aussi un grand plaidoyer féministe toujours d'actualité. Dans la première image du film Victor SJÖSTRÖM oppose un arbre fleuri symbole de vie et de fertilité au premier plan à une sinistre prison en arrière plan qui vaut pour la ville de Boston tout entière et ses pères puritains geôliers. Il dresse un tableau de ce puritanisme qui n'a rien à envier à celui de l'islamisme radical tel qu'on a pu l'observer par exemple en Afghanistan au temps des talibans. Tous les extrémismes religieux se rejoignent dans leur haine (et leur peur) de la nature humaine. Jugez vous-mêmes: la jeune Hester Pryne (Lillian GISH) se retrouve clouée au pilori en place publique parce qu'elle a couru pour rattraper son oiseau qui s'était envolé hors de sa cage. De plus, l'oiseau est accusé de détourner les fidèles de Dieu parce qu'il chantait et en courant, la coiffe d'Esther a glissé, révélant sa chevelure tentatrice. Eliminons donc les femmes et les oiseaux puisqu'on ne peut les enfermer dans une cage! Très symbolique, cette scène d'introduction oppose une société répressive qui stigmatise et châtie le moindre débordement (y compris anodin tel qu'un éternuement en plein office) à la spontanéité de la jeune femme coupable de ne pas réfréner ses instincts naturels. Pourtant tout avait été fait pour la mater dès le plus jeune âge, son père ayant veillé à la marier de force avec un homme plus âgé. Mais comme ce dernier semble s'être évanoui dans la nature, elle a repris sa liberté. Car contrairement au pasteur (Lars HANSON) qui fuit, dissimule et se mortifie, elle assume fièrement cet amour qualifié d'adultère et donc frappé du sceau de l'infamie. Car si elle a les hommes contre elle, elle est en phase avec ses désirs profonds et la nature est de son côté. C'est dans la forêt lors de scènes renversantes de beauté que cet amour s'épanouit. C'est dans cette même forêt qu'elle affirme sa révolte, envoyant la marque infamante valser au loin et libérant encore une fois ses cheveux alors que le pasteur préfère se morfondre plutôt que de s'évader avec elle. On comprend en quoi Hawthorne a inspiré D.H. Lawrence avec ces femmes mal mariées qui secouent le joug du patriarcat en se connectant à la nature et en se réappropriant leur corps.

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Le Vent (The Wind)

Publié le par Rosalie210

Victor Sjöström (1928)

Le Vent (The Wind)

Au XIX° siècle, Letty (Lillian GISH) est une jeune femme raffinée et coquette qui quitte le cocon de sa Virginie natale pour se rendre dans le ranch de son cousin situé dans le Far West. Un autre monde, un monde encore indompté, rude, âpre et sauvage auquel elle n'est pas préparée. Dans ce monde, le vent est omniprésent, lancinant, obsédant, il dicte sa loi aux hommes lorsqu'il prend l'aspect de violentes tornades ou lorsqu'il s'infiltre insidieusement dans le train et dans la maison qu'il recouvre de poussière. On ne l'entend pas, on le sent, on le ressent grâce à la puissance expressive des images et de la musique. L'omniprésence du vent et de la poussière dans le film est une traduction de cette prise de pouvoir de la nature sur la culture et du glissement imperceptible de la réalité vers les profondeurs de l'inconscient, le film se situant à la lisière du fantastique et prenant la forme d'un long rêve éveillé.

Au contact de cette nature déchaînée Letty "s'ensauvage" et libère ses émotions profondes et ses pulsions enfouies: la métaphore de la chevelure dénouée et du pistolet chargé se rejoignent dans le même maelstrom de désir et de mort, les deux mystères les plus insondables de la nature humaine. Elle affronte également au corps à corps celles des autres qui se révèlent dans toute leur crudité: la jalousie viscérale (la carcasse qu'elle vide est tout à fait éloquente) de la femme de son cousin (Dorothy CUMMING) et la bestialité de Roddy (Montagu LOVE), le vendeur de bétail (!) dont l'apparence avenante cache un féroce prédateur. A l'inverse, Lige (Lars HANSON), le cow-boy frustre qu'elle épouse par défaut dissimule sous sa gaucherie une noblesse d'âme insoupçonnée. C'est lorsqu'il veut l'aider à reprendre sa liberté qu'elle s'attache à lui et tente de dompter sa peur (du vent, des chevaux, de la sexualité). Car ne voir que bassesse, noirceur et tragédie dans ce film c'est passer à côté de son autre dimension. La nature se nourrit de l'équilibre des contraires si bien qu'en accepter le versant négatif permet d'accéder également au versant lumineux. "Le Vent" n'est pas qu'un déchaînement de pulsions c'est aussi un grand film d'amour. Un amour qui ne peut s'épanouir que dans le renoncement à la possession. Il est une élévation, un dépassement de son petit moi égoïste pour embrasser l'infini du cosmos. Letty aurait pu ne pas survivre à l'épreuve, perdre la raison et errer dans le désert Mojave comme Travis dans "Paris, Texas" (1984). C'était la première fin envisagée. Mais la voir ouvrir grand sa porte et écarter ses bras pour accueillir la force du vent à la manière de la figure de proue du "Titanic" (1997) est tout aussi puissant.

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Witness

Publié le par Rosalie210

Peter Weir (1985)

Witness

"Witness" est le premier film américain de Peter WEIR. Il n'en perd pas pour autant son regard singulier qui le pousse à s'intéresser à de micro-sociétés vivant en circuit fermé et selon leurs propres règles en marge de la civilisation dominante. Si ce n'était la faute de goût de la musique au synthétiseur qui trahit l'époque où a été tourné le film, celui-ci parvient à épouser la vision du monde d'une communauté qui vit hors du temps: les Amish. Les premières images entretiennent l'incertitude sur l'identité de ce groupe et l'époque dans laquelle il vit. On peut en effet les confondre dans un premier temps avec des juifs orthodoxes (une confusion commise d'ailleurs par le petit Samuel lorsqu'il recherche une silhouette familière dans la gare de Philadelphie) alors que leur anachronisme nous est révélé lorsque leurs carrioles à cheval se retrouvent sur la même route que les engins motorisés. On remarque également que les Amish ne parlent pas l'anglais mais un dialecte allemand issu de leur pays d'origine, la Suisse. Cette volonté de désorienter place le spectateur face à l'étrangeté d'un groupe autarcique dont la première règle est le refus de se conformer au monde qui l'entoure et qui exclue tous ceux qui ne s'y plient pas.

Cependant les films de Peter WEIR font en sorte que ces communautés fermées deviennent poreuses vis à vis de l'extérieur. Dans le cas de "Witness", c'est dans une gare, lieu de passage et de brassage que Samuel (Lukas HAAS), un enfant Amish qui s'est un peu éloigné se retrouve plongé bien malgré lui dans un règlement de comptes sanglant entre policiers véreux et policiers intègres. Il devient en quelque sorte leur otage, les premiers voulant l'éliminer et les seconds le protéger. C'est par ce biais que la violence s'infiltre dans une communauté qui a élevé le pacifisme au rang de dogme. La violence meurtrière mais aussi celle du désir. Car John Book, le policier intègre joué par Harrison FORD n'apporte pas seulement avec lui ses poings, son flingue et ses cartouches mais également son magnétisme animal débridé qui fait rapidement tourner la tête de Rachel (Kelly McGILLIS), la mère de Samuel. Le carcan religieux dans lequel elle a été élevé semble tout d'un coup bien dérisoire pour contenir la violence de ses pulsions. A l'inverse, l'expérience immersive vécue par John Book au sein de la communauté agit comme un retour aux sources. Peter WEIR a pu s'appuyer sur le passé de charpentier de Harrison FORD dont c'est le premier film intimiste pour nous offrir la très belle scène œcuménique de la construction de la grange qui frappe par son authenticité et son harmonie. Enfin, de façon plus anecdotique, c'est le premier film où apparaît Viggo MORTENSEN dans un rôle de figuration (il joue l'un des membres de la communauté).

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