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Articles avec #documentaire tag

L'amour existe

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1960)

L'amour existe

L'amour existe est la première expérience professionnelle de Pialat dans le monde du cinéma. Ce court-métrage a une forte valeur documentaire car il constate avec une ironie acerbe les mutations des banlieues au début des années 60. Des banlieues hétéroclites sur le plan architectural mais froides, inhospitalières, sans âme, sans humanité, uniquement composées de lieux clos voire aveugles et de lieux de passage. D'un côté, il filme les zones pavillonnaires anciennes abritant des existences rabougries, repliées sur elles-mêmes à l'image des inscriptions des pancartes ornant les façades "Malgré tout", "Toi, moi et lui"; "Ca me suffit", "Mon bonheur", "Chiens méchants". De l'autre, il montre les bidonvilles d'immigrés ravagés par les incendies et les barres et tours d'HLM en construction qualifiées "de casernes civiles" ou "d'habitat concentrationnaire" où "le paysage étant généralement ingrat, on va jusqu'à supprimer les fenêtres puisqu'il n'y a rien à voir.". Mais le film n'est pas seulement un documentaire. S'y superpose une évocation nostalgique de l'enfance aux accents proustien "Longtemps j'ai habité la banlieue. Mon premier souvenir est un souvenir de banlieue." évoquant irrésistiblement l'incipit de Du côté de chez Swann "Longtemps je me suis couché de bonne heure." Enfin le film a une incontestable portée politique car il met en évidence, statistiques à l'appui la fracture urbaine entre les centres et les périphéries qui n'est autre que de la ségrégation socio-spatiale. Une ghettoïsation qui touche tous les âges de la vie: les jeux d'enfant dans les terrains vagues et les caves, les bagarres d'adolescents sans repères dans ces mêmes lieux, la routine métro (+ bus = des heures de trajet)-boulot (précaire et mal payé)-dodo des adultes et le soulagement amer de la vieillesse. L'amour existe qui est une antiphrase est à l'image de Maurice Pialat: triste, rageur, cynique et lucide voire désespéré.

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Escamotage d'une dame au théâtre Robert Houdin

Publié le par Rosalie210

Georges Méliès (1896)

Escamotage d'une dame au théâtre Robert Houdin

Ce petit court-métrage de Georges Méliès marque une date importante dans l'histoire du cinéma français. C'est en effet le premier film qui utilise un trucage qui deviendra la spécialité de ce cinéaste issu du milieu de la prestidigitation et de l'illusionnisme. En 1888, il devient le propriétaire et directeur du théâtre Robert Houdin (un illusionniste célèbre du XIX° fondateur du théâtre) grâce à une donation de son père. En 1985, il découvre avec émerveillement les premiers films des frères Lumière mais comme ceux-ci refusent de lui vendre le brevet de leur cinématographe, il se tourne vers un cinéaste britannique Robert W. Paul qui lui fournit une machine équivalente. Escamotage d'une Dame au théâtre Robert Houdin est son deuxième film. La légende voudrait qu'il ait découvert son premier trucage, l'arrêt caméra un jour où il filmait un omnibus. La manivelle s'enraya et lorsqu'il reprit le tournage il découvrit à la projection que l'omnibus était devenu un corbillard. En réalité il est plus probable qu'il ait découvert cette technique en visionnant un film américain de deux collaborateurs d'Edison, l'exécution de Mary, reine des écossais (1895). C'est ce trucage qui est utilisé pour l'escamotage de la dame, numéro d'illusionnisme cinématographique inspiré de celui de Buatier de Kolta sur scène. Pour ce numéro, Méliès utilise l'arrêt caméra trois fois: pour la disparition de la dame, l'apparition du squelette, la réapparition de la dame. A chaque fois, il faut éliminer les images surexposées provoquées par l'arrêt et le redémarrage de la caméra, d'où un effet collage très perceptible au visionnage. Méliès obtint un franc succès en mélangeant spectacle vivant et projection sur grand écran dans son théâtre.

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L'image manquante

Publié le par Rosalie210

Rithy Panh (2013)

L'image manquante

« Tous les cinéastes font des films pour combler une ou des images manquantes. » Mais pour Rithy Panh, la nécessité de se remémorer le passé se heurte à l'absence d'images, détruites par le régime Khmer rouge qui les a remplacées par des films de propagande. Aussi le film se divise en deux lignes de récit distincts et antinomiques. D’un côté le récit d’une histoire collective, celle du Cambodge dirigé par les Khmers rouges de 1975 à 1979 et des 1 million 800 cambodgiens tués par le régime. De l’autre l’histoire d’une des victimes de ce régime, celle du réalisateur lui-même. Pour la première fois dans sa filmographie, Rithy Panh livre son expérience personnelle. Mais dans chacun de ses films, il a cherché à raconter des histoires singulières pour lutter contre l’abstraction des statistiques. Seule l’émotion intime peut efficacement s’opposer à une barbarie totalitaire qui nie l’individu. La langue du « je » face à la langue révolutionnaire du « nous ».

Le titre du film fonctionne comme un leurre. Il n’y a pas une mais plusieurs images manquantes. Et elles ne sont pas seulement manquantes, parfois elles sont absentes, parfois elles sont mensongères (les images de propagande du régime par exemple). C’est pourquoi, le cinéaste construit son film comme un patchwork dont les coutures sont apparentes. Il refuse d’harmoniser les images par exemple et laisse la rupture se faire entre le film numérique et la pellicule, entre la couleur et le N/B comme il refuse de vernir ses figurines pour qu’elles retournent ensuite à la poussière. Son film est conçu comme une installation éphémère, comme un objet plus ou moins fini, comme un assemblage de fragments disparates, de matériaux hétéroclites : archives, voix-off, maquettes, figurines etc. Ce procédé permet à la fois de relier le récit intime au récit historique tout en s’interrogeant sur les rapports entre la fiction et le documentaire. En effet pour que le spectateur reste actif, il refuse l’immersion. Le but est de montrer que les images de propagande sont en quelque sorte plus fictionnelles que les images reconstruites par Rithy Panh. Les images de propagande mentent sur la réalité. Pol Pot s’est inventé un personnage, s’est construit un monde façonné par son idéologie et a utilisé le peuple pour en faire une image. A l’inverse les images reconstruites de Rithy Panh nous documentent sur son enfance et sur le monde d’avant le régime. Un monde de couleurs, d’odeurs, de diversité, de langage imagé qui va être aboli par le régime tout comme la religion, l’instruction ou la vie de famille. Certaines de ces images s’apparentent également au processus psychanalytique : le ressac de la mer (« J’ai 50 ans, je fais retour sur mon enfance. »), les corps flous « à mettre au point » etc.

Cependant, Panh ne reconstitue pas tout. La déportation de Phnom Penh qui est une image manquante tout comme l’enfance du réalisateur est remplacée par une installation avec des figurines non animées. Le refus de l’animation s’explique par le fait que la vie a été arrêtée par les Khmers. De plus ceux-ci ont détruit la plupart des images qui existaient avant eux. Celles des films de fiction comme celles des photos de famille. Panh veut que l’on ressente cette vie arrêtée et cette absence d’images du bonheur, des enfants heureux, bien nourris etc. Enfin se pose la question de l’absence des images d’exécution. Les Khmers ont filmé ces scènes mais Panh dit « ne pas les avoir retrouvées » (ce qui n’est pas forcément vrai) et même s’il les avaient retrouvées, ne les auraient pas montrées. En cela il est proche de Claude Lanzmann qui est encore plus radical. En 1994 dans un entretien, Lanzmann dit que s’il avait trouvé des images de mise à mort dans les chambres à gaz, non seulement il ne les auraient pas incluses dans son film mais il les auraient détruites (ce qui donnera lieu quatre ans plus tard à un débat avec Godard pour qui rien n’est infilmable).

Les Khmers ont détruit la culture cambodgienne dans tous ses aspects, y compris les rituels funéraires. Les figurines, comme celles que l’on plaçait dans les sarcophages égyptiens ont aussi pour fonction d’accompagner les morts dans leur dernière demeure, de donner un enterrement digne à tous ceux qui n’en ont pas eu. D’autant que les images conservent le souvenir, telles un embaumement.

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Amy

Publié le par Rosalie210

Asif Kapadia (2015)

Amy

Un documentaire particulièrement puissant sur la vie d'Amy Winehouse. Très loin du journalisme de caniveau qui a fait ses choux gras des excès en tous genre de la star, il met en lumière le talent exceptionnel de l'artiste, sa musique introspective, sa voix soul, ses paroles cathartiques. Il analyse également avec une neutralité bienveillante les démons qui ont emporté Amy Winehouse: un rapport de dévoration aux images qui s'immiscent dans son intimité dès sa plus tendre enfance, la relation toxique avec son père qui l'a abandonnée enfant puis est revenu pour profiter de sa richesse et de sa célébrité, la relation destructrice avec son vampire de mari toxicomane Blake, ses troubles alimentaires, ses addictions aux drogues et à l'alcool, son incapacité à se contrôler devant des meutes de paparazzis à ses trousses cherchant à vendre les photos les plus trash possibles etc. Le documentaire fait ressortir d'un côté la beauté et la profondeur de ses chansons et de l'autre le dégoût qu'inspirent les vautours qui profitèrent d'elle et le show business qui l'a autant glorifiée que crucifiée. L'évolution du rapport à la caméra illustre bien sa descente aux enfers sous le feu d'un voyeurisme de plus en plus prédateur. D'aguicheuse et joueuse, Amy devient progressivement enragée ou apathique. Son visage rieur et provocant devient émacié et défait avec un maquillage qui coule. Quant aux vrais proches ils avouent leur impuissance d'une voix émue.

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Daguerréotypes

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1975)

Daguerréotypes

Daguerréotypes est un téléfilm tourné par Agnès Varda en 1974-1975, un documentaire consacré aux commerçants vivant près de chez elle. Le titre recouvre plusieurs significations. Avant d'être une cinéaste, Varda a été photographe. De plus elle habite depuis les années 50 au 86-88 rue Daguerre dans le 14° arrondissement de Paris. Une rue commerçante animée et pittoresque rescapée du massacre urbanistique du quartier Montparnasse des années 60. Sa récente maternité (Mathieu est né en 1972) l'oblige à tourner dans un périmètre très étroit autour de sa maison. En effet le câble électrique qui en sortait ne faisant que 90 mètres, il a déterminé le choix des commerçants dont elle décide de tirer le portrait.

Chacun raconte son histoire dans sa boutique et sans interrompre son activité, Varda se faisant la plus petite possible. En dépit du fait qu'elle réalise des portraits individuels, ce sont les similitudes de ces personnes qui frappent; similitude de vie, de choix (ou de destin?), de rêves... Au point que le coeur du film devient un spectacle de magie qui les réunit tous, tel un collectif.

On redécouvre l'importance de l'immigration et de l'exode rural des années 60 dans la composition de cette population parisienne. Les bretons sont les plus nombreux car la gare Montparnasse est tout près. On mesure à quel point ceux-ci ont conservé leurs habitudes campagnardes à la ville. Une vie humble, simple et conviviale. Mais aussi une vie routinière, réglée comme du papier à musique, sans fantaisie, sans horizon, comme s'ils étaient enchaînés à leur boutique du matin au soir. Varda insiste particulièrement sur le regard perdu de "Mme Chardon bleu", l'épouse d'un commerçant qui vend des parfums au détail "âme errante dans une vie trop étroite" comme enfermée derrière les vitres de sa boutique.

Le film permet de prendre conscience de permanences et d' évolutions. Si la rue a peu changé, certains des métiers représentés ont disparu comme le Chardon bleu ou la bonneterie alors que d'autres sont restées en place et sont tenues par les enfants des commerçants des années 70. On aperçoit aussi sur le titre d'un journal une allusion à la loi sur l'avortement qui en 1974 n'a pas encore été adoptée.

Tous ces constats sociologiques ou historiques peuvent se faire sans perdre de vue l'essentiel de son propos qui est humaniste. Et c'est parce que l'histoire ou la sociologie s'incarnent dans des destins particuliers et émouvants qu'ils s'impriment en nous.

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Les plages d'Agnès

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2008)

Les plages d'Agnès

L'ouverture du film en forme d'installation d'art contemporain (les miroirs sur la plage) donne le ton: Les plages d'Agnès est un autoportrait de la réalisatrice en forme de mosaïque ou de collage. Sa structure n'est pas linéaire mais fragmentée, morcelée avec beaucoup d'allers-retours. Avant d'être cinéaste, Agnès Varda a été photographe et peintre d'où un goût du portrait, du cadre et de la composition évidents. Chacun de ses films s'apparente à un courant artistique pictural (réalisme pour les Glaneurs et la Glaneuse ou Sans toit ni Loi, impressionnisme pour le Bonheur, fresques pour Murs murs...)

L'eau sert de fil conducteur. Dès son premier film La pointe courte tourné à Sète ce motif apparaît essentiel et devient un élément récurrent, du Bonheur et sa rivière à Documenteur où l'héroïne écrit face à la mer. On peut y ajouter le miroir, récurrent lui aussi (Cléo de 5 à 7, Jeanne B. par Agnès V. etc.)

Agnès Varda utilise beaucoup de doubles et d'avatars à travers lesquels elle se raconte autant qu'elle se dissimule "je joue le rôle d'une petite vieille rondouillarde et bavarde qui raconte sa vie" Elle fait aussi bien allusion à Magritte et ses tableaux aux visages voilés qu'à la prise de distance du nouveau roman.

Ce dispositif sophistiqué coupe court à toute nostalgie car c'est du présent que parle Varda, de la mémoire au présent. Les chers disparus -à commencer par Demy- qu'elle se remémore avec émotion sont toujours présents dans son coeur (et via la magie du cinéma ou de la photo qui les ont rendus éternels), elle célèbre ses "80 balais" et est résolument tourné vers l'avenir, ses enfants et petits-enfants. Comme dans tous ses films, la vie et la mort sont indissociables.

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Shoah

Publié le par Rosalie210

Claude Lanzmann (1985)

Shoah

Shoah est un film écrasant dans l'histoire de la représentation de la Shoah au cinéma. Claude Lanzmann très (trop) conscient d'avoir réalisé un film monument de 9h30 qui allait faire date eut d'ailleurs la prétention de vouloir normer les films sur le sujet selon ses propres canons. C'est pourquoi il s'en pris violemment à la liste de Schindler par exemple. Or dans les formations sur le cinéma de la Shoah, les deux films cohabitent sans problème, preuve qu'il n'y a pas qu'une seule voie possible.

Shoah est un documentaire qui repose sur un certain nombre de principes. Il refuse la reconstitution pour se concentrer sur le témoignage dont la puissance avait été révélée au grand public lors du procès d'Eichmann en 1961. Témoignage des victimes, des témoins et des bourreaux qui parlent dans une multitude de langues ce qui fait dire à Raoul Hilberg qu'il s'agit d'un film mosaïque. Lanzmann fait le choix de la lenteur pour leur laisser le temps de s'exprimer et pour que les spectateurs puissent s' imprégner de ce qui est dit. Les témoignages s'accompagnent d'images des lieux du crime, lieux qui frappent par l'absence de traces visibles des événements racontés. Les nazis ont en effet tenté d'effacer leurs crimes, rasant les camps jusqu'aux fondations, brûlant les corps et replantant des arbres. A Auschwitz où ils n'ont pas eu le temps d'aller aussi loin, ils ont dynamité les chambres à gaz et Lanzmann en filme les ruines. Lanzmann filme également avec insistance les lieux de la vie juive d'avant guerre, les synagogues transformées en dépôt de bois, les maisons récupérées par les polonais. Il filme le vide, l'absence, les traces ou l'absence de traces dans un silence lourd de sens.

A noter qu'en dépit de son titre Shoah n'évoque pas toute la Shoah mais se concentre sur l'un de ses épicentres: la Pologne. De ce fait il parle surtout des chambres à gaz dont on sait aujourd'hui qu'elles n'ont pas été le seul moyen de pratiquer des massacres massifs (les fusillades et les mauvais traitements ont été également pratiqués à grande échelle.)

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