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Articles avec #documentaire tag

O Saisons, O Châteaux

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1958)

O Saisons, O Châteaux

Premier court-métrage de Agnès VARDA et deuxième film après "La Pointe courte" (1954), "O Saisons, O Châteaux" comme son titre rimbaldien l'indique est une promenade patrimoniale poétique, architecturale et historique consacrée aux châteaux de la Loire. En 1957, réaliser un film de commande était pour un grand cinéaste l'occasion de jouer avec le thème imposé souvent peu ludique au départ. Alain RESNAIS qui vivait dans le même quartier que Agnès VARDA et avait effectué le montage de son premier film s'était amusé pareillement avec "Le chant du styrène" (1958) à partir d'une commande des usines Péchiney. Thème a priori peu propice à la poésie, l'ode au plastique commençait pourtant par un tonitruant "O temps, suspend ton bol" ^^. "O Saisons, O Châteaux" s'inscrit dans le même état d'esprit. La narratrice est Danièle DELORME qui dresse quelques jalons chronologiques permettant de comprendre le rôle historique et l'évolution de ces châteaux mais régulièrement, le film s'écarte des sentiers balisés pour s'intéresser aux gardiens actuels du patrimoine (héritiers, jardiniers etc.), aux fonctions décoratives des châteaux (notamment pour les photos de mode), aux reconstitutions filmées, à la nature qui les environne, aux animaux qui s'y abritent bref à tout ce qui peut les animer, les rendre vivants. Les extraits de poèmes (écrits par Pierre de Ronsard, Charles d’Orléans, François Villon et Clément Marot) qui ponctuent le film sont lus par Antoine BOURSEILLER (futur père de Rosalie VARDA, la fille de Agnès VARDA).

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Du côté de la côte

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1958)

Du côté de la côte

Il fut un temps où Jean-Luc GODARD ne fermait pas la porte à Agnès VARDA. Où même, il la célébrait. Ainsi à propos de son court-métrage sur la Riviera "Du côté de la côte" réalisé en 1958, il disait " Journal d’une femme d’esprit, quand elle vadrouille entre Nice et Saint-Tropez, d’où elle nous envoie une carte-postale par plan pour répondre à son ami Chris Marker. (…) Je n’oublierai jamais le merveilleux panoramique aller-retour qui suit une branche d’arbre tordue sur le sable pour aboutir aux espadrilles rouges et bleues d’Adam et d’Ève." (Les Cahiers du Cinéma n° 92, février 1959)

Le père de
Agnès VARDA était grec, fondateurs de Nikaia (Nice), Antipolis (Antibes), Massilia (Marseille) et Agathé (Agde mais on sort un peu du sujet puisque l'administration française l'a placée du côté du Languedoc-Roussillon et non de la région PACA). Agnès Varda affectionnait les plages. "La Baie des Anges" (1962) était par ailleurs le deuxième film de son mari, Jacques DEMY. Par un savant télescopage qui ressemble à une association d'idées chère au surréalisme, elle évoque dans ce film de commande (on est dans le contexte des 30 Glorieuses) divers aspects contrastés du littoral azuréen en 1958: le carnaval et autres vestiges grecs, les vieux paysans et leurs animaux, derniers témoins d'une société traditionnelle en voie d'extinction, les hôtels de luxe, témoins du développement touristique de la Riviera au XIX° auprès d'une clientèle fortunée internationale, notamment artistique (peintres, écrivains etc.), leurs héritiers à l'image couchée sur papier glacé ou pellicule photographique (Brigitte Bardot, Bardot, Brigitte Bejo, Bejo ^^), le tourisme de masse de la seconde moitié du XX° siècle avec ses plages bondées et ses tentes au milieu des arbres. Mais comme dans la plupart de ses films, Agnès VARDA mélange cet aspect documentaire avec une rêverie poétique où la côte d'Azur devient celle d'Adam, un jardin d'Eden que les touristes recherchent mais qui en sont séparés par des grilles infranchissables.

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Dixième chambre, instants d'audience

Publié le par Rosalie210

Raymond Depardon (2004)

Dixième chambre, instants d'audience


Suite de "Délits flagrants" (1994), "Dixième chambre, instants d'audience" réalisé 10 ans plus tard se situe dans un décor unique, celui d'un tribunal de correctionnelle où comparaissent 12 prévenus, soit libres, soit détenus (ils n'occupent pas le même espace dans la salle). Michèle BERNARD-REQUIN qui était substitut du procureur dans "Délits flagrants" (1994) est devenue juge et préside la dixième chambre du tribunal de Paris où
sont jugés les affaires relevant de la correctionnelle (d'où le titre du film). Raymond DEPARDON a placé deux caméras filmant en plans fixe à tour de rôle la présidente, les avocats, les accusés et parfois les parties civiles. En dépit de l'aspect répétitif de ce dispositif, émerge de ce petit théâtre de la justice ordinaire des éclats de vérité comme le témoignage glaçant d'une victime du harcèlement de son ex qui minimise les faits et semble bien sous tous rapports. Ce passage qui tranche avec nombre d'affaires tragi-comiques abordées dans le film (autour de la conduite en état d'ivresse ou de la taille d'une lame d'Opinel par exemple) souligne la minimisation des violences conjugales par la société française. D'autre part on observe également l'impuissance de cette justice vis à vis des personnes en situation irrégulière. Elle cherche à faire appliquer le droit mais se retrouve face à des illettrés sans état civil ni nationalité identifiable, interdits du territoire français mais qui y sont toujours ne sachant où aller.

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Délits Flagrants

Publié le par Rosalie210

Raymond Depardon (1994)

Délits Flagrants
Délits Flagrants
Délits Flagrants

En hommage à Michèle BERNARD-REQUIN décédée le 14 décembre 2019, j'ai revu le premier film où elle est apparue, "Délits flagrants" de Raymond DEPARDON. Il s'agit du premier documentaire réalisé dans l'enceinte du Palais de Justice de Paris en 1994. 14 prévenus (sur 86 filmés) venus de la Préfecture de police située juste en face (les deux bâtiments communiquent via de longs couloirs souterrains filmés par le réalisateur) se succèdent devant 3 substituts du procureur (Michèle BERNARD-REQUIN est la seule femme parmi les 3) qui leur exposent les motifs de leur arrestation en flagrant délit (de vol avec ou sans violence, d'escroquerie, d'outrage à agent, de coups et blessures, de dégradation de biens ou encore de séjour illégal sur le sol français). Après consultation du dossier du prévenu (notamment pour savoir s'il est récidiviste ou non) et écoute de ses explications, le substitut décide soit d'une comparution immédiate devant un tribunal correctionnel soit d'une remise en liberté avec suivi judiciaire et convocation pour une comparution ultérieure. On voit également brièvement deux autres maillons de la procédure judiciaire, l'un avant le passage chez le substitut auprès d'une conseillère à la personne et l'autre après chez un avocat commis d'office. Tous deux servent à compléter le portrait de l'une des prévenues, "Muriel Lefèvre" (les noms ont été changés) qui donne des versions différentes de ses actes selon son interlocuteur en se contredisant ainsi qu'à étoffer la documentation sur le fonctionnement de la justice.

Le documentaire de Raymond DEPARDON qui privilégie la caméra fixe et le plan séquence trouve le ton juste, à la fois à bonne distance et à hauteur d'homme. A travers la procédure judiciaire il dresse un portrait de l'envers de la société française où règnent le chômage, l'exclusion, la précarité, la drogue, l'alcool, le SIDA, la prostitution, l'émigration clandestine. Il montre aussi que les quelques fils de bonne famille venus s'égarer dans cette cour des miracles bénéficient de plus d'indulgence que les étrangers pauvres.

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Les Nouveaux chiens de garde

Publié le par Rosalie210

Gilles Balbastre et Yannick Kergoat (2012)

Les Nouveaux chiens de garde

A sa sortie, le documentaire, librement adapté du livre éponyme de Serge Halimi sorti en 1997 et réactualisé en 2005 a été critiqué pour ses prises de position tranchées, s'en prenant aussi bien à la droite qu'à la "gauche caviar". Mais en le revoyant, je suis frappée surtout par sa pertinence, sa clairvoyance. Car ce qu'il décrit va au-delà d'une critique de la collusion entre hommes politiques, capitaines d'industries et journalistes aux ordres. Il décrit une lutte des classes de moins en moins larvée entre une élite qui sous le masque d'une apparente diversification des médias contrôle en réalité tous les rouages de l'information par le jeu de la concentration d'entreprises et de l'uniformité sociale (le film met en évidence l'interchangeabilité de ces hommes et de ces femmes issus du même milieu social et passé par le moule des mêmes grandes écoles ou universités prestigieuses) et une masse dangereuse qu'elle cherche à manipuler pour la dépouiller de ses acquis sociaux. Avec pour enjeu la "réforme" de la société française, la rhétorique progressiste étant devenue dans leur bouche une novlangue dissimulant un projet en réalité réactionnaire. En effet ce que cette élite a en ligne de mire, c'est l'Etat-providence de l'après-guerre mis en place par une Résistance dans laquelle les communistes exerçaient une forte influence. C'est cet héritage (services publics, sécurité sociale, régimes spéciaux) qu'il s'agit de liquider à coup de "réformes" néo-libérales présentées comme les seuls remèdes raisonnables face au chômage et au déficit. Et face à la résistance des classes moyennes et populaires, on brandit les supposées "rigidités" de la société française avec pour cible les fonctionnaires, accusés de s'accrocher à leurs "privilèges" et les syndicats ouvriers et jeunes des "quartiers" présentés comme de nouveaux barbares ne sachant exprimer leur colère que par la violence.

Mais ce constat salutaire permettant de mettre sur le devant de la scène des voix quasi absentes des médias (et pour cause) n'est pas pour autant un pensum rébarbatif. Au contraire, les réalisateurs ont opté pour un ton résolument satirico-ludique avec des incrustations et des effets de montage, de mise en abîme et de bande sonore hilarants. C'est ainsi que l'on suit avec autant d'amusement que d'effarement le parcours de Michel Field, ex-rebelle rentré dans le rang, celui du vieux briscard Alain Duhamel mangeant à tous les râteliers, les renvois d'ascenseurs entre le triumvirat Lagardère-Elkabbach-Drucker ou Isabelle Giordano et l'entreprise pour laquelle elle offre des prestations rémunérées, la réaction moqueuse de Anne Sinclair et de Christine Ockrent, femmes de ministres niant la continuité de la main-mise du pouvoir sur les médias depuis la fin de l'ORTF ou bien au contraire assumant à l'image de Franz-Olivier Giesbert qu'il est bien normal que "le pouvoir (du capital) s'exerce (sur les médias)". On se régale également devant l'obséquiosité du "journalisme de compagnie" devant les puissants au travers de l'exemple de Laurent Joffrin et de Jacques Chirac ou des révélations concernant les "experts", ces économistes, chercheurs, universitaires présentés comme des spécialistes objectifs alors qu'ils sont des émissaires des milieux économiques chargé de répandre la doxa libérale (les experts d'un autre avis sont quant à eux écartés des médias ce que le documentaire montre également). Et tout ce beau monde de se retrouver une fois par mois au dîner du Siècle à l'hôtel Crillon, place de la Concorde pour accorder leurs violons (et défendre leurs intérêts de classe) dans l'omerta la plus complète. A l'aune de ce documentaire de 2011, on comprend mieux pourquoi le débat démocratique est singé par de faux "contradicteurs" (Ferry/Julliard par exemple) en réalité copains comme cochons, pourquoi un Fillon ou un Delevoye cherchent à comprendre qui "les ont balancé" plutôt que de faire amende honorable devant les français ou bien pourquoi un Yves Calvi a autant de haine vis à vis des gilets jaunes, les enjoignant à se calmer avec le même ton condescendant (qui sent son mépris de classe) qu'en son temps David Pujadas à l'égard de Xavier Mathieu, le porte-parole syndical de Continental. Un ton mordant qui tranche avec celui, velouté et précautionneux employé avec les patrons. L'image du chien remuant la queue devant le su-sucre du maître et montrant les dents devant l'intrus s'impose tout naturellement.

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Les Dites Cariatides

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1984)

Les Dites Cariatides

Après "Mur murs" (1981), Agnès VARDA continue à filmer des décorations de façades non plus à Los Angeles mais à Paris. Autre temps, autres mœurs. Le soleil de la Californie des seventies cède la place à l'hiver et aux vestiges du second Empire que les passants des années 1980 ne savent plus décrypter. Car si la réalisatrice rappelle que l'origine des Cariatides (et de leurs équivalents masculins, les Atlantes) se situe dans l'antiquité grecque, elle filme un morceau d'architecture de la décennie 1860-1870 durant laquelle ce style faisait florès et l'accompagne de toute une culture, celle de la musique d'Offenbach et de Rameau et des poèmes de Charles Baudelaire qui selon elle "peuvent accompagner ce rêve de femmes de pierre". Car Agnès VARDA transforme ce qui est au départ une œuvre de commande en réflexion personnelle sur les relations entre l'art et la vie ainsi que sur le statut de la femme. Alors que l'Atlante porte le monde sur ses épaules, la Cariatide est perçue comme une esclave portant un lourd fardeau et la femme réelle n'a rien à voir avec le fantasme véhiculé par l'idéal de beauté grec.

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Mur murs

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1980)

Mur murs

Beaumarchais avait dit à la fin du XVIII° siècle que le mur murant Paris rendait Paris murmurant. Agnès VARDA fait murmurer les murs d'une ville californienne qui ne s'offre pas d'elle-même. En effet, débarrassée des clichés véhiculés par l'industrie hollywoodienne, la cité des anges apparaît comme une ville aussi immense que morcelée. De loin, une ville de bâtiments bas étendue à l'infinie, faite pour être traversée en voiture et non pour être "habitée" mais de près, une ville au contraire de "gated communities" étrangères voire hostiles les unes aux autres avec pour symbole la rivière asséchée marquant l'entrée de "l'East L.A.", le quartier-ghetto latino non incorporé au reste de la ville. C'est là que Agnès VARDA a posé sa caméra ainsi que dans d'autres quartiers habités par des minorités noires, asiatiques ou caribéennes. Car c'est dans ces quartiers non intégrés à l'image que la ville offre d'elle-même au reste du monde qu'elle a découvert un trésor caché: les "murals", d'immenses fresques peintes à même les murs exprimant l'identité culturelle de ces groupes privés de visibilité officielle. La dimension esthétique rejoint ainsi la réflexion politique, Agnès VARDA ayant une fascination pour la marge et la contre-culture, que ce soit dans ses documentaires (des "Black Panthers" (1968) à "Les Glaneurs et la glaneuse" (2000)) ou ses fictions ("Sans toit ni loi" (1985)). Les "murals" par leur forme même constituent une antithèse de l'art officiel (le street art est par définition gratuit, public et éphémère car destiné à se dégrader et à disparaître très rapidement) et c'est aussi en cela qu'ils sont particulièrement vivants. Agnès VARDA fait interagir les oeuvres et leurs auteurs et/ou modèles ce qui permet de mettre à jour des idées, des sensibilités, des cultures qui racontent une autre histoire des Etats-Unis et mettent en évidence son caractère fondamentalement métissé et multiculturel. En même temps le film de Agnès VARDA est très ancré dans son époque (la fin des années 70) avec ses coupes afro, son ambiance disco et le succès fulgurant du "roller skate" (patins à roulettes) qui avait inspiré à Jacques DEMY une idée de comédie musicale sur le thème de "Cendrillon" hélas retoqué par les studios, échaudés par l'échec de "Model shop" (1968) qui une décennie plus tôt montrait déjà Los Angeles sous un jour réaliste, comme le fera 30 ans plus tard Mathieu DEMY dans le film-hommage à ses parents "Americano" (2011).

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Ulysse

Publié le par Rosalie210

Ulysse

En 1954, Agnès VARDA prend une photographie à St-Aubin-sur-Mer sur une plage de galets avec un homme nu vu de dos, un enfant, nu lui aussi assis près de lui et à l'opposé au premier plan, une chèvre morte. 30 ans plus tard, elle interroge l'histoire de cette photographie mais aussi les traces qu'elle a pu laisser dans les souvenirs de ceux qui y ont participé (y compris elle-même). Ce faisant, elle fait revivre un moment d'histoire collective à l'aide d'images d'archives en même temps que différentes trajectoires individuelles à travers les témoignages de l'homme vieillissant et de l'enfant devenu adulte. Car la photographie a le pouvoir de fixer l'instant et de lui faire traverser le temps. En même temps, elle interroge aussi la photographie dans son rapport à l'art pictural (elle a fait dessiner à l'enfant la photographie qu'elle avait prise et interroge ainsi les différences entre le cliché et l'interprétation picturale qu'il en a donné) et plus généralement à l'imaginaire. La photo est en effet composée comme un tableau suffisamment évocateur et énigmatique pour susciter différentes interprétations, notamment mythologiques. Si le film s'appelle Ulysse, c'est autant en référence au prénom de l'enfant sur la photo qu'à l'homme nu de dos qui regarde la mer. Il y a d'ailleurs de l'Œdipe dans cet Ulysse puisque le matin, le midi et le soir (l'enfance, l'âge adulte et le cadavre) se retrouvent sur la même image, une autre façon de souligner le rôle mémoriel de la photographie. Mais c'est aussi un cliché qui renvoie à toute l'œuvre cinématographique à venir de Agnès VARDA: on pense notamment à "Daguerréotypes" (1975) par le fait que le petit garçon appartient à une famille de réfugiés espagnols habitant à côté de la réalisatrice au temps où la rue Daguerre était populaire. On pense à "Jacquot de Nantes" (1991) par le lien établi entre l'enfance et la mort et ces plans dans lesquels un Jacques DEMY moribond bien réel est allongé sur la plage tandis que d'autres caressent le tableau qu'il a peint montrant un couple nu sur une autre plage (là encore un matin, un midi et un soir). On pense aussi bien sûr à "Les Plages d Agnès" (2007) puisque outre l'amour de la réalisatrice pour les bords de mer, il a ce retour en arrière sur les débuts de sa carrière quand elle s'apprêtait à basculer de photographe à cinéaste avec le tournage de "La Pointe courte" (1954).

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Black Panthers

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1968)

Black Panthers

Durant son premier séjour californien à la fin des années 60, Agnès VARDA a réalisé plusieurs films dont un documentaire consacré aux Black Panthers, tourné durant l'été 1968 à Oakland (commune proche de San Francisco) avec une simple caméra 16 mm prêtée par des activistes de l'université de Bekerley. Son objectif est à la fois politique et esthétique.

Politique car son film est engagé en faveur de ce mouvement radical noir, marxiste et révolutionnaire qu'elle filme au moment où l'un de ses fondateurs, Huey Newton est jugé pour le meurtre d'un policier blanc. Par son montage impeccable, Agnès VARDA alterne des extraits de l'entretien qu'elle a réussi à obtenir du leader en prison et des rallyes organisés chaque dimanche dans un parc d'Oakland pour le soutenir et informer la population noire du programme du mouvement. Par ce biais, Agnès VARDA dresse un portrait édifiant du racisme dont les afro-américains sont victimes aux USA et dont on mesure à quel point il a depuis peu changé que ce soit au niveau des brutalités policières ou du nombre de jeunes noirs en prison (plus nombreux qu'à l'université!) Le recul du temps permet donc de mesurer l'échec du mouvement qui s'il pouvait prendre l'apparence d'une milice paramilitaire fasciste et sécessionniste (ce que certains suprémacistes blancs craignaient par dessus tout) était surtout un réseau d'auto-défense organisé pour défendre les noirs victimes d'agressions policières dans le ghetto d'Oakland (d'où sa référence à la panthère noire qui n'attaque pas mais se défend férocement).

Sur le plan esthétique, "Black Panthers" par son caractère de ciné-reportage pris sur le vif au cœur de l'histoire en train de se faire n'est pas sans rappeler "La Sixième Face du Pentagone" (1968) réalisé la même année par un grand ami de Agnès VARDA, Chris MARKER. Et ce d'autant plus qu'il s'agit également d'une œuvre qui prend le parti des contestataires face au pouvoir établi dans une époque où les journalistes et les documentaristes pouvaient travailler sur le terrain sans crainte d'être censurés ou écartés des événements. De plus par le choix de ses images, la réalisatrice va au-delà de la simple retranscription d'une manifestation politique et montre l'affirmation de l'identité noire (le "Black is beautiful") avec la profusion de coiffures afro (dites "naturelles"), de tenues traditionnelles africaines colorées et de chants gospels qui n'entrent manifestement pas dans le cadre idéologique du mouvement d'extrême-gauche qui tente de les canaliser (ou plutôt de les récupérer).

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Oncle Yanko

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1967)

Oncle Yanko

Pendant ses deux séjours californiens (le premier à la fin des années 60 et le deuxième à la fin des années 70, à chaque fois liés à des projets de Jacques DEMY) Agnès VARDA a réalisé de son côté six films, passés inaperçus à leur sortie mais que l'on redécouvre aujourd'hui au sein de son oeuvre. "Oncle Yanko" fait partie de la première vague, celle de la contestation de la guerre du Vietnam, de la lutte pour les droits civiques, de la montée en puissance du mouvement hippie et des débuts du cinéma du nouvel Hollywood.

"Oncle Yanko" (Yankee?) est la déconstruction du mythe de l'oncle d'Amérique par Agnès VARDA. Il n'est ni tout à fait son oncle (elle est la fille de son cousin), ni tout à fait d'Amérique (c'est un réfugié grec qui a échappé au massacre de Smyrne perpétré par les turcs en 1922 et ne peut envisager de retourner dans une Grèce sous la botte de la dictature des colonels en 1967, date du tournage du film), et encore moins richissime (il vit à San Francisco dans une communauté hippie habitant dans un bidonville flottant sur l'eau). "Oncle Yanko" narre donc moins une histoire de retrouvailles familiales (celle-ci est d'ailleurs tournée en dérision par des procédés de mise à distance très brechtiens) que la rencontre de deux artistes qui partagent une même expérience du déracinement. Jean/Yanko comme le dit poétiquement Agnès VARDA est sa "racine flottante". Lui vit sur l'eau dans sa cabane improbable faite de bric et de broc et navigue dans une barque à voile latine, elle se définit par la succession de plages près desquelles elle a successivement vécu, sans point d'ancrage autres que ceux qu'elle s'est créé elle-même. Il peint façon patchwork des Jérusalem célestes d'inspiration byzantine, elle fait de lui un portrait-reportage en forme de collage coloré et bigarré. Leurs univers se rejoignent en effet aussi par une certaine philosophie dans laquelle la vie et la mort se rejoignent au point d'inverser les rôles.

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