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Articles avec #documentaire tag

La Petite Histoire de Gwen la bretonne

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2008)

La Petite Histoire de Gwen la bretonne

Court-métrage inédit de Agnès VARDA mis en ligne par l'American Cinematheque, "La petite histoire de Gwen la bretonne" s'ajoute à ceux, courts et longs qu'elle a réalisé à Los Angeles où elle a vécu à deux reprises, d'abord à la fin des années soixante ("Oncle Yanco" (1967), "Black Panthers" (1968) et "Lions Love") (1969) puis au début des années quatre-vingt ("Mur, murs" (1980) et "Documenteur") (1981).

"La petite histoire de Gwen la bretonne" a été réalisé en marge du tournage de "Les Plages d'Agnès" (2007). En effet Agnès VARDA a retrouvé à Los Angeles une amie, Gwen Deglise qu'elle avait connu à Paris en 1996 et dont elle retrace le parcours en forme de "success story". Gwen était venu vendre des livres au domicile de Agnès Varda rue Daguerre pour financer son voyage outre-Atlantique où vivait son petit ami de l'époque. Bien qu'ayant rompu avec lui, elle est resté et a "fait son trou" dans le milieu du cinéma avec bonheur puisqu'en 2008, elle est devenue la directrice de l'une des salles de la cinémathèque américaine. Son histoire se mêle à celle de Agnès VARDA qui reconstitue des souvenirs de son second séjour à Los Angeles au début des années 80 selon la technique du film-collage qu'elle affectionne. Gwen lui rappelle en effet une autre jeune française fauchée qui tentait alors sa chance à Los Angeles, Patricia MAZUY. Agnès Varda et Patricia Mazuy s'étaient liées d'amitié en se partageant la même salle de montage et cette dernière a par la suite assuré celui de "Sans toit ni loi" (1985) avant de devenir réalisatrice à son tour. Agnès Varda réussit ainsi par un jeu de va et vient temporel à dresser un portrait d'un Los Angeles intimiste à travers le portrait de trois femmes de générations différentes réunies par une expérience commune car si la France est le berceau du cinéma, Los Angeles est sa "Mecque".

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Sicko

Publié le par Rosalie210

Michael Moore (2007)

Sicko

Si la grandeur d'une nation se mesure comme le dit Michael MOORE (et beaucoup d'autres humanistes d'hier et d'aujourd'hui à travers le monde tel le Mahatma Gandhi) à la façon dont elle traite ses citoyens les plus faibles, alors les Etats-Unis qui sont pourtant la soi disant première puissance mondiale pointent à l'une des dernières places du classement mondial. De toutes les nations industrialisées, les USA sont les seuls à ne pas posséder de système de santé universel et leurs indicateurs dans ce domaine sont indignes de leur rang. Et l'Obamacare, largement attaqué par Trump n'a pas fondamentalement changé la donne tant les intérêts en jeu (comme dans le domaine des armes) sont puissants.

Dans la première partie de son documentaire-pamphlet de 2007, de loin la plus réussie, Moore démontre à l'aide d'exemples édifiants et d'images d'archives l'inhumaine logique d'un système de santé entièrement sous la botte du libéralisme autoritaire. Le résultat fait froid dans le dos. La santé est à la fois un juteux business abandonné aux mains des industries pharmaceutiques et des assurances privées et un moyen de coercition des masses, terrorisées à l'idée de perdre leur emploi sur lequel est indexé la plupart du temps leur droit ou non d'avoir une assurance santé. Moore se focalise moins sur les 50 millions d'américains (un sur 6) dépourvus d'assurance que sur les classes moyennes sensées être assurées mais qui découvrent à leurs dépends toutes les combines que celles-ci imaginent pour les priver des soins auxquels elles ont droit. Les logiques de profit qui les sous-tendent les pousse à refuser d'assurer les plus fragiles et à cesser de prendre en charge leurs clients dès que les problèmes de santé de ceux-ci deviennent trop coûteux. Cette marchandisation sordide de la vie humaine aboutit au sacrifice délibéré de milliers de personnes sur lesquelles prospèrent ces institutions financières avec la complicité de l'ensemble du monde politique dont elles financent généreusement les campagnes électorales avec l'argent qu'elles volent aux malades. Moore démontre ainsi une société gangrenée par des sommets de corruption et de cynisme à des années lumières des idéaux fondateurs de l'Etat-nation américain.

La deuxième partie de son documentaire, beaucoup plus fantaisiste consiste à comparer le système de santé des USA à celui de quatre autres pays: le Canada, le Royaume-Uni, la France et Cuba. Moore ne fait pas dans la dentelle et idéalise les systèmes de santé de ces quatre pays. N'importe quel français sait (et particulièrement en ce moment) à quel point notre système de santé est malade à force de rabotages budgétaires mais Moore le trouve merveilleux et en rajoute dans les clichés même si en 2007, il était beaucoup moins dégradé qu'aujourd'hui. En revanche sa comparaison entre les USA et Cuba bien connu pour la qualité de son système de santé en dépit de sa pauvreté fait réfléchir. En particulier lorsqu'y emmène des malades américains laissés pour compte du 11 septembre et que ceux-ci découvrent ébahis que les soins que l'on paie des fortunes aux USA ne coûtent rien à Cuba alors que la "médecine socialisée" est diabolisée aux USA, cette désinformation prospérant sur la crédulité des américains persuadés de vivre dans le meilleur pays du monde.

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Ce gamin, là

Publié le par Rosalie210

Renaud Victor (1975)

Ce gamin, là

J'aime beaucoup le titre du film "Ce gamin, là" parce qu'il résume tout le projet de Fernand Deligny, éducateur spécialisé révolté par le sort réservé aux "enfants difficiles" en France qu'ils soient délinquants ou handicapés: l'enfermement et la stigmatisation. "Ce gamin-là", celui que les "normaux" désignent avec mépris et que filme Renaud VICTOR devient "ce gamin, là", c'est à dire dans le lieu de vie créé par Deligny dans les années soixante à Monoblet dans les Cévennes pour accueillir un réseau d'enfants autistes et parmi eux, Janmari, recueilli à l'âge de 12 ans dont les amis de Deligny cartographient les "lignes d'erre" (les déplacements dénués de but apparent) que Deligny compare ensuite les unes aux autres. Une phrase revient dans sa bouche comme un mantra durant tout le film, épousant les rituels, routines et autres stéréotypies de Janmari (tourner en rond les mains dans le dos, se balancer) "Ce gamin, là, in-curable, in-supportable, in-vivable et aussi in-visible" se révèle dans le cadre de la communauté créée par Deligny et ses amis vif, adroit, actif. On le voit couper du bois, pétrir la pâte, trouver des sources d'eau (là où il tourne sur lui-même) et tout cela sans un mot puisque Janmari ne parle pas. Ce mutisme pousse Deligny à s'interroger sur le langage et ses fonctions (ce qui est aussi le sens du titre). Deligny ne cherche pas à "rééduquer" ces enfants pas plus qu'il ne prétend définir ce qu'est l'autisme mais leur fonctionnement "étrange" l'interroge et à travers lui interroge notre société. En ce sens, il retrouve la fonction première de la carte qui consiste à explorer un territoire inconnu et non à chercher à dominer son milieu.

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Citizenfour

Publié le par Rosalie210

Laura Poitras (2014)

Citizenfour

Le célèbre documentaire de Laura POITRAS aurait pu s'intituler "Les huit jours qui ébranlèrent le monde". Ceux qui firent entrer Edward Snowden dans l'histoire. Pour mémoire ce jeune (il avait alors 29 ans) ingénieur informaticien qui avait travaillé pour les renseignements américains (CIA puis NSA) décida de rendre public le gigantesque système de surveillance mondial post-11 septembre mis en place à l'insu des citoyens par l'Etat américain (et ses alliés anglo-saxons) grâce à sa main mise sur les NTIC* avec la complicité des géants du net que l'on appelle aussi les GAFAM**. Comme le dit Snowden, "À l'heure actuelle, sachez que chaque frontière que vous traversez, chaque achat que vous faites, chaque numéro que vous composez, chaque antenne relai que vous passez, chaque ami que vous contactez, chaque site que vous consultez et mot que vous tapez dans les moteurs de recherche est entre les mains d'un système dont la portée est illimitée mais dont les barrières n'existent pas".

Pendant huit jours, il rencontra la documentariste*** qu'il avait contacté sous son nom de code "Citizenfour" et des journalistes d'investigation du Guardian dans un hôtel à Hong-Kong pour leur confier les documents top secret qui prouvaient ses dires. A partir de ce moment-là, Edward Snowden devint à la fois l'un des hommes les plus recherchés de la planète et l'un des principaux symboles de la défense des libertés individuelles et de l'altermondialisme. Car les lanceurs d'alerte sont en quelque sorte les résistants d'un système aussi invisible que redoutable qui s'insinue dans tous les aspects de la vie publique et privée par le biais de pratiques de traçage, de profilage et de récupération de "données", les moyens de leur échapper s'amenuisant au fur et à mesure que les citoyens sont encouragés voire contraints (faute de supports matériels lesquels tendent à disparaître) de virtualiser l'ensemble de leurs pratiques et centres d'intérêts (culturels, commerciaux, financiers etc.)

* Nouvelles technologies de l'information et de la communication.
** Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft et leurs satellites, les NATU, Netflix, Airbnb, Tesla, Uber.
*** Qui pu ainsi boucler une édifiante trilogie sur les conséquences délétères de la GWOT alias la "Global War On Terrorism" (après la guerre d'Irak et Guantanamo).

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Elle s'appelle Sabine

Publié le par Rosalie210

Sandrine Bonnaire (2007)

Elle s'appelle Sabine

"Elle s'appelle Sabine" est un film-choc qui ne peut laisser personne indifférent. Il est fondé sur un avant/après poignant et c'est d'ailleurs sa raison d'être. Si Sandrine BONNAIRE n'avait pas filmé sa sœur en pleine possession de ses moyens, elle n'aurait pu montrer ensuite avec une telle force les dégâts physiques et psychologiques causés par les cinq années d'hôpital psychiatrique dans lequel elle a été interné entre l'âge de 27 et de 32 ans. A travers ce portrait sensible et pudique, Sandrine BONNAIRE témoigne de la tragédie vécue par de nombreux autistes français et leurs familles:

- Une méconnaissance abyssale de l'autisme qui se prolonge d'ailleurs dans les nombreux articles consacrés au film que j'ai pu lire où l'on évoque celui-ci comme une "maladie" ce qu'il n'est certainement pas! Sabine n'a été diagnostiquée qu'à l'âge de 32 ans alors que si elle l'avait été précocement, elle aurait pu avoir une tout autre vie. Beaucoup d'autistes ont vécu ou vivent encore une "errance diagnostique" qui peut se prolonger durant des années voire des dizaines d'années.

- Une prise en charge inadaptée et nocive liée autant à l'ignorance qu'au manque de moyens. Face au comportement de plus en plus violent de Sabine lié à des changements brutaux dans sa vie particulièrement insupportable pour un autiste (départ de ses frères et sœurs, mort du frère aîné, déménagement), sa famille dépassée et mal conseillée, décide de la placer en hôpital psychiatrique qui la considérant "malade", la mettent sous camisole chimique, sa dégradation très rapide n'étant considérée que comme la progression de sa soi-disant "maladie". La belle jeune fille talentueuse et pleine de vie qui ressemble tant à sa sœur Sandrine hormis le regard un peu perdu dans le vide et le rictus d'angoisse au coin de la bouche (sans parler d'un passage où l'on dénote son incompréhension du second degré) ressort de cet endroit défigurée par la trentaine de kilos pris durant son internement et métamorphosée en débile mentale, criant, mordant, bavant et se faisant dessus, lobotomisée par les médocs comme Jack NICHOLSON dans "Vol au-dessus d un nid de coucou" (1975).*

- Une reconstruction lente et difficile dans une structure qui n'a pu ouvrir que grâce à l'aide d'un médecin et la notoriété de Sandrine BONNAIRE. Une façon de mesurer la gravité du problème est de se dire que si la propre sœur d'une célèbre actrice a été massacrée à ce point, qu'en est-il alors pour les autres?

* D'où la très grande similitude avec le sort de Janet Frame raconté par Jane CAMPION qui n'a été sauvée de la lobotomie que par la sortie de son premier livre. Sabine n'a pas eu cette chance car ses dons sont restés confidentiels et il est très douloureux de l'entendre jouer à la perfection un morceau de Bach dans les images d'archives puis laborieusement quand elle a 38 ans.

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Le Moindre Geste

Publié le par Rosalie210

Fernand Deligny (1971)

Le Moindre Geste

La première expérience de Fernand Deligny avec le cinéma a lieu avec François TRUFFAUT qui était alors en train de tourner "Les Quatre cents coups" (1959). Embauché en tant que conseiller, Deligny suggère de supprimer la scène où une psychologue interroge Antoine Doinel (c'est finalement Truffaut lui-même qui s'en charge) et c'est Deligny qui a également l'idée de la fugue finale.

Rien que ce préambule permet de cerner Fernand Deligny. Un spécialiste de l'enfance difficile se plaçant délibérément en marge des institutions, révolté par le traitement que la société leur réserve. Il hait en particulier l'enfermement que ce soit pour les délinquants ou pour les autistes. D'ailleurs son film documentaire "Le moindre Geste" dans lequel son équipe accompagne le cheminement d'un jeune adulte autiste, Yves, commence par un gros plan sur un fait divers dans un journal intitulé "le bœuf libre" qui raconte comment un bœuf épris de liberté s'est échappé des abattoirs de la Villette pour déambuler dans les rues de Paris. Le ton est donné d'emblée. Car Deligny tout au long de sa vie fera en sorte de sortir des jeunes jugés irrécupérables, inéducables des institutions dans lesquelles ils sont enfermés pour les emmener avec lui et ses amis dans la nature (bois de Vincennes, Vercors ou ici, Cévennes) hors de tout cadre institué, sans financement, ni "éducateurs" ni "spécialistes"*. Les délinquants sont invités à partager la vie des habitants, retaper les maisons, cultiver la terre. Les autistes sont quant eux invités à "habiter l'espace" ce qui est après tout la quintessence du cinéma. "Le moindre geste" offre donc un espace de liberté à Yves, "fou à délier" ^^ que les experts ont traité de "débile profond". Sur la trame d'un vague canevas scénaristique tiré du fait divers du bœuf enfui de l'abattoir, tombé dans un trou puis retrouvé et ramené à la maison, il peut sortir de la case dans laquelle il était enfermé, arpenter le paysage, toucher, regarder, sentir et tenter d'agir sur le monde en répétant souvent les mêmes gestes, en alignant les objets, en lançant des cailloux. On observe d'ailleurs à cette occasion les difficultés psychomotrices des autistes, Yves ne parvenant pas à faire un nœud ni à attacher deux branches en croix malgré ses multiples tentatives ce qui finit par le mettre en rage. Sa voix hors-champ, enregistrée le soir sur un magnétophone et en décalage avec les images est également pataude, décousue, répétant souvent les mêmes mots, les mêmes phrases comme des mantras. Elle singe les discours des différentes autorités et crache sur l'expérience invivable de l'asile. Cette désynchronisation bien que d'origine technique contribue à accentuer la sensation de déconnexion des autistes d'avec le langage comme outil de communication. En revanche la bande-son est particulièrement riche et travaillée tout comme l'image qui met l'accent sur ces détails dont les autistes sont si friands (par exemple elle suit le trajet d'une fourmi).

La réalisation du film fut laborieuse, le tournage dura trois ans de 1962 à 1965 et s'arrêta faute d'argent. Il fallut attendre 1969-1970 pour que le film soit monté et en 1971 il fut projeté à Cannes où seules deux personnes ne quittèrent pas la salle.

* En cela le film est très proche de "Hors Normes" (2019) de Philippe TOLEDANO et Olivier NAKACHE qui relate une expérience comparable en ce qu'elle se construit en dehors des cadres institutionnels et est basée sur l'intuition que le premier besoin des autistes est d'aller s'aérer.

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L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat

Publié le par Rosalie210

Auguste et Louis Lumière (1895)

L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat

"L'arrivée d'un train en gare de la Ciotat" est l'un des films* les plus célèbres des frères Lumière au point de véhiculer sa propre légende selon laquelle les spectateurs auraient été effrayés par le train fonçant sur eux et auraient paniqués (selon d'autres versions, ils auraient simplement sursautés ^^)**. L'art de la composition photographique en mouvement est ici tellement éclatant qu'il génère involontairement les prémisses de la grammaire cinématographique dont s'empareront 15 ans plus tard les premiers grands cinéastes américains. Citons l'utilisation spectaculaire de la profondeur de champ qui fait une entrée fracassante dans l'histoire du cinéma par le choix d'un cadrage en diagonale avec un point de fuite vers la droite, mais aussi la succession de plans de plus en plus rapprochés liés au mouvement du train ainsi que l'utilisation du hors-champ puisque la locomotive finit par passer derrière la caméra (celle-ci restant fixe) sans parler des mouvements des voyageurs qui ne cessent d'entrer et de sortir du cadre tandis que les nuages de vapeur qui envahissent le cadre quelques instants renforcent l'effet réaliste. Comme le dit très justement un internaute sur Allociné " Bien qu'il ne dure que soixante secondes, ce film dure l'éternité, et oui car il y a là plus que la simple arrivée d'un train, il faut voir l’apparition d'un art. De notre art."

On peut également souligner l'intérêt documentaire du film qui nous montre l'un des symboles de la révolution industrielle incarnant la modernité et la vitesse alors que l'automobile et l'aviation n'en étaient encore qu'à leurs balbutiements.

* A cause de l'usure très rapide des négatifs de l'époque, le film existe en plusieurs versions.

** Selon les historiens du cinéma, le film ne fait pas partie des 10 qui furent projetés en décembre 1895, il l'aurait été le mois suivant donc en janvier 1896.

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La Sortie des usines Lumière à Lyon

Publié le par Rosalie210

Louis Lumière (1895)

La Sortie des usines Lumière à Lyon

Une invention est rarement le fruit du génie d'un seul homme mais plutôt le résultat d'une chaîne d'innovations, celui qui parvient à la rendre décisive passant à la postérité. La paternité du premier film de l'histoire du cinéma est le reflet de la rivalité entre Thomas EDISON et Louis LUMIÈRE, chacun revendiquant l'invention du cinéma. Les historiens s'accordent aujourd'hui à accorder la primauté de la réalisation de films à William Kennedy Laurie Dickson, l'ingénieur électricien de Thomas EDISON qui en a tourné 70 entre 1891 et 1895. "La sortie de l'usine Lumière à Lyon" n'est donc pas le premier film de l'histoire du cinéma mais le premier film Lumière de l'histoire du cinéma. En revanche ce sont bien les célèbres frères qui ont les premiers eu l'idée de projeter au public les films qu'ils avaient tournés en spectacle collectif grâce à leur cinématographe qui était à la fois une caméra, une tireuse et une visionneuse alors que les images tournées par Dickson à l'aide d'une caméra appelée kinétographe ne pouvaient être vues qu'individuellement dans un appareil appelé kinétoscope à travers un œilleton (un peu comme avec un microscope, un télescope ou une paire de jumelles).

"La sortie de l'usine Lumière à Lyon" (usine de plaques photographiques) est typique de l'art cinématographique tel que l'ont conçu les Lumière. De même que Georges MÉLIÈS a naturellement glissé du spectacle de magie vers les effets spéciaux, les Lumière sont passés de la photographie au documentaire. Un art documentaire composé de vues photographiques animées filmées en caméra fixe. Autrement dit l'art des Lumière passe par le choix du cadre et de l'angle de prise de vue ainsi bien sûr que de tous les éléments qui vont se déplacer à l'intérieur de ce cadre (sans parler de la lumière, cruciale pour impressionner suffisamment la pellicule). Car les Lumière sont aussi sans le savoir des "directeurs d'acteurs", en demandant à leurs ouvriers de se partir vers la droite ou vers la gauche une fois la porte franchie. Bien sûr tout cela restait embryonnaire et il ne faut pas oublier que les Lumière ne croyaient pas en la pérennisation de leur invention.

Un autre aspect intéressant de ce film c'est qu'il existe en trois versions (une quatrième a été tournée deux ans plus tard, en 1897). Ceux qui pensent que le "remake" est une invention des studios hollywoodiens ont tout faux ^^^. Néanmoins les raisons de ces multiples versions étaient très différentes d'aujourd'hui, elles étaient avant tout liées à des considérations techniques. Les trois versions se ressemblent beaucoup mais on peut s'amuser à relever les quelques différences, par exemple la version la plus complète où la porte se referme, celle qui ne comporte pas de voiture à cheval et surtout la première où les ouvriers sont en tenue de travail se distingue des deux autres "rejouées" par les costumes du dimanche qu'ils portent.

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Le Mur ou la psychanalyse à l'épreuve de l'autisme

Publié le par Rosalie210

Sophie Robert (2011)

Le Mur ou la psychanalyse à l'épreuve de l'autisme

Il ne fait pas bon de naître avec un trouble du spectre autistique en France. Pour les parents et leurs enfants, c'est la double peine: diagnostics tardifs ou erronés, exclusion scolaire et sociale, prise en charge contre-productive à base de culpabilisation des parents, de traitements médicamenteux abrutissants et d'enfermement psychiatrique, mise à l'écart des parents à qui on retire leurs enfants à la moindre contestation dessinent les contours d'un pays intolérant et maltraitant, condamné par l'ONU et cinq fois par le Conseil de l'Europe pour ses graves manquements. Le quatrième plan autisme d'Emmanuel Macron est à lui seul un aveu de l'échec de tous ceux qui ont précédé. Avec son documentaire choc qui a lancé un si gros pavé dans la mare qu'il a été censuré pendant deux ans avant d'être réhabilité par la cour d'appel de Douai en janvier 2014, Sophie Robert explique les raisons de ce scandale spécifiquement français. En effet elle y dénonce l'emprise de la psychanalyse (qu'elle soit d'obédience freudienne ou lacanienne) sur la psychiatrie mais aussi le médico-social et la justice alors même que cette discipline s'est avérée incapable d'aider efficacement les autistes. Alors que quasiment partout ailleurs dans le monde elle a été abandonnée au profit de thérapies cognitives et comportementales qui ont démontré leur efficacité dans la diminution des troubles autistiques, en France, elle a conservé toute son influence pour le plus grand malheur des autistes et de leurs familles.

Non seulement la psychanalyse s'avère inefficace dans le traitement de l'autisme mais (et c'est cela qui a fait grincer les dents), la réalisatrice révèle certains des postulats idéologiques patriarcaux, sexistes et phallocrates qui la sous-tendent. Elle n'est pas la première à le faire. Alice Miller par exemple avait dénoncé les raisonnements de Freud qui projetait sur l'enfant les pulsions sexuelles et mortifères des adultes dans son complexe d'Œdipe. Outre cette érotisation qui déplace la culpabilité sur l'enfant (dans le complexe d'Œdipe, c'est lui qui désire l'adulte et cherche à le séduire), la démonisation des femmes y atteint un degré délirant, celles-ci étant accusées par leurs mauvais comportements d'être à l'origine de l'autisme de leurs enfants. De façon implacable, Sophie Robert traduit le jargon fumeux de ses interlocuteurs psychanalystes pour les placer face à leurs préjugés et leurs contradictions. Ainsi selon eux, une mère ne doit être ni trop froide (sinon c'est la mère-frigo de Bettelheim soi-disant responsable de l'autisme) ni trop chaude (sinon c'est l'inceste, uniquement envisagé envers son fils, les filles n'étant pas prises en considération et l'inceste père-fille, minimisé), elle doit être "suffisamment bonne" (dixit Winnicott). Ce que recouvre le mot "suffisamment" laisse perplexe étant donné la vision tordue que ces "professionnels" ont de l'amour maternel, transformé en désir érotique voire en désir de dévoration (c'est la "mère-crocodile" de Lacan contre laquelle il faut se défendre de peur d'être absorbé par elle. Pas étonnant qu'il ait fait une fixette sur l'origine du monde). Quant au père, il est lui aussi mis en accusation s'il n'a pas joué "suffisamment" son rôle symbolique qui est de séparer l'enfant de la mère. La distinction binaire entre la mère "nature" (forcément mauvaise) et le père porteur de "culture" est une véritable justification idéologique à la domination du pater familias sur la mère et au-delà sur la nature avec les dégâts que l'on sait.

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Le cerveau d'Hugo

Publié le par Rosalie210

Sophie Révil (2012)

Le cerveau d'Hugo

"Le Cerveau d'Hugo" diffusé pour la première fois sur France 2 puis multi rediffusé est un documentaire de référence à la fois sur le syndrome d'Asperger et sur le retard considérable pris par la France dans sa prise en charge. Son originalité consiste à mêler des témoignages d'autistes asperger (enfants, adolescents et adultes) avec ou sans leurs parents, des images d'archive et une reconstitution fictionnelle du parcours d'un jeune autiste, Hugo (Thomas COUMANS) de sa naissance à l'âge adulte.

"Vous pouvez avoir un prix Nobel et ne pas savoir dire bonjour de façon socialement adaptée. Ce sont deux facultés distinctes." L'incompréhension face à l'autisme asperger est en partie lié à ce développement fragmenté avec des secteurs de surdouance et d'autres complètement atrophiés. "Il est brillant mais très immature" est un verdict souvent appliqué aux asperger. Le domaine des interactions sociales n'est en effet pas acquis de façon innée comme il peut l'être pour les non-autistes. Parfois cette discordance est si extrême que la personne est complètement murée en elle-même et qu'il lui faut une véritable "kinésithérapie du cerveau" pour qu'elle puisse s'ouvrir au monde et partager son univers intérieur le plus souvent très riche avec les autres. Mais encore faut-il diagnostiquer correctement la nature des troubles autistiques et proposer un traitement adapté. Or la France s'est fourvoyée dans une grille de lecture erronée en considérant l'autisme comme un trouble d'origine psychologique dont les parents seraient responsables. Par conséquent la prise en charge s'est avérée catastrophique avec une multitude de faux diagnostics, des parents livrés à eux-mêmes et culpabilisés et des enfants dont on ne savait pas quoi faire et qui ont passé des années enfermés à l'hôpital psychiatrique alors qu'ils n'avaient rien à y faire. La toute-puissance de la psychanalyse en France a été un facteur déterminant de cette déroute généralisée et explique encore aujourd'hui les réticences à admettre la validité des recherches américaines qui ont prouvé que l'autisme est d'origine biologique et s'explique par une construction et un fonctionnement du cerveau différent de la norme. Un cerveau qui n'aurait pas fait suffisamment le "tri" dans ses connexions neuronales et par conséquent est rapidement submergé par les stimulations sensorielles du monde extérieur tant elles lui parviennent amplifiées et dans leurs moindres détails. Pour un Asperger, le monde est une jungle pleine de bruit et de fureur qui le stresse intensément et dont il sort la plupart du temps épuisé. Quand aux relations avec les neurotypiques, elles sont empreintes de difficultés. Comme l'être humain se fie aux apparences et rejette ce qu'il ne connaît pas ou ne comprend pas, il prend la plupart du temps l'asperger pour un "triso" débile profond à cause de sa posture un peu raide, de son visage un peu figé, de ses yeux fuyants (le contact visuel comme physique est souvent compliqué), de ses stéréotypies comportementales qui l'aident à apaiser ses angoisses (se balancer, agiter les mains comme des ailes de papillon, se frapper les joues, aligner des objets, parler tout seul etc.) L'expérience de l'Asperger à l'école oscille entre la solitude et le harcèlement et à l'âge adulte, l'acquisition de l'autonomie, l'insertion professionnelle et la possibilité de fonder une famille sont autant de défis à relever. Enfin l'intérêt restreint de l'autiste asperger pour un domaine particulier dans lequel il excelle (dans le film c'est le piano et on rappelle de nombreux cas de musiciens ou de scientifiques célèbres qui avaient des traits autistiques marqués comme Glenn Gould et Albert Einstein) peut lui permettre d'atteindre la reconnaissance de ses pairs. Mais c'est aussi un problème car l'Asperger a tendance à s'y enfermer comme dans un bocal puisqu'il le maîtrise et donc s'y sent bien (d'où le goût de nombreux asperger pour le monde sous-marin et pour l'espace, l'un d'eux dit d'ailleurs qu'il se sent comme un "martien chez les neurotypiques"). Son hyper spécialisation dont il peut parler pendant des heures ennuie l'autre sans qu'il s'en rendre compte la plupart du temps.

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