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Articles avec #documentaire tag

David avant Bowie

Publié le par Rosalie210

Francis Whately (2019)

David avant Bowie

Pour faire un grand documentaire (ou un grand film de fiction) sur un ou une personnalité il faut au moins deux ingrédients. Tout d'abord il faut que la personnalité en question soit taillée pour le costume ce qui n'est pas toujours le cas loin s'en faut. Ensuite il faut un réalisateur inspiré. Les deux sont réunis ici et le résultat est passionnant. Francis Wathely est en effet un spécialiste des documentaires musicaux et celui-ci est déjà son troisième sur David Bowie après "David Bowie en cinq actes" (2013) et "David Bowie- Les Cinq dernières années" (2017). En effet que raconte David avant Bowie sinon la longue et compliquée genèse d'une étoile dans les années soixante et le début des années soixante-dix? Déjà ce qui est remarquable, c'est qu'un documentaire mette ainsi l'accent sur les échecs qui ont forgé la star David Bowie. 11 ans de galère, 9 groupes différents et des dizaines de "flops" commerciaux qui auraient pu en décourager plus d'un. Mais on mesure la personnalité exceptionnelle qu'était David Bowie au fait qu'aucun d'entre eux ne l'a mis par terre. Chacun lui a permis de rebondir en explorant de nouvelles voies (poésie, mime) jusqu'à ce qu'enfin il en trouve une qui rencontre aussi le public. Et encore, cela s'est fait en deux temps puisque le succès de "Space Oddity" en 1969 est resté celui d'un single et qu'il a fallu "The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars", son cinquième album en 1973 pour assoir définitivement sa carrière. On comprend alors d'où vient son art de se réinventer sans cesse sans pourtant jamais se perdre puisque même une fois parvenu au sommet, David Bowie refuse de capitaliser sur la même formule en tuant son personnage pour mieux renaître ailleurs sous une autre forme tel un phénix. Jalonné de témoignages précis de ceux qui l'ont côtoyé de près durant ses années de formation (bien que méconnus du grand public, on peut constater que David Bowie ne collaborait pas ou ne sortait pas avec n'importe qui), d'images d'archives visuelles et sonores où on entend la voix de la star faire ses propres commentaires, on comprend aussi que la quête identitaire de Bowie était liée à un profond désir de transplantation. Il ne se reconnaissait pas du tout dans le milieu sans âme dans lequel il avait grandi et il s'est donc cherché ailleurs. Dans tous les ailleurs possibles et imaginables, propulsé puis mis sur orbite par une époque effervescente propice aux expérimentations et excentricités en tous genres.

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Adolescentes

Publié le par Rosalie210

Sébastien Lifshitz (2019)

Adolescentes

J'aime décidément beaucoup Sébastien LIFSHITZ, la pertinence de ses questionnements, sa finesse et sa délicatesse d'approche de l'humain, son absence de jugement. Il est sans doute l'un des portraitistes les plus doués de sa génération. "Adolescentes" est au documentaire ce que "Boyhood" (2014) est à la fiction. L'accompagnement sur le temps long d'êtres en devenir avec en arrière-plan, un environnement qui s'obscurcit de plus en plus.

Les deux jeunes filles que filme Sébastien LIFSHITZ de la fin du collège jusqu'au bac sont deux amies d'enfance qui en réalité n'ont pas grand-chose en commun. Dès les premières séquences, on saisit à la faveur du montage tout ce qui les sépare et tout ce qui rend leur divergence d'orientation inéluctable. Emma, belle jeune fille brune filiforme suit des cours au conservatoire, est coaché par sa mère pour tout ce qui touche à ses études, a droit à des soins dentaires, part en vacances bref, tout en elle dénote le milieu aisé. Alors qu'Anaïs, beaucoup plus rondelette est issue d'un milieu défavorisé avec une famille qui cumule les handicaps sociaux, physiques et mentaux. Une famille de "sans dents", de "derniers de cordées" qui aurait été regardée avec mépris par un cinéaste moins sensible à la différence. Mais la finesse du regard de Sébastien LIFSHITZ fait que le portrait de ces jeunes filles dépasse leur caractérisation sociale. Anaïs est une battante et une grande gueule qui prend très tôt son destin en main au point que c'est sa mère qui apparaît la plus dépendante des deux. De plus, elle a une conscience politique qui lui fait très tôt percevoir les dangers de la radicalisation (d'extrême-droite) de son milieu qui nourrit en réaction l'élection de Macron dont elle perçoit qu'il est l'ennemi des classes populaires. Alors que Emma subit l'enfer d'un foyer dysfonctionnel avec un père toujours absent et une mère étouffante, exigeante, toujours insatisfaite et dépréciative. Une mère-coach typique des milieux sociaux aisés obsédés par la stratégie de réussite sociale de leurs enfants. Parce que Emma a une forte personnalité, elle résiste aux injonctions de sa mère mais au prix d'une épuisante tension nerveuse à force d'être toujours en conflit avec elle.

Bien entendu, le film ne se contente pas d'explorer la relation de ces deux jeunes femmes en construction avec leur famille et leur milieu social ainsi que leur parcours scolaire, il évoque aussi leur découverte de l'amour et de la sexualité mais de façon très pudique. Surtout, il filme une expérience universelle: comment une amitié née sur les bancs d'une école symbolisant l'égalitarisme républicain est appelée à se déliter lorsque les déterminismes sociaux reprennent le dessus. Il est assez clair que sans le réalisateur, les deux jeunes filles qui ne fréquentent pas le même lycée se seraient perdues de vue bien avant leurs 18 ans. Le tournage du film ne fait que retarder l'inéluctable.

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La Cour de Babel

Publié le par Rosalie210

Julie Bertuccelli (2014)

La Cour de Babel

De Julie BERTUCCELLI, je connaissais son documentaire "Dernières nouvelles du Cosmos" (2016) consacré à Hélène Nicolas dite "Babouillec", autiste sans paroles mais capable en alignant des lettres plastifiées non seulement de communiquer mais d'écrire des textes d'une beauté fulgurante. Deux ans auparavant, la réalisatrice avait planté sa caméra au sein d'une classe d'accueil pour élèves primo-arrivants allophones dans un collège du X° arrondissement de Paris. Une sorte de sas entre leur pays d'origine et l'intégration dans la scolarité classique, le temps pour eux de se mettre à niveau, de comprendre les règles de leur pays d'accueil et surtout, de maîtriser suffisamment la langue, point commun avec le documentaire consacré à Babouillec. On est frappé par la diversité des origines de ces élèves puisque pas moins de 22 nationalités différentes sont représentées dans une même classe. Une manière élégante de rappeler que la France est un vieux pays d'immigration ayant connu des vagues successives d'arrivants depuis deux siècles qui ont contribué à bâtir le pays. En dépit des restrictions posées à l'immigration depuis 1974, ceux-ci ont continué à venir soit comme demandeur d'asile (un jeune serbe raconte qu'il était persécuté à cause de ses origines juives) soit au travers du regroupement familial (pour fuir la guerre, la misère, les maltraitances, les traditions barbares telles que l'excision). Le temps d'une année, Julie BERTUCCELLI filme leurs progrès mais aussi leurs doutes et parfois leurs déceptions. La question de la maîtrise du langage n'est pas le seul aspect abordé. Se pose aussi bien sûr la question de la situation familiale qui est souvent marquée par la précarité (juridique, économique, sociale) ce qui perturbe la scolarité ainsi que les différences de culture notamment vis à vis de tout ce qui touche à la religion. La laïcité n'est qu'un rempart imparfait, on s'en compte face à la tentation du repli sur soi et la communauté. Mais c'est l'espoir qui l'emporte autour d'un projet commun et la plupart de ces jeunes frappent par leur courage et leur volonté de s'en sortir.

Néanmoins, le film manque de recul critique et je dirais même d'une véritable contextualisation politique. Car la cure austéritaire post-crise 2008 n'a pas épargné l'école et les choix gouvernementaux sont allés vers la réduction voire l'extinction de ces dispositifs jugés coûteux surtout pour un public considéré comme indésirable (et dont une partie n'a pas vocation à s'installer forcément durablement). Cet aspect là est totalement occulté ce qui biaise un peu le propos.

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Be Natural: L'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché (Be Natural: The Untold Story of Alice Guy-Blaché)

Publié le par Rosalie210

Pamela B. Green (2018)

Be Natural: L'histoire cachée d'Alice Guy-Blaché (Be Natural: The Untold Story of Alice Guy-Blaché)

La France a peut-être transmis le cinéma aux USA mais sans eux, notre mémoire, notre histoire et notre patrimoine des premières années du septième art serait sacrément amputé. C'est à eux que l'on doit la sauvegarde des négatifs originaux d'une partie de l'oeuvre de Georges MÉLIÈS et c'est eux qui ont contribué, bien plus que la France à sortir de l'oubli Alice GUY. Il faut dire que la France est un pays si conservateur que remettre en cause les histoires officielles du cinéma dans lesquelles cette pionnière est passée sous silence ou bien à peine évoquée suscite de vives résistances. Rien de tel aux USA. Certes, c'est la loi du Big Business qui a été à l'origine de son éviction du 7eme art quand son studio américain, la Solax a fait faillite au début des années 20 comme la plupart des indépendants de la côte est, ruinés par le trust Edison qui a précipité la migration du cinéma en Californie. On remarque au passage que c'est cette loi qui a exclu les femmes des postes de direction dès que le cinéma est devenu une industrie lucrative. Mais en ce qui concerne le domaine de la recherche, les USA n'ont pas les rigidités dont souffre la France et n'ont donc pas hésité à faire une place à Alice GUY entre les frères Louis LUMIÈRE et Auguste LUMIÈRE et Georges MÉLIÈS en soulignant son apport essentiel au cinéma. Alice GUY est en effet non seulement la première réalisatrice de l'histoire mais aussi la première à avoir eu l'idée d'utiliser les images animées pour raconter des histoires. Autrement dit elle a inventé la fiction et ce, dès 1896 alors qu'elle travaillait comme secrétaire pour Léon Gaumont. A cette époque le cinéma n'était pas pris au sérieux, un truc pour les artistes de foire et pour les filles. Alice a profité de cette liberté où tout était alors à inventer non seulement pour réaliser mais aussi produire et diriger ses propres studios, d'abord en France, puis aux USA lorsqu'elle a suivi son mari, Herbert Blaché. Elle a expérimenté de nombreux procédés (couleur, son) et osé raconter des histoires non-conformistes dans lesquelles les femmes sont maîtresses de leurs choix et de leur destin voire inversent les rôles avec les hommes. Le documentaire souligne par exemple l'influence qu'elle a eue, notamment "Les résultats du féminisme" (1906) sur Sergei M. EISENSTEIN et en particulier "Octobre" (1927) ainsi que sur Alfred HITCHCOCK. Il analyse aussi les mécanismes de son effacement de l'histoire, écrite par des hommes qui n'acceptent pas de partager le pouvoir avec les femmes (au point d'attribuer ses films à d'autres comme Louis FEUILLADE alors que c'est Alice GUY qui était sa patronne!) et fonctionne comme un travail d'enquête des deux côtés de l'Atlantique permettant de reconstituer sa vie et son oeuvre, parfois à l'aide d'archives très abîmées qu'il faut patiemment restaurer. Plusieurs de ses films ont été ainsi retrouvés et vont faire l'objet d'une restauration par la fondation de Martin SCORSESE qui est l'un de ses admirateurs.

Preuve des réticences de la France à la réhabiliter (il faut dire que ses institutions, à commencer par la Cinémathèque française sont pour beaucoup dans son enterrement puis dans la minimisation de son apport au cinéma), le documentaire de Pamela B. Green qui avait été présenté au festival de Cannes en 2018 n'est sorti au cinéma qu'en juin 2020 (il devait sortir en mars mais le premier confinement en a décidé autrement) et sa distribution est restée confidentielle.

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Petite Fille

Publié le par Rosalie210

Sébastien Lifshitz (2020)

Petite Fille

Sébastien LIFSHITZ est décidément le créateur d'une oeuvre d'utilité publique. J'avais déjà beaucoup apprécié son documentaire "Les Invisibles" (2012) dans lequel il donnait une généalogie à l'homosexualité, qu'elle se vive en solo ou en couple, détruisant au passage nombre de clichés en montrant par exemple des couples d'hommes ou de femmes de longue durée, âgés, au physique quelconque et vivant à la campagne de façon très simple. Bref, l'inverse du cliché collé au personnage LGBT: jeune, beau et glamour comme une gravure de mode, branché, urbain, fêtard, à la sexualité débridée etc.

C'est dans cette même perspective qu'il poursuit ce travail de déconstruction et de réhabilitation de tout un pan de l'humanité laissé dans la pénombre avec "Petite fille", remarquable documentaire sur la transidentité d'une enfant de 8 ans. Ce thème avait déjà été abordé dans la fiction avec "Ma vie en rose" (1997) mais la différence de l'enfant se heurtait presque jusqu'au bout à une réprobation générale, y compris de ses parents. "Petite fille" montre au contraire une famille qui accepte et soutient Sasha inconditionnellement. En revanche en dehors des médecins spécialisés (et donc informés) sur la question, on peut dire que l'attitude des adultes ne brille pas par sa tolérance. C'est même le parcours du combattant pour que Sascha obtienne le droit de venir à l'école avec des habits féminins qu'elle porte naturellement chez elle ou en vacances et qu'elle aimerait bien sortir du placard dans sa vie scolaire. Je rappelle qu'on est censé vivre dans un pays libre (mais qui continue à dicter aux femmes la façon dont elles doivent s'habiller, notamment à l'école alors les garçons qui se sentent filles n'en parlons même pas). Ce n'est pas la première fois que je mesure le retard de notre pays sur ces sujets. A Montréal par exemple, j'ai croisé plusieurs personnes transidentitaires dans la rue et parmi elles, une qui travaillait au supermarché du coin en tant qu'hôtesse de caisse. En France, il y a quelques années, une employée d'une célèbre enseigne dont je tairai le nom avait été obligée de retirer son piercing au nez pour être embauchée. Alors un personnage excentrique à la Almodovar derrière le comptoir, ce n'est pas pour demain. Certains articles ont reproché au réalisateur de ne pas avoir filmé le directeur et le personnel de l'école dans laquelle est inscrite Sascha mais ces derniers ont été invités à dialoguer avec la famille et les médecins et ne sont pas venus. Est-ce la caméra qui leur a fait peur ou bien n'ont-ils rien de constructif à dire sur la question? Leur absence en tout cas interroge. Les absents ont toujours tort de toute façon.

Le documentaire ne s'en tient pas qu'à la seule question de l'intégration à l'école même si elle est centrale compte tenu de l'âge de Sasha. Il évoque aussi d'autres pesanteurs: la transphobie d'une professeure de danse du conservatoire dans lequel est inscrite Sasha. Les questionnements et les doutes de sa mère (car c'est toujours la mère que l'on accuse lorsque l'enfant est différent, c'est toujours la mère qui se sent coupable et de ce point le vue les propos du médecin sont une délivrance: les parents ne sont pour rien dans la dysphorie de genre*). Et enfin l'avenir forcément compliqué de la petite fille qui pour ne pas subir le traumatisme de se retrouver dans un corps de garçon à l'adolescence doit se préparer à un cheminement compliqué tant médical que social. Peut-être que Sébastien LIFSHITZ prolongera ce documentaire passionnant avec un deuxième volet sur l'adolescence de Sasha si celle-ci y consent pour que l'on mesure les difficultés d'être à sa place et comprendre qu'il ne s'agit en rien d'une lubie ou pire encore (car la question est évoquée dans le documentaire) le fruit d'une maltraitance parentale.

*La dysphorie de genre est caractérisée par une identification forte et permanente à l'autre genre associée à une anxiété, à une dépression, à une irritabilité et, souvent, à un désir de vivre en tant que genre différent du sexe attribué à la naissance.

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Asperger's Are Us

Publié le par Rosalie210

Alexandre Lehmann (2016)

Asperger's Are Us

"Asperger's Are Us" est un documentaire Netflix portant sur la résilience par rapport à l'handicap de l'autisme grâce à l'art. Les américains étant beaucoup plus avancés que les français sur cette question, il est logique que l'offre culturelle le soit aussi que ce soit en matière de films, séries ou comme ici, théâtre. "Asperger's Are Us" est en effet le nom de la première troupe de comédiens entièrement composée de personnes atteintes du syndrome d'asperger. Elle se compose de quatre jeunes hommes qui se sont rencontrés lors d'un camp d'été réservés aux autistes dans le Massachussetts en 2010. Après avoir obtenu leur diplôme, Jack, Ethan, New Michael (qui préfère "new" à "junior", son père s'appelant également Michael) et leur animateur plus âgé Noah décident d'écrire des sketchs à l'humour décalé et de les interpréter dans de nombreuses villes du Massachussetts, suscitant l'intérêt des médias. Leur démarche pionnière les amènent à se comparer aux "Beatles" dans leur domaine. Le documentaire suit les préparatifs de leur dernière représentation avant la séparation du groupe. Il permet de se familiariser avec chacun des membres qui a droit à un portrait individuel ainsi qu'avec leur humour absurde et parfois morbide. C'est aussi bien sûr un moyen de montrer comment ces garçons surmontent leurs difficultés ("I don't want your pity" peut-on lire sur le t-shirt de Noah) pour parvenir à interagir avec les autres membres et le reste de la société et aussi comment cette expérience a pu les aider pour ensuite poursuivre des études et s'intégrer. La pensée positive à l'américaine peut agacer parfois mais ici, le handicap n'est pas édulcoré et si l'humour est un formidable moyen de se faire apprécier et accepter, il n'est pas consensuel ce qui est logique, les aspies étant des gens plutôt intègre. L'un des garçons dit d'ailleurs très justement que le jogging est étranger au fonctionnement aspie qui soit marche ou soit court en se donnant à fond.

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Histoires d'amour et d'autisme (Love on the Spectrum)

Publié le par Rosalie210

Cian O'Cléry (2019)

Histoires d'amour et d'autisme (Love on the Spectrum)

Entre documentaire sur les infinies variations de l'autisme et émission de télé-réalité de dating façon "L'Amour est dans le pré", "Love on the Spectrum" qui se décline pour l'instant en une saison de cinq épisodes est une série australienne qui vient de faire son apparition sur Netflix. Elle ne manque pas totalement d'intérêt mais elle est bancale. Si l'on exclue les considérations mercantiles, l'idée de départ est plutôt bonne puisqu'elle consiste à aider les autistes à trouver l'âme soeur tout en faisant mieux connaître ce trouble auprès des neurotypiques (les non autistes soit l'immense majorité des spectateurs). De fait les portraits des candidats sont tous intéressants et permettent de mieux comprendre la diversité des troubles du spectre autistique (TSA), un handicap encore très mal connu en France. L'autisme se décline en effet sur un spectre, des formes les plus "légères" aux formes les plus sévères. Ce sont les personnes dont les troubles sont les moins accusés qui sont mises le plus souvent en avant dans les médias car elles peuvent parler et "jouer le jeu" social, du moins en surface, j'y reviendrai. L'autre intérêt de la série est de montrer le rôle positif que jouent les thérapies comportementales dans l'intégration des personnes autistes. En effet le coaching propre aux émissions de télé-réalité est utile dans le sens où il permet aux autistes de décrypter le langage non-verbal qu'ils n'ont pas acquis naturellement et qui est important dans la relation amoureuse et à l'inverse d'adopter un comportement approprié dans cette situation.

Néanmoins tout cela reste en surface. L'adaptation comportementale est insuffisante à ouvrir aux autistes le champ des rencontres amoureuses. On remarque qu'à la fin de la série, aucun des candidats n'a réussi à établir une relation avec les partenaires qui leur ont été présentés. Cet échec est camouflé par le portrait de deux couples autistes déjà constitués (qui n'ont pas eu besoin de l'émission donc). En effet le problème est plus profond car les autistes ont non seulement du mal à capter les signaux d'intérêt qu'une autre personne peut leur envoyer et à adopter un comportement approprié mais beaucoup n'arrivent pas non plus à savoir ce qu'ils ressentent vis à vis d'elle, du moins à court terme. La série "Atypical" également diffusée sur Netflix décrit très bien la difficulté à régler le curseur émotionnel qui est soit sur "off" (aucune émotion n'est ressentie) soit sur "100%" (la personne est au contraire submergée par l'émotion). Le coaching ne peut rien face à cette difficulté à accéder à ses émotions et ne parlons pas du speed dating qui est l'inverse de ce qu'un autiste a besoin (du temps). J'ajoute que la série a un autre gros défaut, elle présuppose que les autistes ne peuvent s'entendre qu'avec d'autres autistes puisque les rencontres se déroulent exclusivement entre personnes ayant des TSA. Ce communautarisme est démenti par la réalité. Il existe de nombreux cas de couples mixtes mais surtout cela occulte le fait que l'immense majorité des autistes, y compris légers, faute de prise en charge reste célibataire à vie.

 

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Whitney

Publié le par Rosalie210

Kevin MacDonald (2018)

Whitney

Les fans de Whitney Houston seront soit comblés, soit déçus par le documentaire de Kevin MacDonald qui mêle images d'archive et entretiens de ses proches face caméra. Ce sont en effet moins ses performances vocales qui sont au cœur du film que les raisons de son succès qui paradoxalement sont également celles de sa déchéance physique, professionnelle, matérielle et morale. En effet, ce qui ressort beaucoup, ce sont les problèmes affectifs et identitaires de la jeune femme, modelée très tôt par sa famille (le clan puis avec les dollars l'empire Houston) pour sortir du ghetto et plaire à l'Amérique WASP (d'où son rejet par une partie de l'Amérique noire qui l'avait renommée "Whitey"). Une famille toxique en dépit de nombre de membres talentueux mais restés dans l'ombre comme Cissy la mère de Whitney qui fut choriste d'Aretha Franklin ou ses cousines Dionne et Dee Dee Warwick également chanteuses. Du choix de son prénom (en référence au personnage d'une série mettant en scène la middle class blanche) à ses études dans une école privée catholique puis à une carrière orientée vers des tubes grand public, tout a été fait pour blanchir Whitney. Avec le succès que l'on sait mais au prix d'un déracinement, d'une perte d'identité et de repères qui l'a plongé dans le chaos et fait d'elle la marionnette de tous les appétits et névroses de son clan. Entre son père (et d'autres) qui l'ont exploité financièrement, sa mère et ses cousines qui ont pu profiter de son succès par procuration sans parler de celle qui l'a en plus abusé sexuellement, son demi-frère avec lequel elle a plongé dans la drogue jusqu'au cou, son mari jaloux d'avoir moins de succès qu'elle et qu'elle avait épousé tout en restant proche de sa directrice artistique Robyn Crawford avec laquelle elle avait eu une relation qui remontait à son adolescence, tout cela constituait une charge que n'a pas non plus supporté la fille de Whitney, Bobbi Kristina morte trois ans après sa mère dans les mêmes circonstances (overdose et noyade dans la baignoire). Le film effectue un parallèle non dénué de fondement avec Michael Jackson, lui aussi un afro-américain blanchi dressé et exploité par sa famille qui avait de gros problèmes d'identité. Néanmoins le manque de personnalité de Whitney Houston et le fait que les chanteuses à voix ne soient pas ma tasse de thé constituent des limites à mon intérêt pour ce documentaire.

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A.K.: Akira Kurosawa

Publié le par Rosalie210

Chris Marker (1985)

A.K.: Akira Kurosawa

Chris Marker a consacré plusieurs documentaires au Japon, l'une de ses terres de prédilection*: "Le mystère Koumiko" en 1965, le magnifique "Sans soleil" en 1982 et donc "A.K.", les initiales de Akira Kurosawa qu'il a pu filmer en train de tourner les séquences lunaires de "Ran" sur les pentes du mont Fuji en 1984. Mi portrait, mi journal de bord, "A.K." tire son originalité de sa forme. Il est en effet découpé en petites séquences avec un titre écrit en kanji qui au-delà de la description des méthodes du "maître" ("sensei" en japonais) invite à méditer sur sa capacité à faire avec l'imprévisibilité des éléments naturels, "cette beauté qui n'était pas la sienne" et qu'il sait pourtant admirablement capter. L'un des chapitres s'intitule en effet "patience", un autre "pluie", un autre "feu" et encore un autre "brouillard". Par contraste, une séquence que Chris Marker intitule "laque et or" d'après une technique décorative japonaise et qui se caractérise par sa complète artificialité (lune de Méliès dessinée par Kurosawa lui-même et épis peints en dorés) sera coupée au montage, sans doute justement parce qu'elle devait trop jurer avec le reste et ce bien qu'il y ait nombre de trucages disséminés dans le film. Le passé d'Akira Kurosawa est également évoqué quand il peut éclairer le présent, que ce soit un événement traumatique ayant eu lieu en 1923 et ayant pu lui inspirer la grande scène de massacre au milieu du film ou ses débuts en tant qu'assistant au travers de son amour des chevaux ou encore les films ayant pu préfigurer "Ran" comme "Le Château de l'araignée". Le résultat est un making of atypique assez aride et énigmatique mais qui rend bien compte de la démesure d'une telle entreprise que seul un génie du cinéma pouvait accomplir. On peut reprocher à Marker son admiration absolue pour Kurosawa mais au vu du chef d'oeuvre qu'est "Ran" et du travail titanesque qu'il a demandé, on ne peut qu'éprouver un profond respect et accepter de remettre la dimension critique à plus tard. 

* Un bar de Golden Gai dans le quartier de Shinjuku à Tokyo s'appelle "La Jetée" d'après son œuvre la plus célèbre.

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Buena Vista Social Club

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1999)

Buena Vista Social Club

Si l'inspiration de Wim Wenders en matière de films de fiction s'est tarie à partir du début des années 90, son talent de documentariste a pris le relai pour offrir quelques pépites supplémentaires à sa filmographie, dont ce superbe "Buena Vista Social Club" qui a transformé un groupe de (géniaux) vieux musiciens cubains en stars mondiales.

Le Buena Vista Social Club était à l'origine une boîte de nuit située dans la banlieue de la Havane où ces musiciens se produisaient dans les années 40 et 50 pour des américains en goguette venus se payer des prostituées (la Havane était alors surnommée "le bordel des Caraïbes" et toute une industrie du tourisme sexuel en découlait). Mais avec la révolution castriste, le lieu, symbole de la sujétion de Cuba aux USA fut détruit. Les musiciens furent les victimes collatérales de l'effondrement de ce système néo colonial mafieux car ils perdirent leur travail et furent réduits pour la plupart d'entre eux au silence et à la misère. Jusqu'au jour où au milieu des années 90 un britannique, le producteur Nick Gold fondateur du label World Circuit et un américain le guitariste et producteur Ry Cooder eurent l'idée d'aller à Cuba pour faire des enregistrements avec ces vieilles légendes oubliées qui ne s'étaient plus côtoyées depuis des lustres*. L'album du groupe fut un succès international et conduisit Ry Cooder à retourner à Cuba en 1998 pour l'enregistrement d'un second album collectif, cette fois accompagné de son ami et collaborateur Wim Wenders bien décidé à filmer la résurrection du groupe et par la même, rétablir un pan oublié de l'histoire cubaine**. 

Le résultat est une galerie de portraits attachants et hauts en couleur célébrant la vitalité intacte et le talent incroyable de ces musiciens qui ont été ainsi immortalisés par la caméra de Wim Wenders. Le grand public a pu ainsi découvrir entre autre au moment du tournage:

- Le chanteur et joueur de guitare cubaine Compay Segundo, 90 ans alors au compteur mais toujours vert (il évoque quand même face caméra le bonheur des nuits d'amour et son désir d'avoir un sixième fils), son éternel cigare, l'élégance de ses costumes et de ses panamas;

- Le chanteur Ibrahim Ferrer, 70 ans, issu d'un mélange sino-africain, sa panoplie de casquettes et sa grande douceur (à l'image de sa musique);

- Ruben Gonzalez, 80 ans le pianiste prodige à la barbe blanche et aux chemises bariolées;

- Eliades Ochoa, 50 ans (il est d'ailleurs encore en vie contrairement à ses trois aînés et d'autres membres du club), le chanteur et guitariste aux chapeaux de cowboy.

Avec eux et d'autres, le public international a découvert le son cubain, un genre musical ancêtre de la salsa, du mambo et du cha-cha-cha, mais plus lent et mélancolique. Le tube planétaire "Chan-Chan" donne un bon aperçu de ce genre musical.

* La genèse du premier album est en fait le fruit d'un heureux concours de circonstances. Ni Nick Gold, ni Ry Cooder ne connaissaient l'histoire et les membres du Buena Vista social club. Ils étaient allés à Cuba pour rechercher des musiciens dans l'idée de faire un album de musique cubaine et africaine dans la ligne éditoriale du label World Circuit Records. Mais les musiciens maliens n'obtinrent pas leur visa pour rejoindre la Havane et restèrent bloqués à Paris. Dans l'urgence, Ry Cooder se tourna vers le coordinateur du projet à la Havane, Juan de Marcos Gonzales qui en quelques jours parvint à retrouver Ibrahim Ferrer qui en était réduit à faire les poubelles pour vivre, Ruben Gonzales qui n'avait plus touché un piano depuis dix ans et de fil en aiguille tous les autres avec la suite que l'on connaît.

** On le devine, gérer le succès triomphal et international d'un groupe lié à une histoire que Castro avait voulu effacer s'est avéré délicat pour le régime cubain.

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