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Articles avec #documentaire tag

Enorme

Publié le par Rosalie210

Sophie Letourneur (2019)

Enorme

Comédie dont j'ai pu découvrir un extrait lors d'une conférence sur le cinéma burlesque français, "Enorme", s'il n'est pas totalement réussi sort des sentiers battus et mérite d'être vu (d'ailleurs Arte l'a mis à son programme). La volonté de casser les codes est manifeste, tant sur la forme que sur le fond. Sur la forme, on a donc une tentative de marier des gags burlesques (comme celui qui donne son titre au film) et le réalisme documentaire, avec l'intervention de véritables professionnels de l'accouchement, particulièrement à la fin du film qui est on ne peut plus réaliste. Cela ne fonctionne pas vraiment car chaque style exclue de fait l'autre. Le fond est plus convaincant avec la description d'un couple dans lequel les rôles sont inversés: Mme est l'artiste à succès (Marina FOÏS) qui a remis sa vie et sa carrière entre les mains de M. (Jonathan COHEN) afin de n'avoir à s'occuper que de son piano. C'est donc dans la même logique lui qui prend la décision d'avoir un enfant d'autant qu'il a les moyens de parvenir à ses fins: Madame lui a remis la responsabilité de sa prise de pilule quotidienne. La polémique déclenchée par ce scénario auprès de certaines féministes n'a pas lieu d'être. En simplifiant et essentialisant le monde de façon binaire (femmes victimes/hommes prédateurs) à la manière des racistes (nous les gentils aryens/eux les méchants basanés), elles ne peuvent que passer à côté d'une réalité bien plus complexe et nuancée. Si l'on peut déplorer que Mme se retrouve avec une grossesse non désirée, ce n'est que la suite logique de sa démission envers le contrôle de ses facultés reproductives au profit de son mari. Lequel prend sa place psychologiquement au point de faire une couvade alors que sa femme considère juste son ventre comme un fardeau dont elle veut se débarrasser au plus vite ainsi que de son statut d'objet au profit d'un retour à la normale. C'est à dire dans la sphère de l'art pour elle et aux affaires matérielles pour lui dont on comprend que cela inclut de s'occuper de l'enfant. Sophie LETOURNEUR a le mérite de faire réfléchir en cassant les stéréotypes de genre, le titre étant polysémique: il peut désigner le mari qui prend toute la place, la bulle dans laquelle s'enferme sa femme qui est du genre autiste (elle déteste le contact humain) ou le poids de ce ventre gonflé jusqu'au grotesque.

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Flee (Flugt)

Publié le par Rosalie210

Jonas Poher Rasmussen (2020)

Flee (Flugt)

"Flee" (et heureusement) n'est pas un énième film d'animation sur l'oppression du régime des Talibans en Afghanistan. Ces derniers n'occupent qu'une place périphérique dans le récit, même s'ils sont à l'origine de l'exil d'Amin et d'une partie de sa famille. En matière de violation des droits de l'homme et de traitements inhumains et dégradants, presque tout le monde est renvoyé dos à dos: le régime communiste de Kaboul à l'origine de l'arrestation et de la disparition du père d'Amin ainsi que de l'exil de son grand frère (pour échapper à l'enrôlement dans la guerre qui l'opposait aux moudjahidines soutenus par les USA); la police russe post-soviétique totalement corrompue qui harcèle Amin et sa famille à cause de sa situation irrégulière dans le pays; les passeurs qui les font traverser dans des conditions qui mettent leur vie en danger; les occidentaux qui regardent ces migrants comme des attractions touristiques, les enferment en centre de rétention et les traitent comme des parias; les procédures de demande d'asile qui obligent à trafiquer les faits etc.

Toutes ces péripéties proviennent du récit d'Amin, brillant universitaire d'origine afghane réfugié au Danemark que le réalisateur a rencontré lorsqu'il est arrivé dans son village alors âgé de 16 ans et avec lequel il est devenu ami. 20 ans plus tard, Jonas Poher Rasmussen a l'idée de le faire parler et de transformer ce témoignage en film d'animation, ponctué d'images d'archives live fournissant des repères historiques. L'animation elle-même est de deux sortes: réaliste dans les moments calmes, elle se transforme en esquisse lorsqu'on touche à la mémoire traumatique d'Amin, c'est à dire aux épisodes de fuite et d'arrestation (en cela, j'ai pensé à un autre récit de réfugiés de guerre transposé en animation "Josep") (2020) et aussi bien sûr à "Valse avec Bachir" (2007) pour la confession d'un traumatisme qui remonte peu à peu à la surface). Peu à peu, Amin est amené à se défaire de la version officielle de sa vie, telle qu'il l'a donnée à son arrivée au Danemark en tant que réfugié mineur isolé et telle qu'il nous la donne au début du film. En effet, même une fois à l'abri, on découvre que celui-ci est resté prisonnier de son passé qu'il a tenu secret et que celui-ci l'empêche de se projeter dans l'avenir. Hormis dans le domaine de sa carrière, Amin a tellement peur d'être trahi (comme il l'a été à plusieurs reprises) qu'il est devenu paranoïaque et répugne à s'engager. Ce réflexe de dissimulation recouvre une autre dimension de la personnalité d'Amin, son homosexualité, taboue en Afghanistan, qui colore son ressenti mais qu'il ne peut ouvertement exprimer qu'à son arrivée au Danemark. Enfin, le film est une réflexion sur le poids des liens familiaux: l'entraide s'avère être un facteur décisif dans la réussite de l'entreprise mais la séparation également. Quant à l'intégration, on voit bien comment elle est entravée par ces mêmes liens qui font passer la famille (et sa survie) avant tout autre engagement sans parler du sentiment de dette que Amin ressent envers ceux qui se sont sacrifiés pour lui.

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Le Parti des choses: Bardot et Godard

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1963)

Le Parti des choses: Bardot et Godard

"Mettre en scène, c'est prendre, modestement, le parti des choses". Cette phrase, Jacques Rozier la prononce tout en filmant son ami de la nouvelle vague Jean-Luc Godard tourner une scène de "Le Mépris" avec Michel Piccoli, Brigitte Bardot et Fritz Lang. Il ajoute donc un niveau de réflexion sur le cinéma à un film qui était déjà une mise en abyme du septième art. En seulement dix minutes, Jacques Rozier décortique les enjeux du film. Au travers  de la scène filmée à Capri, d'abord dans une crique puis refaite sur un bateau, il souligne la caractéristique fondamentale de la nouvelle vague qui est de s'appuyer sur un dispositif léger et des décors naturels en acceptant la part d'imprévu que le fait de ne pas pouvoir contrôler l'environnement comporte. Il évoque aussi l'acte créateur qui dans le film échoit à Fritz Lang, alter ego du cinéaste et  "porte-parole des Dieux" puisque celui-ci a tout pouvoir sur le destin de ses personnages. La statue de Zeus qui revient à plusieurs reprises dans "Le Mépris", le lieu de l'action ainsi que le sujet du film tourné par Fritz Lang, L'Odyssée se réfère à la tragédie antique, laquelle laisse une grande place à la fatalité c'est à dire à l'homme comme jouet des Dieux exactement comme les personnages sont les créatures du cinéaste. Enfin il évoque le mythe Brigitte Bardot, né dans un film intitulé "Et Dieu... créa la femme" et ajoute "Le Mépris ayant Brigitte Bardot comme objet ne peut avoir que le cinéma pour sujet". 

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Océans

Publié le par Rosalie210

Jacques Perrin, Jacques Cluzaud (2009)

Océans

Après "Le Peuple migrateur" en 2001, Jacques Perrin et Jacques Cluzaud se sont penchés sur la faune des océans, réalisant un documentaire selon les mêmes principes: des commentaires parcimonieux (tant mieux), laissant parler les images majoritairement sous-marines spectaculaires prises aux quatre coins du monde à l'aide de techniques et de caméras dernier cri alliant qualité de l'image, légèreté et maniabilité. Objectif, donner au spectateur un sentiment de proximité avec les 90 espèces filmées, parfois de façon inédite dans ce qui s'apparente à un ballet. Celui d'une vie grouillante, largement ignorée des hommes qui après avoir effleuré cet espace lors des Grandes découvertes lui inflige de profondes blessures, que ce soit au travers de la pollution ou bien de la surpêche industrielle (un passage insoutenable). Néanmoins, l'homme n'est pas seulement montré comme un prédateur. Les documentaristes montrent qu'une cohabitation pacifique est possible, y compris avec les requins (les aquariums aussi travaillent à dédiaboliser la bête). Du côté des animaux, on voit également beaucoup de scènes de prédation mais aussi de nombreuses scènes de coopération inter-espèces. Mais bien qu'inscrivant le film dans la problématique actuelle, les hommes sont délibérément poussés à la périphérie afin de faire partager comme dans "Le Peuple migrateur" une autre vision du monde qui balance entre espoir et inquiétude.

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Le Peuple migrateur

Publié le par Rosalie210

Jacques Perrin, Jacques Cluzaud, Michel Debats (2001)

Le Peuple migrateur

Le monde du point de vue des oiseaux migrateurs et non plus celui des humains, c'est ce que "Le Peuple migrateur" réussit à nous faire partager. Le défi technique permettant de les suivre dans les airs grâce à des caméras embarquées dans différents engins volants adaptés aux prises de vue recherchées accouche d'images splendides et immersives. On en oublierait presque (d'autant que les commentaires sont parcimonieux) que leur migration est une question de survie: se protéger du froid, se nourrir, se reproduire. Une scène darwinienne rappelle la dureté de ce mode d'existence qui ne tolère aucune faiblesse mais ce sont surtout les hommes qui les menacent, qu'ils soient fauchés en plein vol par des chasseurs, capturés et mis en cage ou bien piégés par un site industriel pollué se situant sur leur trajectoire. L'homme n'est pas toujours montré comme un prédateur (une vieille paysanne leur donne à manger par exemple) mais dans le fond, il est surtout périphérique dans le film qui adopte le ton d'une méditation contemplative qui ne recherche pas l'anthropomorphisme. On peut donc s'ennuyer devant le côté répétitif des images et l'absence d'intrigue à proprement parler. On peut aussi (cela a été mon cas) les trouver extrêmement poétiques et poignantes tant le documentaire fait ressortir la fragilité, la précarité de leur vie*. Ce qui renvoie à la nôtre, en dépit des croyances dérisoires de notre civilisation en béton armé (les oiseaux passent devant les tours du WTC, le film étant sorti l'année de leur destruction) Et, last but no least, la bande-son, très soignée culmine avec une magnifique chanson composée par Nick CAVE, "To be by your side".

* Ce film m'a d'ailleurs réconciliée avec les documentaires animaliers dont le côté édifiant m'insupportait lorsque j'étais enfant. Mais je ne suis pas étonnée car je pense qu'au-delà de la performance technologique, cela traduit assez bien la sensibilité de Jacques PERRIN.

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L'Ange Blond De Visconti - Björn Andresen, De L'Ephèbe à L'Acteur

Publié le par Rosalie210

 Kristina LINDSTRÖM, Kristian PETRI (2020)

L'Ange Blond De Visconti - Björn Andresen, De L'Ephèbe à L'Acteur

A l'heure où Sylvia Stucchi, professeure de lettres classiques à l'université de Milan publie "La dame au ruban bleu: cinquante années avec Oscar", je me replonge dans ma propre adolescence passée dans ma passion pour "Lady Oscar" dont je ne connaissais alors même pas l'auteur puisque les seuls crédits mentionnés au générique étaient ceux des distributeurs français, "Bruno-René Huchez, Caroline Guicheux et cie." ce qui en disait long sur le mépris et le chauvinisme (pour ne pas dire le racisme) alors en vigueur dans l'hexagone vis à vis des séries animées japonaises. Vers 17-18 ans, j'ai eu accès à une première source de vraie documentation, un fanzine italien du nom de Yamato avec un auteur, Francesco Prandoni qui lisait le japonais (et avait donc lu le manga, à l'époque non traduit en Europe) et était capable de faire des analyses de fond. Il y critiquait (à raison) l'actrice du film de Jacques DEMY (que je n'ai pu voir qu'en 1997 car lui non plus n'était pas sorti en France), disant que Oscar était une figure irréelle, inadaptable au cinéma.

Mais à lui aussi il manquait des informations. Le documentaire que Arte a mis en ligne il y a quelques mois (et jusqu'en 2024) sur Björn ANDRESEN, le jeune acteur devenu une icône à la suite de sa prestation dans le rôle de Tadzio dans le film de Luchino VISCONTI "Mort à Venise" (1971) a permis de combler cette lacune. On y voit en effet dans ce documentaire aussi saisissant que douloureux, un Björn ANDRESEN mal remis de cette expérience qui contribua à le plonger dans la dépression et les addictions revenir au Japon cinquante ans après y avoir connu un succès foudroyant suite au film de Visconti et discuter avec ceux qui "volèrent son image" ce qui lui donna ensuite l'impression d'être emprisonné à vie dans le rôle (bien que le premier d'entre eux ait été Visconti lui-même et son équipe dont l'attitude envers le très jeune garçon qu'il était alors s'est avérée indélicate et ce dès le casting, très gênant). Et parmi eux, il y a Riyoko IKEDA, l'auteure du manga "La Rose de Versailles" (le vrai titre de "Lady Oscar") qui explique que tous ses personnages androgynes ont été inspirés par le visage de Björn Andresen. Comble de l'ironie, celui-ci qui est sexagénaire est aujourd'hui le sosie parfait d'un autre personnage de manga qui est culte pour moi: Otcho dans "20th Century Boys" de Naoki Urasawa.

Bien que le mal-être de Björn ANDRESEN ne s'explique pas seulement par le film qui le révéla autant qu'il le crucifia (le terrain familial a joué un rôle déterminant en ne le protégeant pas face aux prédateurs qui se nourrirent de lui), le documentaire fait réfléchir sur cette énième variante de l'exploitation des enfants par les adultes, surtout lorsqu'il s'agit de créer un fantasme sur pattes qui ensuite poursuivra tel un fantôme encombrant celui qui en a été le vecteur.

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Jim Carrey, l'Amérique démasquée

Publié le par Rosalie210

Adrien Dénouette, Thibaut Sève (2021)

Jim Carrey, l'Amérique démasquée

"Jim Carrey, l'Amérique démasquée", livre de Adrien Dénouette qui est également le co-réalisateur du documentaire éponyme est une brillante analyse à la fois cinéphile, politique et sociologique qui met en relation la carrière de l'acteur et l'histoire des USA, principalement dans les années 90. Il apparaît que c'est dans cette décennie que l'acteur a pu percer, plus précisément entre la fin de la guerre froide et le 11 septembre 2001 car les USA n'avaient alors pas d'ennemi, donc pas besoin de super-héros testostéronés et de nationalisme belliqueux. La comédie à tendance cartoonesque trash tournant en dérision le politiquement correct a pu alors se frayer un chemin, portée notamment par les frères Farrelly et leur vedette, Jim Carrey. Rétrospectivement, on découvre combien celui-ci a longtemps été rejeté par l'industrie américaine à cause de son corps burlesque outrancier (et donc dérangeant) ce qui a conduit à forger sa personnalité artistique dans la marge, plus précisément au sein d'une émission subversive dont on découvre toute la portée: "In living Colour", créée en 1990 comme une sorte de "Saturday Night Live" afro-américain borderline. Jim Carrey qui est le seul blanc de l'émission se retrouve ainsi à tourner en dérision toutes les valeurs de l'Amérique blanche*. En 1992, l'émission jusque-là plutôt confidentielle se paye un énorme coup de projecteur publicitaire en détournant 22 millions de spectateurs de la mi-temps (ennuyeuse et ringarde) du super-bowl au profit d'un show parodique de ce même événement. L'auteur compare ce moment au deuxième court-métrage de Charles CHAPLIN "Charlot est content de lui" (1914) qui marque la première apparition du personnage du vagabond (Charlot en VF) qui ne cesse de se poster face caméra alors que l'équipe du tournage le repousse hors du cadre. Cette irruption façon "hold-up" de Jim CARREY dans le champ télévisuel mainstream explique aussi la place que la télévision occupe dans sa filmographie au travers d'une trilogie informelle composée de "Disjoncté" (1996), "The Truman Show" (1998) et "Man on the Moon" (1999). Mais avant cette reconnaissance des plus hautes sphères artistiques vis à vis de son talent, Jim CARREY a percé dans des comédies directement issues de l'esprit de "In Living Color" et qui a l'époque ont été méprisées pour leur caractère vulgaire et stupide (en apparence) avant qu'on ne découvre leur sens caché et le fait qu'elles faisaient un trait d'union entre deux communautés toujours marquées en esprit mais aussi dans les faits par les inégalités issues de la ségrégation raciale.

* Dans "Fous d Irène" (2000), les frères Farrelly font directement allusion à l'émission lorsqu'ils montrent Jim Carrey regarder des sketchs afro-américains assis sur un canapé entouré de trois enfants noirs.

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Pina

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (2011)

Pina

Wim Wenders est l'un de mes cinéastes préférés. Et l'un de mes films préférés, "Parle avec elle" de Pedro Almodovar s'ouvre sur un extrait de "Café Müller" qui m'a fait découvrir la danseuse contemporaine et chorégraphe de génie Pina Bausch et les larmes qu'elle pouvait faire verser aux hommes (Wim Wenders inclus qui a déclaré avoir fondu en larmes devant ce même spectacle en 1985 alors que la danse l'avait jusque là toujours laissé froid). La mort brutale de la chorégraphe allemande en 2009 ne mit pas pour autant fin au projet que Wenders avait eu de tourner un film avec elle et de fait "Pina" (que j'ai vu sur France TV, en 2D alors qu'il a été tourné en 2011, époque où la 3D était à la mode) est bien un film qui fusionne leurs deux univers. En apparence, il s'agit "juste" d'un film-hommage qui donne la parole aux danseurs de la troupe de Pina Bausch -certains préférant d'ailleurs garder le silence- et montre des extraits de ses spectacles les plus célèbres qui font ressortir des traits communs (le style vestimentaire des danseuses avec leurs cheveux lâchés et leurs longues robes fluides, leurs grands mouvements circulaires avec les bras, le jeu avec les éléments -terre battue, pierre, eau- mais surtout les mouvements sans cesse répétés d'attraction, de répulsion et de chute des corps féminins, rattrapés -ou non- par les corps masculins). Mais on reconnaît aussi dans "Pina" l'univers de Wim Wenders. Tout d'abord à travers l'environnement. Lorsque les danseurs sont filmés sur la scène, le sol se couvre de terre, d'eau ou de chaises. Mais lorsqu'ils sont lâchés dans la nature, ils serpentent dans des lieux importants de la filmographie de Wim Wenders, le long des restes du rideau de fer (vus dans "Au fil du temps") ou sous le train suspendu de Wuppertal (où se trouve le siège de la compagnie de danse contemporaine de Pina Bausch) dont j'avais découvert l'existence en regardant "Alice dans les villes". Ensuite les origines très diverses des danseurs qui s'expriment dans leur langue maternelle répondent à une préoccupation commune. Comme Pina Bausch, Wim Wenders est un infatigable voyageur qui a arpenté le monde avec des lieux fétiches (les USA, le Japon, Lisbonne) qui résonnent avec les origines asiatiques, latino ou russes des danseurs et danseuses de Pina Bausch, leur langage commun étant la danse, celle-ci faisant office de tour de Babel.

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T'as de beaux escaliers, tu sais

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1986)

T'as de beaux escaliers, tu sais

Court-métrage de trois minutes de Agnès Varda, le concept de "T'as de beaux escaliers, tu sais" est l'ancêtre direct du magazine d'Arte "Blow up" créé en 2010 par Luc Lagier. Même point de départ, issu de l'actualité (le film qui date de 1986 a été conçu pour un anniversaire, celui des cinquante ans de la Cinémathèque française) et même principe, celui du montage d'extraits de films autour d'une thématique commune qui a également pour fonction de réveiller la mémoire cinéphilique du spectateur (ce que Luc Lagier appelle les "petites madeleines" qu'il a été évidemment été chercher "Du côté de chez Swann"). En 1986, la Cinémathèque française était encore domiciliée dans le palais de Chaillot, lieu qu'elle occupait depuis 1963 et l'appui des pouvoirs publics*. Appui à double tranchant puisque son co-fondateur, Henri Langlois avait été limogé en 1968 avant d'être réintégré grâce à la mobilisation du monde du cinéma français (dont la plupart des cinéastes de la nouvelle vague). Le palais de Chaillot étant situé sur une colline, on accédait à la Cinémathèque par des escaliers montants (vers le musée) ou descendants (vers la salle de cinéma) ce qui a donné l'idée à Agnès Varda de la thématique des escaliers, et d'un titre clin d'oeil à "Le Quai des Brumes" de Marcel Carné. Il est amusant de comparer son film au "Blow up" consacré aux escaliers au cinéma car bien évidemment on y retrouve des extraits communs, notamment une séquence développée différemment autour du célébrissime passage des escaliers d'Odessa dans "Le Cuirassé Potemkine". Agnès Varda reconstitue la séquence du landau à la Cinémathèque avec des spectateurs anonymes alors que Luc Lagier passe en revue quelques célèbres reprises dans des films ultérieurs. Autre lien commun, les escaliers comme métaphore de la grandeur et de la déchéance avec le "Citizen Kane" de Orson Welles ou le "Ran" de Kurosawa (qui témoignent de la programmation éclectique et ouverte de la cinémathèque). Ou encore les escaliers comme support chorégraphique des comédies musicales. Là où Varda met plutôt en avant l'utilisation comique voire burlesque de l'escalier ("Cover Girl", "Le Coup du parapluie"), Luc Lagier développe la thématique des scènes de combat en apesanteur. Enfin l'utilisation des escaliers dans les scènes de suspense ou de terreur sont absentes du film de Agnès Varda qui conserve un ton plutôt léger et ludique, même au moment du dernier extrait, consacré à "L'Histoire de Adèle H": c'est que Isabelle Adjani, alors au firmament de sa carrière fait une courte apparition à la fin du film. La musique est signée de Michel Legrand (et reprise partiellement de "Cléo de 5 à 7").

*Ce n'est qu'en 2005 qu'elle a déménagé à son emplacement actuel situé dans le parc de Bercy.

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La Tour

Publié le par Rosalie210

René Clair (1928)

La Tour

"La Tour" est un film emblématique de la période muette de René CLAIR. D'abord parce qu'il reprend la "star" de son premier film "Paris qui dort" (1925) à savoir la tour Eiffel qui le fascinait. A ceci près que "Paris qui dort" était un film de science-fiction alors que "La Tour" est un documentaire. Ensuite parce que, comme Jean EPSTEIN, René CLAIR a tourné quatre films pour les studios Albatros en deux ans (mais lui c'était entre 1927 et 1929) et qu'il s'agit du deuxième. On peut d'ailleurs souligner que le goût prononcé de René CLAIR à cette époque pour les hauteurs et les mouvements aériens se combine bien avec le nom de la compagnie (son premier film en leur sein s'intitulait "La Proie du vent") (1926).

"La Tour" est un poème cinématographique, une ode à la dame de fer que René CLAIR filme sous toutes les coutures, de bas en haut et de haut en bas, évoquant également les différentes étapes de sa construction, zoomant sur telle ou telle partie de la tour au point de ne plus filmer que sa géométrie: des lignes, des courbes qui s'entrecroisent, formant une sorte de dentelle métallique qu'à force de voir, on ne remarque même plus. Le regard de Clair rend à la tour son originalité voire son étrangeté foncière grâce notamment à des angles de prise de vue parfois insolites.

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