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Articles avec #documentaire tag

Jim Carrey, l'Amérique démasquée

Publié le par Rosalie210

Adrien Dénouette, Thibaut Sève (2021)

Jim Carrey, l'Amérique démasquée

"Jim Carrey, l'Amérique démasquée", livre de Adrien Dénouette qui est également le co-réalisateur du documentaire éponyme est une brillante analyse à la fois cinéphile, politique et sociologique qui met en relation la carrière de l'acteur et l'histoire des USA, principalement dans les années 90. Il apparaît que c'est dans cette décennie que l'acteur a pu percer, plus précisément entre la fin de la guerre froide et le 11 septembre 2001 car les USA n'avaient alors pas d'ennemi, donc pas besoin de super-héros testostéronés et de nationalisme belliqueux. La comédie à tendance cartoonesque trash tournant en dérision le politiquement correct a pu alors se frayer un chemin, portée notamment par les frères Farrelly et leur vedette, Jim Carrey. Rétrospectivement, on découvre combien celui-ci a longtemps été rejeté par l'industrie américaine à cause de son corps burlesque outrancier (et donc dérangeant) ce qui a conduit à forger sa personnalité artistique dans la marge, plus précisément au sein d'une émission subversive dont on découvre toute la portée: "In living Colour", créée en 1990 comme une sorte de "Saturday Night Live" afro-américain borderline. Jim Carrey qui est le seul blanc de l'émission se retrouve ainsi à tourner en dérision toutes les valeurs de l'Amérique blanche*. En 1992, l'émission jusque-là plutôt confidentielle se paye un énorme coup de projecteur publicitaire en détournant 22 millions de spectateurs de la mi-temps (ennuyeuse et ringarde) du super-bowl au profit d'un show parodique de ce même événement. L'auteur compare ce moment au deuxième court-métrage de Charles CHAPLIN "Charlot est content de lui" (1914) qui marque la première apparition du personnage du vagabond (Charlot en VF) qui ne cesse de se poster face caméra alors que l'équipe du tournage le repousse hors du cadre. Cette irruption façon "hold-up" de Jim CARREY dans le champ télévisuel mainstream explique aussi la place que la télévision occupe dans sa filmographie au travers d'une trilogie informelle composée de "Disjoncté" (1996), "The Truman Show" (1998) et "Man on the Moon" (1999). Mais avant cette reconnaissance des plus hautes sphères artistiques vis à vis de son talent, Jim CARREY a percé dans des comédies directement issues de l'esprit de "In Living Color" et qui a l'époque ont été méprisées pour leur caractère vulgaire et stupide (en apparence) avant qu'on ne découvre leur sens caché et le fait qu'elles faisaient un trait d'union entre deux communautés toujours marquées en esprit mais aussi dans les faits par les inégalités issues de la ségrégation raciale.

* Dans "Fous d Irène" (2000), les frères Farrelly font directement allusion à l'émission lorsqu'ils montrent Jim Carrey regarder des sketchs afro-américains assis sur un canapé entouré de trois enfants noirs.

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Pina

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (2011)

Pina

Wim Wenders est l'un de mes cinéastes préférés. Et l'un de mes films préférés, "Parle avec elle" de Pedro Almodovar s'ouvre sur un extrait de "Café Müller" qui m'a fait découvrir la danseuse contemporaine et chorégraphe de génie Pina Bausch et les larmes qu'elle pouvait faire verser aux hommes (Wim Wenders inclus qui a déclaré avoir fondu en larmes devant ce même spectacle en 1985 alors que la danse l'avait jusque là toujours laissé froid). La mort brutale de la chorégraphe allemande en 2009 ne mit pas pour autant fin au projet que Wenders avait eu de tourner un film avec elle et de fait "Pina" (que j'ai vu sur France TV, en 2D alors qu'il a été tourné en 2011, époque où la 3D était à la mode) est bien un film qui fusionne leurs deux univers. En apparence, il s'agit "juste" d'un film-hommage qui donne la parole aux danseurs de la troupe de Pina Bausch -certains préférant d'ailleurs garder le silence- et montre des extraits de ses spectacles les plus célèbres qui font ressortir des traits communs (le style vestimentaire des danseuses avec leurs cheveux lâchés et leurs longues robes fluides, leurs grands mouvements circulaires avec les bras, le jeu avec les éléments -terre battue, pierre, eau- mais surtout les mouvements sans cesse répétés d'attraction, de répulsion et de chute des corps féminins, rattrapés -ou non- par les corps masculins). Mais on reconnaît aussi dans "Pina" l'univers de Wim Wenders. Tout d'abord à travers l'environnement. Lorsque les danseurs sont filmés sur la scène, le sol se couvre de terre, d'eau ou de chaises. Mais lorsqu'ils sont lâchés dans la nature, ils serpentent dans des lieux importants de la filmographie de Wim Wenders, le long des restes du rideau de fer (vus dans "Au fil du temps") ou sous le train suspendu de Wuppertal (où se trouve le siège de la compagnie de danse contemporaine de Pina Bausch) dont j'avais découvert l'existence en regardant "Alice dans les villes". Ensuite les origines très diverses des danseurs qui s'expriment dans leur langue maternelle répondent à une préoccupation commune. Comme Pina Bausch, Wim Wenders est un infatigable voyageur qui a arpenté le monde avec des lieux fétiches (les USA, le Japon, Lisbonne) qui résonnent avec les origines asiatiques, latino ou russes des danseurs et danseuses de Pina Bausch, leur langage commun étant la danse, celle-ci faisant office de tour de Babel.

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T'as de beaux escaliers, tu sais

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1986)

T'as de beaux escaliers, tu sais

Court-métrage de trois minutes de Agnès Varda, le concept de "T'as de beaux escaliers, tu sais" est l'ancêtre direct du magazine d'Arte "Blow up" créé en 2010 par Luc Lagier. Même point de départ, issu de l'actualité (le film qui date de 1986 a été conçu pour un anniversaire, celui des cinquante ans de la Cinémathèque française) et même principe, celui du montage d'extraits de films autour d'une thématique commune qui a également pour fonction de réveiller la mémoire cinéphilique du spectateur (ce que Luc Lagier appelle les "petites madeleines" qu'il a été évidemment été chercher "Du côté de chez Swann"). En 1986, la Cinémathèque française était encore domiciliée dans le palais de Chaillot, lieu qu'elle occupait depuis 1963 et l'appui des pouvoirs publics*. Appui à double tranchant puisque son co-fondateur, Henri Langlois avait été limogé en 1968 avant d'être réintégré grâce à la mobilisation du monde du cinéma français (dont la plupart des cinéastes de la nouvelle vague). Le palais de Chaillot étant situé sur une colline, on accédait à la Cinémathèque par des escaliers montants (vers le musée) ou descendants (vers la salle de cinéma) ce qui a donné l'idée à Agnès Varda de la thématique des escaliers, et d'un titre clin d'oeil à "Le Quai des Brumes" de Marcel Carné. Il est amusant de comparer son film au "Blow up" consacré aux escaliers au cinéma car bien évidemment on y retrouve des extraits communs, notamment une séquence développée différemment autour du célébrissime passage des escaliers d'Odessa dans "Le Cuirassé Potemkine". Agnès Varda reconstitue la séquence du landau à la Cinémathèque avec des spectateurs anonymes alors que Luc Lagier passe en revue quelques célèbres reprises dans des films ultérieurs. Autre lien commun, les escaliers comme métaphore de la grandeur et de la déchéance avec le "Citizen Kane" de Orson Welles ou le "Ran" de Kurosawa (qui témoignent de la programmation éclectique et ouverte de la cinémathèque). Ou encore les escaliers comme support chorégraphique des comédies musicales. Là où Varda met plutôt en avant l'utilisation comique voire burlesque de l'escalier ("Cover Girl", "Le Coup du parapluie"), Luc Lagier développe la thématique des scènes de combat en apesanteur. Enfin l'utilisation des escaliers dans les scènes de suspense ou de terreur sont absentes du film de Agnès Varda qui conserve un ton plutôt léger et ludique, même au moment du dernier extrait, consacré à "L'Histoire de Adèle H": c'est que Isabelle Adjani, alors au firmament de sa carrière fait une courte apparition à la fin du film. La musique est signée de Michel Legrand (et reprise partiellement de "Cléo de 5 à 7").

*Ce n'est qu'en 2005 qu'elle a déménagé à son emplacement actuel situé dans le parc de Bercy.

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La Tour

Publié le par Rosalie210

René Clair (1928)

La Tour

"La Tour" est un film emblématique de la période muette de René CLAIR. D'abord parce qu'il reprend la "star" de son premier film "Paris qui dort" (1925) à savoir la tour Eiffel qui le fascinait. A ceci près que "Paris qui dort" était un film de science-fiction alors que "La Tour" est un documentaire. Ensuite parce que, comme Jean EPSTEIN, René CLAIR a tourné quatre films pour les studios Albatros en deux ans (mais lui c'était entre 1927 et 1929) et qu'il s'agit du deuxième. On peut d'ailleurs souligner que le goût prononcé de René CLAIR à cette époque pour les hauteurs et les mouvements aériens se combine bien avec le nom de la compagnie (son premier film en leur sein s'intitulait "La Proie du vent") (1926).

"La Tour" est un poème cinématographique, une ode à la dame de fer que René CLAIR filme sous toutes les coutures, de bas en haut et de haut en bas, évoquant également les différentes étapes de sa construction, zoomant sur telle ou telle partie de la tour au point de ne plus filmer que sa géométrie: des lignes, des courbes qui s'entrecroisent, formant une sorte de dentelle métallique qu'à force de voir, on ne remarque même plus. Le regard de Clair rend à la tour son originalité voire son étrangeté foncière grâce notamment à des angles de prise de vue parfois insolites.

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Toute la mémoire du monde

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1956)

Toute la mémoire du monde

Dans la première partie de sa carrière, Alain RESNAIS a réalisé nombre de courts-métrages dont le plus célèbre est "Nuit et brouillard" (1956). "Toute la mémoire du monde" comme "Le chant du styrène" (1958) est une oeuvre de commande au service de la célébration du progrès (celui des 30 Glorieuses) que le réalisateur s'approprie. Le discours institutionnel vantant le progrès technique et la modernité propre à une époque (donc destiné à se démoder très vite) est mis au service d'un enjeu intemporel et universel: conserver la mémoire de l'humanité. Mi-cathédrale, mi-fourmillière, la Bibliothèque Nationale de France est filmée le plus souvent soit à l'aide de travellings qui soulignent l'aspect labyrinthique du lieu, soit en plongée ce qui en accentue l'aspect démesuré par rapport à la taille humaine. Le compte-rendu de la conservation des documents joue également sur les deux échelles: celle du travail de fourmi que représente le fait de répertorier, trier, classer tout ce qui est imprimé jour après jour via le dépôt légal pour en conserver l'existence mais aussi celui de restaurer les vieux documents abîmés par le temps et le gigantisme du résultat. En dépit de l'aide apporté par les machines et les outils des années cinquante, on reste dans un cadre largement artisanal et ce d'autant qu'on est presque un demi-siècle avant la révolution numérique. On découvre que la BNF (qui ouvrait ses portes pour la première fois à une équipe de tournage) ne contient pas seulement des imprimés et des manuscrits (certains très célèbres sont évoqués comme les romans de Zola ou les Pensées de Pascal) mais également des cartes, des plans, des médailles, des estampes ou encore des partitions de musique. Evidemment le sujet et son traitement renvoient aux obsessions de Resnais, cinéaste du temps et de la mémoire.

A noter que Agnès Varda fait une courte apparition dans le film dans le rôle muet d'une usagère de la bibliothèque.

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Dimanche à Pékin

Publié le par Rosalie210

Chris Marker (1956)

Dimanche à Pékin

Au milieu des années cinquante, Chris MARKER qui avait alors une trentaine d'années partit en Chine dans le cadre d'un voyage collectif organisé par l'Association des amitiés franco-chinoises, liée au parti communiste français dans le cadre des célébrations du VI° anniversaire de la République populaire de Chine. Grâce à une caméra prêtée par le cinéaste Paul PAVIOTqui lui fournit également la pellicule, Chris MARKER put tourner des heures de film mais les contraintes budgétaires l'empêchèrent de filmer le monde du travail, faute d'éclairages appropriés. Pour rendre compte de la République populaire de Chine six ans après l'arrivée au pouvoir de Mao, il choisit alors de se focaliser sur le dimanche, jour d'inactivité. A l'image de son début, le film trace une gigantesque perspective temporelle allant de la Chine impériale jusqu'à la Chine du futur (qui pour nous est déjà du passé puisqu'il évoque l'an 2000) pour rendre compte d'un pays en pleine mutation. La subjectivité du réalisateur, le contexte historique et le fait de se concentrer sur la capitale donne l'impression que la Chine de Mao c'est déjà la Chine de Deng Xiaoping, en voie de modernisation rapide. Cet angle est bien entendu trompeur. D'une part, la Chine est encore de façon écrasante un pays rural et agricole en 1955, de l'autre les catastrophes humanitaires liées aux dérives idéologiques du maoïsme (grand bond en avant et révolution culturelle) n'ont pas encore eu lieu, la Chine imitant alors le modèle soviétique avec lequel elle rompra au début des années 60.

Malgré cet aspect daté et la faiblesse des moyens cinématographiques, le film (le premier de Chris MARKER a être distribué) qui fait déjà preuve de l'inventivité du réalisateur en matière de collage de formes hétéroclites est un régal d'écriture. De "cinécriture" comme le disait son amie Agnès VARDA qui est créditée au générique en tant que "conseillère sinologue"!! Avant d'être cinéaste, Chris MARKER a été écrivain et cette sensibilité littéraire transparaît dans un commentaire poétique tour à tour nostalgique et ironique (les amoureux y "parlent tendrement du dernier plan quinquennal"). Le temps et la mémoire est l'un des thèmes obsessionnels du cinéaste et le début n'est pas sans faire penser à celui de "La Jetée" (1963): "Rien n’est plus beau que Paris sinon le souvenir de Paris. Rien n’est plus beau que Pékin sinon le souvenir de Pékin. Et moi à Paris, je me souviens de Pékin, je compte les trésors. Je rêvais de Pékin depuis trente ans sans le savoir. J’avais dans l’œil une gravure de livre d’enfance sans savoir où c’était exactement. C’était exactement aux portes de Pékin, l’allée qui conduit au tombeau des Ming. Et un beau jour, j’y étais. C’est plutôt rare de pouvoir se promener dans une image d’enfance."

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Lettre de Sibérie

Publié le par Rosalie210

Chris Marker (1957)

Lettre de Sibérie

"Je vous écris d'un pays lointain". C'est par ces mots extraits du recueil de poèmes de Henri Michaux "Lointain intérieur" que s'ouvre et se referme "Lettre de Sibérie", documentaire de commande réalisé durant la coexistence pacifique entre les deux Grands que Chris MARKER a transformé en oeuvre toute personnelle. On y retrouve donc sa sensibilité littéraire mais aussi son orientation politique, d'autant plus prégnante que le sujet du documentaire se déroule aux confins de l'URSS de Khrouchtchev (exemple: "le diable serait à l'origine des forêts grandes comme les USA; le diable a peut-être aussi créé les USA"). Le documentaire montre les différents aspects de la modernisation du territoire (villes, transports, barrages et câbles électriques, pipelines, camions etc.) dans un océan de traditions. Pour alléger le propos, un aspect "conquête de l'est" copié sur les westerns est mis en avant ainsi qu'un véritable bestiaire décliné sous toutes les formes possibles pour amuser le spectateur: kolkhoze de canards qui vivent groupés, dessin animé sur les mammouths, ours apprivoisé tenu en laisse, fausse pub sur les rennes etc. Les défis propres aux hautes latitudes et au climat continental extrême ne sont pas oubliés: si le permafrost n'avait pas encore commencé sa fonte, les étés à 40° et les incendies sont évoqués sans parler du fait qu'un homme de 2021 ne peut que mettre en relation la "modernité" célébrée dans un documentaire qu'il faut replacer dans le contexte des 30 Glorieuses (notamment l'extraction d'énergies fossiles) et le réchauffement climatique actuel. D'autre part la vision positive que Chris MARKER a du communisme à cette époque explique sans doute que les aspects sombres du régime en Sibérie (à commencer par les goulags) soient complètement occultés. Mais là où le documentaire de Chris MARKER se distingue le plus du tout venant, c'est qu'en plus de son talent d'écriture il contient une géniale réflexion sur sa propre subjectivité. Dans un passage devenu célèbre situé au milieu du film, on voit les mêmes images repasser trois fois avec un commentaire qui les interprète différemment. Ainsi par exemple dans la version numéro 1 (propagandiste) l'autochtone qui passe devant la caméra est qualifié de "pittoresque" alors que dans la version numéro 2 (pamphlétaire) il est qualifié "d'inquiétant". Dans la version numéro 3 (neutre) il est juste affligé de strabisme. Les images sont donc comme les chiffres: on peut leur faire dire n'importe quoi!

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Si j'avais quatre dromadaires

Publié le par Rosalie210

Chris Marker (1966)

Si j'avais quatre dromadaires

"Si j'avais quatre dromadaires" est le pendant documentaire de "La Jetée" (1963) dans le domaine de la fiction. Il s'agit en effet d'un voyage à travers une succession de 800 photographies prises par Chris MARKER dans vingt-six pays différents entre 1955 et 1965 commentées par un photographe amateur et deux de ses amis. Le résultat est une belle réflexion sur l'acte de photographier aussi bien que sur ce qui est photographié.

Sur l'acte de photographier, le début du film en offre une belle définition:

" La photo c'est la chasse.
C'est l'instinct de la chasse sans l'envie de tuer.
C'est la chasse des anges...
On traque, on vise, on tire et clac!
Au lieu d'un mort, on fait un éternel."

On retrouve ainsi l'une des obsessions de Chris MARKER: le temps que la photographie fige pour le transformer en mémoire. Le rapport entre l'art et la mort est également évoqué. La vie est mouvement et changement perpétuel alors que la photographie, comme le cinéma l'arrête à un instant T qu'il fige pour l'éternité (si le support parvient à traverser le temps ou bien que son contenu soit récupéré à temps pour être sauvé sur un autre support ce qui là encore met en jeu les notions de mémoire et de transmission).

L'acte de photographier est également subjectif comme l'est toute forme d'art. C'est un regard sur le monde que nous offre Chris MARKER, son regard sur une époque marquée par la guerre froide qui divisait alors le monde en deux systèmes antagonistes. Bien que Chris MARKER penche nettement à gauche (critique mordante du capitalisme à l'aide de punchlines bien senties, fascination pour la Russie et Moscou en particulier, place privilégiée de Cuba, insistance sur les inégalités sociales et la pauvreté), son documentaire souligne ce qui réunit les peuples par delà ce qui les sépare. La succession des photographies abolit non seulement le temps mais aussi l'espace: ainsi la promenade des anglais à Nice est immédiatement suivie par "la promenade des chinois" sur la grande Muraille. Il n'y a plus qu'un seul fuseau horaire et je devrais dire, un seul langage de visages et de sons mêlés qui se répondent: par exemple la musique traditionnelle japonaise se fait entendre sur des images occidentales. Le documentaire (dont le titre se réfère à un poème de Guillaume Apollinaire) est par ailleurs divisé en deux parties inégales: l'une sur la culture ("le château") et l'autre sur la nature humaine ("le jardin").

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David Bowie: les cinq dernières années

Publié le par Rosalie210

Francis Whately (2017)

David Bowie: les cinq dernières années

Deuxième volet de la trilogie que Francis Whately a consacré à David Bowie après "David Bowie en cinq actes" (2013) et avant "David avant Bowie" (2018), "David Bowie: les cinq dernières années" (2017) se penche comme son titre l'indique sur la période allant de 2011 à 2016 c'est à dire le chant du cygne (ou plutôt du phénix) de cet immense artiste caméléon qui mourut d'un cancer le 10 janvier 2016, deux jours après avoir fêté son soixante-neuvième anniversaire. Le réalisateur fait toutefois une entorse à la chronologie en débutant le film par la dernière tournée de David Bowie en 2004 pour faire émerger un paradoxe qui innerve l'ensemble du film. A savoir que jamais David Bowie n'a paru si heureux qu'à ce moment-là alors que c'est précisément lors de cette tournée que débutent ses ennuis de santé qui le contraignirent à se retirer de la scène et à interrompre provisoirement sa carrière. Pourtant, le vieillissement, la maladie et l'approche de la mort c'est à dire le fait que son temps soit compté furent à l'origine d'un come-back fulgurant. Après dix ans de silence et dans le plus grand secret (une performance de nos jours), David Bowie réussit à sortir à la surprise générale "The Next Day" en 2013 puis "Blackstar" son testament deux jours avant sa mort ainsi qu'une comédie musicale au titre hautement significatif "Lazarus" alors même qu'il se savait condamné. Dire que David Bowie a créé jusqu'à son dernier souffle de vie est littéralement illustré par ce documentaire passionnant (comme les deux autres) que l'on soit connaisseur ou néophyte et qui mélange archives visuelles et sonores et témoignages des musiciens qui l'ont accompagné sur ses derniers projets mais aussi les réalisateurs de ses derniers clips. En effet, le documentaire revient régulièrement en arrière pour souligner la continuité dans la rupture de la carrière de David Bowie, faisant émerger par-delà les avatars et la nostalgie les thématiques récurrentes de sa personnalité et de son univers: l'androgynie et la bisexualité (fameuse idée de l'avoir apparié avec Tilda Swinton le temps d'un clip), la ville de Berlin avec le titre et le clip "Where are we now?" ou encore l'ultime retrouvaille avec l'espace et le Major Tom ou plutôt ce qu'il en reste dans "Blackstar".

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David Bowie en cinq actes

Publié le par Rosalie210

Francis Whately (2013)

David Bowie en cinq actes

Ayant beaucoup aimé "David avant Bowie", j'ai eu envie de voir les autres documentaires que Francis Whately a consacré à l'artiste et tout d'abord en guise d'entrée en matière "David Bowie en cinq actes" qui constitue en soixante minutes un tour d'horizon des années les plus connues de sa carrière de 1971 à 1983. Les cinq actes en question constituent en fait cinq moments clés durant lesquels il change d'identité personnelle comme professionnelle: la période glam rock liée à son personnage androgyne et extra-terrestre Ziggy Stardust, la période soul américaine à Los Angeles durant laquelle il réalise les albums "Young American" et "Station to station" et s'abîme plus que jamais dans la drogue sous les traits du Thin White Duke (il est alors plus pâle et émacié que jamais), la période berlinoise électronique et son apothéose avec l'album "Heroes", l'album romantique moderne "Scary Monsters" et enfin son virage commercial avec Let's Dance, China Girl et Fame qui transforme l'artiste expérimental underground en icone pop mainstream. Outre le montage d'images visuelles et sonores rares, l'aspect que j'ai trouvé le plus intéressant, ce sont les témoignages de ses musiciens qui expliquent la genèse des chansons. Notamment Rick Wikeman qui démontre de façon très claire l'originalité de "Life on mars" en montrant qu'une version lambda aurait été monocorde alors que la version Bowie ne cesse d'aller crescendo grâce à des notes charnières qui servent de tremplin à la mélodie. Ce passage me paraît être une parfaite métaphore musicale de l'artiste lui-même.

Les critiques de l'époque qui reprochaient au réalisateur de ne pas évoquer les débuts ni la fin de carrière du chanteur ne savaient pas que ce documentaire servirait de maillon central à une trilogie avec "David avant Bowie" (2019) pour ses années de galère dans les années soixante et début des années soixante dix et "David Bowie, les cinq dernières années" (2016) pour sa fin de carrière.

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