"Péril en la demeure" que je n'avais jamais vu et qui a été en son temps un succès me semble être un film complètement surfait. Il y a certes une atmosphère un peu étrange qui court tout au long du film et pourrait presque le faire passer pour un rêve éveillé. Aucun réalisme dans les situations mais une succession de clichés-fantasmes autour du sexe, de la mort et de l'argent. Des photos prises sur les lieux du crime (comme dans "Blow-up" (1966), des vidéos tournées en caméra cachée (comme dans le film au titre éponyme de Michael HANEKE), des dessins, des plans-tableaux à base de nus et de natures mortes, des morceaux de guitare, une ambiance de maison hantée avec des portes et des fenêtres qui claquent, du vent qui souffle, de trop grands intérieurs vides. Il faut dire que le film semble peuplé de fantômes plus que d'êtres humains. le personnage joué par Christophe MALAVOY se complaît dans les lieux délabrés et les situations dangereuses et malsaines. Les gens qu'il fréquente sont à son image et ce mélange mortifère d'opacité et de perversité finit par lasser, l'érotisme étant lui-même assez froid. Au final, on a un film incontestablement chic mais creux.
Après avoir vu "La Lectrice" je me dis que définitivement le cinéma de Michel DEVILLE est davantage fait pour être écouté que pour être regardé. D'ailleurs, un extrait du film était proposé dans l'exposition "Musique et cinéma" à la Cité de la musique il y a une dizaine d'années. les trajets de Constance/Marie ( MIOU-MIOU) dans les rues d'Arles se font en effet sur la musique de la sonate "Le Printemps" de Beethoven dans un esprit plutôt léger, badin alors que par contraste, Arles apparaît comme une ville morte et sans soleil. Une "mise en bouche" qui précède le plaisir de l'écoute des extraits de texte que Constance lit au domicile de ses "clients" à une époque où le livre audio ne s'était pas encore popularisé grâce au CD et au mp3. Plaisir redoublé par des dialogues eux aussi littéraires avec rimes, jeux de mots, répétitions etc. sans doute repris du roman d'origine de Raymond Jean dont le film est l'adaptation. Néanmoins, la différence avec le livre audio c'est que le verbe s'y fait chair. Et c'est là que le bât blesse. Parce qu'en terme de ligne conductrice (ça rime avec lectrice) le film est quand même un peu bancal. Il est censé nous faire partager les fantasmes de Constance qui dans une mise en abîme lit le roman de Raymond Jean et s'imagine dans la peau de Marie dont l'emploi de lectrice se teinte d'érotisme presque à chaque rencontre. Presque car les scènes avec la petite Coralie ne se rattachent pas vraiment au reste et il en va de même avec la vieille générale (jouée par une Maria CASARÈS dont je n'avais vu aucune prestation depuis le début des années 60) en dépit des problèmes très clairement sexuels de sa soubrette jouée par une toute jeune Marianne DENICOURT. Et si les sous-entendus érotiques sont dans les lectures, ils sont bien cachés. En revanche, ils ne le sont pas lorsqu'elle "livre" des bouts de son anatomie au regard de Eric (Régis ROYER) en lui parlant de "toison d'or" et de "source fraîche" ou se livre tout entière au PDG joué par Patrick CHESNAIS sur "L'Amant" de Marguerite Duras. Ou encore lorsqu'elle se refuse avec malice aux vieux et moins vieux notables libidineux qui veulent la soumettre à "Les 120 journées de Sodome" du Marquis de Sade. MIOU-MIOU est charmante dans ce rôle, l'un de ses plus célèbres mais comme je le disais plus haut sous prétexte de rêverie, le scénario se disperse et le visuel manque terriblement d'éclat que ce soit la photographie ou les décors. Plus grave encore, les interactions entre les personnages restent quelque peu abstraites ce qui limite considérablement la portée de l'érotisme que le film est censé véhiculer.
"Le Dossier 51" s'inscrit dans le genre du thriller d'espionnage paranoïaque typique de la guerre froide, tel que "Conversation secrète" (1974)Le Voyeur" (1960). Mais d'une certaine manière, "Le Dossier 51" est un film d'horreur. Il s'agit d'une enquête menée par un service de renseignements appartenant à un pays étranger pour disséquer la vie d'un diplomate qu'elle souhaite faire chanter. Dès le générique, on est fixé sur le fait que les machines se sont substitué aux hommes et qu'elles ont pour fonction d'enregistrer les moindres faits et gestes de l'individu ainsi que de l'ensemble de son entourage. La caméra subjective est particulièrement appropriée en ce qu'elle donne l'impression que les agents sont de pures caméras enregistreuses ce qui place le spectateur dans une position inconfortable. En dehors de l'appât du gain, on se demande d'ailleurs ce qui peut pousser des hommes et des femmes à s'aliéner au point d'avoir des relations sexuelles sur commande ou bien même, d'envisager de mettre enceinte leur cible pour mieux en prendre le contrôle. On est frappé et de plus en plus mal à l'aise devant le contraste entre la pénétration de plus en plus profonde de l'intimité du sujet et la manière totalement impersonnelle et inhumaine dont cette investigation s'accomplit. On redoute l'effet dévastateur de ces intrusions. Ce que les agents sont incapables d'envisager tant ils se comportent comme de simples rouages d'une procédure dans laquelle le sujet est réduit à une silhouette plus ou moins floue. C'est peut-être ce qui explique l'insuccès du film auprès du public. Contrairement à "La Vie des autres" (2006), le spectateur n'a rien à quoi se raccrocher.
A travers l'adaptation (qui était réputée impossible) du roman de Gilles PERRAULT qui a co-scénarisé le film (scénario justement primé aux César), Michel DEVILLE met à jour une deshumanisation qui touche aussi bien l'homme ciblé par les services secrets que ses membres, eux aussi réduits pour la plupart à des numéros (et interprétés par des inconnus qui pour certains, deviendront célèbres comme Christophe MALAVOY ou Patrick CHESNAIS). "Le Dossier 51" renvoie donc in fine à l'histoire. Non pas celle de la guerre froide mais celle des deux guerres mondiales qui ont effacé l'être humain en industrialisant la mort et d'où provient le secret de famille qui va détruire Dominique Auphat par machines interposées.
"La Maladie de Sachs" commence par un beau générique sur fond noir qui invite à écouter un enchaînement de voix off de patients qui adressent des demandes urgentes au docteur Bruno Sachs. Une partie du film est déjà là, dans ce recueil de la parole en souffrance dont le docteur Bruno Sachs a fait un sacerdoce. En effet, le cadre rural dans lequel il exerce et son dévouement sans limite qui lui a fait renoncer à avoir une vie privée font de lui une sorte de prêtre laïc et de son lieu de travail, un confessionnal ou un cabinet de psy. On voit donc durant tout le film les patients défiler ou bien lui-même se rendre à leur domicile afin de leur apporter avant tout écoute, compréhension et soutien, même et surtout lorsqu'il ne peut pas les guérir. Une approche humaniste de la médecine très éloignée de sa pratique souvent purement technicienne et menacée par la progression galopante des déserts médicaux lié à la sous-rémunération des généralistes. Mais le film ne s'en tient pas là et est un échange. Car avec un tel médecin forcément, les patients s'attachent et à côté de leurs paroles énoncées, on entend également en voix off leurs pensées, des remarques sur l'apparence ou le comportement de Sachs, de la curiosité sur sa mystérieuse vie privée. On découvre que Sachs tient un journal intime dans lequel il déverse le trop-plein reçu dans la journée. C'est sa thérapie à lui car lorsqu'on est perméable à la souffrance, on devient malade soi-même. Les origines de sa vocation tiennent justement à cette découverte ainsi que sa conception idéaliste de la médecine. Une ancienne patiente parvient à entrer dans son intimité et c'est à elle qu'il confie ses écrits. "la maladie de Sachs" est un film presque religieux, spirituel assurément construit comme une partition musicale polyphonique où l'écoute et la parole ont le rôle essentiel. Les acteurs sont parfaits, à commencer par Albert DUPONTEL qui avant d'être acteur se destinait à la médecine comme son père, Dominique REYMOND dans le rôle de son assistante et Valérie DRÉVILLE dans celui de Pauline, son grand amour.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.