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Sambre

Publié le par Rosalie210

Jean-Xavier de Lestrade (2023)

Sambre

Prise à la gorge (comme les victimes) du début à la fin de cette admirable mini-série qui m'a fait penser à celle, non moins brillante qui a été consacrée l'année dernière à Malik Oussekine (dans laquelle jouait également Olivier GOURMET). Cependant, "Sambre" bénéficie d'une diffusion très large sur France Télévision, en direct et en replay et a été vu par plusieurs millions de personnes. La France atteint aujourd'hui le niveau des mini-séries et téléfilms de la BBC dont certains comme "Warriors : L'impossible mission" (1999) surnommé "L'Apocalypse now des Balkans" sont devenues des références sur l'histoire récente et ses enjeux humains et sociétaux.

Car "Sambre" n'est pas que la retranscription d'un sordide fait divers ayant défrayé la chronique de par son ampleur et sa durée à savoir plus d'une cinquantaine de viols, tentatives de viols et agression sexuelles commis sur trente ans par le même individu, dans la même région et selon le même mode opératoire. C'est une véritable radiographie de la société et des institutions françaises et de leur très lente évolution des années 80 à nos jours sur la question des crimes sexuels envers les femmes. "Sambre" s'inscrit complètement tant par ce qu'il raconte que par la façon dont il le raconte dans les oeuvres "post Metoo" c'est à dire postérieures à 2017. Non seulement celles-ci ont bouleversé la vision du monde qui prévalait jusque-là mais elles reposent toutes sur une relecture du passé à l'aune de cette nouvelle vision. Une relecture sans concessions, d'une précision documentaire car basée sur une enquête journalistique qui glace le sang de par ce qu'elle montre. D'abord le décalage insupportable entre ce qu'endurent les victimes traumatisées à court et à long terme et l'indifférence, la désinvolture et la négligence avec laquelle la police locale traite leurs agressions. Des agressions dont la nature et la gravité ne sont d'ailleurs pas reconnues sans parler de la honte qui pousse les victimes au silence, au déni, au désespoir, à la dépression voire au suicide. Une police corporatiste et masculine, non formée et dépourvue de moyens qui se fait inconsciemment la complice du violeur et dont les multiples manquements au fil du temps sont cruellement soulignés, lui permettant de faire à chaque fois de nouvelles victimes. Mais ce n'est pas le seul dysfonctionnement majeur souligné par la série. Celle-ci met en lumière l'isolement des quelques personnes empathiques (juge, maire, scientifique) qui ont tenté de faire bouger les choses en vain. Surtout elle pointe du doigt un aveuglement collectif touchant aussi bien les français lambda côtoyant le violeur au quotidien que les institutions, tous se refusant à admettre que certains "bons" citoyens c'est à dire ayant un emploi, une famille, des responsabilités locales puissent avoir une face cachée. Le moment où Enzo nargue les policiers devant son portrait-robot sans que jamais ceux-ci ne fassent le lien malgré une ressemblance évidente ou bien celui où la psychologue assène à la scientifique qu'elle doit chercher un marginal alors que ses données lui prouvent le contraire sont éloquents du refus d'admettre que le criminel est parfaitement intégré, dispose même de compétences sociales étendues et de ce fait se fond dans la masse. Qu'ils soient les victimes, le criminel sexuel ou les flics, tous sont écrits avec un réalisme remarquable et non moins remarquablement interprétés, notamment par Alix POISSON, Julien FRISON et Jonathan TURNBULL qui traversent les trente années du récit.

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