Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #courcol (emmanuel) tag

Un Triomphe

Publié le par Rosalie210

Emmanuel Courcol (2020

Un Triomphe

Les bons réalisateurs français de comédies sont des perles rares. Dans une veine sociale et humaniste, Emmanuel COURCOL prouvait déjà avec "Un Triomphe" (2020), son deuxième long-métrage qu'il avait trouvé son style, "une ligne de crête" comme il le dit lui-même entre le cinéma d'auteur, celui qui "fait souffrir le spectateur" (autre mot pour "exigeant") et le cinéma populaire, celui des "grosses ficelles". En essayant de tricoter le meilleur de chacun, on aboutit à un cinéma dont la finesse d'écriture déjouant la facilité n'a d'égale que l'envie de parler au plus grand nombre en levant les barrières, notamment culturelles. "Un Triomphe" comme "En Fanfare" célèbre l'art et plus précisément le pouvoir salvateur du spectacle vivant. Tiré d'une histoire vraie qui semble faite sur-mesure pour lui, il raconte l'aventure d'Etienne (Kad MERAD), un comédien en galère qui pour s'en sortir va donner des cours de théâtre en prison. Là où cela devient intéressant, c'est qu'il découvre des pépites d'acteurs chez ses élèves et décide de voir les choses en grand en faisant jouer à cinq d'entre eux "En attendant Godot" de Samuel Beckett. Une pièce tout à fait appropriée à leur situation, eux qui passent leur temps à "attendre" mais difficile, d'autant que Etienne veut les faire jouer dans un vrai théâtre dirigé par son ancien partenaire (avec lequel justement il avait interprété la pièce de Beckett). Etienne déploie une énergie considérable pour abattre les nombreux obstacles qui se dressent devant son projet et réussit son pari au-delà de toute espérance puisque la représentation unique se transforme en tournée mais c'est là que les vraies difficultés commencent nous dit Emmanuel COURCOL alors que nous en sommes qu'à la moitié du film. Etienne semble vivre un rêve par procuration alors que ses protégés, eux semblent entamer un processus de reconstruction personnelle, supportant de moins en moins bien la privation de liberté et d'être tiraillés entre l'adulation que le public leur porte et les humiliations redoublées de surveillants furieux de leur succès. Cette tension aboutit à un final tout à fait inattendu, aussi surprenant qu'émouvant.

PS, le film permet de comprendre la "private joke" de "En fanfare" (2023) quand Jimmy demande à Thibaut pourquoi il ne s'appelle pas Jordan. Or Jordan est le nom du personnage qu'il interprète dans "Un Triomphe" (2020).

Voir les commentaires

En fanfare

Publié le par Rosalie210

Emmanuel Courcol (2024)

En fanfare

La bande-annonce m'avait attirée, notamment parce que j'avais envie de découvrir Pierre LOTTIN dont je n'avais pas retenu la prestation dans "La Nuit du 12" (2021) perdue au milieu de la galerie de rôles d'ex masculins macho et/ou violents. Cette fois, il tient un premier rôle complexe aux côtés d'un Benjamin LAVERNHE tout aussi remarquable. Mais pour une fois la bande-annonce ne dévoile pas la réalité du film, du moins pas complètement. Elle fait croire qu'il s'agit juste d'une comédie "feel good" alors qu'il y a en son sein des éléments dramatiques voire même tragiques qui finissent par donner au film un caractère poignant, déchirant. Lorsque Thibaut, bouleversé d'apprendre qu'il a été adopté dit au début du film que "le mensonge tue", il sait de quoi il parle: il souffre d'une leucémie. Cette maladie, traduction d'un corps en souffrance (Alice Miller disait dans son dernier livre que "notre corps ne ment jamais") lui permet de découvrir la vérité sur ses origines et Jimmy, ce frère biologique dont il ignorait l'existence. Frère passionné et surdoué en musique tout comme lui-même ("c'est dans les gènes") mais séparé de lui par une infranchissable barrière sociale. Jimmy est cantinier dans une petite ville du Nord et joue du trombone dans une fanfare locale tandis que Thibaut est un chef d'orchestre issu de la bourgeoisie parisienne et mondialement connu. Alors certes, comme on peut s'y attendre (et comme la bande-annonce le souligne de façon insistante), la rencontre entre ces deux pôles opposés fait des étincelles comiques. Mais elle produit également de la souffrance et pousse à s'interroger sur les injustices générées par le déterminisme social. Jimmy éprouve logiquement du ressentiment envers la réussite de Thibaut mais ce dernier, seul et malade n'est pas montré forcément comme mieux loti. Il est d'ailleurs lui aussi rongé par un sentiment de gâchis irréparable qui le pousse à tout tenter pour combler le fossé qui le sépare de Jimmy. En réalité et c'est ce qui fait aussi l'intelligence du film, Emmanuel COURCOL se garde bien de fournir des réponses toutes faites. Il laisse le spectateur se faire sa propre idée. Et ceux qui pensent que "En fanfare" est une success story en seront pour leurs frais, tant les deux frères, pour des raisons différentes semblent de débattre dans une impasse. Mais la bouleversante réunion autour du Boléro à la Seine musicale rappelle que l'idée serait venue à Ravel en passant devant les chaînes de montage de l'usine Renault de Boulogne-Billancourt bien avant qu'elle ne soit remplacée par la salle de concert de l'île Seguin.

Voir les commentaires