La Malédiction d'Arkham est la sixième des huit adaptations de Edgar Allan Poe par Roger CORMAN. En réalité, le film s'inspire de deux oeuvres. "The Haunted Palace", un poème de Poe qui donne son titre au film en VO et est cité rapidement à deux reprises. Mais surtout, "L'Affaire Charles Dexter Ward", un court roman (ou une longue nouvelle) de Lovecraft qui a guidé l'écriture du scénario et qui a inspiré le titre en français. Arkham est une ville imaginaire du Massachussets créée par Lovecraft et reliée au mythe de Cthulhu, des entités cosmiques monstrueuses cherchant à rétablir leur domination sur la terre. Un univers trop ésotérique pour une production souhaitant attirer un large panel de spectateurs. On a donc un film d'horreur gothique de série B ne déparant pas avec les autres films de la série dans lequel un châtelain est possédé par son ancêtre désireux de se venger des villageois qui l'ont brûlé à la fin du XVIII° siècle pour avoir pratiqué la magie noire. Une magie se rattachant toutefois à Lovecraft puisque l'obsession du mage consiste à créer une race hybride en jetant des mortelles en pâture à l'une des créatures extra-terrestres enfermé dans sa crypte. Tous deux sont joués par Vincent PRICE et de même, les villageois et leurs descendants sont interprétés par les mêmes acteurs. La fracture n'est donc pas temporelle mais géographique: d'un côté le château hanté et son cimetière dans la plus pure tradition gothique anglo-saxonne et de l'autre le village, davantage dans le style western propre à l'imaginaire américain. On se dit que Tim BURTON y a puisé sans doute une certaine inspiration pour "Edward aux mains d'argent" (1990) d'autant que Vincent PRICE y joue également le rôle d'un sorcier. Quant à la scène où des villageois difformes entourent les protagonistes, elle n'est pas sans rappeler "Thriller" avec la voix de ce même Vincent PRICE. Notons également que si la production reste à petit budget, elle bénéficie d'une esthétique plus soignée que d'ordinaire, c'est à dire moins carton-pâte ainsi que d'une musique prenante. Cela compense le caractère hybride et donc bancal du scénario.
Tout d'abord, j'ai dû vérifier avant d'emprunter le titre à la médiathèque que je ne n'avais pas fait de confusion avec une autre comédie horrifique, "Le Croque-mort s'en mele" (titre video) (1963) réalisé la même année, avec le même trio d'acteurs et par la même société de production, l' AIP American International Pictures mais avec un autre réalisateur, Jacques TOURNEUR. Je n'avais pas trouvé ce dernier terrible d'ailleurs. J'ai préféré "Le Corbeau" de Roger CORMAN en dépit d'évidentes limites budgétaires (relatives car si Roger CORMAN est célèbre pour ses tournages à l'économie, il a bénéficié de moyens confortables pour ses films adaptés de Edgar Poe), esthétiques (effets spéciaux datés qui piquent parfois les yeux) et dans la direction d'acteurs qui part dans tous les sens.
Le film est un peu envers le poème de Edgar Poe ce que "La Folie des grandeurs" (1971) est à la pièce de théâtre "Ruy Blas" de Victor Hugo, à savoir une parodie qui transforme la tragédie en une comédie pleine de dérision. Si tous les gags sont loin de faire mouche, le surjeu d'un Vincent PRICE inconsolable devant la dépouille de sa défunte finit par faire sourire quand on découvre la nature vénale de celle-ci, un remède sans faille au romantisme noir. Le corbeau qui jure comme un charretier et veut son vin avant de révéler un Peter LORRE en roue libre, agaçant au possible un Boris KARLOFF dont la prestance et la diction parfaite révèle à quel point il aurait été à sa place chez Shakespeare étonne. Sauf que leurs duels infantiles ont pour enjeu non "to be or not to be" mais "qui est le plus fort" (et le sort que réserve le Dr Scarabus à la baguette du Dr Bedlo fait très "concours de bistouquettes"). Enfin si "Le Corbeau" est la cinquième adaptation de l'oeuvre de Edgar Poe par Roger CORMAN qui lui a consacré un cycle de films ayant influencé de près ou de loin nombre de réalisateurs (entre autres Mario BAVA, Dario ARGENTO, George LUCAS, Tim BURTON et Francis Ford COPPOLA, assistant-réalisateur sur plusieurs d'entre eux), c'est aussi sa deuxième collaboration avec le jeune Jack NICHOLSON (26 ans) qui bien qu'étant censé jouer les jeunes premiers montre lors d'une scène son côté sombre avec un visage grimaçant qui deviendra célèbre près de vingt ans plus tard dans "Shining" (1980).
Film-culte que j'ai découvert (comme beaucoup) grâce à son remake musical des années 80 réalisé par Frank OZ. On voit tout de suite que c'est une production fauchée transcendée par son état d'esprit déjanté et sans limites (vis à vis du bon goût notamment). J'ai pensé aux films des Monty Python ou plus récemment à "Le Daim" (2019) ou encore à " Coupez !" (2021). Le film de Roger CORMAN est en effet un agrégat de contraintes liées au caractère cheap et bricolé du film (tournage dans le décor de studio recyclé d'une production préexistante avant qu'il ne soit détruit et donc dans l'urgence, ajout de scènes extérieures réalisées avec tout ce qui tombait sous la main). Cependant, si les limites techniques sont évidentes, elles sont compensées par un scénario malin et une mise en scène maîtrisée (quoique foutraque en apparence). Le film est une petite mécanique d'horlogerie fondée sur le comique de répétition et d'accumulation ainsi que sur un ballet de personnages plus loufoques les uns que les autres. De plus, le potentiel comique des personnages est mis en valeur par un certain art du contraste qui accentue l'humour noir du film: le mangeur de fleurs et la plante carnivore (en réalité un monstroplante ^^ moins proche de "Jayce et les Conquérants de la Lumière" (1985) que de "Alien, le huitième passager" (1979) mais en carton-pâte et animé de façon très basique), le dentiste sadique et son patient masochiste (Jack NICHOLSON alors tout jeune s'en donne à coeur joie dans un rôle qui sera ensuite repris tout aussi génialement par Bill MURRAY dans le remake), l'employé naïf et maladroit qui devient assassin presque malgré lui (Jonathan HAZE, un habitué des films de Corman tout comme Mel WELLES et Dick MILLER, le Murray Futterman de "Gremlins" (1984) qui partage avec le film de Corman l'idée d'une créature inoffensive qui devient monstrueuse) ou encore des personnages qui prennent avec une légèreté déstabilisante la mort de leurs proches.
"La petite boutique des horreurs" de Frank OZ est un remake eighties du film éponyme des années 60 de Roger CORMAN. Il faut dire qu'à l'époque la paranoïa liée à la guerre froide battait son plein et que les invasions d'extra-terrestres hostiles (ici sous forme de plantes) étaient nombreuses. Bien que le film de Frank OZ soit résolument kitsch et rétro (les robes et les rêves d'Audrey sont typiquement ceux de la ménagère américaine des années 60 accro à l'american way of life), il ajoute plusieurs nouveautés.
Tout d'abord, il s'inspire directement de la comédie musicale adaptée du film de Roger CORMAN. Composée par Alan MENKEN et écrite par Howard ASHMAN, la première fut jouée en 1982 dans une petite salle avant que, succès aidant elle ne déménage pour une salle plus prestigieuse où elle fut jouée pendant cinq ans. Il est d'ailleurs très dommageable que les paroles des chansons sur le DVD français ne soient pas traduites car elles participent directement à l'action.
Ensuite, il fait intervenir dans les rôles secondaires toute une brochette d'acteurs comiques, la plupart issus du Saturday night live des années 80 : Christopher GUEST, John CANDY, Bill MURRAY et James BELUSHI (frère du regretté John BELUSHI des BLUES BROTHERS). La scène la plus drôle du film est celle où Bill MURRAY (qui reprend le rôle du patient masochiste tenu dans le film de Roger CORMAN par Jack NICHOLSON) se rend chez un dentiste sadique (joué par Steve MARTIN qui lui aussi a fait ses classes au Saturday night live) dans l'espoir de se faire charcuter. Mais l'attirail pourtant impressionnant d'appareils de torture exhibé par ce dernier ne réussit qu'à lui soutirer des soupirs d'extase!
Enfin ce film préfigure en un certain sens les comédies d'adolescents/adultes obsédés par la perte de leur pucelage tout en étant plus digeste qu'une "American Pie" (1999). La métaphore de la plante à laquelle le héros (joué par l'impayable Rick MORANIS vu notamment dans "S.O.S. fantômes" (1984) aux côtés de Bill MURRAY) se pique le doigt et qui porte le prénom de la fille qu'il convoite est assez limpide, depuis au moins "La Belle au bois dormant" (mais j'aime bien aussi le poème "Ronce au tronc gris" de Federico Garcia Lorca).
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.