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Articles avec #comedie dramatique tag

Les Quatre filles du docteur March (Little Women)

Publié le par Rosalie210

Mervyn Leroy (1949)

Les Quatre filles du docteur March (Little Women)

"Les Quatre filles du docteur March" a quasiment droit à une nouvelle adaptation pour le cinéma ou la télévision à chaque génération depuis un siècle. Celle de Mervyn LeROY qui date de 1949 est la troisième après celle de Harley KNOLES en 1918 et celle très célèbre de George CUKOR en 1933 avec Katharine HEPBURN dans le rôle de Jo. La version de Mervyn LeROY est très fidèle au roman de Louisa May Alcott mais elle est alourdie par des conventions surannées (les costumes empesés et surchargés, le tournage en studio, l'aspect moralisateur de l'histoire avec sa sanctification des valeurs de la famille, de la patrie, du courage et du sacrifice). Elle bénéficie heureusement d'un casting trois étoiles avec Janet LEIGH dans le rôle de Meg, June ALLYSON dans celui de Jo, Margaret O BRIEN dans celui de Beth et Elizabeth TAYLOR (blonde pour l'occasion!) dans celui d'Amy avec Mary ASTOR dans le rôle de la mère. Il est amusant de voir les deux bombes sexuelles que sont déjà Janet LEIGH et Elizabeth TAYLOR (âgées respectivement à l'époque de 22 et 17 ans) jouer les poupées de cire en robe à fanfreluche et boucles anglaises ^^. Celle qui tire le mieux son épingle du jeu est Margaret O BRIEN (la seule qui ait l'âge du rôle!), impressionnante de finesse et de sensibilité. Elle rend justice au personnage plutôt effacé de Beth que l'on découvre sous un autre jour car c'est la seule qui s'avère radicalement incapable de trouver sa place dans un monde aux perspectives étriquées ce qui la condamne. On comprend mieux à travers cette prestation la place privilégiée qu'elle possède dans le cœur de Jo, l'autre "vilain petit canard" de la famille bien que sous des dehors radicalement opposés à ceux de Beth (ce qui l'oblige tôt ou tard à rentrer dans le rang). Il y a une belle mélancolie qui traverse le personnage lorsqu'elle sort de son déni et accepte de faire le deuil de son enfance à jamais perdue.

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L'Aventure intérieure (Innerspace)

Publié le par Rosalie210

Joe Dante (1987)

L'Aventure intérieure (Innerspace)

"L'aventure intérieure", c'est l'histoire d'un corps de cinéma. Un corps qui représente tellement le cinéma qu'il est devenu par la suite le héros ou plutôt l'anti-héros de la formidable attraction Cinémagique qui fut projeté au Walt Disney Studios de Disneyland Paris jusqu'à sa marvelisation en 2017. Dans Cinémagique, le corps atteint de vis comica de Georges alias Martin SHORT se retrouvait comme celui de Buster KEATON dans "Sherlock Junior" (1923) aspiré à l'intérieur de la toile et bourlingué de film en film depuis les burlesques muets jusqu'au romantisme déchirant de "Les Parapluies de Cherbourg" (1964) en passant par le dynamitage du western, du space opera, du massacre de la Saint-Valentin, du Titanic et des épopées guerrières médiévales.

Dans "L'aventure intérieure", remake culte parodique du film de Richard FLEISCHER, "Le Voyage fantastique" (1966) ce n'est pas le corps de Martin SHORT qui voyage dans l'histoire du cinéma mais celui du lieutenant Tuck Pendleton (Dennis QUAID) qui voyage… à l'intérieur du corps de Jack Putter alias Martin SHORT! Ce film toujours aussi jouissif malgré son âge (c'est le miracle de la SF des eighties: elle était incarnée et a donc survécu à l'obsolescence programmée) ne s'amuse pas seulement avec les échelles, il parle aussi de transsubstantiation au sens mystique mais aussi charnel du terme (les baisers de Jack et Lydia permettent la migration de Tuck d'un corps à l'autre). Tuck le lieutenant de la US navy a chopé le melon? Il se retrouve réduit à l'état microscopique et totalement dépendant des agissements d'un autre, ce modeste magasinier qu'il aurait regardé de haut s'il l'avait croisé par hasard à la caisse du supermarché alors qu'il doit faire corps avec lui pour espérer survivre. Jack est un loser bourré de complexes, hypocondriaque, méprisé et exploité par les autres? Il va pouvoir à l'inverse de Tuck endosser le rôle du héros à la James Bond qui fait mordre la poussière aux méchants et tomber les filles au point qu'il ne pourra plus jamais revenir en arrière. Les transformations de son identité n'affectent pas que son comportement, elles touchent aussi son apparence quand il prend brièvement la tête du Cowboy (Robert PICARDO). Quant à Lydia (Meg RYAN) elle se retrouve définitivement liée à un homme à deux visages, sa grossesse étant quelque peu assimilée au fœtus astral de "2001, l'odyssée de l'espace" (1968).

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Un million clés en mains (Mr. Blandings Builds His Dream House)

Publié le par Rosalie210

H.C. Potter (1948)

Un million clés en mains (Mr. Blandings Builds His Dream House)

Ce film de la fin des années 40 est une satire pertinente de l'american dream bénéficiant d'un ton ironique savoureux et de la prestation haute en couleurs de Cary GRANT dans le rôle de Jim, un bourgeois new-yorkais à l'étroit dans son appartement de Manhattan qu'il partage avec sa femme et ses deux filles (le pauvre!). Le film montre avec beaucoup d'humour que le désir du citadin d'avoir une grande maison individuelle à la "campagne" (c'est à dire dans l'espace périurbain des villes, la villa dans le Connecticut se situant à une heure de train du bureau de Jim) est fabriqué de toutes pièces pour faire tourner la machine à cash du capitalisme US (et du capitalisme tout court d'ailleurs car en France, c'est aussi un puissant moteur de l'étalement urbain qui continue aujourd'hui). Car si c'est un gouffre financier pour les nouveaux propriétaires, c'est une affaire juteuse qui entretient la job machine du système: agents immobiliers, architectes, ouvriers et techniciens du BTP, décorateurs et publicitaires, tous font leur beurre sur le dos de cette famille typique de la upper middle class victime de sa naïveté et de sa folie des grandeurs. Le film va même au-delà en égratignant l'idéologie familiale à l'origine de la périurbanisation. En effet le couple formé par Jim et Muriel (Myrna LOY) est en crise. Les désirs des deux membres du couple ne s'accordent guère et ils sont perpétuellement en conflit. De plus ils forment un drôle de ménage à trois avec leur ami Bill Cole (Melvyn DOUGLAS), un avocat célibataire qui est amoureux de Muriel depuis la fac et tend à prendre la place de Jim dans son nouveau foyer, celui-ci étant désormais obligé de se lever à 5 heures du matin pour aller travailler. Néanmoins Myrna LOY n'est pas à la hauteur du jeu de Cary GRANT, le rythme n'est pas assez soutenu et le happy end conventionnel annihile tout ce que le film pouvait avoir de subversif.

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Une Femme disparaît (The Lady Vanishes)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1938)

Une Femme disparaît (The Lady Vanishes)

"Une femme disparaît", l'avant-dernier film de la période anglaise de Alfred HITCHCOCK est un parfait mélange de thriller d'espionnage, de vaudeville et de screwball comédie, semblable à une version en huis-clos de "Les 39 marches" (1935), les allusions au contexte géopolitique en plus.

Le film commence par un travelling aérien sur une maquette d'un village des Balkans assez fantomatique dans lequel se retrouvent coincés par une avalanche un groupe de voyageurs cosmopolites obligés de passer la nuit dans un hôtel surpeuplé. Toute allusion au déclenchement imminent d'une nouvelle guerre mondiale n'est qu'une coïncidence fortuite ^^^^. Mais en dépit de cet arrière-plan dramatique, c'est la comédie qui domine le début du film avec un exposé de situations cocasses voire piquantes dans lesquelles se retrouvent une partie des protagonistes. D'un côté Charters et Caldicott (Basil RADFORD et Naunton WAYNE), deux gentlemen anglais puritains obligés de dormir dans la chambre de la bonne qui se met à l'aise comme s'ils n'étaient pas là. Et de l'autre, Iris (Margaret LOCKWOOD), une jeune femme qui s'est résigné à faire un mariage de raison et voit débarquer sans prévenir dans sa chambre Gilbert (Michael REDGRAVE), le malotru qu'elle a fait déloger parce qu'il faisait du tapage nocturne juste au-dessus d'elle. Ce préambule posé, Alfred HITCHCOCK entre dans le vif du sujet avec un voyage en train aux allures de thriller psychologique. Le coup qu'Iris reçoit sur la tête juste avant le départ altère sa vision du monde qui se teinte d'onirisme expressionniste. C'est pourquoi lorsqu'elle se réveille après avoir fait la sieste, qu'elle constate que la vieille dame qui l'accompagnait, Mrs Froy (Dame May WHITTY) a disparu et que tous les passagers du compartiment ainsi que le Dr Hartz (Paul LUKAS) et le serveur du wagon-restaurant soutiennent que cette dame n'a jamais existé, le spectateur est amené à douter des perceptions d'Iris et à croire qu'elle nage en pleine paranoïa. Elle-même finit par s'y perdre. Néanmoins, Alfred HITCHCOCK parsème assez d'éléments pour qu'une autre version l'emporte, celle qui calque le comportement des passagers du train sur celui des futurs protagonistes de la guerre: un gang de comploteurs affiliés à une puissance étrangère hostile (Hartz se réfère à l'Allemagne nazie alors que l'un de ses complices, Doppo est une allusion à l'alliance avec l'Italie fasciste), un soi-disant pacifiste qui ne pense qu'à sa réputation et sa promotion et le duo isolationniste Charters et Caldicott pour qui seul compte le match de cricket qu'ils risquent de rater (ces personnages symbolisant autant aux démocraties européennes qu'aux USA). Pour que ce petit monde sorte de son aveuglement, il leur faudra affronter l'épreuve de balles bien réelles avec une scène d'action digne d'un western. Et c'est ainsi qu'à l'image de l'opiniâtre Iris (la seule à "y voir clair") et de son principal allié Gilbert, Alfred HITCHCOCK tel un prestidigitateur fait apparaître sous la couverture d'un simple divertissement une vérité grinçante sur ce qui se trame alors en Europe et dans le monde.

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L'Homme tranquille (The Quiet Man)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1952)

L'Homme tranquille (The Quiet Man)

J'adore John FORD lorsqu'il fait des westerns et des drames situés aux USA, le ton y est toujours très juste. Mais sa comédie irlandaise "L'Homme tranquille" me fait rire jaune. Les qualités cinématographiques du film, je les voie, notamment la beauté des paysages, volontairement artificialisés par la photographie et le cadre pour souligner le caractère fantasmée d'une Irlande de carte postale. Mais je n'adhère pas du tout à l'histoire que je trouve affreusement réactionnaire en dépit de toutes les démonstrations qui tentent de prouver le contraire. Réactionnaire et content de l'être sur l'air de "ah c'était le bon vieux temps, celui des verts pâturages où l'on savait vivre, où l'on était bien entouré par la chaleur humaine de la communauté et où on ne souffrait pas de maux existentiels tant chacun et chacune savait rester à sa place". Sauf que cette petite communauté villageoise certes joviale et conviviale mais où l'on pratique l'entre-soi et la beauferie autosatisfaite n'accueille Sean l'américain (John WAYNE) que parce qu'il a ses racines dans le pays. La scène du bar montre bien que s'il n'avait pas eu le bon mot de passe, celui de ses origines, il aurait été exclu. D'autre part si Sean retourne au pays de ses ancêtres c'est pour se ressourcer après un drame (remarquablement filmé et intégré dans le récit) qui lui a coûté sa combativité, c'est à dire sa virilité. Laquelle revient le titiller sous la forme d'une mégère très près de ses sous (Maureen O HARA) et de son frère caractériel (Victor McLAGLEN) avec lequel il se lance dans un concours de bistouquette… euh non, de poignée de main (c'est qui-qui se-rrera le plus fort, Trump ou Macron? ^^^^^). Heureusement le bain de jouvence à base de traditions qui fleurent bon le terroir, bastons, parties de pêche, fêtes de la bière, course de chevaux avec pour trophée le chapeau des spectatrices (forcément spectatrices des exploits de ces messieurs) fonctionne à ravir. Mary Kate peut jubiler, elle a réussi à réveiller le fauve, celui qui la traîne devant tout le village sur le mode primate "Moi Tarzan, toi Jane" et pour lequel elle va se hâter de confectionner de bons petits plats. Parce qu'une femme de caractère, c'est juste une frustrée en attente de l'homme qui viendra la dompter et réveiller ses instincts de ménagère accomplie. De ce point de vue, la mission est réussie.

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Les naufragés de l'île de la Tortue

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1974)

Les naufragés de l'île de la Tortue

Le coffret consacré aux films de Jacques Rozier a permis de sortir "Les naufragés de l'île de la Tortue" des limbes où il a été longtemps confiné. Tourné en 1974 en huit semaines, il a fallu deux ans à Jacques ROZIER pour monter le film et lorsque celui-ci a été enfin prêt, sa société de production a fait faillite, compromettant la carrière du film en salles en dépit de la présence dans le rôle principal d'un acteur qui était alors une star de la comédie, Pierre RICHARD. Mais Jacques ROZIER est un cinéaste déroutant qui ne l'utilise pas de la même façon que les autres de même qu'il ne se soumet pas au rythme de fabrication "bankable" d'un film ou à un scénario pré-écrit. S'il y a un élément récurrent dans tous ses films, c'est l'élément aquatique et cela lui convient parfaitement car Jacques ROZIER aime épouser son rythme, ses flottements, hésitations, temps morts sans savoir où cela peut le mener.

Par conséquent "Les naufragés de l'île de la Tortue" porte la marque de cette improvisation permanente (qui rappelle que Jacques ROZIER est un cinéaste de la Nouvelle vague), le film s'inventant au fur et à mesure du tournage. Celui-ci est tellement naturaliste qu'il est difficile parfois de démêler ce qui relève de la fiction et ce qui relève du documentaire. Ainsi le refus de Joël Dupoirier (Maurice RISCH) d'accompagner aux Caraïbes Jean-Arthur (Pierre RICHARD) et son remplacement au pied levé par son frère Bernard (Jacques VILLERET) s'explique par l'indisponibilité de l'acteur. De même le coup de colère du plongeur qui décide de rentrer à Paris se confond avec celui de l'acteur qui l'interprète, excédé par les méthodes du réalisateur et qui plaque l'équipe en plein tournage.

Le film se construit sur deux dimensions entre lesquelles il ne tranche jamais. D'une part une rêverie, celle du bien-nommé Jean Arthur Bonaventure qui travaille dans une agence de voyages mais reste collé au sol dans la grisaille de sa routine. Dès les premiers plans, Jacques ROZIER insiste sur le regard de Pierre RICHARD dont les yeux bleus se prêtent à la rêverie. On le voit fixer du regard une affiche sur laquelle est représentée une femme noire dévêtue et ornée d'une belle coupe afro. Des cartons écrits nous informent qu'il s'est inventé une liaison qui lorsqu'elle deviendra réelle prendra les traits de cette femme. Et de fil en aiguille, Jean-Arthur se rêvera en nouveau Robinson, lisant devant son auditoire des passages entiers du roman de Daniel Defoe, matrice de son projet de concept de vacances nommé "Robinson Crusoé". La mise en scène nous fait douter de la réalité de cette aventure, notamment lorsque lors d'une scène magnifique le bateau disparaît de l'horizon sans explication. Comme d'autres films des années 70 tournés en extérieurs, "Les naufragés de l'île de la Tortue" rappelle le pouvoir d'envoûtement incomparable de la lumière naturelle notamment au crépuscule.

Mais d'autre part, l'aspect mercantile et chimérique de ce projet à la contradiction insurmontable (faire de l'argent avec une aventure authentique) est superbement démontré par ce qu'il faut qualifier d'anticipation visionnaire. En effet Jacques ROZIER dénonce avec trente ans d'avance les faux-semblants du jeu de survie du type "Koh-Lanta". Tout y est: la recherche d'une île déserte qui ne l'est pas (dès qu'on voit la première maison au fond du cadre, on comprend et par la suite la prison achève de nous désillusionner à ce sujet) et donc d'eaux turquoises qui ne le sont pas (elles sont au contraire infestées de déchets), la surenchère dans l'inconfort et le dénuement (slogans du type "3000 francs-rien compris" ou "Robinson démerde-toi", valises confisquées et jetées à l'eau, volonté de faire atteindre l'île à la nage, marches épuisantes, conditions de vie précaires etc.), les tensions savamment entretenues entre les participants obligés de cohabiter à huis-clos filmées comme un spectacle d'autant que par un effet de mise en abyme troublante, Jacques ROZIER s'appuie sur la réalité d'un tournage déstabilisant et éprouvant pour les acteurs. Il y a donc une réalité mise en scène comme dans la télé-réalité et c'est en cela que le film de Jacques ROZIER doit absolument être redécouvert aujourd'hui.

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Du côté d'Orouët

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1973)

Du côté d'Orouët

"Du côté d'Orouët" ça sonne comme "Du côté de chez Swann" et ce n'est certainement pas un hasard. Au lieu de raconter une histoire structurée par un scénario, Jacques ROZIER préfère nous immerger dans un grand bain sensoriel rythmé par les jours qui passent, s'en vont et ne reviendront plus. Il saisit sur le vif des éclats de vie d'autant plus spontanés qu'ils s'inscrivent dans des moments de creux, de "vacance", de vide. Il extrait ses personnages de leur quotidien corseté, rythmé par les contraintes pour les filmer en vacances, dans une parenthèse à la fois hors du temps et éphémère. Cela rend son film très proche et vivant d'autant que sa caméra est aussi légère et libre que le jeu des acteurs, en partie improvisé. Une méthode issue de la Nouvelle Vague et que l'on trouve aussi dans le cinéma indépendant américain de cette époque. Bien qu'il ne se passe "rien" à proprement parler, qu'il n'y ait "rien" à voir puisque Jacques ROZIER élude tous les faits saillants, le fait d'être à ce point plongé dans l'intimité des personnages fait que les 2h34 du film passent en un éclair et qu'on en voudrait encore. Encore de quoi? Du goût des gâteaux à la crème et des gaufres dont les trois filles Caroline (Caroline CARTIER), Joëlle (Danièle CROISY) et Kareen (ou Karine? jouée par Françoise GUÉGAN) s'empiffrent, de l'odeur iodée qu'elles respirent à plein poumons, de la chaleur du soleil qui caresse leur peau et du bruit du vent qui souffle en tempête et les pousse à se pelotonner sous la couette avec un thé chaud, des biscuits et un jeu de cartes à la main, des sentiers boisés qu'elles parcourent à cheval et de l'eau qui entre par paquets dans le voilier sur lequel elles sont pris place. Et puis pour troubler le jeu il y a Gilbert (Bernard MENEZ dans son premier rôle) et Patrick (Patrick VERDE). Gilbert, le petit chef de bureau maladroit qui s'incruste au milieu du gynécée au prix de la perte de sa virilité symbolisée par la scène des anguilles. Face à cet eunuque réduit malgré lui au rôle de larbin et de souffre-douleur, Patrick le sportif bronzé incarne au contraire la séduction de la force virile tranquille qui attise les rivalités féminines pour mieux s'en jouer. Comme si l'autre sexe ne pouvait exister qu'en position de victime ou de bourreau. C'est lorsque Gilbert finit par plier bagages, dégoûté par le traitement que lui font subir les filles que celles-ci réalisent ce qu'elles ont perdu. Caroline fond en larmes et plus tard, lorsque Joëlle trouve une sardine de tente dans le jardin qu'elle décide de laisser en souvenir de son passage, Caroline ajoute "Tu dis qu'il était ennuyeux mais sans lui on aurait eu des vacances complètement ratées". Et Joëlle d'ajouter "oui...peut-être". Et la caméra continue à s'attarder longuement sur cette sardine plantée dans une corne d'abondance, souvenir d'un temps désormais à jamais révolu.

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Adieu Philippine

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1962)

Adieu Philippine

Les films de la Nouvelle Vague sont le reflet d'une époque où la jeunesse éprouve un besoin profond de liberté et d'émancipation des modèles parentaux tout en restant enfermée dans le cadre étouffant construit par les générations précédentes (du moins jusqu'à l'explosion de 1968). Ce sont des films en mouvement, où l'on marche, où l'on court, où on danse, où l'on vit mais où on finit toujours par se heurter au mur qui se cache invisible derrière l'horizon de ces symboles d'évasion que sont la plage et le port (quand on ne meurt pas en chemin dans un accident de voiture). En effet de l'autre côté, c'est la mort avec la guerre d'Algérie qui constitue la toile de fond de nombre de films de cette cinématographie: "Le Petit soldat" (1960) de Jean-Luc GODARD, "Muriel ou le temps d un retour (1962)" de Alain RESNAIS, "Cléo de 5 à 7" (1961) de Agnès VARDA, "Les Parapluies de Cherbourg" (1964) de Jacques DEMY et donc "Adieu Philippine", le premier long-métrage de Jacques ROZIER dans lequel un ancien appelé répondant qu'il n'a "rien" à raconter évoque en creux l'indicible de ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée.

Le film décrit avec beaucoup de fraîcheur et de spontanéité le marivaudage à la "Jules et Jim" (1962) de trois jeunes gens à Paris puis en Corse. Car c'est la marque des films de Jacques ROZIER: ils sont toujours scindés en deux parties. Une première partie sur des rails dans laquelle les personnages sont encore relativement contraints et une partie où ils prennent la tangente dans des lieux de vacances ancrés dans le terroir français (il n'y a qu'à écouter la musicalité des accents pour s'en rendre compte) mais sauvages et lunaires. Mais ce qui donne tout son sens au film, c'est le sombre cadre qui entoure les tranches de frivolité dans lesquelles s'ébattent les personnages. L'ouverture sur un fond noir dans lequel on nous rappelle que 1960 est la sixième année de la guerre d'Algérie, l'épée de Damoclès qui pèse tout au long du film sur Michel (Jean-Claude Aimini) le machiniste de plateaux TV qui attend sa feuille de route et la séquence de fin qui le voit embarquer sur un bateau en direction du continent (pour des raisons de censure, Jacques ROZIER le fait partir de Calvi vers la France mais à cette époque, faire son service militaire signifiait partir pour l'Algérie). C'est cette tragédie en arrière-plan qui explique la fuite en avant de cette jeunesse, son refus de l'engagement et des contraintes. N'ayant pas de perspective, elle vit dans l'instant présent comme si chaque jour était le dernier et qu'il fallait en profiter le plus possible. Le fait que Michel ne choisisse aucune des deux filles est révélateur de cette impasse existentielle. A quoi bon construire une relation stable si c'est pour mourir?

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Fin d'automne (Akibiyori)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1960)

Fin d'automne (Akibiyori)

"Fin d'automne" est un remake par Yasujiro OZU de l'un de ses propres films, "Printemps tardif" (1949). La trame est donc identique mais Ozu introduit d'intéressantes variations liées au fait que 11 ans séparent les deux films. Yasujiro OZU est en effet un maître dans la description des effets du passage du temps. On remarque donc plusieurs changements significatifs:
- "Printemps tardif" (1949) était en noir et blanc, "Fin d'automne" est en couleurs. Il s'agit donc de l'un des derniers films de Yasujiro OZU puisqu'il a été réalisé trois ans avant sa mort.
- Dans "Printemps tardif" (1949) Setsuko HARA jouait le rôle de la fille (elle avait alors 29 ans). Dans "Fin d'automne", âgée de 40 ans, elle joue la mère.
- La relation fusionnelle père/fille de "Printemps tardif" (1949) est remplacée par la relation fusionnelle mère/fille dans "Fin d'automne". Cette variation permet à Yasujiro OZU de se concentrer davantage sur la condition des femmes au Japon. Le duo central formé par Akiko (Setsuko HARA) et sa fille Ayako (Yoko Tsukasa) très traditionnel et enfermé dans des codes rigides (soulignés par les plans fixes et les surcadrages) est cornaqué et balloté du début à la fin par trois hilarants vieux barbons, anciens amis de lycée du défunt mari de Akiko. Tous trois veulent absolument caser Ayako ce qui leur permet de réaliser leur désir secret par procuration: épouser Akiko. L'un des trois, Hirayama (Ryûji KITA) qui est également veuf est d'ailleurs tellement travaillé par sa libido qu'il part au toilettes pour "se laver les mains" à chaque fois qu'il pense pouvoir "conclure l'affaire" avec la mère. Mais ces éléments de comédie n'occultent pas que le sort des deux femmes est au final dicté par les convenances: la fille se marie et la mère s'efface. Heureusement Ozu fait la part belle à un troisième personnage féminin, Yuriko (Mariko OKADA), l'amie de Ayako beaucoup plus moderne et affranchie. On le voit aussi bien dans son code vestimentaire que dans son expressivité en rupture avec l'éternel masque de façade arboré par la plupart des autres personnages (et qui agit lui aussi comme une prison). Au lieu de subir la loi des patriarches, c'est elle qui se joue d'eux (gentiment, on est bienveillant chez Yasujiro OZU) et qui mène la danse de manière totalement décomplexée. Sa fraîcheur, son espièglerie et sa franchise font merveille ainsi que sa sensibilité. Elle n'hésite pas à remettre les barbons à leur place (ceux-ci ressemblent alors à des petits garçons pris en faute) à secouer Ayako (qu'elle traite à plusieurs reprises d'égoïste et de gamine au grand dam de celle-ci) et à manifester de délicates attentions vis à vis d'Akiko après le départ de sa fille. Elle incarne une jeune génération occidentalisée prête à s'émanciper des traditions tout comme les filles des patriarches d'ailleurs qui rejettent l'intrusion des parents dans leur vie privée.

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Monsieur Smith au Sénat (Mr Smith goes to Washington)

Publié le par Rosalie210

Frank Capra (1939)

Monsieur Smith au Sénat (Mr Smith goes to Washington)

En France, particulièrement en ce moment, on nous rebat les oreilles avec la défense de la démocratie, de la République et de ses valeurs humanistes comme si tout ce qui se décidait en leur nom était conforme à ces valeurs et qu'il était hors de question d'en discuter. C'est d'ailleurs en ce sens que sont conçus les programmes d'éducation morale et civique au collège et au lycée. Des programmes appuyés par des manuels qui sanctifient les interventions militaires ("c'est pour assurer la paix et étendre la démocratie dans le monde ainsi qu'apporter une aide humanitaire aux civils en détresse") et la politique sécuritaire de la France ("Vigipirate, l'état d'urgence et le fichage c'est pour votre plus grand bien"), fustigeant la montée de l'abstentionnisme ("si les français se détournent du vote c'est qu'ils sont de mauvais citoyens") ou encensant les médias pour lesquels la pression des pouvoirs est (dixit Laurent Joffrin de "Libération" en 2009 dans "Médias-Paranoïa") "rarissime et facile à repousser".

C'est pourquoi le film de Frank CAPRA est si précieux et si actuel, lui qui a mieux fait pour l'éducation civique de la population américaine que toutes les leçons de morale. Car ce que rappelle Frank CAPRA c'est que démocratie et République sont des coquilles vides et leurs valeurs, des mots creux si elles ne sont pas incarnées par des hommes et des femmes prêts à tout pour les défendre contre ceux qui veulent les détourner dans le sens de leurs intérêts. Car le (gros) mot est lâché, celui que les manuels d'éducation morale et civique (pour qui tous nos dirigeants sont des saints uniquement guidés par le souci de l'intérêt général) censurent: l'influence des intérêts privés sur les politiques publiques. C'est pourquoi lorsque je lis certaines critiques taxant Frank Capra de naïveté et de manichéisme, j'ai envie de rire étant donné qu'il est un champion de clairvoyance à côté de ces manuels propagandistes qui pourtant sont des outils tout à fait officiels d'enseignement. Et pour un pays comme la France dont les soulèvements populaires contre les abus de pouvoir (1789,1830,1848) sont maintenant qualifiés péjorativement de populisme, celui de Capra fait du bien. Son film, sorti en 1939 a d'ailleurs été interdit dans les dictatures totalitaires et mal reçu à Washington, c'est un signe qui ne trompe pas. Il montre que la mise à l'écart du peuple de la conduite d'un pays produit un système élitiste incestueux où règne la corruption du politique et du médiatique par les financiers avides de s'enrichir. Il évoque même le "bon sens" populaire contre la malédiction d'être trop futé (ça rappelle un discours récent où un membre du gouvernement disait qu'ils avaient été "trop intelligents et trop subtils"). Jefferson Smith (James STEWART), homme du peuple au patronyme synonyme de refondation démocratique est introduit dans les milieux très fermés du pouvoir pour servir d'homme de paille à un projet d'éléphant blanc conçu pour enrichir son commanditaire. Mais il refuse de jouer le jeu et avec l'aide d'une femme de tête qui connaît les rouages du système, Clarissa Saunders (Jean ARTHUR) il s'empare des outils institutionnels mis à sa disposition pour combattre la corruption et le mensonge. Un combat de David contre Goliath à dimension christique sacrificielle qui préfigure celui des lanceurs d'alerte durant lequel James STEWART accomplit une extraordinaire performance. Revitalisant ainsi la célèbre formule du préambule de la constitution américaine "We, the people".

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