Lire Lolita à Téhéran (Reading Lolita in Tehran)
Eran Riklis (2025)
"Lolita", le roman de Nabokov qui fit longtemps l'objet d'une lecture complètement faussée par les fantasmes des amateurs de "nymphettes" pour reprendre les mots de Bernard Pivot est devenu aujourd'hui, par delà sa réappropriation féministe, un symbole de lutte contre l'obscurantisme et l'oppression. "Lire Lolita à Téhéran" est le livre autobiographique d'Azar Nafisi, une professeure iranienne de littérature anglophone revenue à Téhéran juste après la Révolution islamique de 1979 et qui après avoir vu ses illusions quant à la nature du nouveau régime brisées va durant près de 20 ans essayer de résister au système d'abord en enseignant à l'université puis en ouvrant un club de lecture à son domicile avec d'anciennes étudiantes. Une professeure charismatique et la littérature comme moyen d'émancipation, cela fait penser à "Le Cercle des poetes disparus" (1989) mais le fait de s'inscrire dans un combat contre l'obscurantisme religieux me rappelle davantage "Amal, Un esprit libre" (2023). Le salon comme fragile espace de liberté fait écho à plusieurs films iraniens récents tournés dans la clandestinité qui se sont fait à huis-clos dans une maison, un appartement ou un taxi. Sauf que celui-ci a été tourné en Italie par un réalisateur israélien, Eran RIKLIS et des actrices iraniennes en exil, de Golshifteh FARAHANI dans le rôle principal à Zar AMIR EBRAHIMI dans celui de l'une des étudiantes. Cet aspect hors-sol a dû jouer dans le fait que le film de Eran RIKLIS m'a semblé lisse et superficiel. La professeure est montrée comme une spectatrice plus qu'une actrice d'une Révolution dont les causes ne sont pas expliquées. Face à la théocratie "totalitarisante", elle oppose une nostalgie de la civilisation occidentale très naïve, notamment vis à vis des USA érigés en symbole de liberté alors que la situation actuelle nous rappelle combien l'impérialisme américain fit de ravages, notamment en Iran. Ce manque total de conscience politique et critique produit un manichéisme qui à l'heure actuelle apparaît d'autant plus inadéquat. Face à elle qui semble vivre dans une bulle, les étudiantes sont à peine esquissées et on ne sent jamais ni tension ni danger ni intensité contrairement aux vrais films iraniens. En prime, aucun effort n'est fait pour suggérer le passage du temps alors que l'histoire se déroule sur 25 ans.