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Articles avec #cinema hongrois tag

L'Affaire Abel Trem (Magyarázat mindenre)

Publié le par Rosalie210

Gabor Reisz (2024)

L'Affaire Abel Trem (Magyarázat mindenre)

Contrairement au film allemand "La Salle des profs" (2022) et au film français "Pas de vagues" (2022) qui évitaient soigneusement d'être trop incarnés et directs, "L'Affaire Abel Trem", un titre français sans doute choisi par analogie avec "L'Affaire Dreyfus" est un film qui n'hésite pas à plonger dans les divisions agitant actuellement la société hongroise au travers d'un jeune homme, le fameux Abel Trem dépeint avec une grande sensibilité. Abel Trem qui a 18 ans et passe son bac symbolise la jeunesse hongroise et donc l'avenir de ce pays. Or, il échoue à cause d'un oral d'histoire -matière dont l'enjeu n'échappera à personne- durant lequel il éprouve un blanc de mémoire et ne peut sortir un seul mot. Son silence suivi d'un mensonge en guise d'explication le propulse au coeur d'un maelstrom orchestré par des forces qui le dépassent et révèlent au passage l'intense pression qui est à l'origine de sa défaillance. D'un côté, un père nationaliste qui lui met une énorme pression sur les épaules. De l'autre, un prof d'histoire et examinateur qualifié de gauchiste car extrêmement critique vis à vis du gouvernement de Viktor Orban qui le déstabilise sans le vouloir en lui faisant une remarque sur la cocarde nationaliste épinglée sur sa veste qu'il a oublié d'enlever pour son oral. Là-dessus vient se rajouter une jeune journaliste qui flairant le scoop pouvant booster sa carrière, relaie le mensonge dans les médias, lequel devient rapidement une affaire d'Etat. Le pauvre jeune homme introverti dont on ressent la fragilité et la détresse se protège en fuyant le plus loin possible ce tapage médiatique et les querelles virulentes qui oppose son père et son prof. L'alternance des points de vue sur lequel repose le film est capitale dans l'intérêt qu'on lui porte. Les institutions et les clivages politiques et idéologiques sont incarnés par des personnages qui ont une véritable substance. Le père d'Abel, patriarche exigeant à l'ancienne est désespéré de voir la nonchalance et le peu de goût pour les études de son fils. Le prof, Jakab est dépeint comme un donneur de leçons qui exaspère ses interlocuteurs plus âgés et comme un père peu investi, à l'inverse de celui d'Abel. L'empressement de la journaliste à l'allure d'étudiante à faire ses preuves n'est pas dû qu'à sa jeunesse: ses origines roumaines sont rappelées à plusieurs reprises. Bref, il n'y a pas de manichéisme dans ce film qui analyse la crise d'une démocratie où la querelle a remplacé le débat et le mensonge, la vérité avec au beau milieu une jeunesse complètement paumée.

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Evolution

Publié le par Rosalie210

Kornél Mundruczó et  Kata Wéber (2021)

Evolution

"Evolution" est d'abord un tour de force technique: trois plans-séquence d'environ 30 minutes chacun pour suivre le parcours de trois générations d'une même famille juive germano-hongroise (inspirée de l'histoire de celle de la co-réalisatrice, Kata Wéber qui a également écrit le scénario d'après sa propre pièce de théâtre) victime puis hantée par la Shoah. La première partie est éprouvante et sidérante puisqu'elle se déroule dans le huis-clos d'une chambre à gaz au moment de la libération de Birkenau par les soviétiques. Elle n'est pas réaliste puisque les nazis les avaient détruites avant de prendre la fuite afin d'effacer les preuves les plus évidentes de leurs crimes. Elle montre -métaphoriquement- comment en dépit des efforts de nettoyage du site (entendez par là, d'effacement de la mémoire), celle-ci ressurgit au travers de vestiges humains incrustés dans des murs friables, enfouis dans un sol qui se dérobe et finit par révéler une enfant survivante, Eva. Enfant qui dans le deuxième volet est devenue une vieille femme sénile écrasée par le poids des souvenirs, enfermée dans son appartement de Budapest avec sa fille Léna qui ne supporte plus le fardeau familial et souhaite refaire sa vie à Berlin en faisant jouer le privilège que confère désormais le fait d'être juif puisqu'il permet d'accéder à l'entraide communautaire. Mais encore faut-il le prouver et quand on a passé sa vie à falsifier ses origines pour survivre, ce n'est pas simple. Le règlement de compte mère-fille passe par un déluge de paroles conçu pour faire éprouver au spectateur un sentiment d'étouffement faisant écho à la première séquence jusqu'à ce que celui-ci ne devienne, dans une nouvelle saillie surréaliste, un déluge d'eau. Enfin la dernière partie qui se déroule une dizaine d'années plus tard a pour personnage principal Jonas, le fils de Léna devenu un adolescent berlinois bien décidé à se construire librement, c'est à dire en dehors de l'héritage familial et trouve pour cela une âme soeur qui refuse tout comme lui les assignations culturelles et religieuses. Grâce au naturel de ce jeune couple, on échappe à la lourdeur de la démonstration qui semblait poindre (le retour de l'antisémitisme en relation avec les conflits du Moyen-Orient).

La démarche du film n'est pas sans faire penser à "Maus" qui essayait également de faire comprendre le poids que représente le fait d'être un enfant de survivant. Si selon moi le film ne parvient pas tout à fait à atteindre ses objectifs (j'ai trouvé que la deuxième séquence était un peu brouillonne et longuette et que la troisième frôlait la démonstration sans heureusement y tomber comme je l'ai dit), ce cinéma très dynamique, sensoriel et imagé mérite d'être découvert.

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L'homme de Londres ( A Londoni férfi)

Publié le par Rosalie210

Béla Tarr (2007)

L'homme de Londres ( A Londoni férfi)

Le résumé de "L'homme de Londres" est à lui seul un indice du type de film que l'on va voir. Pour rappel, voici le contenu de ce résumé:

"Maloin mène une vie simple et sans but, aux confins de la mer infinie; c'est à peine s'il remarque le monde qui l'entoure. Il a déjà accepté la longue et inévitable détérioration de sa vie, et son immense solitude. Lorsqu'il devient témoin d'un meurtre, sa vie bascule et le voilà confronté au péché, à la morale, au châtiment, écartelé à la frontière de l'innocence et de la complicité. Et cet état de scepticisme l'entraîne sur le chemin de la réflexion, sur la signification de la vie et du sens de l'existence. Le film touche à cet indestructible désir des hommes pour la vie, la liberté, le bonheur, les illusions jamais réalisées, à ces riens qui nous apportent l’énergie, pour continuer à vivre, à s’endormir, à s’éveiller, jour après jour. L’histoire de Maloin est la nôtre, celle de tous ceux qui doutent et qui peuvent encore s’interroger sur leur pâle existence."

Voici maintenant comment personnellement je résumerais le film:

"Malouin, un type dépressif à la mine sinistre qui travaille comme aiguilleur dans une tour de guet est le témoin d'un meurtre crapuleux. Il récupère la valise pleine de billets tombée à l'eau et est tenté de s'en servir pour en faire profiter sa famille. Mais il est poursuivi par le tueur et sa conscience. Finalement la morale triomphe: il remet sagement la valise à l'inspecteur qui l'absout pour le meurtre du tueur car il a agi en état de légitime défense. Amen."

Le résumé officiel, extrêmememnt prétentieux sert en fait à dissimuler la vacuité abyssale de l'intrigue et des personnages. Le roman policier de George Simenon est étiré jusqu'aux confins de l'abstraction. Abstraction qui touche aussi les décors. Béla TARR réussit à transformer le port de Bastia où le film a été tourné en un lieu cafardeux et fantomatique qui ne ressemble pas pour autant à celui de la ville de Londres. Quant aux personnages, plus antipathiques les uns que les autres, ils font tous la gueule, pleurent ou crient. Au moins ils ne déparent pas avec le décor. Si le cinéma consiste à tuer la vitalité, ce film là est une réussite dans le genre ^^. Ce formalisme glacial et poseur en dépit d'un grand savoir-faire technique et plein de références (à l'expressionnisme allemand notamment) tourne à vide et qui plus est enfile les clichés sur les prolétaires à qui on dénie toute joie de vivre, au secours!

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Le fils de Saul (Saul fia)

Publié le par Rosalie210

László Nemes (2015)

Le fils de Saul (Saul fia)

Sur le plan esthétique, le fils de Saul est dans ses premières minutes un choc visuel et surtout auditif. En jouant sur le flou de l'arrière-plan historique et le net de la fiction focalisée sur Saul tout en suggérant l'horreur par une bande-son très riche (ordres aboyés, cris, coups de feu...) le réalisateur met en place un dispositif immersif qui fonctionne sur quelques scènes: la première séquence de gazage et de crémation, vraiment puissante et celle des fosses en particulier. Mais le problème est que rapidement ce dispositif tourne à l'exercice de style un peu vain. L'aspect documentaire du film est flouté et trop à l'arrière-plan pour permettre au néophyte d'y comprendre quoi que ce soit alors que la fiction est d'une totale vacuité. Les personnages sont tous des pantins et malgré les intentions du réalisateur les motivations de Saul laissent de marbre. Sur le papier vouloir à toutes forces enterrer un enfant pour lui donner une sépulture digne (selon les croyances juives) peut séduire mais dans le film, cette idée plus cérébrale qu'autre chose ne marche jamais. D'autant qu'en dépit du titre, il n'existe aucun lien d'aucune sorte entre l'enfant et Saul qui l'a choisi juste parce qu'il a survécu quelques minutes après le gazage. Rajouter du macabre sur du macabre n'a jamais produit d'étincelle. Et l'on retrouve au final un tic agaçant de notre époque, la caméra à l'épaule qui à force de coller aux basques du personnage (façon frères Dardenne) et de nous boucher la vue finit par ressembler à un dispositif de jeu vidéo. L'imposture du film est particulièrement perceptible devant les corps bien portants des prisonniers, Saul en premier lieu. Très crédible, effectivement!

Les pistes intéressantes ne manquaient pas pourtant. La révolte des sonderkommando, évoquée vaguement en arrière-plan en était une. Mais le réalisateur qui a pourtant visiblement lu Des voix sous la cendre (les témoignages des sonderkommando enterrés près des crématorium et retrouvés après la guerre) est incapable de construire un vrai film de résistance. L'exemple des photos de crémation prises clandestinement en témoigne. Cet élément narratif noyé dans le brouillard comme les autres et abandonné très vite aurait pu être un fil directeur. Expliciter leur enjeu comme preuve du génocide alors que les nazis voulaient en effacer toutes les traces. Montrer comment elles étaient sorties du camp et avaient été rendues publiques. Comment aujourd'hui elles servent de référence à Auschwitz même. Mais rien dans ce film n'est creusé ni sur le plan historique, ni sur le plan mémoriel, ni sur le plan humain. Le réalisateur s'est contenté de jeter de la poudre aux yeux ce qui a suffi pour Cannes mais ne résiste pas à un examen un peu plus poussé.

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