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Articles avec #cinema canadien-quebecois tag

De beaux lendemains (The Sweet Hereafter)

Publié le par Rosalie210

Atom Egoyan (1997)

De beaux lendemains (The Sweet Hereafter)

Autant "Exotica" (1994) en dépit de sa toile de fond désespérée portait un regard compatissant sur ses personnages en souffrance, autant "De beaux lendemains" ressemble a un châtiment (divin?) collectif réactualisant le conte du joueur de flûte de Hamelin dans lequel les habitants d'une bourgade des USA se retrouvent à la suite d'un accident de bus scolaire privés de leurs enfants, donc de toute perspective d'avenir. Si l'on excepte le cas de l'inceste (dont la victime, suprême ironie est la seule survivante parmi les passagers du bus accidenté), les raisons pour lesquelles Atom EGOYAN s'acharne sur ces habitants qui lorsqu'ils ne se retrouvent pas sans descendance sont plus ou moins lourdement handicapés me semblent nébuleuses. Même lourdeur dans le traitement de l'avocat joué par Ian HOLM qui espère tirer un profit de la tragédie en empochant une partie des indemnités qu'il espère obtenir pour ses "clients" à moins que ce ne soit une revanche symbolique face à son impuissance vis à vis de sa fille toxico et séropo qui passe son temps à l'appeler en PCV histoire d'en remettre une couche dans la culpabilité? Une culpabilité dont on a bien du mal à comprendre la nature (à moins qu'il ne s'agisse là encore d'un inceste au vu de l'histoire du couteau, de l'enfant dans le lit de ses parents et de la quasi absence de la mère dans l'histoire etc.) En tout cas la méthode du film puzzle superposant avec une lenteur savamment calculée des éléments disparates dans le temps et dans l'espace pour faire surgir progressivement le nœud de l'intrigue est assez poussive même si on voit où Atom EGOYAN veut en venir. Le personnage de Nicole, la survivante de l'accident qui a appris à ne pas faire confiance aux adultes déjoue leurs plans (celui de l'avocat comme celui de son père) mais même si elle fait mettre un verrou à sa porte, on ne voit pas comment elle peut gagner sa liberté étant donnée qu'elle doit passer le reste de sa vie clouée dans un fauteuil roulant comme la "Martha" (1973) de Rainer Werner FASSBINDER. Alors on peut apprécier la mise en scène atmosphérique mais tout cela est non seulement trop distant mais trop surplombant à tous les sens du terme.

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Cube

Publié le par Rosalie210

Vincenzo Natali (1997)

Cube

"Cube" n'est pas devenu culte par hasard, c'est une claque cinématographique. Réalisé avec trois bouts de ficelles, ce film-cerveau canadien claustrophobique et paranoïaque génial se situe entre "Alien, le huitième passager" (1979) (dont il reprend le générique avec les lettres qui apparaissent progressivement), les grands géomètres du cinéma comme Stanley KUBRICK ou Christopher NOLAN et Kafka pour l'absurdité de la situation dans laquelle sont plongés les personnages, prisonniers* sans raison apparente d'un dédale spatio-temporel en forme de Rubik's Cube géant dont ils doivent comprendre les lois pour trouver la sortie sous peine de mourir. "Cube" a quelque chose d'une parabole sur la condition humaine. Chaque personnage porte en effet en lui une partie de la clé de l'énigme du fonctionnement du cube car doté de compétences particulières** mais seule leur collaboration peut leur permettre de la résoudre en totalité. Or "Cube" analyse les effets délétères de l'enfermement comme dans les films de Roman POLANSKI ou dans les jeux de télé réalité: la promiscuité, la peur, la faim, la soif, la fatigue, le désespoir mettent à rude épreuve les personnages jusqu'à révéler les pires aspects de la nature humaine. Ce sont moins les pièges mécaniques du Cube qui tuent, aussi horribles soient-ils que la sauvagerie humaine. Un homme d'ailleurs livré à lui-même car si les personnages se posent beaucoup de questions métaphysiques dans le film (qui a créé le Cube et dans quel but ce qui se rapporte à nos questions sur l'origine de la création de l'univers), les réponses sont claires: il n'y a pas de "Grand architecte" autrement dit pas de Dieu ni même de "Big Brother" totalitaire derrière le Cube. Chacun est ainsi renvoyé à lui-même et à ses représentations, le Cube pouvant s'apparenter à une projection de l'univers mental de chacun aussi bien qu'à une métaphore de la vie sur terre. La rationalité de Leaven peut par exemple déjouer mathématiquement les pièges mortels que renferme le Cube mais pas celui que représente Quentin, flic à l'allure de leader qui s'avère être un psychopathe tueur en série car son comportement échappe à toute logique quantifiable. L'architecte parvient à trouver la sortie mais perd l'envie d'en franchir le seuil devant la perspective de "la bêtise humaine" sans limite qui se trouve derrière.

* Leurs tenues et leurs noms se réfèrent d'ailleurs à des pénitenciers: Quentin, le policier a été baptisé d'après la prison d'état San Quentin à Marin County en Californie, Holloway la femme médecin porte le nom de la prison de Holloway à Londres, Kazan l'autiste se réfère à la prison de Kazan en Russie, Rennes, l'expert en évasion provient de la prison de Rennes en France, Alderson, le premier tué porte le nom de l'Alderson Federal Prison Camp à Alderson, dans l'Etat de Virginie et enfin Leaven, l'étudiante en mathématiques et Worth, l'architecte se partagent le nom du pénitencier de Leavenworth à Leavenworth, Kansas.

** Notamment Worth, l'architecte de la coque du Cube, Leaven qui déchiffre le langage mathématique et Kazan qui selon le cliché le plus répandu concernant les asperger est capable d'effectuer des calculs mentaux complexes. C'est un cliché car il y a beaucoup d'asperger qui n'ont pas de don particulier et pour lesquels les mathématiques sont un véritable cauchemar.

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Juste la fin du monde

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2016)

Juste la fin du monde

Autant le dire d'emblée, Xavier DOLAN n'est pas ma tasse de thé et ce au moins pour deux raisons:

- Je n'aime pas le caractère tape-à-l'oeil chic-et-choc de ses films. Leur aspect clipesque et affecté me hérisse particulièrement.

- Je n'aime pas non plus son goût prononcé pour le masochisme hystérique. Des films où l'on se fait mal, encore et encore et encore, où l'enfer c'est les autres et la vie un chemin de croix (mais avec de la belle image et du gros son). Cela rend la tonalité de ses films monochrome et lassante à force de voir des gens s'entredéchirer durant 2h (c'est d'ailleurs pour faire respirer le spectateur qu'il y a la coupure pub, euh non, clip).

Ces réserves étant posées, "Juste la fin du monde" est quand même pas mal dans son jusqu'au boutisme. La mise en scène rend parfaitement irrespirable l'ambiance dans lequel le film baigne, un huis-clos familial étouffant dans lequel chacun est enfermé en lui-même autant que dans le cadre, l'habitacle d'une voiture ou les pièces de la maison et ne sait que se heurter aux autres. Le climat y est en effet profondément incestuel. Un climat résumé par la scène entre Louis (Gaspard ULLIEL) et sa mère Martine (Nathalie BAYE, maquillée et habillée comme une voiture volée) qui lui demande de prendre la place du père décédé. Il est donc impossible d'échapper à cette famille autrement que par le rejet en étant considéré comme un intrus (ce qu'est Louis) et en se tenant à distance (physiquement et émotionnellement). Les autres forment un paquet d'émotions hystériques indistinctes et indémêlables, comme le montre la scène finale. Pas étonnant que Suzanne (Léa SEYDOUX) la petite sœur n'arrive pas à quitter le nid et que le frère Antoine (Vincent CASSEL) qui végète dans une vie sans perspectives soit violemment frustré. Dans ce contexte l'idée de choisir des acteurs-mannequins symbolisant le luxe français (LVMH et Prada pour Léa SEYDOUX, Dior pour Marion COTILLARD, YSL pour Vincent CASSEL, Chanel pour Gaspard ULLIEL) s'avère être une excellente idée même si les ploucs à qui rend visite Louis ont plutôt l'air d'aristocrates dégénérés. Les voir se bouffer le nez (particulièrement Léa Seydoux et Vincent Cassel qui me sont d'ordinaire très antipathiques mais qui sont ici excellemment dirigés) a quelque chose de jubilatoire. Bien que frappé du même pédigrée que le reste de la "famille" et donc d'un problème insurmontable d'incommunicabilité (le bégaiement), la belle-soeur Catherine (Marion COTILLARD) offre un contrepoint par son calme et son regard plein de compassion sur Louis le mutique dont elle est la seule à avoir percé à jour le secret indicible.

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Ipcress-Danger immédiat (The Ipcress file)

Publié le par Rosalie210

Sidney J. Furie (1965)

Ipcress-Danger immédiat (The Ipcress file)

My name is… Palmer, Harry Palmer. On me considère comme l'anti James Bond. Je suis myope comme une taupe, je préfère boire du café que du thé, je fais moi-même ma popote et mon boulot consiste à remplir des kilomètres de paperasse derrière mon bureau. Je ne quitte jamais Londres et sa grisaille. L'augmentation que j'ai obtenue me permettra tout juste de m'offrir un gril à infrarouge ^^.

Et pourtant les apparences sont trompeuses. Car c'est une bonne partie de l'équipe des premiers James Bond qui est derrière ce premier volet des aventures du sergent Harry Palmer. Un personnage bien plus complexe et passionnant que son allure austère de petit gris ne le laisse deviner. Il faut dire que c'est Michael CAINE qui l'incarne et qu'il est magistral. Son goût pour le café dessine les contours d'un personnage anticonformiste. Son insolence, son indiscipline (un comble pour un militaire, il est d'ailleurs passé par la case prison), son accent cockney et ses manières un peu rustres d'ancien voyou des faubourgs détonnent dans les cabinets feutrés de ses supérieurs distingués. Ses lunettes à monture épaisses soulignent une fragilité tout aussi inhabituelle dans le milieu des agents secrets. Une fragilité néanmoins compensée par une force mentale peu commune qui se révèle lorsque ses ennemis tentent de prendre le contrôle de son cerveau à l'aide du programme de conditionnement Ipcress. Une séquence qui n'est pas sans rappeler "Orange mécanique" (1971) de par son aspect psychédélique. La résistance de Harry Palmer est celle de quelqu'un qui par sa sensualité (il aime regarder les filles et… leur faire la cuisine ^^), son humour ironique pince-sans-rire tordant et la douleur physique qu'il s'inflige lorsqu'on veut l'hypnotiser parvient à rester humain dans un environnement qui cherche à le priver de son identité et de son libre-arbitre. D'ailleurs Harry Potter (dont le fantastique cache une dimension policière/espionnage) pourrait tout à fait être son descendant. Pas seulement parce qu'il a le même prénom, les mêmes initiales et la même myopie symbole de vulnérabilité mais parce qu'il est un outcast et que son caractère rebelle le rend capable de résister au sortilège imperium qui est le parfait équivalent du programme Ipcress.

Pour souligner le malaise, l'étrangeté, l'opacité et la dimension cauchemardesque qui se dissimulent derrière l'apparente banalité du travail des agents, le réalisateur Sidney J. FURIE multiplie les plans obliques et les contre-plongées. Il place souvent sa caméra derrière une vitre ou des objets qui dissimulent une partie du plan quand il n'adopte pas la vision floue de Harry Palmer privé de lunettes ou drogué. Il créé ainsi une ambiance oppressante de film noir en plein jour et rend hommage à Fritz LANG avec une scène reprise du "Le Testament du Docteur Mabuse" (1932) et à Alfred HITCHCOCK avec un plan derrière une paire de lunettes tombées à terre qui fait penser à celui de "L Inconnu du Nord-Express" (1951).

Au début des années 80, le groupe Madness a rendu hommage au film et à son acteur principal avec le titre "My name is Michael Caine", véritable hymne de résistance à l'oppression et au formatage identitaire. Et toute une lignée de films d'espionnage réalistes s'en sont inspirés comme "La Taupe" (2011).
 

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Exotica

Publié le par Rosalie210

Atom Egoyan (1994)

Exotica

Le chef-d'oeuvre d'Egoyan commence fort dès le générique. Sur une magnifique musique orientalisante de Mychael Danna au rythme serpentin, hypnotique et lancinant, on suit en travelling un décor de jungle tropicale luxuriant, moite et étouffant. Sans rien savoir du film, nos sens et notre inconscient l'ont déjà décrypté: un voyage dans les fantasmes et les pulsions refoulées (donc exotiques) de chacun: voyeurisme, exhibitionnisme, inceste, meurtre etc. Le spectateur lui-même placé dans une situation voyeuriste se retrouve paradoxalement confronté à des personnages opaques, aux comportements énigmatiques et aux relations troubles. Chacun tente de domestiquer ses désirs en les pliants à un rituel codifié. Thomas drague de beaux garçons ethniquement typés (donc exotiques) en les invitant au ballet Romeo et Juliette de Prokofiev. Son spectacle à lui, c'est la contemplation de son voisin de siège sur la danse des chevaliers. L'ironie est que l'un d'entre eux l'a longuement observé derrière le miroir sans tain d'un aéroport au début du film. Francis se rend un soir sur deux à l'Exotica, un club de striptease pour faire danser Christina à sa table, une très jeune fille déguisée en collégienne. On le voit également donner de l'argent à Tracey, une autre très jeune fille qu'il ramène en voiture pour faire la baby-sitter d'une maison où il n'y a plus que des fantômes à garder. Le DJ de l'Exotica, Eric dévoré de jalousie tient des propos équivoques dès que Christina arrive sur scène et n'hésite pas à transgresser les règles du club au milieu du film, provoquant la pagaille. Le tout au grand dam de Zoé, la patronne qui croit que l'on peut gérer le désir et la sexualité de façon comptable mais qui voit ceux-ci lui échapper. Le film est donc une invitation à percer le mystère et à comprendre les motivations profondes de tous ces personnages à l'image de la chanson qui accompagne les prestations de Christina "Everybody knows" de Léonard Cohen. Les rituels s'apparentent en réalité à une cure psychanalytique où chacun vient soigner ses traumatismes. Tous ont un passé chargé, un héritage familial lourd à porter (Thomas, Zoé), ont été victimes d'abus dans leur enfance (Christina), ont perdu leur famille dans des circonstances tragiques (Francis), sont rongés par la culpabilité (Francis et son frère Harold), minés par une basse estime de soi et l'impossibilité de se réaliser (Christina et Eric) etc.
Ce film puzzle aux apparences trompeuses -le striptease annoncé est celui de l'âme et non celui du corps- appelle plusieurs visionnages qui loin de l'affadir le font monter en puissance.

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