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Articles avec #chokri (monia) tag

Réparer les vivants

Publié le par Rosalie210

Katell Quillévéré (2016)

Réparer les vivants

J'ai beaucoup tergiversé avant de regarder "Réparer les vivants" car j'ai une certaine phobie des images montrant des opérations chirurgicales et je n'ai donc pas pu regarder le passage très documenté de la transplantation cardiaque (comme il m'a toujours été impossible de regarder l'opération de "Les Yeux sans visage") (1960). Néanmoins, j'ai beaucoup apprécié le caractère poétique du film qui donne une dimension spirituelle au don d'organes. L'introduction est magnifique, on est en lévitation avec Simon qui s'envole par la fenêtre sur son vélo avant de surfer, la caméra au ras des vagues. Cet aspect planant, zen ne disparaît jamais totalement du film. Une autre scène montre l'ascension de Simon, tout aussi aérienne vers la jeune fille qu'il aime. Le docteur Remige, chargé de la délicate mission de convaincre les parents de donner le coeur de leur enfant en état de mort cérébrale se ressource en écoutant sur son ordinateur pépier un chardonneret ce qui participe de cette atmosphère. Tout comme la douceur presque élégiaque émanant du personnage de Claire que ses problèmes cardiaques obligent à vivre à petit régime. Par ailleurs, le film se distingue par son casting et sa direction d'acteurs ce qui est une caractéristique du cinéma de Katell QUILLEVERE (tout comme l'inspiration romanesque). Certes, il y a trop de personnages, notamment dans le domaine médical ce qui ne permet pas de donner à tous le relief nécessaire. C'est un choix justifié par le fait que comme dans "Pupille" (2018), on rencontre les maillons d'une chaîne de solidarité appelés à disparaître dès que leur mission est accomplie. Mais certains tirent leur épingle du jeu mieux que d'autres. On retient particulièrement la détresse des parents de Simon (joués par Emmanuelle SEIGNER et Kool SHEN qui est inattendu et particulièrement remarquable), la douceur du personnage de Tahar RAHIM dans le rôle du docteur Remige à l'inverse de la prestation plus sèche et clinique de Bouli LANNERS et enfin une Anne DORVAL lumineuse aux antipodes des rôles joués pour Xavier DOLAN.

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Simple comme Sylvain

Publié le par Rosalie210

Monia Chokri (2023)

Simple comme Sylvain

Des films sur les oppositions de classe sociale, j'en ai vu un certain nombre, dans le registre de la comédie le plus souvent et j'en ai conclu que c'est un terrain glissant voire miné tant il est propice aux clichés. Il comporte quand même son lot de réussites comme "Ainsi va l'amour" (1971) de John CASSAVETES ou dans un registre plus satirique "La Vie est un long fleuve tranquille" (1987) de Etienne CHATILIEZ. Sur "Simple comme Sylvain", je suis beaucoup plus réservée. J'ai apprécié le regard féministe, c'est si rare au cinéma de montrer la sexualité féminine de façon réaliste, c'est à dire avec une bonne connaissance du fonctionnement du corps féminin et des pensées et désirs propres à l'émoustiller (de quoi aider ce pauvre George Brassens à améliorer les statistiques de sa chanson "Quatre-vingt quinze pour cent"). En revanche le "choc des cultures" produit par la rencontre entre deux personnages aux prénoms-programmes, Sophia (sagesse) et Sylvain (forêt) s'il est au début du film très bien mené grâce à un ton alerte, s'essouffle sur la longueur. Surtout, il n'échappe pas à la caricature. Les deux personnages sont dépeints comme de purs produits de leur milieu social, ils sont unidimensionnels. Et ces milieux sont eux-mêmes uniformes. Sophia est une intello, donc forcément elle intellectualise tout et donc forcément son entourage est composé de snobs. Sylvain est un prolo, donc forcément il est inculte, ne marche qu'à l'instinct et a des goûts vulgaires à l'image de son entourage. C'est là qu'une autre réussite aurait fait du bien pour nuancer le tableau, "Le Gout des autres" (1999) d'autant que plus que le mépris de classe y est montré pour être mieux démonté. Dans "Simple comme Sylvain", on a la désagréable impression qu'il en est rien et que l'on rit beaucoup plus aux dépends de Sylvain, ses fautes de langage, son ignorance de la langue anglaise et ses goûts de "plouc" que de Sophia. Goûts de ploucs décrétés d'ailleurs par l'élite bien-pensante (j'ignorais que la République Dominicaine en faisait partie). Plus gênant encore, Sylvain s'avère être un traditionnaliste réac partisan de la peine de mort comme si le fait d'appartenir à la bourgeoisie intellectuelle était une garantie de progressisme. Un petit tour du côté de Pier Paolo PASOLINI et de Stefan Zweig rappelle qu'il n'en a rien été. Alors qu'à l'inverse des gens "simples" ont pu à la même époque agir avec une noblesse dont ces gens-là auraient été incapables.

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Les Amours imaginaires

Publié le par Rosalie210

Xavier Dolan (2010)

Les Amours imaginaires

Ma première expérience avec le cinéma de Xavier DOLAN il y a douze ans avec "Laurence Anyways" (2011) avait été assez négative. Je n'avais vu que les "tics" de mise en scène du cinéaste. Depuis j'ai eu le temps de réviser mon jugement tout en découvrant sa filmographie (que je connais mal). J'ai choisi de regarder "Les amours imaginaires" en raison du fait qu'il est cité très souvent dans les numéros de l'émission d'Arte Blow Up qui est l'une de mes sources d'inspiration cinéphile. Soit en raison de sa symphonie chromatique (rouge, vert, bleu), soit en raison de sa musique, omniprésente avec des morceaux récurrents (la suite pour violoncelle de Bach, le "Bang, Bang" en version italienne chanté par Dalida). Le film s'abreuve à de multiples influences issues des autres arts, musique mais aussi peinture, sculpture, dessin, littérature et bien évidemment cinéma. Si Francis ne renvoie qu'à son interprète, Xavier DOLAN himself, les deux autres pôles de son triangle amoureux sont des fantasmes de cinéma sur pattes. Nicolas (Niels SCHNEIDER) est un éphèbe blond et bouclé, sosie de l'Orphée de Jean COCTEAU (cité) et du David de Michel-Ange (cité aussi). Marie (Monia CHOKRI, magnétique) est un mélange de Audrey HEPBURN (star qu'admire Nicolas) et de Maggie CHEUNG (les nombreux ralentis, les costumes et chignons vintage renvoient autant à Givenchy qu'à "In the Mood for Love") (2000). C'est peut-être une manière de signifier que Francis et Marie qui ont flashé en même temps sur Nicolas se font un film dans lequel ils sont eux-mêmes des stars de cinéma. Leur marivaudage et une partie de l'esthétique du film doit beaucoup à la Nouvelle vague française et à Jean-Luc GODARD en particulier (y compris le canotier qu'il porte dans le court-métrage de Agnes VARDA, "Les Fiances du pont Mac Donald") (1961). On pense aussi à "Jules et Jim" (1962) sauf que comme son titre l'indique, il n'y a pas d'amour dans le film de Xavier DOLAN*. Le seul sentiment authentique est l'amitié qui réunit Francis et Marie mais qui est menacée par leur rivalité pour obtenir les faveurs de Nicolas. Une rivalité attisée par ce dernier qui derrière son visage d'ange se révèle être plutôt maléfique, aimant attirer des proies pour s'amuser avant de les rejeter une fois lassé d'elles. Le bref aperçu de la relation entre Nicolas et sa mère séductrice (Anne DORVAL) laisse entendre que c'est là que se niche l'origine du rapport vicié qu'il entretient avec les autres. Toujours est-il que pour son deuxième film, Xavier DOLAN fait montre d'une grande maîtrise des possibilités offertes par l'outil cinématographique et dissèque avec une grande justesse les souffrances générées par l'illusion amoureuse ainsi que la perversité de leur bourreau, captant la moindre des expressions de leur visage en gros plan, y compris dans l'intimité qu'ils partagent avec quelqu'un qui n'est pas leur objet de désir.

* En cela il est plus lucide que le film de Christophe HONORE, "Les Chansons d'amour" (2007), cité lui aussi à travers le cameo de Louis GARREL.

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