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Articles avec #charles dickens tag

Le mystère d'Edwin Drood (The Mystery of Edwin Drood)

Publié le par Rosalie210

Diarmuid Lawrence (2012)

Le mystère d'Edwin Drood (The Mystery of Edwin Drood)

Le plus grand mystère d'Edwin Drood est celui de sa fin. Nous ne la connaîtrons jamais telle que l'aurait imaginée Charles Dickens étant donné qu'il est mort avant d'en avoir achevé la rédaction. Depuis 1870, nombre d'hypothèses ont fleuri et il existe plusieurs éditions dotées d'une fin écrite par quelqu'un d'autre. Le téléfilm de la BBC compte deux parties de 55 minutes environ. L'une restitue un condensé du roman de Dickens (dont il avait rédigé la moitié), l'autre imagine le dénouement. Dickens innovait en créant un univers proche du thriller à la Alfred HITCHCOCK. "Le mystère d'Edwin Drood" aurait pu s'appeler en effet "Un homme disparaît". Mais, sans doute est-ce dû à l'écriture plus moderne et pleine de twists de la scénariste Gwyneth HUGHES, j'ai été bien plus captivée par la deuxième partie qui montre l'oncle d'Edwin basculer dans la folie. Personnage aigri et frustré, le chef de choeur et professeur de musique John Jasper (interprété excellemment par Matthew RHYS) développe une obsession amoureuse mortifère pour l'une de ses élèves, Rosa (Tamzin MERCHANT) qui est promise à son neveu, Edwin (Freddie FOX, neveu du célèbre James FOX, on est dans "Dynastie") (1981)) depuis l'enfance. Dans ses délires opiacés, il se voit étrangler le gêneur au pied de l'autel alors qu'il n'est en façade que tout sourire devant le jeune blanc-bec vaniteux et agaçant. On comprend donc l'aversion qu'éprouve pour lui Neville Landless venu avec sa soeur Helena de Ceylan pour parfaire leur éducation. Même si Charles Dickens n'a pas précisé leur origine, dans cette version, ce sont deux indiens ce qui les confronte au racisme de la société britannique et place Neville (impulsif et que Rosa ne laisse pas indifférent) en position de coupable idéal. Mais le point fort de la série reste la description des tourments de Jasper, torturé par les affres de la jalousie et confondant le rêve et la réalité: bien pratique pour multiplier les pistes! (De même que le fait que tous les personnages principaux soient orphelins).

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De grandes espérances (Great Expectations)

Publié le par Rosalie210

Brian Kirk (2011)

De grandes espérances (Great Expectations)

C'est noël et ses nombreux rituels. Parmi ceux que j'aime, la diffusion de séries de la BBC adaptées de classique de la littérature et toujours gage de qualité. La preuve encore avec "Les Grandes espérances" de Charles Dickens déclinées sur trois épisodes de 54 minutes chacun. L'emballage est particulièrement soigné avec une attention toute particulière aux décors, costumes et maquillages de Miss Havisham (Gillian ANDERSON) et de son château qui tombe réellement en poussière au fil des épisodes. Il moisit, pourrit sur pied tout en dégageant un certain charme gothique et macabre, noyé dans la brume comme le veut le roman original. Le noircissement de la robe de mariée que porte perpétuellement Miss Havisham et sa mise de plus en plus négligée la font passer du statut de reine des neiges un peu givrée à celui de zombie. Ce personnage et ce lieu, centre de gravité du film a d'ailleurs sans nul doute inspiré le très beau générique où l'on assiste à l'éclosion d'un papillon blanc qui s'obscurcit jusqu'au noir intégral. L'autre aspect très réussi de la série est son scénario qui met l'accent sur les problèmes identitaires des personnages et leurs obscures filiations. A commencer par Pip (Douglas BOOTH), balloté entre deux mondes et qui en aspirant à rejoindre la haute par amour pour une étoile inaccessible risque de se brûler les ailes. Cela peut également être un autre sens du papillon noir qui se serait calciné au contact de Miss Havisham et de sa protégée, Estella (Vanessa KIRBY). Un coeur aveuglé par la honte sociale et donc injuste. Mais Estella, manipulée depuis l'enfance par une marâtre qui l'utilise comme un outil de vengeance n'est pas mieux lotie: elle se retrouve prisonnière dans une cage aux fauves qui menace de la dévorer. Au passage, je souligne l'élégance de la mise en scène à ce moment-là qui déplace la violence sur un cheval (tout en la suggérant pour sa maîtresse) et fait de celui-ci le protagoniste de la délivrance de l'héroïne. La nature est en effet montrée comme salvatrice face à une société toxique: l'une des scènes les plus inspirées de la série montrent Pip et Estella s'embrasser au milieu d'une rivière, les gambettes en contact avec l'eau et le sol. La plupart des seconds rôles sont soignés même si quelques uns sont un peu survolés. Petit bémol sur l'interprétation de Douglas BOOTH, un peu lisse.

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David Copperfield

Publié le par Rosalie210

George Cukor (1935)

David Copperfield

David Copperfield  

Adaptation réussie quoiqu'assez impersonnelle du célèbre roman de Charles Dickens. La fiche Wikipedia correspondante est d'ailleurs révélatrice "un film de David O. SELZNICK pour la MGM réalisé par George CUKOR" ^^. Le film est donc une œuvre de prestige à gros budget réunissant un brillant casting excellemment dirigé. L'impressionnante galerie de personnages hauts en couleur est bien croquée que ce soit le marin Dan Peggotty (Lionel BARRYMORE), M. Micawber le panier percé incorrigible inspiré du père de Dickens (W.C. FIELDS) ou Dora, la première épouse de David dont j'ai vraiment cru à un moment qu'il s'agissait d'une véritable petite fille (Maureen O SULLIVAN, la mère de Mia FARROW connue pour son interprétation de Jane dans les premiers Tarzan). Quant à David lui-même, il est formidablement joué enfant par Freddie BARTHOLOMEW . "David Copperfield" n'est pas seulement un récit d'apprentissage, c'est aussi un portrait (comme Oliver Twist) de l'enfance maltraitée et exploitée dans l'Angleterre victorienne à résonance autobiographique. Se plaçant à hauteur d'enfant dans sa première partie, il rend d'autant plus insupportable le comportement prédateur de certains adultes, seulement contrebalancé par l'humanité qu'ont su conserver quelques-uns d'entre eux.

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Le noël de Mickey (A Christmas Carol)

Publié le par Rosalie210

Burny Mattinson (1983)

Le noël de Mickey (A Christmas Carol)

Un court-métrage qui éclipse le long-métrage pour lequel les spectateurs s'étaient initialement déplacés, c'est ce qui est arrivé en 1983 lorsque "Le noël de Mickey" adapté du "Christmas Carol" de Dickens fut diffusé pour la première fois aux Etats-Unis en première partie d'une ressortie de "Les Aventures de Bernard et Bianca" (1976). En France, il passait la même année juste avant "Blanche Neige et les 7 Nains" (1937) et pourtant c'est "Le Noël de Mickey" qui me fit la plus forte impression. Il faut dire qu'autant de personnages de la famille Disney (Mickey, Minnie, Donald, Picsou, Riri, Fifi, Loulou, Daisy, Dingo, Jiminy Cricket, Pat Hibulaire, Tic et Tac, etc.) ainsi rassemblés dans une même œuvre au format court et rythmé célébrant la magie de noël, c'est un régal.

En dépit de son titre, ce n'est pas Mickey le héros du film, même si Cratchit est son rôle au cinéma le plus célèbre avec celui de l'apprenti-sorcier de "Fantasia" (1940). Le héros c'est Picsou dont on découvre à l'occasion que son créateur, Carl Banks (!) avait pris pour modèle le personnage principal du "Chant de noël" de Dickens au point de lui donner en VO le nom de Scrooge McDuck. Picsou et Scrooge ne font donc qu'un et la conversion de ce féroce capitaliste aux valeurs humanistes s'inscrit dans une logique critique que l'on avait déjà pu observer dans "Mary Poppins" (1964) où il s'agissait justement de sauver M. Banks de sa propre folie ^^. Au vu du message de sa suite "Le Retour de Mary Poppins" (2018) il n'est pas sûr qu'aujourd'hui, Picsou économiserait "toute une vie de travail" pour finalement (re)distribuer son argent aux pauvres. Il préfèrerait l'investir pour que ça lui rapporte plus gros.

D'autre part on constate que le côté politiquement incorrect de l'oeuvre de Dickens a été gommé dans le remake en motion capture de 2007 réalisé par Robert ZEMECKIS. En effet dans "Le noël de Mickey" il y a plusieurs allusions à la judéité de Scrooge et de Marley ce qui n'est guère surprenant chez Dickens dont les oeuvres comportent plusieurs caricatures d'usuriers juifs (dont la plus célèbre est celle de Fagin dans "Oliver Twist"). La conversion de Scrooge à l'esprit de noël dans ce contexte s'avère donc aussi être d'ordre religieux, Dickens confondant la religion et le statut économique et social dans lequel ont été enfermé les juifs dans les sociétés chrétiennes.
 

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Le Drôle de Noël de Scrooge (A Christmas Carol)

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (2009)

Le Drôle de Noël de Scrooge (A Christmas Carol)

"Le Drôle de Noël de Scrooge" est la troisième adaptation du célèbre conte de Charles Dickens par les studios Disney après "Le Noël de Mickey" (1983) et "Noël chez les Muppets" (1992). C'est également la troisième film d'animation en motion capture de Robert ZEMECKIS après "Le Pôle Express" (2004) et "La Légende de Beowulf" (2007). La fascination de Robert ZEMECKIS pour les nouvelles technologies notamment en ce qui concerne la combinaison entre le réel et l'animation l'ont poussé à fonder le studio d'effets spéciaux numériques IMD (Image Movers Digital) qui a été ensuite racheté par Disney de 2007 à 2010. C'est durant cette période de collaboration qu'est né un film dont l'aspect expérimental, lugubre et effrayant l'emporte sur l'aspect édifiant et merveilleux. On retrouve en effet les thèmes chers du réalisateur tels que l'hybridité, l'envol (les séquences aériennes sont proprement vertigineuses), les voyages spatio-temporels ou le dédoublement (les acteurs prêtent leurs traits à plusieurs personnages, par exemple Jim CARREY joue les trois fantômes en plus de Scrooge). Certains passages du film utilisent les effets 3D pour flirter avec le film d'épouvante notamment la séquence cauchemardesque du fantôme des noëls futurs. Robert ZEMECKIS y expérimente avec brio le passage de la 2D à la 3D quand l'ombre de la main de la grande faucheuse prend du volume ce qui la rend autrement plus tangible et effrayante.

En dépit de tous ces aspects positifs, le film n'est pas une pleine réussite. Tout d'abord parce que la morale du conte est aujourd'hui frappée d'obsolescence. "L'esprit de noël" apparaît comme un moyen de s'acheter (ou se racheter) une bonne conscience à peu de frais. La fête en elle-même ressemble surtout à un moment social convenu où il est de règle selon la morale chrétienne d'être convivial, généreux et charitable (ce qui dispense de l'être le reste de l'année?). Scrooge a beau être un odieux personnage, on perçoit aujourd'hui que ce qui est stigmatisé dans son comportement ce n'est pas seulement son inhumanité mais également sa résistance à la norme. On ne peut pas expliquer autrement par exemple l'acharnement de son neveu à vouloir l'inviter chez lui alors que sa réaction naturelle aurait été de le fuir. Cette confusion explique que la rédemption morale de Scrooge passe par sa soumission aux règles du jeu social. La manière dont a lieu cette rédemption est d'ailleurs discutable tant elle semble motivée par la crainte de la damnation bien plus que par une conversion authentique. Il faut dire que la peur de l'enfer était un bon moyen pour l'Eglise d'établir son emprise sur les âmes. Mais le recul de son influence sur les sociétés européennes fait que les ficelles idéologiques du conte apparaissent plus visibles. Ensuite la technique d'animation en motion capture produit un résultat assez froid et artificiel. Les personnages en particulier ressemblent à des pantins sans substance, ni âme. Leurs visages manquent d'expressivité, leurs mouvements de fluidité et leurs corps de densité.

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Oliver Twist

Publié le par Rosalie210

Frank Lloyd (1922)

Oliver Twist

Les œuvres de Charles Dickens ont été adaptées dès les débuts du cinéma. Ainsi le tout premier film en rapport avec "Oliver Twist" date de 1897. Il s'agit d'un court-métrage mettant en scène sous forme de sketch la mort de Nancy Sikes. Suivront un deuxième court-métrage en 1909 puis deux longs-métrages en 1912 et 1920 perdus en totalité ou en partie. Le film de Frank Lloyd de 1922 a lui même été considéré comme perdu jusqu'à ce qu'on en retrouve une copie sans intertitres et légèrement incomplète dans les années 70. Par conséquent David Lean ne pouvait pas s'en inspirer alors que la version de Polanski comporte plusieurs passages quasiment identiques au film de Lloyd (Oliver défaisant les cordages de navire, enlevant les marques des mouchoirs, contemplant la borne kilométrique indiquant la distance à parcourir jusqu'à Londres, la première apparition de Nancy et de Beth...)

La version de Frank Lloyd (qui avait déjà adapté un livre de Dickens en 1918, "Un conte de deux villes") est sans doute la plus fidèle de toutes au roman d'origine mais elle en diffère quand même sur un point: elle est moins sombre. Oliver n'est pas fouetté par M. Sowerberry et les facéties du petit Jackie Coogan (la star du "Kid" de Chaplin, tourné un an auparavant) désamorcent la violence de plusieurs scènes. D'autre part contrairement à la version de Lean et de Polanski, il n'est pas frappé par un passant lorsqu'il s'enfuit après le vol dont est victime M. Brownlow et il n'est pas utilisé comme bouclier humain par Sikes lorsqu'il s'enfuit sur les toits. Conformément au roman, il est recueilli et soigné après sa blessure au bras par les deux femmes qu'il avait tenté malgré lui de cambrioler (absentes aussi bien chez Lean qui escamote cet épisode que chez Polanski qui les remplace par un cambriolage chez M. Brownlow). Par conséquent il n'est pas arraché aux griffes de ses bourreaux à la dernière minute mais un bon quart d'heure avant la fin du film ce qui en déplace l'enjeu. Celui-ci devient une enquête sur les origines d'Oliver.

Outre sa fidélité au roman, le film se distingue par l'excellence de son interprétation. Outre Jackie Coogan qui compose dans la lignée du Kid un Oliver plus facétieux que pathétique, le film comporte une autre star de l'époque dans le rôle de Fagin, Lon Chaney. Ses caractéristiques sont proches des illustrations du livre de Dickens signées Cruikshank mais en 1922 les caricatures de receleurs juifs ne choquent personne alors qu'en 1948 le nez crochu d'Alec Guiness provoquera la polémique. Lon Chaney compose un Fagin fourbe à souhait mais son rôle est réduit, il est manifeste que des passages le concernant ont disparu, surtout à la fin. Les acteurs qui jouent Sikes et Nancy (Georges Siegmann et Gladys Brockwell) sont également remarquables de nuances. Le premier n'est pas qu'une brute épaisse, il est hanté par son crime et étreint par la peur et le remord. La seconde est à la fois pleine de vivacité et de mélancolie.

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Oliver Twist

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (2005)

Oliver Twist

"Oliver Twist" est une sorte de suite officieuse du "Pianiste". Les points communs entre les deux films (qui se suivent dans la filmographie de Polanski) sont nombreux: adaptation d'une oeuvre littéraire, reconstitution historique, personnage de victime passive, ballottée par les événements et sauvée par un don naturel dans lequel Polanski a mis beaucoup de lui-même. Comme Oliver, Polanski est un ancien enfant rescapé de l'horreur. Et comme Szpilmann, son talent artistique l'a sauvé. S'y ajoute également une crudité dans la violence qui était absente du film de David Lean, plus onirique (même si Polanski choisit lui aussi de ne pas montrer le meurtre de Nancy). Enfin, le sauvetage s'accompagne d'un sentiment de perte et de la mélancolie qui l'accompagne. Dans le "Pianiste", Szpilmann se retrouve orphelin et ne peut remercier son bienfaiteur qui meurt prisonnier des russes. Dans "Oliver Twist" il n'y a pas le happy-end qu'il y avait chez Lean car le bonheur d'Oliver chez M. Brownlow est terni par l'exécution de Fagin qu'il considère également comme son bienfaiteur. Les liens d'affection avec ce dernier sont beaucoup plus mis en valeur que chez David Lean ce qui explique cette fin douce-amère. L'ambiguïté de la relation entre le bourreau et sa victime caractéristique du cinéma de Polanski se retrouve donc même dans un film dit "pour enfants". On peut d'ailleurs souligner que Polanski a enlevé tout ce qui a trait à la famille biologique d'Oliver. Sa mère n'apparaît pas de même que son demi-frère Monks. Ce déracinement est pour beaucoup dans l'impression que le destin d'Oliver se joue sur du hasard et de la chance bien plus que sur une quête des origines.

L'adaptation de Polanski est donc beaucoup plus personnelle qu'on ne l'a dit. Il a créé un Oliver qui lui ressemble. Le "Pianiste" avait été taxé à sa sortie d'académique avant que la Palme d'or et le succès du film n'en révèlent l'originalité. Même si "Oliver Twist" est moins réussi que le "Pianiste". D'abord parce que c'est la énième adaptation du chef-d'oeuvre de Dickens et qu'il y a quand même un air de déjà-vu. Ensuite la reconstitution trop léchée tue un peu l'émotion. A moins que ce ne soit le jeu de Barney Clark (Oliver) que je ne trouve pas très convaincant. Néanmoins il s'inscrit parfaitement dans l'oeuvre de Polanski et à ce titre il vaut le détour.

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Oliver Twist

Publié le par Rosalie210

David Lean (1948)

Oliver Twist

"Oliver Twist" est le roman le plus connu de Charles Dickens et l'un des plus adaptés que ce soit pour le théâtre, le cinéma ou la télévision. Après "Les Grandes Espérances" en 1946, "Oliver Twist" est le deuxième film de David Lean inspiré par cet auteur. Ce n'est cependant pas la première version cinématographique du roman puisqu'un film muet du début des années 20 a été retrouvé dans les années 70 avec Lon Chaney (dans le rôle de Fagin) et Jackie Coogan (dans le rôle d'Oliver). Les versions antérieures ont été perdues partiellement ou totalement.

La version de David Lean est l'une des plus fidèles au roman dont elle restitue la critique sociale et la puissance romanesque. Elle conserve aussi l'aspect mélodramatique et les invraisemblances des rebondissements propres aux conventions du roman-feuilleton. S'y ajoute l'excellence de l'interprétation et une mise en scène inspirée, proche par moments de l'expressionnisme allemand. La séquence d'ouverture, très forte, fait penser à "Faust" de Murnau. On y voit une jeune femme sur le point d'accoucher, hors mariage et donc sans abri, luttant contre les éléments déchaînés symbolisant sa propre douleur. La photographie donne une allure inquiétante aux branches nues des arbres, aux nuages noirs qui s'amoncellent et au souffle du vent sur l'eau. Et lorsqu'elle entre à l'hospice, la mise en scène suggère qu'elle enferme son enfant dans un tombeau. La privation d'air et de lumière à laquelle est soumise Oliver est sans cesse rappelée, suggérant son interminable descente dans les enfers des bas-fonds. A l'hospice, il travaille et vit dans des espaces souterrains. Chez le croque-mort, il dort parmi les cercueils et mange au sous-sol. Chez Fagin, il vit dans un taudis aux fenêtres closes. Les décors (par exemple les toiles peintes représentant la ville en perspective, les escaliers qui se chevauchent, les coins de rue en arêtes vives) sont hérités également du muet. On pense par exemple à "L'heure suprême" de Frank Borzage avec le pont suspendu au dernier étage d'un immeuble parisien offrant une vue onirique sur la cité endormie.

Mais par contraste avec ces ténèbres qui l'entourent, la lumière est également soulignée. Celle qui émane d'Oliver, petit garçon pâle et frêle qui conserve son innocence en dépit de toutes les horreurs qu'on lui fait subir et en dépit des tentatives de corruption dont il est l'objet. Celle des gens qui le reconnaissent comme tel et tentent de le protéger, jouant le rôle des parents qu'il a perdu. M. Brownlow dont la demeure évoque le paradis perdu puis retrouvé et Nancy qui en se sacrifiant apparaît comme une mère de substitution. Ce symbolisme a d'ailleurs fait l'objet d'une polémique à la sortie du film, taxé d'antisémite. Oliver est un petit ange blond qui fait très aryen alors que Fagin (joué par un Alec Guiness méconnaissable sous le maquillage) possède tous les traits de la caricature antisémite très vivace dans les années 30 et 40: énorme nez crochu, barbe et cheveux longs, dos voûté, air fourbe, avarice... Lean s'est défendu en disant que jamais le mot juif n'est prononcé dans le film. Mais en fait, l'antisémitisme est logé dans l'œuvre originale. Lean s'est inspiré des descriptions de Dickens et des illustrations de Cruikshank les accompagnant. Comme le souligne Laurent Bury (professeur de littérature anglaise à Lyon 2) dans les bonus du DVD, les auteurs britanniques du XIX° étaient presque tous antisémites, cette caricature était donc largement répandue.

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Les Grandes Espérances (Great Expectations)

Publié le par Rosalie210

David Lean (1946)

Les Grandes Espérances (Great Expectations)

La meilleure adaptation du roman de Charles Dickens, à la lisière de l'étrange et du fantastique. Il y a le cimetière fantomatique et ses bagnards évadés aux mines patibulaires et puis bien entendu le manoir délabré et poussiéreux où vit recluse Mrs Havisham (Martita Hunt). Depuis qu'elle a été abandonnée le jour de ses noces, elle a arrêté le temps, laissant tout pourrir sur pied. Ceux qui connaissent l'attraction "Phantom Manor" à Disneyland Paris ont une idée précise de l'ambiance lugubre de ce lieu. La légende de la fille Ravenswood qui sert de base à l'attraction est en effet tout droit sortie du roman de Dickens ("Panthom Manor" est également matîné d'influences française et américaine: "Le fantôme de l'opéra" et la maison de "Psychose" ont également été des sources d'inspiration).

Mais Mrs Havisham ne se contente pas de gâcher sa vie dans une existence mortifère, elle veut perpétuer son malheur. Elle élève une petite fille, Estella pour en faire un instrument de vengeance. Afin de lui aiguiser l'appétit, elle lui donne Pip, le fils du forgeron comme compagnon de jeu et souffre-douleur. Lean a révélé dans ce film le talent de la jeune Jean Simmons qui joue Estella adolescente ainsi que celui d'Alec Guiness qui joue Herbert Pocket, l'ami de Pip. En revanche, il a été moins inspiré pour le choix de Pip adulte. John Mills paraît beaucoup trop vieux pour le rôle (il a 38 ans et est censé en paraître 21!) même s'il est talentueux. Quant à Estella adulte (Valérie Hobson), elle manque un peu de caractère comparé à Jean Simmons.

"De grandes espérances" est un récit initiatique dans lequel Pip doit apprendre le discernement (le brouillard est très présent dans le film). Alors que Mrs Havisham ne lui veut que du mal, il se méprend sur ses intentions et croit qu'elle est sa bienfaitrice. Et plus Estella le maltraite, le manipule et le rejette, plus il s'éprend d'elle, ne cherchant jamais à lui résister. Il faut dire que la femme qui l'a élevé est un véritable dragon. A l'inverse il est terrifié par Abel Magwitch le bagnard (Finlay Currie) qu'il prend pour un croquemitaine alors qu'il cache un grand coeur et une profonde blessure. Il n'est pas plus tendre envers son père adoptif, le forgeron Joe (Bernard Miles), timide et maladroit mais profondément bon. Pourtant ce sont ces deux hommes situés dans les tréfonds de l'échelle sociale qui lui permettront de s'en sortir alors que l'aristocrate hautaine est condamnée à brûler en enfer. La vision de la "justice" britannique est d'ailleurs très critique, s'abattant impitoyablement sur les malheureux pour les broyer.
 

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