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Articles avec #capra (frank) tag

L'Homme de la rue (Meet John Doe)

Publié le par Rosalie210

Frank Capra (1941)

L'Homme de la rue (Meet John Doe)

Grand film sur la manipulation des masses, "L'Homme de la rue" devrait être étudié dans toutes les écoles tant il est éclairant sur la fragilité de nos sociétés démocratiques contemporaines. Les ingrédients qui ont fait basculer une partie du monde dans le totalitarisme et la seconde guerre mondiale (époque de la réalisation du film) sont en effet plus que jamais d'actualité: rôle clé des médias, du spectacle et de la communication (et toutes ses dérives, du sensationnalisme aux fake news), politique politicienne, corruption, populisme, extrémisme sur fond de crise économique, sociale et morale.

Contrairement à la plupart de ses autres films, Capra ne fait ici aucun compromis. Il n'y a pas de chevalier blanc à se mettre sous la dent même si l'humanisme profond du réalisateur nourri de valeurs chrétiennes tempère ce pessimisme radical. Le fait que John Willoughby (Gary COOPER) "l'interprète" et Ann Mitchell (Barbara STANWYCK) le "cerveau" finissent par croire à la créature qu'ils ont créé de toutes pièces (le fameux John Doe, porte-parole de la colère et des espérances du peuple) ne change rien au fait qu'il s'agit d'un coup monté qu'ils cautionnent et alimentent. Ils manipulent la foule et se font manipuler eux-mêmes par les journalistes et les politiciens qui espèrent en retirer un bénéfice personnel. On ne perd jamais le vue les avantages matériels qu'ils en retirent ce qui porte un sacré coup à leur sincérité vis à vis des idéaux qu'ils sont censés défendre et dans lesquels ils finissent d'ailleurs par se perdre (Willoughby finit par être dévoré par son personnage alors que son pygmalion tombe amoureuse sa créature dans une configuration pas si éloignée du "Vertigo (1958)" de Alfred HITCHCOCK).

Le dispositif que Capra met en place oblige le spectateur à faire preuve d'esprit critique. Si le discours prononcé par John Willoughby à la radio est avalé tel quel par la foule crédule, il n'en va pas de même du spectateur. D'abord parce que nous savons que Willoughby joue un rôle (Capra fait également de son film une réflexion sur le pouvoir du cinéma à créer l'illusion et à manipuler les foules). Ensuite parce qu'il nous dévoile les coulisses de l'opération en nous offrant d'autres points de vue. A un extrême, celui du politicien D.B Norton (Edward ARNOLD) propriétaire du journal où travaille Ann Mitchell et financeur des comités John Doe qui se frotte les mains en songeant à la façon dont il va pouvoir utiliser ce mouvement d'opinion pour se hisser au pouvoir. Et à l'autre l'extrême, celui de l'ami de Willoughby, le Colonel (Walter BRENNAN), un marginal libertaire en rupture avec les valeurs de la société américaine auteur d'une tirade sur l'aliénation par la consommation d'une incroyable justesse. Par conséquent il voit clair dans le jeu de chacun dès le départ et ne souhaite qu'une chose: fuir, tant qu'il est encore temps.

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La Vie est belle (It's a Wonderful Life)

Publié le par Rosalie210

Frank Capra (1946)

La Vie est belle  (It's a Wonderful Life)


"La vie est belle" est l'œuvre somme de Capra, celle qui condense à la fois tout son savoir faire et toutes ses convictions. Le film est en effet à la fois engagé et tourmenté.

Engagé tout d'abord. L'image de la cloche de la liberté rappelle "Pourquoi nous combattons" la série de sept films de propagande commandés par le gouvernement des États-Unis à Capra durant la Seconde Guerre mondiale pour expliquer aux soldats américains la raison de l'engagement des États-Unis dans la guerre. Mais le combat dont il s'agit ici est celui du petit entrepreneur face au "Big Business". Un combat qui trouve sa source dans le rêve américain mis en péril par les trusts. Le petit entrepreneur c'est Capra lui-même qui décide de monter sa propre société de production "Liberty Films" face à l'emprise grandissante des Majors sur la production. George Bailey (James Stewart) est le double de Capra, lui qui se bat dans le film pour empêcher l'agence de construction et de prêt de son père de tomber entre les griffes du magnat local Potter, cynique et malhonnête.

Tourmenté ensuite. Capra est un humaniste et un idéaliste mais ses films n'ont rien de naïf. Bien au contraire ils témoignent d'une connaissance approfondie de l'âme humaine. George Bailey comme tous les héros de Capra est une figure christique, sacrificielle qui par son altruisme sauve sa communauté. Son sens des responsabilités l'amène à sacrifier son ambition personnelle et ses rêves d'évasion égoïstes. Mais Capra nous rappelle ce qu'il en coûte d'être un homme bien. A chaque étape de sa vie, la facture de ses renoncements s'alourdit et un jour, elle explose, conduisant George au bord du suicide. Avant d'en arriver là, plusieurs scènes admirables nous montrent un George ambivalent quant à sa famille vue à la fois comme une source d'affection et comme une prison. On le voit tirer à boulets rouges sur une ruine qui pourtant deviendra sa maison, éprouver des sentiments contradictoires pour Mary (Donna Reed) qui l'attire autant qu'il la rejette et plus tard houspiller ses enfants jusqu'à lâcher qu'il n'aurait pas dû les avoir.

L'intervention du surnaturel a pour but de nous éclairer autant que de sauver George. A la différence d'un film réaliste où il est impossible à l'homme d'avoir une vision globale des conséquences de ses actes sur autrui, George découvre la valeur humaine de ce qu'il a accompli et par conséquent la source du vrai bonheur. Comme le disait Stephan Zweig dans "Le Monde d'hier", "Toute ombre est fille de la lumière et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres a vraiment vécu." C'est parce qu'il a échappé de peu au néant qu'il peut éprouver un telle euphorie à la fin du film. 

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L'Extravagant Mr.Deeds (Mr. Deeds goes to Town)

Publié le par Rosalie210

Frank Capra (1936)

L'Extravagant Mr.Deeds (Mr. Deeds goes to Town)

Film sur le choc des cultures et l'exploitation de l'homme par l'homme, "M. Deeds go to town" jette une des figures christiques dont Capra a le secret dans le panier de crabes (exactement comme dans "M. Smith go to Washington" par exemple). En effet si le comportement d'enfant-adolescent de Deeds est une énigme pour ceux qui ne jurent que par l'argent ou la gloire, son fabuleux héritage (dont il ne veut pas) lui vaut d'être la proie de tous les escrocs de New-York. Ils le prennent d'abord pour un idiot puis lorsqu'ils s'aperçoivent qu'il ne l'est pas et qu'il sait se défendre, ils tentent de le faire passer pour un fou. Jusqu'à ce qu'au tribunal s'engage un débat mémorable sur les notions de normalité et de différence, Deeds renvoyant à chacun le reflet de sa propre étrangeté.

A cette dimension de fable humaniste il faut rajouter un contexte politique, celui de la crise économique et du New Deal. Deeds incarne Roosevelt et Keynes c'est à dire celui qui aide les chômeurs (principalement les fermiers expropriés) à se reconstruire alors que son antagoniste l'homme de loi M. Cedar qui l'accuse de subvertir le système incarne le capitalisme corrompu.

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