Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #branagh (kenneth) tag

Le crime de l'Orient-Express (Murder on the Orient Express)

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (2017)

Le crime de l'Orient-Express (Murder on the Orient Express)

Kenneth Branagh étant peu apprécié en règle générale des critiques français, il n'est guère étonnant que son dernier film ait été fraîchement accueilli. Pourtant cette adaptation contemporaine du roman policier d'Agatha Christie ne m'a pas ennuyée une seconde. Tout simplement parce que Branagh qui a le sens de l'image et du rythme a eu la bonne idée de retourner la veste du roman en rendant intérieur ce qui était extérieur et vice-versa. L'intrigue policière centrale dans le roman étant éventée depuis longtemps, elle est un peu sacrifiée en dépit de son prestigieux casting faisant écho au film de Sidney LUMET (Judi DENCH, Michelle PFEIFFER, Penélope CRUZ, Daisy RIDLEY,Willem DAFOE, Johnny DEPP etc.)

Le principal intérêt du film repose donc sur les épaules du personnage de Hercule Poirot, revu et corrigé par Kenneth BRANAGH. Simple rouage de l'intrigue sans consistance dans le roman, il devient ici un héros à la fois surdoué et tourmenté, en inadéquation avec son environnement. Le prologue à Jérusalem dans la lignée des James Bond, Ethan Hunt ou Indiana Jones campe fort bien sa personnalité. Une perception manichéenne du monde, l'obsession de la perfection, la hantise du déséquilibre et de la faille qui est à l'origine de ses dons exceptionnels pour débusquer les coupables mais aussi de son « splendide isolement ». Son voyage à bord de l'Orient Express symbolise son cheminement vers l'acceptation en lui des zones grises de l'âme humaine, celles qui fracturent l'âme et brouillent les frontières entre le bien et le mal. L'avalanche qui bloque le train et fissure le verre du cadre contenant la photo du grand amour perdu constitue de ce point de vue un tournant irrémédiable. Poirot se retrouve pris au piège d’un dilemme moral sans autre issue que l’acceptation d’un déséquilibre dans le balancier de la justice. Ou il dénonce les coupables et cautionne une institution défaillante qui non seulement n’a pas joué son rôle mais a aggravé l’étendue du mal en faisant de nouvelles victimes. Ou il les couvre et doit mentir à l’institution judiciaire. Dans les deux cas, il y perd son intégrité. On comprend qu’il soit tenté un moment par le suicide. C’est cette dimension tragique, ce déchirement tout shakespearien « to be or not to be » qui m’a scotché au film. Branagh a réussi à faire sienne une œuvre qui a priori était très éloignée de lui. Il lui a insufflé une nouvelle vie en faisant de l’humanisation du détective un enjeu central.

Voir les commentaires

Hamlet

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1996)

Hamlet

"Hamlet" est l'œuvre-somme de Shakespeare et Branagh, lui répondant en miroir en a fait son film-somme. Une œuvre monumentale de 4 heures (en version longue) pour laquelle Branagh a convoqué différents pans de la mémoire du cinéma hollywoodien dans ce qu'il a de plus puissant, de plus spectaculaire. Cela va du muet (la séquence finale en montage alterné et suspense dilaté fait penser à "Naissance d'une nation" de D.W. Griffith) jusqu'aux grandes fresques des années 50-60 comme le "Docteur Jivago" de David Lean (choix du format 70 mm, des paysages enneigés et de l'actrice principale Julie Christie pour jouer Gertrude) ou "Ben-Hur" de William Wyler (également pour le 70 mm, la durée de 4 heures et Charlton Heston qui joue le chef de la troupe des comédiens).

C'est donc du très grand spectacle qui nous est offert. Mais c'est aussi une réflexion sur le spectacle et son rapport avec la vie. Le jeu de miroirs accentue le théâtre dans le théâtre qui est au cœur de la pièce. Il s'agit du célèbre passage de mise en abyme où des comédiens rejouent la scène du meurtre de Hamlet père par son frère Claudius dont la réaction épidermique a valeur d'aveu. Le simulacre de la pièce dans la pièce accouche d'une vérité (de plusieurs même puisque Claudius comprend à cette occasion qu'Hamlet connaît son secret). A l'inverse, lorsque la pièce "imite" la vie, elle prend l'allure d'une énorme mascarade sociale. Claudius, forcé de dissimuler son crime joue la comédie à tout le monde et Hamlet excelle à feindre la folie furieuse pour déstabiliser son entourage. Sans parler des scènes ou celui-ci se sait observé derrière un rideau ou un miroir sans tain et en rajoute à l'intention de son public.

"Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark". Effectivement le royaume-monde dans lequel se déroule le film, clos sur lui-même, entouré de grilles, de bibliothèques, de rideaux, de miroirs a quelque chose de terriblement claustrophobique. La transposition de cet univers dans un XIX° très "fin de siècle" en accentue le caractère décadent. C'est en effet à cette époque que l'aristocratie anglo-saxonne, rongée par la consanguinité s'est progressivement éteinte. Or ce "Hamlet" met particulièrement bien en valeur l'aspect nihiliste, "no future" de l'histoire. Les enfants de "Hamlet" sont pris au piège de relations incestueuses dont ils ne parviennent pas à se défaire. C'est évidemment le péché originel de Claudius-serpent qui convoite le trône et la femme de son frère aîné et s'en empare par le crime. C'est Hamlet fils, privé d'identité propre qui en dépit de ses atermoiements (eux-mêmes troubles) ne parvient pas à devenir autre chose que le bras armé de la statue du commandeur qu'est son père. Il finit dans le film littéralement crucifié. C'est également Ophélie, rejetée par Hamlet qui la défend de concevoir et l'enjoint d'entrer dans un couvent. Ophélie dont l'amour pour Hamlet ne fait pas le poids face à l'emprise de son père Polonius dont elle ne supportera pas la mort. Les images claustrophobiques s'accentuent alors et on voit cette pauvre Ophélie se jeter contre la grille qui la sépare du corps de son père puis se cogner contre les murs de sa cellule de contention dans sa camisole de force jusqu'à ce qu'elle en dérobe la clé et aille se jeter dans la rivière pour le rejoindre.

Dans ce contexte verrouillé, il n'est guère étonnant que tout ce petit monde s'entretue jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne. Le royaume d'Elseneur, envahi de toutes part s'écroule alors comme un château de cartes. Et le film de refermer la boucle en rappelant que les statues réputées les plus indéboulonnables meurent aussi (une référence sans doute à "Octobre" d'Eisenstein où la statue du Tsar est brisée). Toute forme de passion (pouvoir, argent, plaisir) n'est-elle pas que vanité en ce bas-monde ou rien ne dure?

Voir les commentaires

La flûte enchantée (The magic Flute)

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (2006)

La flûte enchantée (The magic Flute)

Après Ingmar Bergman en 1975, Kenneth Branagh a été le deuxième réalisateur à proposer une version cinématographique de la "Flûte enchantée" en 2006. Désireux tout comme Bergman en son temps de rendre accessible l'opéra le plus connu mais aussi le plus ésotérique de Mozart, il a pris un certain nombre de risques:

- Il a transposé l'histoire dans le contexte de la première guerre mondiale ce qui donne une profondeur supplémentaire à cette histoire où s'affrontent la lumière et les ténèbres, la paix et la guerre, l'amour et la haine ou encore la fraternité et le combat. Ce choix est en tout cas plus convaincant que celui de situer "Peines d'amours perdues" son précédent film au début de la seconde guerre mondiale. Même si parfois le dispositif paraît un peu artificiel (la propreté des soldats fait sourire tout comme la couleur de leur uniforme rouge garance, impossible en 1918), il fonctionne et se marie bien avec la magie de l'histoire.

- Il a confié à Stephen Fry le soin de traduire le livret en anglais et de rajouter quelques dialogues. Evidemment son film s'adresse d'abord à des anglais mais la langue de Shakespeare étant plus familière aux oreilles d'un francophone que la langue allemande (langue d'origine du livret) cette traduction nous procure un sentiment de familiarité bienvenue.

La mise en scène de Branagh est tout de même inégalement inspirée. Le plan-séquence du début rempli d'images de synthèse nous plonge au cœur des partis-pris du film avec beaucoup de dynamisme. Il en va de même pour le premier air de Tamino poursuivi de façon assez saisissante par un serpent de gaz moutarde. Par la suite, cela se gâte avec de nombreuses scènes trop théâtrales dans le château de Sarastro. Heureusement il y a aussi ici et là des fulgurances visuelles comme celle du recueillement dans le cimetière militaire blanc sur fond de champ de bataille, celle des grosses lèvres rouges sur fond vert ou bien celle du chant choral des sacs de sable des tranchées transformées en têtes humaines. Et les superbes scènes de bal en noir et blanc où dansent Tamino et Pamina rappellent "Dead again". Après, on aime ou pas le style baroque qui est le propre de ce réalisateur. L'acteur-chanteur qui interprète Sarastro, René Pape est particulièrement remarquable et son charisme a lui seul compense en partie l'aspect statique de la majeure partie des scènes où il figure.

Voir les commentaires

Peines d'amour perdues (Love's Labour's Lost)

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (2001)

Peines d'amour perdues (Love's Labour's Lost)

"Peines d'amour perdues" sorti en 2001 est la quatrième adaptation d'une pièce de Shakespeare par Kenneth Branagh après "Henry V" (1989), "Beaucoup de bruit pour rien" (1993) et "Hamlet" (1996). Et c'est la moins réussie des quatre, contrairement aux 3 autres, elle est d'ailleurs passée relativement inaperçue. Le fait que Branagh transpose, modernise ou coupe une partie du texte d'origine n'est pas en soi un problème. Il avait fait de même pour "Henry V" et "Beaucoup de bruit pour rien" et le résultat était enthousiasmant. L'ennui c'est qu'ici tout ce dispositif semble tourner un peu à vide:

- Cette pièce déjà mineure dans l'œuvre du dramaturge est en plus privée des 3/4 de son texte, remplacé pour l'essentiel par des numéros chantés et dansés extraits des plus grandes comédies musicales américaines des années 30 et 50. Mais le mariage des deux genres fonctionne mal. L'introduction de la comédie musicale est trop timide à cause de chorégraphies assez minables alors qu'en revanche le verbe de la pièce est largement vidé de sa substance, se réduisant à un bavardage inconsistant ou à des numéros burlesques consternants.

-Pour donner un peu de poids au film, Branagh transpose l'histoire à la veille de l'éclatement de la seconde guerre mondiale. On pense à "La Règle du jeu" de Jean Renoir réalisé en 1939 où les personnages dignes d'une comédie de Marivaux "dansaient sur un volcan". Mais il ne change pas le contexte Renaissance de la pièce ce qui jure horriblement avec celui de la guerre. On se retrouve ainsi avec un roi de Navarre et une princesse de France alors que le royaume de Navarre a disparu depuis belle lurette et que la France n'est plus une monarchie depuis près de 70 ans! Les "Actualités" qui commentent les actions de la pièce semblent ainsi raconter un conte de fées déconnecté de la réalité de cette époque.

-La fadeur du casting est sans doute une autre conséquence malheureuse du choix de faire une comédie musicale. Au lieu des acteurs chevronnés plein de talent auxquels nous avait habitué Branagh, on a en personnages principaux des Ken et des Barbie plus insignifiants les uns que les autres et en personnages secondaires des caricatures absolument grotesques qui gesticulent dans le vide. Résultat: on s'ennuie ferme. 

Voir les commentaires

Peter's friends

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1992)

Peter's friends

"On s'était dit rendez-vous dans 10 ans,
Même jour, même heure, même pomme,
On verra quand on aura 30 ans,
Sur les marches de la place des grands hommes."

Parmi tous les tubes des eighties qui parsèment "Peter's friends" celui-ci aurait eu parfaitement sa place bien qu'il ne soit pas anglo-saxon. Car voilà une bande-son tout sauf décorative, qui commente l'action et en souligne les enjeux. Le "You're my best friend" de Queen pour accompagner les retrouvailles d'une bande de trentenaires qui ne se sont pas vus depuis 10 ans et se retrouvent en 1992 ou le "Everybody wants to rule the world" de Tears for fears pour le générique qui égrène 10 ans de ravages du thatchérisme ou encore le "Girls want to have fun" de Cindy Lauper pour la croqueuse d'hommes qu'est Sarah, tous ces titres ancrés dans la mémoire collective nous plongent dans la nostalgie d'une période révolue faussement légère.

Car "Peter's friends", le troisième film de Kenneth Brangh est ce qu'on peut appeler une comédie mélancolique. Contrairement à l'avis de certains critiques, je ne pense pas que la mise en scène du film soit "sans originalité". Elle se distingue au contraire par sa fluidité et son rythme enlevé. Je l'ai dit dans un avis précédent, Branagh est un cinéaste énergique qui aime le mouvement. Cela lui permet de ne jamais se laisser enfermer dans des cases. Par un mouvement subtil de va et vient, ses personnages très typés et qui nous offrent leur lot de scènes comiques (la nymphomane, l'intello coincée, l'hystérique, l'alcoolique, la vedette névrosée...) se glissent hors du moule pour devenir tout simplement humains, notamment lors d'une séquence finale poignante qui rappelle que les années 80 strass et paillettes étaient aussi les années sida.

Beaucoup de films (britanniques ou non) ultérieurs essayeront de copier la recette du film choral de Branagh, certains avec succès comme le "4 mariages et un enterrement" de Mike Newell, sorti en 1994. Mais aucun ne parviendra à atteindre ce degré de subtilité. 

Voir les commentaires

Frankenstein

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1994)

Frankenstein

« J'ai imaginé toutes ces machines parce que j'étais possédé, comme tous les hommes de mon temps, par une volonté de puissance. J'ai voulu dompter le monde. Mais j'ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu'il y avait à l'intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j'ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l'interdiction du Pape. Rien ne me rebutait. Tout, pour moi, était sujet d'étude (...) Ce que j'ai cherché finalement, à travers tous mes travaux, et plus particulièrement à travers ma peinture, ce que j'ai cherché toute ma vie, c'est à comprendre le mystère de la nature humaine. »

Voici ce qu'écrivait Léonard de Vinci dans ses Carnets, vers 1510. L'esprit de la Renaissance humaniste qui imprègne Victor Frankenstein est symbolisé dans le film de de Branagh par le célèbre dessin de Vinci représentant l'Homme de Vitruve, mesure de toute chose et centre du monde. Il est présent aussi à travers l'allusion à la création d'Adam de Michel-Ange lorsque l'électrisation d'Elizabeth et de Victor fait jaillir une étincelle au bout de leurs doigts qui se frôlent.

Cependant l'histoire se situe au siècle des Lumières et de cela également Branagh tire un brillant parti en situant la demeure familiale de Victor dans un château mozartien lumineux et coloré (on y pense d'autant plus qu'Henry Clerval le médecin ami de Victor est joué par Tom Hulce qui 10 ans auparavant incarna Amadeus pour Milos Forman). Seul l'escalier en spirale jette une ombre sur ce décor rationnel et solaire tant il rappelle la tour tordue des films de Whale.

L'ancrage très fort du film dans l'histoire occidentale de la science et des arts s'explique aussi par une analogie évidente. Victor créé la vie exactement comme Branagh réussit à l'insuffler dans les œuvres qu'il adapte: en canalisant les flux énergétiques du cosmos (dont l'être humain est un échantillon) pour qu'ils traversent et animent des corps inertes. Le cinéma de Branagh se caractérise par une énergie à réveiller les morts. Son deuxième film s'intitule "Dead again" mais il aurait pu s'appeler "Born again": Il a revivifié Shakespeare, ressuscité Mary Shelley et fait également sortir de la tombe James Whale. Il y a l'escalier directement transposé du film des années 30 dans le film des années 90. Il y a l'union dans la mort de la créature et de son créateur que Whale n'avait pas pu filmer à cause des studios (qui voulaient un happy end pour Frankenstein et son épouse et censuraient ainsi l'aspect homosexuel/incestueux de sa relation à la créature). Il y a aussi des allusions à la médecine traditionnelle chinoise: le film de Branagh fait référence à l'acupuncture alors que dans celui de Whale, la créature à peine née recherche l'énergie solaire en faisant des gestes avec ses mains très semblables à ceux du Qi-Gong.

Le seul bémol de ce film est lié au fait que le rôle de la créature est moins finement écrit que dans le film de Whale et que Boris Karloff est irremplaçable. 

Voir les commentaires

Dead again

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1991)

Dead again

Le deuxième film de Kenneth Branagh garde la flamboyance du premier tout en changeant de cadre de référence. "Dead Again" lorgne clairement du côté du thriller hitchcockien. Un mélange de "Rebecca" (les fantômes du passé, la gouvernante jalouse), du "Crime était presque parfait" (les ciseaux comme arme du crime déclinés sous toutes les coutures), de "Psychose" (le noir et blanc, la scène de meurtre) et de "Vertigo" (une vivante hantée par une morte). Le tout avec une bonne dose d'humour parodique qui fait passer la pilule de ce que cette histoire de réincarnation et de phénomènes paranormaux peut avoir d'abracadabrantesque. Les dialogues entre Derek Jacobi en antiquaire hypnotiseur arnaqueur et Kenneth Branagh en détective rationnel sont particulièrement savoureux.

Mais "Dead Again" n'est pas qu'un exercice de style, même parodique. Il est aussi une histoire d'amour fou, un de ces amours passionnels et fusionnels qui ne peuvent finir que tragiquement. Le couple romantique des années 40 (Roman et Margaret) est en quelque sorte une projection fantasmée du couple des années 90 (Mike et Amanda). Ce couple contemporain n'est au final que le reflet de Kenneth Branagh et Emma Thompson, véritables "étoiles jumelles" à l'écran comme dans la vie. Dans le film, leur proximité est telle qu'ils peuvent même changer de sexe pour se réincarner dans l'autre puisqu'ils se définissent comme "deux moitiés d'une même personne que rien ne peut séparer." Mais la réalité a fini par les rattraper.

Voir les commentaires

Celebrity

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (1998)

Celebrity

"Celebrity" est un remake new-yorkais de la "Dolce Vita" de Federico Fellini, l'un des maîtres de Woody Allen. Un journaliste-écrivain en panne (Woody Allen dans le corps de Kenneth Branagh) décide de relancer sa vie et sa carrière en se rendant disponible (c'est à dire en divorçant de sa femme enseignante bien peu glamour), en achetant une Aston Martin et en approchant le monde des paillettes et ses stars clinquantes (Melanie Griffith et Charlize Theron vampent, Leonardo DiCaprio casse tout, se drogue et fait des parties fines entre deux avions etc.) Il n'avait cependant pas prévu que son ex-femme (Judy Davis) allait mieux réussir que lui sans même l'avoir cherché. Elle a en effet l'occasion d'entrer dans le monde de la télévision et approche même un certain Donald Trump (on est en 1998) qui lui annonce qu'il va "acheter la cathédrale St-Patrick, la raser et construire un immeuble à la place"!

Ce n'est pas un grand Woody Allen. Sa satire du showbiz est divertissante avec quelques passages amusants comme celui-ci:
"Papadakis le réalisateur est un artiste prétentieux, un de ces connards qui ne filment qu'en noir et blanc, un cliché après l'autre. Tom Dale, une grande star tourne une adaptation de la suite d'un remake. Voici un grand critique, il détestait tout, il a épousé une jeune plantureuse et il adore tout." Cependant ce dézingage des milieux intellos et people tourne rapidement à vide d'autant que l'intrigue principale sent le recyclage à plein nez (de "Maris et femmes" surtout). Les personnages principaux (un velléitaire qui ne sait pas ce qu'il veut et une hystérique qui rencontre un prince charmant qui accepte tous ses caprices)sont peu sympathiques. Le fait qu'il ne joue pas lui-même est également une faiblesse. Kenneth Branagh a été choisi sans doute parce qu'il est à la fois devant et derrière la caméra comme Woody Allen tout en étant plus jeune que Woody Allen. Mais il n'a visiblement pas le droit de faire autre chose que du Woody Allen. Résultat, cela sonne faux.

Voir les commentaires

Beaucoup de bruit pour rien (Much Ado About Nothing)

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1993)

Beaucoup de bruit pour rien (Much Ado About Nothing)

Cette deuxième adaptation d'une pièce de Shakespeare par Kenneth Branagh après le drame historique "Henry V" est aussi joyeuse, rayonnante et légère que la première est sombre et torturée. On en sort euphorique, avec l'impression que le soleil de Toscane a réussi à traverser l'écran pour nous englober dans son rayonnement. Ce n'est d'ailleurs pas qu'une impression. En 1993, lorsque j'ai vu le film pour la première fois au cinéma, j'y suis allé avec une terrible migraine que ce film a réussi à guérir comme par enchantement. Et un film qui guérit les migraines, ce n'est pas si fréquent!

Il y a quand même quelques traces résiduelles du Shakespeare sombre et torturé, celui du "Conte d'hiver" au milieu de cet enchantement dionysiaque à base de jeux amoureux, de fêtes, d'agapes, d'ivresse. C'est le personnage luciférien de Don Juan (Keanu Reeves) jaloux et malfaisant qui en porte la plus large part. Refusant la main tendue de son demi-frère Don Pedro (Denzel Washington) qui est le prince légitime alors que lui n'est qu'un bâtard, il choisit de de se venger en semant la désolation autour de lui. Il est bien aidé par la crédulité (pour ne pas dire la bêtise) de Don Pedro et de son acolyte Claudio (Robert Sean Leonard, le minet benêt de service). Il suffit qu'il lui montre une scène de fornication au balcon de la chambre de celle qu'il doit épouser pour qu'il soit persuadé de la trahison de sa promise Hero (Kate Beckinsale alors encore étudiante et tout aussi lisse que son partenaire). Shakespeare nous livre alors l'une de ces scènes de violence passionnelle et destructrice dont il a le secret et qui font jaillir l'enfer au cœur du paradis. Claudio ruine son mariage avec la même violence aveugle que celle qui s'empare du roi Léonte dans "Le Conte d'hiver" et lui fait répudier sa femme et sa fille, hurlant que celle-ci "est de la graine de Polixène" (son pourtant meilleur ami).

Heureusement tout comme "Le Conte d'hiver", "Beaucoup de bruit pour rien" est une comédie où le mal peut être réparé après que le coupable ait éprouvé la souffrance du remords (et que les méchants responsables de la conspiration aient été punis. C'est le rôle du truculent Dogberry joué par un Michael Keaton directement échappé de "Sacré Graal" et ses chevaux fantômes). Et surtout, même au moment le plus critique, la joie ne s'éclipse pas. Elle est portée par l'autre couple vedette du film devant et derrière la caméra, Benedict et Beatrice alias Kenneth Branagh et Emma Thompson dont l'union faisait alors étinceler le talent (ce n'est pas pour rien que l'on parlait à leur égard de "couple doré"). Ceux-ci réussissent à introduire la screwball comedie d'Howard Hawks dans l'univers shakespearien. La modernité de ces personnages était déjà dans la pièce qui mettait en parallèle un couple romantique (Claudio et Hero) et un couple comique (Benedict et Beatrice). Beatrice regrette de ne pas être un homme alors que Benedict est le seul protagoniste masculin qui prend le parti des femmes (en dépit de sa misogynie de façade qui s'effondre d'une pichenette) De plus leurs chamailleries permanentes les placent dans une relation d'égalité (soulignée également par leurs prénoms similaires et leurs initiales identiques). Il n'y a pas une mais deux mégères à apprivoiser. D'où les hilarantes scènes parallèles où leurs amis leur tendent un piège pour les faire tomber amoureux l'un de l'autre. Branagh approfondit cette thématique en inversant les codes de genre: Beatrice parle d'une voix grave, a la peau brûlée par le soleil et est aussi décidée et intrépide qu'un garçon alors que Benedict est pâle, minaude devant la glace et est doté d'une voix qui part dans les aigus.  

Voir les commentaires

Henry V

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1989)

Henry V

Tout un symbole: l'année même où mourrait Laurence Olivier dont le premier film en 1944 avait été "Henry V" sortait sur les écrans la version de Kenneth Branagh dont c'était également le premier film. Au Royaume-Uni on l'appelait déjà le nouveau Laurence Olivier en raison de sa jeune (il n'avait pas encore 30 ans en 1989) et brillante carrière théâtrale dans les adaptations de pièces de Shakespeare.

Film au départ confidentiel, réalisé avec peu de moyens, "Henry V" tapa dans l'oeil de Gérard DEPARDIEU qui partageait avec Branagh l'amour des Belles Lettres et le sens de la démesure. Il finança sa distribution en France et supervisa le doublage. C'est ainsi que Kenneth Branagh se fit connaître outre-Manche.

"Henry V" est un modèle d'adaptation réussie. Ne pouvant financièrement se permettre une reconstitution fastueuse, Branagh privilégie la stylisation afin de stimuler l'imagination à la manière de John Boorman dans "Excalibur". L'excellence de l'interprétation, le souffle épique de la musique (signée Patrick Doyle), l'atmosphère onirique créée par les plans filmés en clair-obscur, l'emphase des ralentis lors de la bataille d'Azincourt ont une puissance d'évocation dont des films plus réalistes sont privés.

La pièce de Shakespeare fait partie d'un ensemble de chroniques historiques des rois d'Angleterre participant à la construction du "roman national". Autrement dit: guerre, conquête, héroïsme, sang versé... Un programme peu excitant en soi mais outre la beauté du film c'est une passionnante réflexion sur la responsabilité que donne le pouvoir. Un pouvoir charnel fait de renoncements (les flashbacks sur le passé de débauche du roi montrent qu'il a dû sacrifier ses compagnons de beuverie à sa nouvelle fonction) de trahisons, de doutes et de tourments. La fin avec Emma Thompson offre une rupture de ton bienvenue et annonce le marivaudage de "Beaucoup de bruit pour rien".

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 > >>