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Articles avec #biographie tag

Le procès Goldman

Publié le par Rosalie210

Cédric Kahn (2023)

Le procès Goldman

Le dernier film de Cedric KAHN est d'une puissance peu commune. La bande-annonce le laissait deviner. Le film le confirme. Presque entièrement réalisé dans le huis-clos d'un tribunal aux dimensions d'une scène de théâtre, il ne met pas seulement aux prises un homme brûlant (le mot est faible) d'en découdre avec la justice, la police et la société française mais il montre les fractures résidant au sein de cette même société d'une manière saisissante, nous renvoyant en miroir notre situation actuelle. Le public dans la salle ne s'y est pas trompé, interagissant avec celui du film comme s'il était dans la salle et comme si le procès avait lieu ici et maintenant, notamment lorsque les témoins soi-disant sûrs d'eux se trahissent sous l'effet de la peur ou de la colère.

Au coeur du procès, un homme donc, Pierre Goldman dont je ne savais rien avant de voir le film (même pas qu'il était le demi-frère de Jean-Jacques, incarné par un jeune acteur anonyme assis avec ses parents dans la salle), interprété avec une force de conviction impressionnante par Arieh WORTHALTER. C'est bien simple, chaque mot, chaque phrase sortie de sa bouche semble provenir du plus profond de son être, animé de puissantes émotions. Charismatique et d'une grande complexité, le personnage ne peut que fasciner. Difficile voire impossible de démêler le vrai du faux dans ses propos, d'ailleurs la justice n'y parviendra pas et Cedric KAHN se garde bien de prendre parti. L'intérêt du film est ailleurs: dans les déchirures de la société française que sa présence provoque comme je l'ai déjà évoqué avec une ambiance électrique dans le prétoire, dans le travail de mémoire que son histoire oblige à effectuer, dans ses relations tourmentées avec son principal avocat de la défense enfin. Pierre Goldman est d'abord le fruit d'un passé trop lourd à porter: enfant de polonais communistes juifs et résistants réfugiés en France, il n'a jamais trouvé sa place en son sein ni ailleurs et a erré entre désir de suivre la glorieuse trace de ses parents en tant que militant d'extrême-gauche et pulsions suicidaires liées à son incapacité à s'accomplir. Cet "enfant terrible" sans attaches, sinon celles créées avec d'autres "damnés de la terre" latinos et antillais n'est jamais parvenu à devenir adulte. Cela est particulièrement frappant dans son comportement d'écorché vif, régulièrement recadré en coulisses par son avocat, maître Kiejman (Arthur HARARI) qui est son "double inversé". Double car issu de la même histoire, inversé car aussi retenu, calme et posé que Goldman est provocateur et emporté. Les relations entre les deux hommes sont d'ailleurs tendues, Goldman ayant qualifié Kiejman de "juif de salon" et ayant voulu le dessaisir de l'affaire. Pourtant la défense de Kiejman et le film tout entier mettent en lumière l'absence de preuves matérielles et la fragilité de témoignages souvent effarants. Le comportement de la police visant par exemple à intimider les témoins à décharge ou au contraire à orienter ceux à charge est interrogé. Un passage ressemble trait pour trait au documentaire "Un coupable ideal" (2003) sur l'affaire Brenton Butler accusé à tort de meurtre: celle où témoins et jurés croient reconnaître Goldman sur photo alors qu'il ne s'agit pas de lui. Mais avec "sa gueule de métèque, de juif errant, de pâtre grec", il fait figure d'épouvantail et quelques mots malheureux lâchés ici et là par les policiers et les témoins, "mûlatre", "crouille" suffisent à nous renseigner sur les origines historiques du délit de faciès.

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Prick Up Your Ears (Prick Up)

Publié le par Rosalie210

Stephen Frears (1987)

Prick Up Your Ears (Prick Up)

Merci Maggie. Sans la politique antisociale et homophobe de Margaret Thatcher, il n'y aurait pas eu de renouveau du cinéma anglais dans les années 80, porté par des cinéastes engagés comme Ken LOACH, Mike LEIGH ou Stephen FREARS. Bien que n'étant pas lui-même gay, ses premiers films pour le cinéma revêtent les atours engagés et transgressifs des débuts de Pedro ALMODOVAR ou du cinéma de Rainer Werner FASSBINDER. "Prick Up your ears", son deuxième film après "My Beautiful Laundrette" (1985) a des faux airs de "Querelle" (1982) (l'allusion au phallus dressé n'est pas dans l'affiche mais dans le jeu de mots du titre). Sexe et mort unissent étroitement un duo totalement improbable par ailleurs, celui formé par l'insolent et sensuel dramaturge Joe Orton (Gary OLDMAN) et son amant soumis et jaloux Kenneth Halliwell (Alfred MOLINA) qui s'est donné la mort après l'avoir assassiné. Construit sur un flashback à partir de la découverte de leurs corps par la police, le film prend l'allure d'une enquête, celle du biographe d'Orton John Lar (Wallace SHAWN) assisté de son épouse pour reconstituer la vie de Orton à l'aide du journal intime que lui a confié son agent, Peggy (Vanessa REDGRAVE).

Issu du prolétariat avec lequel il a rompu les amarres de par sa sexualité considérée comme déviante en Angleterre au début des années soixante (le film fait allusion à "La Victime" (1961) premier film à avoir abordé frontalement la question de l'homosexualité au Royaume-Uni), Joe Orton se lance dans une carrière d'acteur avant d'opter pour l'écriture sur les conseils de Kenneth rencontré à l'Académie royale d'art dramatique de Londres. Les pièces de Joe, comme son journal intime que Kenneth prétend ne pas lire en cachette ont pour fonction d'exciter sa jalousie comme si Joe avait besoin du regard de Kenneth pour jouir pleinement de ses frasques. Exhibitionnisme et voyeurisme sont au coeur de leur histoire, de leur sexualité et sont une mise en abyme du théâtre qu'ils pratiquent et du film lui-même. Sexe et mort deviennent entre leurs mains des mises en scène de théâtre où l'on s'invente des rôles, où l'on prend la pose. Joe Orton en Christ offrant son corps à la "passion" dans une pissotière juste après avoir reçu la statuette de son prix préfigure le moment où il se fait tuer, Kenneth regrettant de ne pas avoir utilisé l'objet pour en finir avec lui et s'adressant face caméra au spectateur-témoin. L'aspect outrancier, grotesque de cette mort qui rappelle l'os de jambon de "Qu'est-ce que j'ai fait pour meriter ca ?" (1984) transforme la tragédie en grosse farce. Alors que Joe qui attire la lumière et est fou de son corps opprime Kenneth (y compris en se refusant à lui), ce dernier, complexé et aigri trouve ainsi le moyen cynique de s'offrir une revanche et de passer à la postérité aux côtés de son amant.

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Oppenheimer

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2023)

Oppenheimer

"Oppenheimer" est l'adaptation du livre de Kai Bird et Martin J. Sherwin "Robert Oppenheimer: Triomphe et tragédie d'un génie". En VO, le titre compare Oppenheimer au mythe de Prométhée ce qui est repris dans le film dès la citation qui accompagne les premières images. Ce qui est intéressant dans ce mythe, c'est la versatilité de son interprétation au fil du temps lié au fait que dans la réalité comme dans le mythe (qui est justement une manière d'expliquer le monde), le bien et le mal sont indissociables. Vu d'abord comme un héros positif associé aux progrès de la civilisation occidentale, Prométhée est aujourd'hui associé aux dangers de la "science sans conscience" et Robert Oppenheimer illustre bien cette double facette du Titan: le savant qui vole le feu/l'arme ultime de destruction massive aux Dieux afin de donner un avantage décisif à son camp qu'il pense être celui du bien pour voir ensuite sa création lui échapper, devenir le bouc-émissaire d'une Amérique en pleine paranoïa anti-communiste et être torturé par sa conscience face aux terribles conséquences de l'usage de cette arme entre les mains des grandes puissances.

"Oppenheimer" repose donc sur un matériau solide et une excellente interprétation, Cillian Murphy en tête qui est un habitué des films de Christopher Nolan mais accède enfin à un grand rôle. Son Oppenheimer particulièrement complexe est à la fois proche d'Einstein par son approche scientifique et radicalement opposé à lui sur tout le reste. Aussi les rencontres entre les deux hommes, le vieux sage retiré du monde et le carriériste hanté par les conséquences de son pacte faustien et notamment le final, superbe, en dit très peu et en suggère beaucoup. Des scènes de cette puissance, il y en a d'autres comme l'essai nucléaire qui précède le largage des bombes sur le japon ou la conférence durant laquelle Oppenheimer prend conscience de l'horreur qu'il a rendu possible. Dans les deux cas le décalage entre l'image et le son amplifie la sensation d'apocalypse. Le parallèle entre la basse vengeance de Lewis Strauss, le président de la commission à l'énergie atomique des USA (AEC) sur Oppenheimer puis la revanche des scientifiques au Sénat sur celui-ci vaut aussi son pesant d'or d'autant que si Strauss (Robert Downey Junior) est un personnage simple (un aigri bouffi d'ego), la façon dont Oppenheimer utilise ses démêlés extra-judiciaires pour échapper à sa culpabilité en se posant en victime du maccarthysme est troublante.

Hélas avant cela, il faut subir ce qui s'apparente à une interminable purge de paroles creuses émises par des personnages qui le sont tout autant. Les détracteurs de "Oppenheimer" ont raison au moins sur un point. Le film est "trop": trop long, trop bavard, trop rempli d'effets de style et de personnages secondaires inutiles (tous ces scientifiques au nom et au visage interchangeable auraient pu être réduits de moitié, on aurait pu se passer des scènes de sexe avec l'amante communiste etc). Mais un film plus épuré, plus posé, moins grandiloquent aurait sans doute été moins grand public, aurait moins fait le buzz et Christopher Nolan n'aurait pas pu y greffer ses marottes formalistes. Dommage, il n'en aurait été que plus fort.

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Les secrets de mon père

Publié le par Rosalie210

Véra Belmont (2022)

Les secrets de mon père

En regardant "Les secrets de mon père", dernier film en date de Véra BELMONT, j'ai pensé (toutes proportions gardées) à "Maus" en raison du fait que l'oeuvre dont le film est l'adaptation est le roman graphique autobiographique de Michel Kichka qui comme Art Spiegelman est un fils de rescapé de la Shoah. Mais alors que "Maus" témoigne de la transmission de la mémoire de la Shoah entre les parents survivants et leur fils, "Les secrets de mon père" raconte celle d'enfants qui grandissent avec un père qui refuse de leur parler de son passé. Un silence assourdissant étant donné les séquelles que ce passé a laissé (l'absence des grands-parents, le tatouage sur le bras que les enfants croient être un numéro de téléphone) mais aussi les dégâts qu'il continue à faire ("ce passé qui ne passe pas") en isolant les générations les unes des autres et en traumatisant la descendance jusqu'à l'irréparable quand le père se lance dans un travail de mémoire auprès des médias et du grand public mais interdit à ses enfants d'y accéder. Le choix de l'animation (très classique sur la forme en dépit de quelques envolées oniriques, dommage étant donné que l'histoire se déroule en Belgique, un des fiefs de la BD) s'explique par le support d'origine mais aussi par le fait d'être centré sur l'expérience des enfants (alors que le roman graphique de Michel Kichka s'adressait à l'origine aux adultes). On peut regretter d'ailleurs que les soeurs de Michel soient si peu développées alors que l'aînée subit aussi les effets néfastes du secret à géométrie variable qui empoisonne toute la famille. Mais Michel Kichka centre logiquement le récit sur lui-même et son jeune frère Charly qui lui colle aux basques, évoquant les moments heureux de leur enfance mais surtout la blessure de l'incommunicabilité de plus en plus grande avec les années. Même si en héritant de son talent de dessinateur, Michel Kichka a pu au final se frayer un chemin jusqu'à son père, celui-ci s'est avéré des plus douloureux et constitue le principal intérêt du film.

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Le choix de Jane (Miss Austen Regrets)

Publié le par Rosalie210

Jeremy Lovering (2008)

Le choix de Jane (Miss Austen Regrets)

Dans "Une chambre à soi", Virginia Woolf énumérait les raisons pour lesquelles les femmes ne parvenaient pas à produire une oeuvre littéraire et qui se résumaient dans leur dépendance vis à vis des hommes, détenteurs du pouvoir financier mais également des normes culturelles infériorisant les femmes en les cantonnant au rôle d'épouse et de mère et en les privant des conditions nécessaires à la liberté créatrice ("de l'argent et une chambre à soi"). C'est exactement ce que démontre de manière convaincante "Le choix de Jane". Pour avoir bravé les conventions de son époque en refusant de se marier par intérêt à un homme riche, Jane Austen se retrouve dans une situation si difficile qu'elle n'est sans doute pas étrangère à son décès prématuré. Le téléfilm de Jeremy LOVERING évoque en effet les dernières années de l'écrivaine alors âgée d'une quarantaine d'années et confrontée aux conséquences douloureuses de ses choix. Si ses romans débouchent sur un mariage heureux en guise de consolation/compensation, Jane tout comme sa soeur Cassandra et tout comme 1/4 des femmes de cette époque a opté pour le célibat. Soit comme je le disais plus haut par refus de se vendre à un homme riche, soit parce que sa situation financière ne lui permettait pas de s'unir à un homme pauvre (ou dépendant d'un tuteur riche décidant pour lui). On le constate, le mariage à cette époque est une affaire d'argent qui domine d'ailleurs tous ses romans. Et l'argent appartient aux hommes puisque les femmes de la gentry britannique du début du XIX° siècle n'ont pas accès à l'emploi ni à l'héritage. Lorsqu'un homme chasse une dot, il s'unit en réalité à un autre homme, celui qui la détient, la femme n'étant qu'un instrument de la transaction financière. Lorsque cette dot n'existe pas, comme dans le cas de Jane et sa soeur, le mariage relève de la prostitution, donner son corps et sa liberté en échange d'un toit et d'une place à table. En le refusant, Jane se met dans la précarité ainsi que sa mère et sa soeur (le révérend Austen, mort en 1905 les a laissées sur la paille). Elle dépend de fait de ses frères dont deux seulement sont présentés dans le film qui la soutiennent, l'un en négociant les droits de vente de ses romans et l'autre en mettant à sa disposition son cottage pour écrire. Mais parce qu'ils sont écrits par une femme, ils sont dévalués et les droits du frère sur le cottage sont attaqués ce qui contribue un peu plus à l'usure prématurée de Jane. "Un peu plus" car tout dans son quotidien lui rappelle qu'elle n'est pas dans la norme, que ce soit les reproches de sa nièce Fanny pour qui elle s'improvise marieuse (comme son héroïne "Emma") ou ses anciens flirts ou encore sa mère. Olivia WILLIAMS est très convaincante dans le rôle-titre et le film, éclairant sur la réalité de la condition féminine à cette époque.

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Wim Wenders, Desperado

Publié le par Rosalie210

Eric Friedler, Andreas "Campino" Frege (2020)

Wim Wenders, Desperado

Le documentaire "Wim Wenders, Desperado" réalisé à l'occasion de son 75eme anniversaire est à la hauteur du cinéaste: éclairant, brillant et passionnant. On frise vraiment la perfection. On le voit jouer dans les scènes les plus emblématiques de ses films reconstituées à l'identique à la place de Harry Dean STANTON et de Bruno GANZ ou simplement se promener dans leurs décors quand un savant montage ne met pas le Wim WENDERS d'aujourd'hui avec un journal faisant allusion au décès de l'ange Damiel face au Benjamin Zimmermann de "L'Ami américain" (1977). Cet aspect ludique et nostalgique qui fait penser à la recréation de "Shining" (1980) dans "Ready Player One" (2018) vient aérer une analyse de fond qui nous apprend beaucoup sur la manière de travailler du cinéaste. Wim WENDERS fonctionne à l'intuition et créé son film au fur et à mesure de son tournage ce qui en dépit de sa fascination pour le cinéma hollywoodien le rend incompatible avec lui. Un constat fait par lui et Francis Ford COPPOLA au travers de "Hammett" (1982) et de "L'État des choses" (1982), le deuxième faisant presque figure de "making of" du premier. C'est également ce besoin de liberté dans la création, sans canevas préalablement établi qui explique le choix de Wim WENDERS de se tourner vers le documentaire au détriment de la fiction à partir surtout des années 2000*. Autre aspect bien mis en valeur par le film, la polyvalence artistique de Wim WENDERS qui a choisi le cinéma comme synthèse de tous les autres arts. Et c'est bien ainsi qu'apparaissent ses meilleurs films: des oeuvres d'art totales. Les nombreux témoignages d'archives ou contemporains du film font ressortir l'aspect cosmopolite de ses collaborateurs et amis, qu'ils soient allemand comme Rüdiger VOGLER et Werner HERZOG, suisse comme Bruno GANZ, néerlandais comme Robby MÜLLER, belge comme Patrick BAUCHAU, américain comme Harry Dean STANTON ou français comme Agnès GODARD et Claire DENIS. Un film qui ouvre en grand l'appétit de voir et de créer des films.

* Une démarche assez semblable à un autre de mes cinéastes préférés, John CASSAVETES ce qui explique la présence de Peter FALK dans "Les Ailes du désir" (1987) et sa suite.

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Jeanne du Barry

Publié le par Rosalie210

Maïwenn (2023)

Jeanne du Barry

De MAÏWENN j'en était resté à "Polisse" (2011) que j'avais viscéralement détesté pour son narcissisme exacerbé et le voyeurisme primaire infligé au spectateur venu pour voir une oeuvre cinématographique et non une accumulation gratuite de scènes misérabilistes tirées du manuel des clichés sociaux avec par-dessus la mise en abyme du couple MAÏWENN/ JOEY STARR, cette dernière observant (de loin) les "pauvres" comme le faisait Jacques-Henri Lartigue c'est à dire comme une faune exotique de zoo avant d'aller se défouler en boîte.

"Jeanne du Barry" est tout aussi narcissique et immature que "Polisse" (2011) mais offre une meilleure maîtrise et constitue un spectacle plutôt agréable à suivre. C'est même plutôt amusant de voir se démener l'actrice pour mettre en valeur le personnage qu'elle interprète face à un roi (Johnny DEPP) rendu quasi-muet par sa maîtrise approximative de la langue et face à une cour qui ne se positionne que par rapport à elle, comme si elle était le centre du monde (le cinéaste n'est-il pas le roi-soleil de son oeuvre, du moins en France?) La principale qualité du film est en effet d'éviter la reconstitution poussiéreuse ce qui constitue le piège d'un tel sujet. MAÏWENN s'est visiblement inspirée de Sofia COPPOLA qui avait réalisé un "Marie-Antoinette" (2005) pop et coloré. C'est cependant moins à un poulailler que ressemble "Jeanne du Barry" qu'à une cour de récré avec d'horribles chipies (les filles du roi Louis XV semblent être encore adolescentes alors qu'elles étaient quadragénaires ou trentenaires) et à l'inverse de jeunes chevaliers servants (Benjamin LAVERNHE a pour une fois un rôle sympathique et est excellent). Pas un mot de politique, pas une seule allusion au peuple, celui-ci se résumant à Jeanne herself. Pourtant, le peuple, le vrai et non ses exceptions arrivistes lui a fait chèrement payer sa trahison mais cette histoire-là n'intéresse pas MAÏWENN qui préfère "the bright side of life" et relègue ce qui fâche en fin de récit. Rien de sérieux donc, c'est léger, erroné sur bien des points mais cette petite sucrerie egocentrique se déguste sans déplaisir.

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Simone, le voyage du siècle

Publié le par Rosalie210

Olivier Dahan (2022)

Simone, le voyage du siècle

Sur "Simone, le voyage du siècle", j'ai lu des avis très tranchés. La critique n'avait pas été tendre avec le film mais je gardais un bon souvenir de "La Môme" (2007) dont j'ai relevé plusieurs traits communs avec "Simone, le voyage du siècle". Notamment la performance d'actrices dont les transformations physiques sont dignes de celles que l'on peut voir dans les films américains (bizarrement quand c'est aux USA que ça se passe, ça ne choque personne) et une narration non-linéaire qui cherche à établir des échos significatifs entre les moments-clés de la vie racontée. Je voulais d'autant plus me faire un avis par moi-même que j'ai lu l'autobiographie de Simone Veil parue en 2007 dont le film s'inspire et qu'il a su parler à un public très large, y compris et c'est important, aux jeunes, en particulier aux adolescentes qui ont vu sans doute en elle un modèle à suivre. Alors, bien sûr que l'on n'est pas en face du film du siècle, certains dialogues sont trop appuyés, trop didactiques tout comme certaines images qui ne font pas dans la subtilité. Mais Rebecca MARDER (décidément taillée pour les rôles de femmes politiques) et Elsa ZYLBERSTEIN remarquables, font exister le personnage dont on suit les différents combats (et pas seulement celui pour l'IVG). Surtout la façon dont est introduite le fil rouge de la vie de Simone Veil, à savoir son passé d'ancienne déportée colle parfaitement à la réalité historique: durant les 30 Glorieuses, le mythe de la France résistante empêchait la parole des rescapés de la Shoah d'être écoutée. Le passé de Simone était donc occulté et ignoré. Il a fallu attendre les années 70 et la libération de la parole pour qu'enfin on l'interroge à ce sujet. Et c'est avec la reconnaissance par Jacques Chirac de la participation de l'Etat français à la Shoah en 1995 que celle-ci peut prendre toute sa place dans le récit c'est à dire à la fin. Ces scènes sont d'ailleurs plutôt réussies car basées sur le vécu subjectif de Simone Veil, notamment ses relations avec sa soeur et sa mère (Élodie BOUCHEZ) bien plus que cherchant à reconstituer (chose impossible) la réalité du système concentrationnaire. Le film se clôt en revanche de façon un peu trop illustrative avec la réflexion de Simone Veil sur les rapports entre mémoire et histoire.

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Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Publié le par Rosalie210

Roman Hüben (2022)

Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Les étiquettes accolées aux cinéastes masquent bien souvent la réelle portée de leur oeuvre. Celle de Douglas SIRK qualifiée de mélodramatique est aussi flamboyante que déchirante, tournant autour d'histoires d'amour romantiques ou filiales contrariées par des conventions sociales étriquées. C'est qu'elle se nourrit d'une tragédie personnelle ce que le documentaire de Roman HÜBEN démontre. Conformément à sa volonté, son biographe Jon Halliday a attendu 1997 (soit dix ans après sa mort) pour sortir une version augmentée de l'ouvrage qu'il lui a consacré "Sirk on Sirk" et ainsi révéler au public que la seconde femme de Douglas Sirk qui était d'origine juive avait été dénoncée par la première, devenue nazie. Douglas Sirk qui s'appelait à l'époque encore Detlef SIERCK s'était d'abord réfugié à la UFA puis avait fini par se résoudre à quitter l'Allemagne en 1937 avec son épouse lorsque la UFA était passée sous contrôle nazi, laissant derrière lui Klaus, le fils qu'il avait eu avec sa première femme en 1925 et qu'il n'avait plus le droit d'approcher. Devenu acteur dans des films de propagande et embrigadé dans les jeunesses hitlériennes, Klaus fut tué sur le front russe en 1944. L'ombre de ce fils à jamais perdu plane sur la majeure partie de la filmographie du cinéaste. De façon explicite dans "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) ou implicite avec le fils de substitution que fut pour Douglas Sirk, Rock HUDSON né en 1925 comme Klaus. Quant à la forme de ses films, elle joue sur le faux pour mieux révéler le vrai. Ainsi en est-il des ruines de "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) qui sont de vraies ruines allemandes mais ont l'air fausses ou des propos de Rainer Werner FASSBINDER qui appartient à la génération de cinéastes allemands "orpheline" des années 70 contrainte d'aller se chercher des mentors dans celle de leurs grands-parents* "Pour moi en tant que cinéaste, il y a eu un avant et un après avoir vu les films de Douglas Sirk. Ce sont des films qui pour moi sont très connectés à la vie. Même si ce sont des histoires très artificielles (...) ils sont incroyablement vivants dans l'effet qu'ils produisent dans nos têtes." Le documentaire m'a d'ailleurs appris que les deux cinéastes avaient travaillé ensemble sur trois courts-métrages dont l'un avec Hanna SCHYGULLA.

* Comme Werner HERZOG avec F.W. MURNAU.

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Robert Mitchum, le Mauvais Garçon d'Hollywood

Publié le par Rosalie210

Stéphane Benhamou (2017)

Robert Mitchum, le Mauvais Garçon d'Hollywood

Certes, le documentaire en soi n'est pas transcendant, linéaire et assez superficiel. Mais il a le mérite d'apporter un éclairage sur la personnalité de Robert MITCHUM qui est un acteur dont je ne savais à peu près rien, hormis les cinq films où je l'ai vu jouer (sur les 120 dans lesquels il a tourné mais si on enlève les séries B et les apparitions de fin de carrière, il y en a déjà beaucoup moins). Son jeu non formaté épouse un parcours accidenté, très loin des standards hollywoodiens. Enfant de la crise des années 30, Robert MITCHUM a derrière lui un passé d'errance, de galères et de délinquance quand il parvient à percer en tant qu'acteur après la seconde guerre mondiale. Néanmoins ce passé est surtout le fruit d'une société normative et répressive à laquelle il se ne pliera jamais comme le souligne le passage où il refuse de changer son nom et de camoufler ses origines indiennes. Il en va de même de son refus de collaborer au maccarthysme ou encore son arrestation en 1948 à une soirée pris en flagrant délit de consommation de marijuana. On croit rêver quand on apprend qu'il a fait près de deux mois de prison et que la carrière de la jeune actrice avec qui il fumait fut ruinée*. Sa première arrestation à l'âge de 16 ans pour vagabondage révélait déjà la véritable nature de la société américaine, impitoyable avec les plus faibles. Cela donne d'autant plus de relief à son rôle de démobilisé qui affronte la haine raciste et antisémite des WASP dans "Feux croisés" (1947). L'image de rebelle, bagarreur, "mauvais garçon" collée à Robert MITCHUM n'a de sens que par rapport aux canons puritains et hypocrites de cette société. La véritable personnalité de Mitchum semblait être celle d'un artiste dans l'âme mais qui pour se protéger d'un système fondé sur l'apparence et les mondanités affichait une attitude nonchalante, désinvolte voire cynique. La preuve en est avec l'échec de "La Nuit du chasseur" (1955) qui est pourtant aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands films du septième art. C'est sans doute le film qui nous en dit le plus à son sujet. Comment ne pas voir en ces deux enfants un autoportrait quand on connaît son histoire alors que le diable qu'il incarne paré des atours de la respectabilité religieuse ressemble à un miroir tendu à l'Amérique puritaine qui évidemment ne l'a pas supporté.

*La marijuana est alors vue comme une drogue menant à tous les vices: on dit que sa consommation, qui peut coûter jusqu'à deux ans de prison, conduit au meurtre, aux accidents de la route, au suicide, aux viols et à la folie. Dans un Hollywood de l'après-guerre encore largement contrôlé par les censeurs et en quête perpétuelle d'une moralité d'apparat, Leeds et Mitchum sont condamnés au moment même où ils franchissent le pas de la porte, les menottes aux poignets. Les fixers de la RKO et d'Howard Hughes, le tout nouveau propriétaire du studio, n'ont rien pu faire. La presse est déjà là. Alors, quand un policier lui demande son métier, Mitchum répond «ancien acteur»: il est persuadé que sa carrière à Hollywood est ruinée. (Slate, "Comment un joint avec une star d'Hollywood a ruiné la vie de Lila Leeds, Michael Atlan, 18/08/2019).

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