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Articles avec #animation tag

Fantastic Mr. Fox

Publié le par Rosalie210

Wes Anderson (2010)

Fantastic Mr. Fox

Dans le folklore occidental, le renard personnifie la ruse et la malice ce qui en fait un personnage ambivalent à la fois héroïque et fourbe. Il s'inscrit dans longue tradition littéraire du Roman de Renart qui lui donne son nom (exit le goupil) et ses caractéristiques aux fables de La Fontaine et à Machiavel (le prince doit se faire à la fois renard et lion c'est à dire combiner la force et la ruse). Le film de Wes Anderson, cinéaste de la transmission s'inscrit parfaitement dans cette filiation. Adapté du livre de Roald Dahl, Fantastique maître Renard, il rend également hommage au pionnier de l'animation en volume, le cinéaste Ladislas Starewitch qui réalisa une adaptation du Roman de Renart avec cette technique en 1937. Comme tous les films d'Anderson, Fantastic Mr. Fox puise ses sources dans le pouvoir d'émerveillement du monde de l'enfance, la ligne claire des vignettes de BD ou des livre d'images mais les thèmes abordés sont plutôt adultes et mélancoliques et le style, empreint d'ironie et de second degré. Anderson complexifie le personnage de Mr. Fox par rapport à l'oeuvre de Dahl pour en faire un de ces pères fantasques et irresponsables dont il a le secret dans la lignée des Royal Tanenbaum et autres Steve Zissou. Trahissant la promesse faite à sa femme, Fox qui est mal à l'aise dans sa peau d'adulte trop grande pour lui reprend sa vie ado de rapines et met en danger sa famille et sa communauté. D'autre part il n'hésite pas à marginaliser son fils, lui préférant le neveu de sa femme plus charismatique et plus doué. Fox est courageux mais il est aussi vaniteux, prenant la pose en sifflant et claquant sa langue de façon ridicule. Anderson s'offre au passage une belle satire du monde contemporain en multipliant les allusions ironiques (achat d'un logement, méditation transcendantale, comparaison du prestige des cartes de crédit, aliments de grande distribution transformés ou reconstitués par l'industrie agro-alimentaire, publicités, jeux vidéos, TV etc.) Il multiplie également les passages parodiant d'autres genres de cinéma: cinéma d'animation en volume de Nick Park (Chicken Run surtout mais aussi une touche de Wallace et Gromit), films de casse type Ocean's 11,12,13... (avec la voix de Clooney en prime qui double Mr. Fox en VO), films d'art martiaux avec le rat, western dans la scène de l'embuscade, film de guerre (la salle d'opérations des animaux) etc.

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L'image manquante

Publié le par Rosalie210

Rithy Panh (2013)

L'image manquante

« Tous les cinéastes font des films pour combler une ou des images manquantes. » Mais pour Rithy Panh, la nécessité de se remémorer le passé se heurte à l'absence d'images, détruites par le régime Khmer rouge qui les a remplacées par des films de propagande. Aussi le film se divise en deux lignes de récit distincts et antinomiques. D’un côté le récit d’une histoire collective, celle du Cambodge dirigé par les Khmers rouges de 1975 à 1979 et des 1 million 800 cambodgiens tués par le régime. De l’autre l’histoire d’une des victimes de ce régime, celle du réalisateur lui-même. Pour la première fois dans sa filmographie, Rithy Panh livre son expérience personnelle. Mais dans chacun de ses films, il a cherché à raconter des histoires singulières pour lutter contre l’abstraction des statistiques. Seule l’émotion intime peut efficacement s’opposer à une barbarie totalitaire qui nie l’individu. La langue du « je » face à la langue révolutionnaire du « nous ».

Le titre du film fonctionne comme un leurre. Il n’y a pas une mais plusieurs images manquantes. Et elles ne sont pas seulement manquantes, parfois elles sont absentes, parfois elles sont mensongères (les images de propagande du régime par exemple). C’est pourquoi, le cinéaste construit son film comme un patchwork dont les coutures sont apparentes. Il refuse d’harmoniser les images par exemple et laisse la rupture se faire entre le film numérique et la pellicule, entre la couleur et le N/B comme il refuse de vernir ses figurines pour qu’elles retournent ensuite à la poussière. Son film est conçu comme une installation éphémère, comme un objet plus ou moins fini, comme un assemblage de fragments disparates, de matériaux hétéroclites : archives, voix-off, maquettes, figurines etc. Ce procédé permet à la fois de relier le récit intime au récit historique tout en s’interrogeant sur les rapports entre la fiction et le documentaire. En effet pour que le spectateur reste actif, il refuse l’immersion. Le but est de montrer que les images de propagande sont en quelque sorte plus fictionnelles que les images reconstruites par Rithy Panh. Les images de propagande mentent sur la réalité. Pol Pot s’est inventé un personnage, s’est construit un monde façonné par son idéologie et a utilisé le peuple pour en faire une image. A l’inverse les images reconstruites de Rithy Panh nous documentent sur son enfance et sur le monde d’avant le régime. Un monde de couleurs, d’odeurs, de diversité, de langage imagé qui va être aboli par le régime tout comme la religion, l’instruction ou la vie de famille. Certaines de ces images s’apparentent également au processus psychanalytique : le ressac de la mer (« J’ai 50 ans, je fais retour sur mon enfance. »), les corps flous « à mettre au point » etc.

Cependant, Panh ne reconstitue pas tout. La déportation de Phnom Penh qui est une image manquante tout comme l’enfance du réalisateur est remplacée par une installation avec des figurines non animées. Le refus de l’animation s’explique par le fait que la vie a été arrêtée par les Khmers. De plus ceux-ci ont détruit la plupart des images qui existaient avant eux. Celles des films de fiction comme celles des photos de famille. Panh veut que l’on ressente cette vie arrêtée et cette absence d’images du bonheur, des enfants heureux, bien nourris etc. Enfin se pose la question de l’absence des images d’exécution. Les Khmers ont filmé ces scènes mais Panh dit « ne pas les avoir retrouvées » (ce qui n’est pas forcément vrai) et même s’il les avaient retrouvées, ne les auraient pas montrées. En cela il est proche de Claude Lanzmann qui est encore plus radical. En 1994 dans un entretien, Lanzmann dit que s’il avait trouvé des images de mise à mort dans les chambres à gaz, non seulement il ne les auraient pas incluses dans son film mais il les auraient détruites (ce qui donnera lieu quatre ans plus tard à un débat avec Godard pour qui rien n’est infilmable).

Les Khmers ont détruit la culture cambodgienne dans tous ses aspects, y compris les rituels funéraires. Les figurines, comme celles que l’on plaçait dans les sarcophages égyptiens ont aussi pour fonction d’accompagner les morts dans leur dernière demeure, de donner un enterrement digne à tous ceux qui n’en ont pas eu. D’autant que les images conservent le souvenir, telles un embaumement.

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Wall-E

Publié le par Rosalie210

Andrew Stanton (2008)

Wall-E

Wall-E qui fut assez controversé à sa sortie est un des meilleurs Pixar. A titre personnel, c'est mon préféré, à égalité avec Vice Versa. C'est une prouesse technologique et narrative qui parvient à offrir un univers riche, doté de plusieurs niveaux de lecture. A bien des égards, il est à contre-courant de la production contemporaine, notamment en matière de dessins animés. Par peur sans doute d'ennuyer, les films d'animation occidentaux grand public ont tendance à être hystériques avec des péripéties incessantes, des dialogues mitraillettes et une image remplie à ras bord. Peu importe que l'on atteigne l'indigestion, peu importe que le scénario et les personnages soient indigents, peu importe que l'on n'en retienne rien, il faut gaver les spectateurs à tout prix.

Wall-E en parfaite cohérence avec son discours critique sur la surconsommation est pour l'essentiel contemplatif et privé de dialogues. L'hommage aux films de Chaplin et Buster Keaton dont la mélancolie ressemble à celle de Wall-E n'est pas loin. Mais hommage à Kubrick aussi (Wall-E est bourré de clins d'oeil à 2001 l'Odyssée de l'espace) et à Miyazaki (allusions à Nausicaa et sa planète toxique). Riche de toutes ces références, Wall-E sollicite le spectateur autrement qu'en l'abrutissant. Le travail sur l'image (que de poésie dans le ballet spatial des deux robots par exemple) et sur le son (par exemple sur les intonations variées avec lesquelles sont prononcés Wall-E et Eve) oblige celui-ci à être actif ou à rejeter un film qui ne se "donne pas" de lui-même. Tati si incompris en France a été reçu 5 sur 5 aux USA tant sur la forme que sur le fond. Ainsi Playtime, descendant des Temps Modernes et du Mecano de la General où Chaplin et Keaton "déréglaient" la machine est à son tour pris pour référence dans Wall-E où ce dernier en nouveau M. Hulot désordonne le monde aseptisé de l'AXIOM.

Néanmoins Wall-E reste parfaitement accessible aux enfants à cause de l'incroyable travail d'humanisation effectué sur Wall-E et à un degré moindre sur Eve. Là encore, la critique sous-jacente tape dans le mille. Ces robots sont mille fois plus humains que les humains du film déshumanisés par leur dépendance à la technologie...et que tant et tant de comédiens insipides qui ressemblent eux à de vrais robots.

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Kubo et l'armure magique (Kubo and the Two Strings)

Publié le par Rosalie210

Travis Knight (2016)

Kubo et l'armure magique (Kubo and the Two Strings)

Très beau film du studio Laïka (Coraline), animé en stop-motion (photographies de figurines image par image) avec une grande richesse de coloris, motifs et textures. Le récit initiatique et héroïque est somme toute très classique mais le choix de situer l'histoire dans un Japon médiéval sublimé est une superbe idée. La riche culture de ce pays sert à merveille le récit et donne lieu à des scènes d'une grande poésie. Citons celles où Kubo exerce ses pouvoirs magiques au travers d'un shamisen pour créer et animer des origamis (soit une mise en abyme du film lui-même) et celle, de toute beauté, de la cérémonie unissant les vivants et les morts avec un cortège de lampes allumées flottant sur l'eau. Le travail de deuil est d'ailleurs un des thèmes centraux du film. En acceptant la perte de ses parents tout en conservant leur mémoire, le héros découvre que "rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme." Ceux qui refusent cette loi de l'univers se placent en dehors de l'humanité et deviennent des monstres. La mission de Kubo étant de les réintégrer car tous font partie de la même famille.

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Comme des bêtes (The Secret Life of Pets)

Publié le par Rosalie210

Chris Renaud et Yarrow Cheney (2016)

Comme des bêtes (The Secret Life of Pets)

Le dernier né d'Illumination la filiale animation d'Universal n'est ni original ni bien maîtrisé. Il lorgne trop du côté du Toy Story des studios Pixar en substituant des animaux aux jouets. Mais surtout il multiplie les personnages et les références sans les approfondir. D'où une impression de superficialité et de remplissage qui ne dissimule pas la vacuité du scénario. C'est dommage car le design est agréable, certains gags sont bien trouvés, il y a du rythme mais des personnages incohérents et un gros manque de sens. Bref c'est un film bâclé en dépit d'un inéniable savoir-faire.
A noter la présence en première partie d'un court métrage des minions certes niveau pipi-caca mais bien plus drôle que le film sorti l'année dernière.

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Emilie Jolie

Publié le par Rosalie210

Francis Nielsen et Philippe Chatel (2011)

Emilie Jolie

Cette adaptation de la célèbre comédie musicale de Philippe Chatel datée de 1979 est d'une médiocrité affligeante. La trame du conte n'est pas respectée, les chansons sont tronquées et seule une partie d'entre elles sont conservées. Tout cela sans doute dans le but de moderniser et dynamiser l'histoire. C'est raté. L'animation est laide, les personnages convenus voire antipathiques (Emilie est à giffler) et l'intrigue décousue sans parler du rythme mollasson faute d'enjeu à la hauteur. On a la désagréable impression d'assister à une mauvaise copie de Kirikou et la sorcière (La méchante toute noire se transforme en gentille blonde selon les stéréotypes les plus éculés) et de Hook de Spielberg (le papa vissé au téléphone qui ne s'occupe pas de sa fifille chérie). Alors qu'il aurait suffi de faire confiance à la force intrinsèque de ce conte sur l'imaginaire enfantin et la peur de grandir. Chatel semble avoir perdu ses pouvoirs magiques avec le temps. Mieux vaut écouter l'original qui reste un must du genre.

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Le monde de Dory (Finding Dory)

Publié le par Rosalie210

Andrew Stanton (2016)

Le monde de Dory (Finding Dory)

Le monde de Dory est la suite du monde de Némo sorti en 2003. Marin et son fils Némo qui étaient les personnages principaux du premier film deviennent les personnages secondaires du second alors que pour Dory c'est l'inverse. Ce deuxième film est à la hauteur du premier. Il se situe dans sa continuité tout en offrant une variation intéressante du thème de l'imperfection/vulnérabilité/handicap et de la nécessité de l'accepter pour le surmonter. Dans le premier film on se souvient que Némo souffrait d'une nageoire atrophiée et d'un père particulièrement angoissé. Dans le second se sont les défaillances de la mémoire immédiate de Dory et les tentatives de ses parents pour lui donner les outils de l'autonomie en dépit de sa différence et de leurs inquiétudes qui ouvrent le film. Heureusement car Dory perd très tôt ses parents de vue et se retrouve seule et perdue. Son handicap ne lui permet pas de trouver de l'aide puisqu'elle ne se souvient pas de ce qu'elle cherche. Et pourtant elle survit et s'adapte en rencontrant d'autres poissons déficients comme Marin et Némo mais aussi Destinée un requin-baleine myope, Bailey un Béluga qui fait un blocage psychosomatique ou Hank un poulpe caméléon à 7 branches (il a perdu la huitième). Avec eux elle part à la recherche de ses parents biologiques (dont elle finit par se souvenir).

On retrouve l'humour et la beauté des décors aquatiques du premier film ainsi qu'une efficacité redoutable dans la mise en scène des scènes d'action. L'impact de l'homme sur le milieu est également souligné au travers de la pollution mais aussi du centre aquatique. Ce centre est censé aider, soigner et relâcher les poissons dans leur milieu naturel mais ce que le film montre c'est que les poissons sont surtout exhibés comme des phénomènes de foire et utilisés comme des jouets de stands de fête foraine. Pas étonnant que leur vraie libération soit celle qui les délivre de la main de l'homme.

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Le voyage de Chihiro (Sen to Chihiro no kamikakushi)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (2001)

Le voyage de Chihiro (Sen to Chihiro no kamikakushi)

"Sans attache, ni passé, l'homme autant que la société sont voués à disparaître." On pourrait ajouter "sans spiritualité". C'est exactement ce que nous découvrons au début du film. La famille de Chihiro est tellement occidentalisée qu'elle semble complètement hors-sol dans la campagne japonaise. Le comportement sacrilège des parents de Chihiro qui dévorent la nourriture destinée aux esprits en pensant qu'il leur suffira de la payer pour être quitte le confirme. C'est d'ailleurs parce qu'ils ont oublié les règles les plus élémentaires de leur civilisation qu'ils sont transformés en cochons (comme Marco Pago dans Porco Rosso qui a perdu son humanité à la guerre). Durant tout le film, divers indices confirment les dégâts du capitalisme sur l'identité profonde du Japon. Le parc à thème construit sans vergogne sur un lieu religieux sans doute pendant une bulle spéculative puis abandonné par la crise l'illustre. La séquence de l'esprit de la rivière devenu putride à la suite de sa pollution et dont le nettoyage dantesque fait apparaître une montagne de déchets et de boue le confirme. De même le sans visage est une métaphore de l'homme capitaliste. Un homme dangereux et pathétique, sans identité, dont le vide intérieur ne peut jamais être comblé malgré une consommation intensive consistant à tout dévorer sur son passage en échange de pépites d'or. Des pépites dont la fausse valeur se révèle lorsqu'elles pourrissent. Enfin Haku est l'esprit d'une rivière qui a oublié son identité à la suite de son drainage par les promoteurs immobiliers à la recherche de nouveaux terrains à construire.

Mais Miyazaki n'est ni manichéen, ni passéiste. Il ne sépare jamais l'univers des humains et celui des esprits, contaminés les uns par les autres. Ainsi Yubaba la sorcière directrice de la maison des bains (Onsen) vit dans le luxe et règne sur un tas d'or alors que son gigantesque bébé joufflu incarne l'enfant-roi gâté et surprotégé des sociétés développées. Les employés du Onsen sont tout aussi obsédés par l'or. A contrario Chihiro qui est humaine se comporte de façon désintéressée lorsqu'elle purifie le Dieu de la rivière ou sauve Haku. Miyazaki démontre une fois de plus l'unité foncière du monde et cherche à renouer des liens entre ses différentes dimensions. Une différence fondamentale avec les aventures d'Alice de Lewis Caroll dont Miyazaki s'inspire aussi bien pour Totoro que pour Chihiro.

Le film est d'une beauté époustouflante soulignant l'hybridité qui l'anime. Le bâtiment des bains est un grandiose mélange d'éléments orientaux et occidentaux. Mais la séquence la plus sublime est celle où Chihiro se rend dans un symbole de la révolution industrielle jusqu'au coeur de ce qui représente le fin fond des âges (et les peurs les plus primitives) pour rencontrer Zeniba, la soeur jumelle de Yubaba. Le train glissant sans bruit sur l'eau puis le réverbère unijambiste guidant les voyageurs jusqu'au coeur de la forêt font écho à la séquence de l'arrêt de bus de Totoro et constituent un sommet de zénitude et de plénitude.

Le succès international du film et les prestigieux prix glanés à travers le monde (notamment en Europe et aux USA) démontrent à quel point derrière son caractère japonais le voyage de Chihiro est universel.

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Mon voisin Totoro (Tonari no Totoro)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1988)

Mon voisin Totoro (Tonari no Totoro)

Mon voisin Totoro, le quatrième film de Miyazaki est absolument magique. Dénué d'intrigue spectaculaire, le film se concentre sur la vie quotidienne de deux fillettes japonaises qui dans les années 50 s'installent avec leur père à la campagne pour se rapprocher du sanatorium où est hospitalisé leur mère atteinte de tuberculose. Tout est vu à travers le ressenti et l'imaginaire des enfants qui font corps avec la nature au point de "traverser le miroir" et d'y découvrir qu'elle regorge d'esprits bienveillants dont un puissant protecteur, le grand Totoro mélange de chat, de hibou et de tanuki (raton-laveur du folklore japonais) qui vit dans un camphrier géant.

Les sources d'inspiration de Miyazaki sont multiples. Il y a d'abord des éléments de son enfance et adolescence à la campagne avec une mère en sanatorium (comme celle du film). Il y a ensuite la littérature européenne. Mon voisin Totoro est en partie une transposition d'Alice aux pays des merveilles dans la campagne japonaise. Le petit Totoro blanc (le Chibi-Totoro) que suit Mei avant de tomber dans le creux de l'arbre fait penser évidemment au début du roman de Lewis Caroll. De même le Chat bus a un sourire identique à celui du Chester et peut disparaître comme lui. Mais contrairement à l'univers d'Alice, il n'y a pas de rupture entre l'univers de la réalité et celui de l'imaginaire animiste des enfants. Car les croyances shintoïstes jouent évidemment un rôle essentiel dans cet univers peuplé d'esprits de la forêt où l'homme est un élément du grand tout.

Miyazaki parvient à faire ressentir cette unité cosmique lors de scènes mémorables dont la plus belle, la plus poétique est l'attente du bus sous la pluie qu'il nous rend incroyablement tangible. D'autre part il démontre son sens aigu de l'observation des enfants. La plus jeune, Mei qui n'a que 4 ans est criante de vérité dans sa façon de répéter ce que dit sa grande soeur ou de chercher à attirer l'attention en dérangeant son père. Satsuki qui a 11 ans est entre le monde des enfants (elle finit elle aussi par percevoir les esprits) et celui des adultes (elle remplace sa mère). Quant au père, il n'a plus la possibilité de voir les esprits et loin de décrédibiliser ce qu'a vu Mei, il lui dit qu'elle a eu beaucoup de chance. Ce qui nous fait mesurer au passage ce que nous perdons en renonçant à notre âme d'enfant.

 

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Le château ambulant (Hauru no ugoku shiro)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (2004)

Le château ambulant (Hauru no ugoku shiro)

Le château ambulant est une libre adaptation du roman de Diana Wynes Jones, Le château de Hurle. Comme dans la plupart de ses films, Miyazaki laisse libre cours au métamorphisme et à une esthétique singulière très steampunk.

La construction identitaire est au coeur du film. Il s'agit d'un jeu sur les places, les rôles et les apparences. Contrairement à une idée reçue, l'identité peut évoluer tout au long de la vie. Sophie est une jeune fille solitaire qui subit son destin au travers d'un héritage (la chapellerie de son père) qu'elle ne remet pas en question. Jusqu'au jour ou à la suite d'un maléfice elle devient physiquement ce qu'elle est déjà intérieurement: une vieillarde. C'est la perte de sa jeunesse qui paradoxalement la libère, lui donne l'audace et le regain d'énergie pour prendre son destin en main et choisir sa manière de vivre avant que celle-ci ne lui échappe. Comme elle le dit elle-même, elle a peu à perdre. Tout au long du film, son âge ne cesse de varier selon son état d'esprit avant de se fixer vers la fin sur un ultime paradoxe. Elle retrouve l'apparence de ses 18 ans mais garde les cheveux blancs ou plutôt comme le dit Hauru "couleur de lune." Comme quoi de multiples significations peuvent être attachées à cette couleur.

Hauru est lui aussi un personnage en quête d'identité comme en témoigne ses changements de nom et de couleur de cheveux. Il semble très attaché à montrer de lui une apparence parfaite mais ses transformations démontrent qu'il ne la maîtrise pas cette identité parfaite ce qui le désespère. D'autre part Sophie découvre à la suite d'un voyage dans le passé qu'il a uni ses pouvoirs à ceux d'un démon du feu ce qui l'a privé de son coeur. Le démon alias Calcifer est enchaîné au château par le pacte qu'il a conclu avec Hauru. Quant à ce dernier, il n'a plus accès à ses émotions et se transforme lorsqu'il combat en oiseau nocturne qui a bien du mal à reprendre ensuite forme humaine. Sophie a la tâche de libérer Calcifer et de rendre son cœur à Hauru.

Comme souvent chez Miyazaki, la technologie est ambigue. Hauru est un magicien-sorcier (l'ancêtre du scientifique) qui est sollicité pour participer à l'effort de guerre. Il se distingue justement par le fait qu'il rejette cette guerre qu'il considère injuste et refuse de prendre parti quitte à se mettre à dos sa hiérarchie. On retrouve ainsi dans le Château ambulant l'antimilitarisme et la dénonciation de l'utilisation perverse de la technologie comme dans les films de Kubrick et Zemeckis.

Mais en même temps Miyazaki est un grand admirateur de l'oeuvre de Jules Verne comme en témoigne ses machines volantes diverses inspirées des premiers aéroplanes, ses cités industrielles basées sur l’énergie thermique, sans parler des costumes des personnages qui s’apparentent à ceux du XIXe siècle. Le château ambulant lui-même reprend cette esthétique steampunk. La demeure est faite de bric et de broc et se déplace grâce à l’énergie thermique procurée par un esprit de feu. Elle ouvre sur plusieurs mondes et plusieurs époques, soutenue par cette énergie mystérieuse.

 

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