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Articles avec #animation tag

Kirikou et la sorcière

Publié le par Rosalie210

Michel Ocelot (1998)

Kirikou et la sorcière

Où est mon père? Où sont les frères de mon père? Où sont les frères de ma mère? Pourquoi la source s'est tarie? Pourquoi Karaba est-elle si méchante?

Ces questions sont autant de brèches contre le poids de la fatalité qui accable un village d'Afrique de l'ouest quelque part entre le Sénégal (d'où viennent les doubleurs qui prêtent leurs voix aux personnages ainsi que le compositeur Youssou N'Dour) et la Guinée (où Michel Ocelot a vécu enfant). Ce village s'est résigné à mourir à petit feu sous l'emprise de la terrible sorcière à qui ils attribuent tous leurs malheurs. Mais Kirikou qui a été actif dès le début de sa vie puisqu'il s'est enfanté tout seul ne se résigne pas. Il veut comprendre et il veut agir. Et il n'a pas peur. Tout le contraire des villageois qui rivalisent d'obscurantisme, de pusillanimité, de bêtise et de préjugés. La taille lilliputienne de Kirikou et son jeune âge leur inspirent le plus grand mépris. Ils refusent d'écouter ses conseils et refusent de l'aider. Et leur mémoire de poisson rouge leur fait bien vite oublier leur sauveur. Kirikou est tout seul. Sa mère et son grand-père sont de son côté mais sa mère est prisonnière du village et son grand-père de la montagne. Une seule autre personne subit un tel ostracisme: la sorcière qui vit à l'écart du village. Pas étonnant qu'elle fascine Kirikou qui ne veut pas seulement l'empêcher de nuire. Il veut la délivrer de la haine des hommes qui la ronge, sachant sans doute confusément que son sort et le sien sont liés. Et ils le sont effectivement. Karaba a été meurtrie dans sa chair et sa soif de vengeance est d'abord une volonté de contrôler ceux qui l'ont fait souffrir (elle transforme les hommes en objets fétiches, ainsi ils ne pourront plus lui faire du mal). La terreur qu'elle inspire se nourrit aussi de préjugés puisque Kirikou découvre qu'elle n'a pas fait le mal qu'on lui prête. En la délivrant, il se délivre aussi puisqu'un baiser (de réconciliation entre l'homme et la femme) suffit à le métamorphoser en prince.

Outre la profondeur de son histoire et ses personnages marquants, Kirikou et la sorcière scelle un mariage particulièrement réussi entre la culture occidentale et la culture africaine. Michel Ocelot est un trait d'union entre ces deux civilisations qu'il mêle harmonieusement. La forme est aussi somptueuse que le fond. Musique de Youssou N'Dour, esthétique inspirée du Douanier Rousseau, de Klimt et de l'Egypte antique, inspiration puisée dans les contes de fée occidentaux... Mais à l'image de Kirikou, il a fallu une détermination sans faille à Michel Ocelot pour résister aux pressions qui voulaient dénaturer son œuvre en la privant de son identité africaine. Ceux qui voulaient que les personnages soient doublés par des français et ceux qui voulaient rhabiller les corps dénudés, un tabou pour les sociétés anglo-saxonnes. Mais ils ont dû plier devant "l'innocence toute nue et l'intelligence toujours en éveil": le succès bien mérité de Kirikou a été planétaire.

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Cars: 4 roues (Cars)

Publié le par Rosalie210

John Lasseter et Joe Ranft (2006)

Cars: 4 roues (Cars)

Cars est un Pixar sous-évalué en France à cause de sa culture "américano-centrée" à commencer par ses personnages, des automobiles humanisées. Des a-priori complètement stupides (et c'est une personne qui déteste les automobiles qui l'affirme). Outre sa qualité technique irréprochable, Cars comme la majorité des films des studios Pixar possède un scénario absolument remarquable, bien plus étoffé et subtil qu'un énième récit d'apprentissage pour enfants destiné à passer le temps.

C'est justement de temps dont il est question dans Cars. Deux temps, deux espace temps. L'introduction nous plonge avec un dynamisme et une efficacité qui devrait être enseignée dans toutes les écoles spécialisées au beau milieu d'une course automobile comme métaphore de la société américaine actuelle et par extension de la mondialisation libérale. Culte de la vitesse, absence de vision à long-terme, compétition acharnée pour être le premier dans un monde se divisant entre winner et loosers, podium offrant trois profils typiques (le ponte indéboulonnable soutenu par une écurie de sponsoring que tout le monde rêve d'intégrer, l'éternel second frustré et revanchard prêt à tous les coups bas et le jeune rookie ambitieux), marchandising effréné, médias omniprésents... La suite ne fait que peaufiner la critique de l'individualisme, de l'argent roi et de la société de consommation. Harv, l'agent de Flash McQueen se réduit à une calculatrice dont la jovialité est démentie par de petites phrases bien assassines ("quelle course mon vieux! Bon je ne l'ai pas vue mais on m'a dit que tu t'es surpassé"; "Je regrette presque de te prendre 10% de tous tes gains, produits dérivés, droits d'exploitation"; "Tu te passes très bien de moi. Non je rigole, t'as signé de toutes façons". McQueen lui-même est un orgueilleux qui refuse d'écouter les conseils, cabotine à mort devant les projecteurs oups, un "one-man-show" qui "travaille en solo", méprise les pit stoppers qu'il appelle "machin", a honte de son sponsor tout pourri, la marque Rust-eze (excellente satire des produits cosmétiques censés rendre la jeunesse/dérouiller les vieux tacots) et rêve d'atteindre les sommets de la gloire et de la toute-puissance.

Mais à force d'être trop pressé, McQueen se retrouve largué à Ploucville, au milieu de la cambrouse, condamné à accomplir des travaux d'intérêt général pour réparer la route que son comportement de chauffard a dévasté. Une ville morte située au milieu du désert et où le temps s'est arrêté. Il bascule alors dans le passé oublié du rêve américain symbolisé par les Ford T Stanley et Lizzie fondateurs de la ville et la mythique route 66, dévitalisée, abandonnée par la construction en parallèle d'une autoroute en ligne droite "Il y a 40 ans, on roulait de façon différente. La route épousait le paysage. Elle montait, descendait, serpentait, elle ne coupait pas à travers les terres pour gagner 10 minutes." Et de mesurer le temps perdu non en quantité mais en qualité "On ne cherchait pas à gagner du temps. On cherchait à prendre du bon temps."

C'est alors que la société altermondialiste se fait jour, puisant paradoxalement dans les racines de l'histoire des USA. Une société de la lenteur, de la contemplation, des émotions, de l'anti-consumérisme (le décor de montagnes en arrière-plan de Radiator Springs fait allusion à une œuvre d'art contestataire bien réelle le "Cadillac Ranch" où 10 épaves de Cadillac sont alignées dans le désert) du travail bien fait et de l'écologie avec pour emblème Fillmore le van Volkswagen hippie adepte de Hendrix et accessoirement vendeur de carburant bio. Fillmore qui tempère l'Amérique réac profonde symbolisée par le sergent. Radiator springs s'avère être un refuge pour tous les cabossés-rebuts de la société dominante qu'ils soient immigrés (Luigi et Guido, Ramone et Flo), inadaptés (Red), trop vieux (le shérif), simples d'esprit (Martin) ou désabusés (Sally l'ancienne avocate et Hudson Hornet l'ancien champion), tous sont partis se ressourcer (et soigner leurs blessures) au "vert" (enfin plutôt au "rouge" du désert).

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Le chant du styrène

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1958)

Le chant du styrène

A partir d'une commande des usines Pechiney, Resnais réalise une enquête poétique sur les origines du plastique. Il part de l'objet fini pour remonter jusqu'à la matière première en passant par toutes les étapes de sa fabrication.

Dès le titre, on sait que l'on va avoir affaire à un alchimiste capable de transformer le plomb (le pétrole et ses dérivés industriels) en or c'est à dire en œuvre d'art. Le Chant du (poly)styrène convoque le mythe grec, celui de Syrinx, nymphe d'Acadie aimée de Pan. Poursuivie par le dieu, elle se transforma en roseau. Pan, écoutant le vent siffler dans les roseaux eut l'idée d'unir des tiges de longueur inégale et créa ainsi la flûte qui porte son nom. La flûte avatar de l'art lyrique, la poésie unie au plastique dès le titre et cet alliage, alliance contre-nature se poursuit avec la citation de Victor Hugo tirée des Voix intérieures puis du célèbre vers détourné du Lac de Lamartine "Ô temps, suspend ton bol". Le commentaire se poursuit en alexandrins aux rimes suivies, comme dans la tragédie classique dont il épouse les effets et la rhétorique avec quelques relâchements stylistiques et l'introduction d'un vocabulaire technique soulignant qu'il s'agit bien d'une œuvre hybride. Et si "on lave et on distille et on redistille/Ce ne sont pas là exercices de style" puisque c'est Raymond Queneau, l'auteur de ce poème qui l'affirme!

Néanmoins le documentaire n'est pas qu'un jeu. Il nous entraîne dans une drôle de jungle, celle de la chimiosynthèse (avec une accumulation de formes plastiques végétales mutantes) le tout sous un fantôme de soleil levant qui en 1958 ne pouvait évoquer autre chose que les ruines fumantes du cataclysme nucléaire japonais ravivées par la guerre froide. Et plus le film avance, plus les couleurs s'éteignent, celui-ci s'achevant dans la grisaille des bâtiments et des fumées d'usine où l'élément humain semble réduit à l'état spectral. Ce qui n'est pas sans évoquer les cendres de Nuit et Brouillard. "Mais parmi ces progrès dont notre âge se vante/Dans tout ce grand éclat d'un siècle éblouissant/Une chose, ô Jésus, en secret m'épouvante,/C'est l'écho de ta voix qui va s'affaiblissant."

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Storytime

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (1968)

Storytime

Storytime fait écho à la série anglaise « Don’t Adjust Your Set » (1967-1969) pour laquelle Gilliam a effectué de nombreuses animations du même genre, et annonce en même temps les sketchs animés qui ponctueront « Monty Python’s Flying Circus », série culte de la première moitié des années 70.

Storytime se compose de trois segments d'animation complètements déjantés qui annoncent l'oeuvre à venir, surréaliste, engagée, poétique, azimutée, sarcastique et iconoclaste. Si tous trois sont remarquables, mon préféré est le troisième, saccage jouissif de l'imagerie empreinte de religiosité naïve des cartes de vœux traditionnelles. On y voit les biches et les anges se faire massacrer, le traîneau du père Noël se faire poursuivre par une horde d'indiens, ce dernier kidnapper les enfants ou leur reprendre leurs jouets, les rois mages perdre le nord etc. Le tout dans un emballage des plus sarcastiques. Outre une virulente satire morale et religieuse, on peut discerner dans ce segment iconoclaste son goût pour le détournement des institutions, des traditions, des légendes et des contes. Les deux autres segments semblent encore plus absurdes mais parlent en réalité d'inégalités voire de lutte des classes. Le premier joue sur deux échelles et deux techniques différentes d'animation (dessin crayonné et collage) pour mettre en relation la vie d'un cafard et celle des êtres humains qui les écrasent. Le deuxième qui mêle également ces deux techniques nous raconte une histoire de mains et de pieds qui s'émancipent de leurs maîtres mais qui reproduisent leurs inégalités sociales, les premières snobant les deuxièmes considérés comme inférieurs. Ajoutons que le passage d'un segment à l'autre se fait sans solution de continuité. On saute du coq à l'âne ce qui renforce le caractère absurde de l'ensemble (cela fait penser au générique de Sacré Graal).

Les influences de Gilliam qui s'expriment ici vont de Harvey Kurtzman (Mad Magazine) aux photomontages dadaïstes de John Heartfield en passant par Stan van der Beek et son film d'animation sarcastique et surréaliste Death Breath. Gilliam deviendra lui-même une influence majeure de la série South Park et il participera lui-même à un épisode. En France, la filiation de Gilliam se situe pour l'aspect poétique plutôt chez Caro et Jeunet et pour l'aspect absurde et satirique chez Dupontel (il appaaît dans plusieurs de ses films). Des films en prise de vue réelle mais qui ont un indéniable aspect cartoonesque.

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Baby Boss (The Boss Baby)

Publié le par Rosalie210

Tom McGrath (2017)

Baby Boss (The Boss Baby)

Je n'ai pas aimé ce film qui en dépit de quelques bonnes scènes a provoqué surtout chez moi tantôt l'ennui et tantôt la consternation.

L'ennui car chez Dreamworks visiblement, on ne recherche ni la cohérence du scénario, ni l'épure de la mise en scène. Il faut remplir, remplir, remplir le cadre à tout prix. Empiler, s'empiffrer à l'image des gros bébés de l'histoire. Il ne doit pas y avoir de temps mort. Alors certes, Baby Boss est moins hystérique que Madagascar 3 mais tout aussi incohérent et superficiel. Par exemple on multiplie les personnages inutiles au lieu d'approfondir ceux qui existent. Les bébés qui entourent le "Baby boss" par exemple surgissent du néant et retournent au néant aussitôt après avoir fait leurs scènes. En plus ce sont des clones des télétubbies et d'Agnès de Moi moche et méchant. Idem pour la dirigeante à lunettes de Baby Corp. On dirait une version humaine de Germaine de Monstres et Cie. On l'entrevoit 5 secondes avant qu'elle ne soit éclipsée par la vengeance du méchant caoutchouc de l'histoire, une grosse baudruche que les héros ont (trop) vite fait de dégonfler. Il en est de même avec les thèmes, les styles et les références. Il y aurait de quoi faire 4 ou 5 films avec les sujets abordés (monde imaginaire de l'enfance, rivalité fraternelle, guerre commerciale, récit initiatique etc.) mais tout cela se superpose de façon brouillonne et incohérente. Par exemple comment expliquer que les parents ne soient pas étonnés de recevoir par taxi un bébé de la baby corp en costard-cravate et attaché-case alors que l'on a vu un peu plus tôt la mère enceinte? Parce qu'une partie du film se passe dans la tête du grand frère Tim qui a une imagination débordante tiens! Sauf que cette imagination lorsqu'elle apparaît à l'image est censé bénéficier d'une esthétique 2D cartoons ou comics. Or rien de tel lorsque le baby boss arrive dans la famille et en repart. Idem lorsque Tim entend les bébés parler, idem lorsqu'il enregistre leurs paroles sur une cassette audio et qu'ils tentent de la lui reprendre. Si on suit les codes du film on est donc à ces moments là dans la réalité. On nage donc en pleine incohérence puisque le film fait cohabiter dans la même dimension la grossesse naturelle et la fabrique à bébés, les areu et le costume de manager, la voiture à pédales et l'explosion atomique. L'avalanche de références (certaines sont quand même assez drôles comme la parodie de Mary Poppins ou la bave du bébé qui fait penser à la goutte de sueur de Cruise dans Mission Impossible) ne fait que brouiller encore plus le message.

Un message qui tantôt semble faire un appel du pied aux petits enfants (gags caca-prout, mignons petits chiots type peluches Ty) et tantôt semble lancer des œillades aux adultes avec une soi-disant satire du monde de l'entreprise qui ne casse pas 3 pattes à un canard et s'avère de plus hypocrite. Car si mon sentiment dominant a été l'ennui devant ce grand n'importe quoi (au vu des critiques, certains y trouvent leur compte, tant mieux pour eux), c'est de la consternation que j'ai ressenti devant la dernière scène qui m'a fait l'effet d'une douche froide. Celle où le baby boss devient juste un boss qui continue à résoudre tous les problèmes en jetant des liasses de fric au visage. Ca ne m'a pas fait rire du tout.

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Ghost in the Shell (Kōkaku kidōtai)

Publié le par Rosalie210

Mamoru Oshii (1995)

Ghost in the Shell (Kōkaku kidōtai)

Ghost in the shell est à la SF japonaise ce que Blade Runner de Ridley Scott est au cinéma occidental ou Neuromancien de William Gibson à la littérature: un pilier de la culture cyberpunk. A ceci près qu'il s'agit d'une œuvre de la première moitié des années 90 alors que Blade Runner et Neuromancien ont contribué à l'émergence 10 ans auparavant de cette nouvelle branche de la SF, dystopique et centrée sur les dérives des sociétés addicts à la technologie.

L'originalité profonde de Ghost in the shell est lié à la culture animiste nippone. Alors que chez Philip K. Dick (auteur du livre dont Blade Runner est l'adaptation), les androïdes sont perçus comme les ennemis des humains, alors que chez Asimov des lois les brident pour qu'ils restent des machines au service des humains, dans les œuvres japonaises ils peuvent se mêler aux humains voire devenir comme eux. En résulte toute une gamme de possibilités d'hybridations dont Ghost in the Shell se fait l'écho.

Ainsi le moment que je préfère dans l'anime, réalisé par Mamoru Oshii, c'est la séquence de début. Sur une musique envoûtante de Kenji Kawai "Making of Cyborg" mélange d'harmonies bulgares et d'ancien japonais (le Yamato) on voit naître sous nos yeux un être hybride. Une machine certes mais baignant dans un liquide amniotique et repliée sur elle-même en position fœtale. Motoko Kusagani surnommée "le Major" s'avère à l'image du film tout entier comme profondément duale. Machine à tuer aux ordres d'un côté ce qui donne lieu à de spectaculaires scènes d'action, être pensant rempli d'interrogations métaphysiques sur sa propre nature de l'autre ce qui donne lieu à de magnifiques scènes contemplatives (où revient le thème musical de départ et l'élément aquatique). Dans ce monde où la plupart des hommes se sont fait implanter des éléments cybernétiques dans le corps et le cerveau au point de pouvoir se faire hacker comme un ordinateur que signifie encore être humain? La réponse provient du "puppet master", un cybercriminel insaisissable qui s'infiltre dans tous les esprits et que poursuit sans relâche le Major "Ni la science ni la philosophie n'ont pu définir la vie. Je suis une entité vivante, pensante (...) mais incomplète. Il me manque la reproduction et la mort." Puppet Master (alias le marionnettiste) se définit comme Descartes "Je pense, donc je suis". Pourtant de son propre aveu il est incomplet. Plus encore qu'il ne le dit. Il lui manque en effet un corps (ce problème est résolu à la fin du film puisqu'il fusionne avec le Major) et surtout des émotions. Mais l'absence d'émotions est le point commun de tous les personnages du film, qu'ils soient davantage hommes ou davantage robots. La scène la plus emblématique à cet égard est celle où un éboueur manipulé par le marionnettiste découvre qu'on lui a implanté de faux souvenirs dans lesquels il a une femme et un enfant. En réalité il n'a personne.

C'est donc un monde totalement déshumanisé que dépeint Ghost in the Shell. Un monde sans amour, sans haine, sans tristesse et sans joie. Un monde sans nature. Un monde où les machines ont pris le pouvoir et les hommes, perdus leur liberté et leur identité. Un monde terrifiant et sans espoir. On comprend que Rupert Sanders ait tourné le dos à cette vision radicale pour le remake américain sorti en France le 29 mars. Il a voulu réinjecter de l'humanité à ce monde avec des liens filiaux, amicaux, amoureux, recréer une véritable hybridité ce qui avait du sens. Dommage qu'il l'ait fait de façon aussi maladroite.

Ghost in the Shell a eu un impact considérable dans les pays occidentaux. Tout comme Akira, il a contribué à faire émerger et apprécier un cinéma d'animation adulte dans des pays où celle-ci était cantonnée aux seuls programmes jeunesse. Il a surtout influencé tout un courant de la SF américaine (qui lui rend un hommage respectueux aujourd'hui). James Cameron, amoureux de profondeurs océaniques et de cyborgs ne pouvait qu'être fan de ce film. Quant aux frères Wachowski, ils ont trouvé le cocktail de la matrice directement dans Ghost in the shell. 

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Le Château dans le ciel (Tenkū no shiro Rapyuta)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1986)

Le Château dans le ciel (Tenkū no shiro Rapyuta)

"Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entier, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées (...) Elam, Ninive, Babylone." Ce texte de Paul Valéry écrit sur des décombres fumantes de la première guerre industrielle de l'histoire peut parfaitement s'appliquer à l'île volante de Laputa (titre du film en VO). Issue d' un passage des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, elle évoque à la fois la tour de Babel et le mythe de l'Atlantide. Elle permet à Miyazaki outre d'époustouflantes scènes aériennes et célestes de développer un discours sur l'hubris des hommes, leur désir fou d'égaler Dieu qui les aveugle et les détruit. Il montre également que cette vanité est vaine et que la nature reprend toujours ses droits. L'île de destruction massive se débarrasse de son dôme inférieur rempli d'engins de mort, libérant les racines de l'arbre géant qui en est le centre. Quant aux robots soldats (ou robots bombes) qui peuplent l'île, dès qu'ils ne sont plus contrôlés dans un but guerrier, ils deviennent des jardiniers protecteurs de la faune et de la flore ou finissent cassés et recouverts par la mousse. L'ambivalence de ces robots qui peuvent être destructeurs comme protecteurs s'inspire de la bergère et du ramoneur de Paul Grimault, première version du Roi et l'Oiseau. Sheeta est une bergère qui découvre en chemin ses origines royales. Comme dans le château de Cagliostro (et chez Grimault) elle doit être unie de force à l'héritier du roi de Laputa. Ce dernier, Muska représente les ténèbres alors que Sheeta n'est que lumière (ce que symbolise le cristal bleu qu'elle porte autour du cou et qui lui permet entre autre de léviter). Muska est un tyran dont le seul but est de s'emparer de Laputa pour dominer le monde. Mais comme le lui fait remarquer Sheeta, Laputa est déserte car déracinée de la terre, aucun homme ne peut supporter d'y vivre longtemps. Sheeta se croit donc condamnée à périr avec Muska ou de sa main. Mais le ramoneur veille, un jeune mineur au cœur pur du nom de Pazu qui a le même rôle de preux chevalier auprès d'elle que Lupin auprès de Clarisse dans le château de Cagliostro. Les scènes d'action et de contemplation s'enchaînent avec une parfaite fluidité et atout supplémentaire, le film bénéficie de la musique de Joe Hisaichi.

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On your mark (On Yua Māku)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1995)

On your mark (On Yua Māku)

Au Japon, le clip musical On Your Mark fut projeté en salles en ouverture du film Si tu tends l'oreille de Yoshifumi Kondô en 1995. Il illustre la chanson du même nom, du célèbre groupe Pop-Rock japonais Chage and Aska (Chage&Aska à l’époque du clip). Le film a permis pour la première fois à Hayao Miyazaki d’utiliser le format du clip musical, caractérisé par une durée très courte et dépourvu de dialogue, et au studio Ghibli de se familiariser avec les images de synthèse qu’il utilisera intensivement deux ans plus tard pour le film Princesse Mononoke.

Bien que d'une durée très courte, la réalisation de Miyazaki est aussi forte, originale et personnelle que dans ses longs-métrages. Ce qui ne l'empêche pas de s'abreuver de multiples références.

Une catastrophe nucléaire (manifestement inspirée de Tchernobyl) a anéanti la civilisation humaine à la surface de la terre. Ceux-ci se sont réfugiés sous terre (comme dans la Jetée ou Docteur Folamour) et ont construit des métropoles tentaculaires semblables à celles de Metropolis ou de Blade Runner. Une descente de policiers masqués dans les locaux d'une secte cagoulée (l'église sainte Nova) permet de mesurer le degré de deshumanisation atteint par cette nouvelle civilisation. On pense aux bonzes Dork de Nausicaa mais aussi à Twentieth Century boys d'Urasawa avec la secte d'Ami et le logo de l'œil sur les cagoules ("Dieu vous surveille"). Deux policiers (les membres du groupe Chage et Aska) enlèvent leurs masques lorsqu'ils découvrent une mystérieuse jeune fille ailée, évanouie et enchainée au fond d'un vide-ordure (qui représente à peu près tous ce que les hommes ont renié: la beauté, la liberté, l'innocence...). Mais ils vont être obligés de remettre des masques pour l'aider à s'évader lorsqu'elle est récupérée par des scientifiques avides de l'utiliser comme cobaye. Ils la relâchent à la surface, dans un paysage post-apocalyptique où la nature a repris ses droits (thème de Nausicaa, de Laputa...) ou bien ils meurent avec elle. Le film propose en effet deux fins. Une fin tragique et une fin heureuse. Les dénouements chez Miyazaki ne sont en effet jamais totalement heureux et après avoir vu ces deux fins, le doute subsiste sur la capacité de l'homme à retrouver la raison en même temps que ses racines.

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Le château de Cagliostro (Rupan sansei: Kariosutoro no shiro)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1979)

Le château de Cagliostro (Rupan sansei: Kariosutoro no shiro)

Premier long-métrage de Miyazaki réalisé en 1979, Le château de Cagliostro est en quelque sorte l'aboutissement au cinéma d'une série animée sur laquelle il avait travaillé durant plusieurs saisons, Lupin the third ("Rupan Sansei" en VO). Cette série est dérivée du manga du même nom réalisé par Kazuhiko Katō sous le pseudonyme de Monkey Punch. Dans le manga, le héros n'est autre que le petit-fils d'Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur créé par Maurice Leblanc. Problème, Monkey Punch n'a pas demandé aux ayants droit de Maurice Leblanc la permission d'utiliser le nom du personnage qu'il a créé. C'est pourquoi la série est arrivée (partiellement) chez nous sous le titre "Edgard, le détective cambrioleur". Le personnage a pris les noms les plus variés selon les pays: Edgard de la cambriole donc petit-fils d'un certain "Gaspard" mais aussi Wolf, Rupan III ou Vidocq IV, avant que l'œuvre de Maurice Leblanc ne tombe dans le domaine public et que le nom de Lupin ne s'impose partout dans le monde.

Malgré le fait que le film soit issu d'œuvres préexistantes, il ne s'agit en aucun cas d'un simple produit dérivé mais d'une œuvre originale et personnelle parfaitement accomplie. Coup d'essai, coup de maître. Miyazaki reprend certes les personnages du manga (Lupin, ses associés Goemon et Jigen, son ex-maîtresse Fujiko, l'inspecteur perpétuellement à ses trousses Zenigata/Lacogne) mais il en change sensiblement le caractère. L'atmosphère de l'histoire est également très différente. Pour résumer le manga est plus proche des stéréotypes associés aux films de gangster/films noirs, le film de Miyazaki plus proche de Heidi, une série à laquelle Miyazaki avait également participé et dont il reprend les décors montagneux et champêtres. La violence et l'érotisme du manga sont complètement gommées. Lupin est d'abord un gentleman avant d'être un cambrioleur (dans le manga c'est même un criminel de la pire espèce et l'ambivalence du personnage de Maurice Leblanc est complètement ignorée), ses associés sont également adoucis tout comme Fujiko.

Mais adoucis ne signifie pas affadis. Bien au contraire, Miyazaki revient à la source, c'est à dire aux romans de Maurice Leblanc pour mieux casser les stéréotypes manichéens et développer un univers de nuances entre deux pôles extrêmes: le comte de Cagliostro (l'ombre) et la princesse Clarisse (la lumière). Lupin se situe exactement entre les deux, il est pour reprendre de nombreux analystes la "pénombre", entre chien et loup plutôt que loup. Malfaiteur d'un côté, preux chevalier cherchant à délivrer sa dame enfermée dans la tour par un monstre de l'autre. Lupin est à mi-chemin entre Marco Pago (un solitaire sans attaches au passé trouble et dont une jeune fille au cœur pur représente la part lumineuse, rédemptrice sans que pour autant il ne se sente digne de vivre avec elle) et James Bond (pour les gadgets, les prouesses physiques improbables que seule l'animation peut permettre, une certaine prestance classieuse et l'univers du casino) avec une touche humoristique et cool à la Belmondo (dont le physique a inspiré un autre héros de manga d'action, Cobra de Buichi Terasawa). Devant la noble cause qu'il défend, l'inspecteur Zenigata accepte de faire une trêve pour collaborer avec lui, exactement comme dans Le Havre d'Aki Kaurismaki. Clarisse, jeune fille candide et Fujiko, femme intrépide et expérimentée ont été souvent comparées à Fio et Gina ce qui renforce le parallélisme déjà évoqué avec Porco Rosso (avec lequel Lupin partage aussi les caractéristiques animales).

Le film alterne avec brio des scènes d'action étourdissantes (inspirées de la Main au collet et de la Mort aux trousses d'Hitchcock) et des scènes de contemplation poétiques comme la découverte de la cité engloutie. Le décor absolument magnifique contribue beaucoup à cet équilibre. Comme d'autres films de Miyazaki, la principauté de Cagliostro est un résumé d'Europe victorienne fantasmée où les ruines côtoient un château, une tour et un aqueduc assez vertigineux. Le goût des hauteurs se marie avec des scènes d'envol mêmes si peu nombreuses en comparaison avec d'autres films de ce réalisateur. Les références littéraires et cinématographiques européennes sont prédominantes. Le titre provient d'un roman de Maurice Leblanc, La comtesse de Cagliostro qui introduit le personnage de Clarisse et son amour pour Lupin. La demoiselle aux yeux verts, autre roman de Maurice Leblanc évoque un trésor caché sous les eaux d'un lac. La justice d'Arsène Lupin de Boileau-Narcejac évoque la fabrication de fausse monnaie par l'Empire allemand pour déstabiliser la France pendant la première guerre mondiale. Les romans de Jules Verne qui fascinent Miyazaki fournissent les mécanismes extraordinaires et brinquebalants qui peuplent tous ses films. Enfin il y a La bergère et le ramoneur de Paul Grimault (1953), première version du Roi et l'Oiseau de 1979. Architecture du donjon, pièges et oubliettes, ascenseur grimpant à des hauteurs vertigineuses, tyran contraignant une jeune fille innocente à un mariage forcé (même la robe de mariée est identique!), passage à la trappe des indésirables, milice chargée d'assurer l'ordre sont autant d'hommages au premier long-métrage d'animation français.

Enfin les voitures présentes dans le film (Fiat 500 et 2CV) sont des clins d'œil. La Fiat 500 était la voiture du chef animateur Yasuo Otsuka et la 2CV, la première voiture de Miyazaki. De plus elles se marient bien avec le décor et renforcent le caractère anti bling-bling de Lupin (qui à contrario dans le manga roule dans des voitures de luxe)

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Le Roi et l'Oiseau

Publié le par Rosalie210

Paul Grimault (1979)

Le Roi et l'Oiseau

"Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, regardez-les s'envoler c'est beau, les enfants si vous voyez, des petits oiseaux prisonniers, ouvrez-leur la porte vers la liberté" chantait Pierre Perret en 1971. Un siècle auparavant, une certaine Carmen de Bizet chantait elle aussi "L'amour est un oiseau rebelle, que nul ne peut apprivoiser." Entre ces deux dates, les atteintes à la liberté ont atteint leur point culminant. Une atteinte souvent symbolisée au cinéma par un oiseau en cage. Dans Une journée particulière d'Ettore Scola par exemple réalisé également dans les années 70, la rencontre entre deux exclus du fascisme se fait grâce à l'évasion d'un mainate. Et dans le Dictateur de Chaplin, un gros plan d'oiseaux en cage explicite la situation des juifs enfermés dans le ghetto.

La création du roi et l'oiseau prend sa source dans la rencontre Grimault-Prévert en 1941 alors que la France est sous la botte nazie. Une version inachevée du film intitulé La bergère et le ramoneur voit le jour dans l'après-guerre contre la volonté de Grimault qui a été dépossédé de son œuvre par des producteurs peu scrupuleux. Grimault réussit cependant à racheter les droits du film après avoir acquis son indépendance financière et parvient à mener son projet à bien à la fin des années 70 juste avant la mort de Prévert. Entre temps, le monde a connu plus de 30 ans de guerre froide. La bergère et le ramoneur (l'amour) sont passés au second plan au profit du roi et de l'oiseau (le film politique).

Le roi et l'oiseau qui est à la fois un poème cinématographique et une satire politique met en scène l'amour et la création artistique comme moyens de résistance à l'oppression. Une oppression qui synthétise toutes les tares des sociétés modernes:

- La tyrannie politique du roi-dictateur mégalomane rappelle tous les régimes totalitaires avec police d'Etat, culte de la personnalité, propagande à outrance, société de surveillance etc. En même temps l'aspect satirique du film fait de ce petit roi complexé par son gros bide et son strabisme un bouffon façon Ubu roi. Ubu et Charles XVI de Takicardie (V et III font VIII et VIII font XVI) ont un autre point commun: ils usent et abusent du passage à la trappe de tous ceux qui ont le malheur de leur déplaire.

- La tyrannie est également économique et technologique. A la manière de Chaplin dans les Temps modernes, le ramoneur et l'oiseau font dérailler la production à la chaîne des effigies standardisées du roi. "Le travail, le travail à la chaîne, soudain le travail casse sa chaîne" écrivait déjà Prévert au moment de l'avènement du Front Populaire. Une standardisation qui s'étend aux gardes et policiers. Ceux-ci se rapprochent plus de la chauve-souris que de l'être humain. Les masses laborieuses sont confinées dans la ville basse où elles ne voient jamais la lumière du jour, ni à fortiori les oiseaux. Une verticalité du pouvoir qui avec ses 256 étages rappelle furieusement Metropolis. Quant à la technologie, omniprésente (ascenseur fusée, aéroglisseurs, trône auto-tamponneuse), elle accentue un peu plus l'inhumanité des immenses décors vénitiens vides d'hommes qui rappellent les tableaux de Giorgio de Chirico (quoique la pluie de policiers se servant de leur parapluie comme parachute n'est pas sans rappeler Golconde de Magritte). Quand elle n'échappe pas à son créateur pour tout ravager sur son passage (la destruction du palais par le robot fait penser à l'apocalypse nucléaire).

-Enfin on peut parler de tyrannie culturelle dans le sens où celle-ci, confisquée par le pouvoir se transforme en reproduction ad nauseam de l'effigie du dictateur qui envahit la totalité du champ visuel. Ajoutons que cette production à visée de propagande est mensongère ce que le film souligne ironiquement quand il montre une sculpture du roi en guerrier et chasseur émérite alors que son strabisme l'empêche de viser correctement.

Jusqu'à la toute dernière scène du film, on voit quelques individus libérés (la bergère, le ramoneur, l'oiseau, le musicien) tenter de résister au système. David contre Goliath, pot de terre contre pot de fer, déséquilibre des forces exprimé par la danse aérienne du fragile petit clown accordéon. Et puis arrive le miracle de l'extraordinaire scène finale de fusion-transmutation où le fer se fait chair. Le robot, symbole de l'arme de destruction massive aveugle se met à penser dans la pose de la célèbre sculpture de Rodin sur les décombres du palais détruit. Lui aussi est touché par la grâce de l'animation qui a le pouvoir de donner vie et âme aux objets. Il libère l'oiseau avec délicatesse puis détruit la cage d'un poing rageur, laissant entrevoir la possibilité d'une technologie à visage humain.

La France ne s'est pas contenté d'inventer le cinéma. Elle a réinventé le cinéma d'animation à travers ce long-métrage. Le roi et l'oiseau est le tronc de deux des plus belles branches du cinéma d'animation contemporain. D'une part la branche japonaise des studios Ghibli avec plusieurs films de Miyazaki qui s'en inspirent directement (Le château de Cagliostro et Le Château dans le ciel). D'autre part la branche américaine des réalisateurs affiliés au studio Pixar. Le Géant de fer du bien nommé Brad Bird évidemment. Mais aussi la petite bergère en porcelaine de la trilogie Toy Story de John Lasseter (voir l'avis de Cavalierbleu sur le premier volet pour plus de détails).

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