Court-métrage inédit présenté en première partie de "Coco" et mettant au centre de l'histoire Olaf, le bonhomme de neige de la "Reine des neiges". En attendant la sortie du deuxième long-métrage, les fans apprécieront de retrouver Elsa, Anna, Sven et Kristoff dans ce "spin-off" soigné qui comporte pas moins de 6 chansons. Les autres trouveront cette histoire de reconstruction familiale à travers la recherche d'une tradition de noël à partager "tous ensemble" un poil niaise avec une fin ultra convenue. Et ce même si John Lasseter, directeur artistique de l'animation chez Disney et chez Pixar n'a pas associé "Joyeuses fêtes avec Olaf" avec "Coco" par hasard:
« Quand nous mettons des courts-métrages avant un film, j’aime toujours avoir un court-métrage qui contraste, qui n’a pas le même sujet ou cadre ou environnement, mais d’un autre côté, les deux histoires sont incroyablement émotionnelles et parlent tellement de la famille que cela correspond bien. Les deux célèbrent deux fêtes totalement différentes, donc j’ai pensé que ce serait amusant de les voir ensemble. »
La force des scénarios pixariens repose tout entière dans l'angoisse métaphysique de l'anéantissement: la saga "Toy Story" et ses jouets en sursis, "Ratatouille" et sa petite madeleine (de légumes) proustienne, "Le monde de Némo" et les troubles de la mémoire immédiate de Dory, "Vice Versa" et les souvenirs qui s'effacent et maintenant "Coco" qui nous prouve qu'il y a une mort après la mort: celle de l'oubli.
Le film commence comme une joyeuse fiesta colorée qui nous plonge au cœur du folklore mexicain le jour de la fête des morts. En soi ce choix oxymorique est déjà extrêmement fort graphiquement (les images sont d'une beauté renversante), émotionnellement (en liant indissolublement l'amour familial et le chagrin de la perte), spirituellement (en liant les vivants et les morts par le pont du souvenir) et politiquement (en abattant le mur americano mexicain le temps d'une œuvre d'art).
Puis il se resserre sur le parcours de son héros dont la quête d'identité ne peut se résoudre qu'en complétant un puzzle familial amputé de la figure de l'arrière-arrière grand-père. Accusé d'avoir abandonné sa femme et sa fille pour une carrière artistique, il a été banni de l'autel familial en même temps que la musique. Sa photographie ayant été déchirée, il n'existe plus que dans la mémoire de sa fille Coco, laquelle devenue une vieillarde sénile est sur le point de mourir et de l'oublier. Parallèlement, son arrière-arrière petit fils Miguel subit le traumatisme familial qui l'entrave dans sa passion pour la musique. En basculant dans le monde des morts à la faveur de la connexion établie par la fête, il ne joue pas simplement son avenir mais son existence même puisque le temps lui est compté: s'il ne revient pas dans le monde des vivants avant l'aube, son corps se transformera en squelette.
Et c'est avec un certain trouble que l'on effectue le rapprochement avec une autre culture, celle du Japon, son autel des ancêtres avec ses photographies et ses offrandes et la porosité des mondes temporel et spirituel. Un rapprochement qui n'est pas une coïncidence. Il est impossible de ne pas penser au "Voyage de Chihiro" de Miyazaki en regardant "Coco". Quand on sait à quel point John Lasseter et ses équipes le vénèrent, il n'est pas interdit de penser que "Coco" est un hommage au maître de l'animation nippone.
"Dumbo", le quatrième long-métrage des studios Disney c'est la pureté des émotions du film muet alliée aux expérimentations graphiques surréalistes d'un "Fantasia" ou plus tard d'un "Alice au pays des merveilles".
"Dumbo" décline toutes les figures de l'éléphant dans l'imaginaire humain. Celle du monstre de foire est au cœur de l'histoire du film. "Dumbo" c'est le "vilain petit canard" d'Andersen, le "Freak" de Tod Browning, c'est "Elephant man" de David Lynch avant la lettre, suscitant le mépris, le rejet, les insultes, les moqueries tant chez les humains que chez ses congénères. Les grandes oreilles qui entravent ses mouvements terrestres avant qu'il ne découvre qu'elles lui permettent de voler font penser à "L'Albatros" de Baudelaire. Face à la violence du groupe qui exclue l'être né différent, "Dumbo" est l'innocence même, comme la Gelsomina de la "Strada". Privé de parole (ne peut-il, ne veut-il pas parler?), il est également privé de sa mère qui a été enfermée et mise aux fers pour avoir cherché à la protéger, ultime forme de cruauté qui donne lieu à des scènes poignantes.
Mais si "Dumbo" est profondément triste et mélancolique il est également parcouru de scènes de pure fantaisie. L'expression "voir des éléphants roses" provient d'une incroyable séquence où ayant bu(sans le vouloir) trop de champagne, Dumbo et son ami Timothée sont en proie à des hallucinations proches d'un trip sous acide (lequel ne sera pourtant inventé que deux ans plus tard). Hommage surréaliste à Dali avec lequel Disney travaillera quelques années plus tard sur le court-métrage "Destino", cette séquence complètement dingue est d'une inventivité visuelle... stupéfiante!
"Les Aristochats" est un paradoxe dans l'histoire des productions Disney.
D'une part c'est incontestablement un film charmant grâce à trois éléments déterminants:
- Les personnages sont drôles, attachants et gracieux. La famille de Duchesse incarne l'upperclass à la perfection: pedigree impeccables et références culturelles de haute volée (Eva Gabor, Maria Callas, Hector Berlioz, Toulouse-Lautrec). Chez Disney qui préférait les chiens, voir des chats dans les rôles principaux est une nouveauté agréable. Le duo cartoonesque de chiens aux prises avec le majordome fait également partie des meilleurs moments du film ainsi que le duo d'oies anglaises.
- La musique jazzy imprègne le film de son ambiance avec quelques passages mémorables dont le célèbre tube "Tout le monde veut devenir un cat".
- Enfin plusieurs décennies avant "Ratatouille", le film bénéficie d'une atmosphère parisienne rétro où rien ne manque, pas même la voix de Maurice Chevalier, sorti de sa retraite pour l'occasion.
Néanmoins, même si la production du film fut approuvée par Walt Disney avant sa mort, il préfigure déjà le déclin du studio et sa traversée du désert des années 1970 et 1980. Wolfgang Reitherman qui prit le leadership des studios après la mort de Walt Disney était loin d'avoir les mêmes ambitions créatives que son prédécesseur. Il préférait s'appuyer sur des recettes qui marchaient et qu'il réutilisait ad nauseam. Il n'est pas difficile de constater que la trame des "Aristochats" ressemble beaucoup à celle de "La Belle et le Clochard" et des "101 Dalmatiens", tout comme O'Malley est une copie de Baloo et préfigure Petit-Jean car ils sont tous inspirés par le même acteur. Ce manque d'innovation touche aussi l'aspect technique. On remarque par exemple l'abandon de la caméra multiplane et donc l'absence de profondeur de champ dans le film. Enfin, le scénario des "Aristochats" est non seulement une réédition d'œuvres passées mais il est bien trop léger et manque d'unité. On a plus une succession de scènes mal reliées entre elles qu'un véritable film.
"Bambi", cinquième long-métrage de Walt Disney est un film animalier touché par la grâce, une œuvre d'art au service d'un récit épuré, d'une grande puissance symbolique (voire religieuse). Walt Disney veut toucher du doigt la perfection et s'en donne les moyens. Alors que le projet est initié en 1937 et doit sortir juste après "Blanche-Neige et les sept nains", le film abouti ne sortira qu'en 1942 ce qui en fait l'une des plus longues gestations d'un film Disney.
A une époque où le dessin animé est largement associé au cartoon, Disney fait le choix d'introduire un maximum de réalisme dans les graphismes des animaux (grâce aux études anatomiques) comme dans les décors (grâce à la profondeur de champ permise par l'usage d'une caméra multiplane). Il choisit également de raconter un récit d'essence tragique, même s'il est entrecoupé d'intermèdes légers (portés par le personnage de Panpan). Disney est en cela un précurseur de nombre d'œuvres d'animation plus contemporaines comme "Le tombeau des lucioles" lui aussi naturaliste et tragique.
Paradoxalement, le réalisme est au service d'un récit initiatique à forte teneur symbolique. La vie y est sacralisée (la naissance de Bambi puis de ses enfants est filmée comme une nativité) mais son cycle immuable est menacé à tout moment par la pulsion de mort d'un être humain irresponsable et prédateur. Un thème ô combien d'actualité quand on voit avec quel acharnement celui-ci continue de scier la branche sur laquelle il est assis (jusqu'à la rupture fatale?).
Sur le plan esthétique, le film est une splendeur. Comme "Fantasia", c'est un opéra, un spectacle total où l'image et la musique fusionnent de manière particulièrement harmonieuse pour porter l'émotion à son point d'incandescence. "Bambi" est une succession d'estampes et d'ombres chinoises, un défilé de tableaux impressionnistes. Lors de séquences marquées par la colère où la peur, la couleur prend le pas sur la forme et la nuance et les cerfs ne sont plus que des taches multicolores, sombres ou rougeoyantes. Ajoutons à cela le travail effectué sur les variations de lumière selon les heures du jour et selon les saisons. La musique épouse parfaitement les émotions exprimées dans les images. Elle est douce quand Bambi s'amuse et découvre, majestueuse quand le père s'annonce et s'impose, angoissante quand l'homme rôde, prêt à tirer à tout moment, crépitante lorsque le feu menace et détruit. Elle remplace les dialogues, réduits au minimum.
"Bambi" a la force et la simplicité des évidences. Œuvre sensible, délicate, perfectionniste, épurée, pudique, elle mérite d'être regardée pour ce qu'elle est: un chef d'oeuvre.
Après la "guerre du feu" et la "guerre des boutons" voici venue la "guerre du sucre", vue à hauteur de fourmis et de coccinelle. A cette échelle, un lézard devient le dinosaure de la scène des cuisines du premier "Jurassic Park", l'attaque de la fourmilière prend l'allure d'une bataille digne du "Seigneur des anneaux", la course-poursuite entre la coccinelle et les mouches fait penser à celle des modules de Star Wars, la maison de poupée de l'araignée est la reproduction miniaturisée de celle de "Psychose" d'Hitchcock etc.
Cette inventivité ne s'arrête pas aux hommages cinématographiques. Elle s'exerce aussi dans le domaine environnemental. A l'heure où l'on estime que les pesticides peuvent tuer jusqu'à 80% des insectes, la bande-son du film (remplie de bruitages ingénieux) suggère que leur activité dans la nature équivaut au trafic d'une route à quatre voies. Le recyclage des déchets de l'homme par les insectes est une source inépuisable d'inspiration. Par exemple lors de la bataille qui oppose les fourmis noires aux fourmis rouges on les voit puiser dans leurs réserves toutes sortes d'objets: cure-dents, cotons-tiges, médicaments, fusées, allumettes, bombe insecticide "Butor" etc.
Mélange habile de prises de vues réelles pour les décors (ceux des parcs nationaux du Mercantour et des Ecrins) et d'images de synthèse pour les insectes, le film s'inscrit à la fois dans le genre burlesque (absence de dialogues compréhensibles, grande place laissée aux gags visuels et sonores) et dans le genre initiatique et épique (le parcours d'une coccinelle privée très tôt de sa famille et qui est adoptée par une colonie de fourmis noires, la bataille qui les oppose aux fourmis rouges). L'aspect burlesque est un héritage de la série de 175 épisodes "Minuscule: la vie privée des insectes" qui a précédé le long-métrage alors que les autres aspects ont été développés pour le film. Le résultat est une réussite totale qui a obtenu à juste titre le César du meilleur film d'animation. Les petits héros nous font craquer sans qu'ils soient anthropomorphisés, les gags sont hilarants, le souffle du récit nous emporte, les trouvailles nous enchantent et la beauté des images nous émerveille. Vivement la suite "Les mandibules du bout du monde" dont le tournage s'est achevé en juin 2017!
Curieux destin que celui de "Destino", ce court-métrage surréaliste et muet, véritable OVNI réalisé conjointement par Salvador Dali et Walt Disney qui connut une gestation de plus d'un demi-siècle.
En 1945, les deux artistes se rencontrèrent lors d'un dîner à Hollywood. Dali travaillait alors sur les séquences oniriques de "La maison du docteur Edwards" d'Hitchcock. Ils s'étaient déjà brièvement rencontrés dans les années 30. Dali considérait Disney comme l'un des trois plus grands surréalistes américains (avec les Marx Brothers et Cecil B.DeMille). Les deux hommes décidèrent de faire un dessin animé ensemble. Disney a un projet qui séduit Dali: celui du destin tragique de Chronos, dieu grec du temps, désespérément amoureux d’une mortelle, le tout sur l'air de la chanson mexicaine d'Armando Dominguez intitulée "Destino". Dali se rendit tous les matins pendant 8 mois aux studios de la compagnie. Il produisit une petite centaine de croquis, puis parvint à réaliser dix-huit secondes de film animé. Mais, faute de budget dans le contexte difficile de l'après-guerre, Walt Disney finit par lâcher l'artiste et le projet (il se murmure également qu'il était mécontent de la tournure du projet, plus dalien que disneyen).
C'est Roy Disney, neveu de Walt, alors à la tête de la société, qui ressortit les archives de Dali du coffre du studio en 1999 et décida de relancer le film. Entre temps, l'histoire de leur collaboration était devenue légendaire, bien au delà des seuls fans d'animation. Une équipe de 25 personnes œuvra alors, dans le studio d'animation français de Disney à Montreuil, sous la houlette du réalisateur Dominique Monféry et l'indispensable supervision de John Hench qui avait assisté Dali en 1946 et était toujours en vie. En 2003, « Destino », d'une durée de six minutes, fut enfin achevé. Après avoir parcouru festivals et expositions, il est visible depuis 2010 sur internet.
"Destino", beau et harmonieux, fait penser à l'enfant d'un couple dans lequel on recherche la ressemblance avec les géniteurs. La parenté avec l'œuvre de Dali saute aux yeux. On croise toutes les obsessions graphiques du peintre : croissants de lune montés sur échasses, montres molles, sculptures aux têtes coupées, coquillages géants, globes oculaires pourvus de bras, paysages désertiques etc. Par conséquent, la parenté avec l'œuvre de Disney y est beaucoup plus discrète. Elle existe néanmoins à travers la figure de la princesse qui lorsqu'elle s'envole fait penser à la fée Clochette dans Peter Pan alors que son avatar abstrait se rapproche de certaines séquences de Fantasia.
"Destino" est une œuvre précieuse qui illustre la rencontre de deux grands esprits. Preuve que le dialogue des différences enrichit, j'aime particulièrement le point de vue de chacun sur l'intrigue du film: « Un spectacle magique du problème de la vie dans ce labyrinthe qu’est le temps » ou « l’histoire simple d’une jeune fille à la recherche de l’amour vrai »: deux visions, deux vérités illustrant ce petit bijou de film.
Un Pixar cinq étoiles, le deuxième réalisé par Brad Bird après les "Indestructibles". "Ratatouille" est une fable très riche qui en dépit de ses décors de carte postale rétro parle de notre monde contemporain avec une grande acuité. Le tout avec un savoir-faire comique digne des meilleurs films burlesques et une belle inventivité visuelle.
"Ratatouille" est une critique de la mondialisation libérale et son nivellement culturel par le bas, de la compétition à outrance et des rapports de pouvoir, du snobisme, du consumérisme, de l'ignorance, de l'exclusion, des préjugés c'est à dire de tout ce qui s'oppose à la créativité. Laquelle est incarnée par Rémy, un rat d'égout (donc l'équivalent d'un Intouchable) doté d'un odorat très développé, d'un goût raffiné et d'un désir de création artistique dans le domaine culinaire. Un don encouragé par un grand chef, Auguste Gusteau qui a écrit un livre destiné à rendre la grande cuisine accessible à tous. Mais cet acte de générosité a été largement incompris et a entraîné sa déchéance. Il arrivera d'ailleurs exactement la même chose à Anton "Ego" lorsqu'il renoncera à sa plume assassine en publiant enfin une critique de contrition, à la fois humble et positive sur le talent de Rémy.
Mais il n'y a pas que la société humaine qui refuse d'être éclairée. La communauté de rats dans laquelle vit Rémy est tout aussi obscurantiste. Le frère obèse et bêta de Rémy, Emile n'a aucune éducation alimentaire et mange n'importe quoi (on voit bien à quoi cela fait allusion), il est effrayé par les ambitions de Rémy et son savoir. Quant au père, persuadé de l'irréductible hostilité des humains à l'égard des rats, il méprise ou exploite le don de son fils dans un but purement utilitariste.
Rémy est donc aussi incompris d'un côté que de l'autre ce qui fait de lui un personnage torturé entre son besoin d'accomplissement dans les hautes sphères et sa loyauté vis à vis de sa famille de parias . C'est à juste titre qu'on l'a comparé à Cyrano obligé de trouver une couverture pour dissimuler son apparence et pouvoir exprimer son art. Et ainsi s'opposer au sous-chef Skinner, véritable Iznogoud dont le complexe d'infériorité nourrit la cupidité et la soif de pouvoir. Ce dernier a vendu l'image de Gusteau aux chaînes agroalimentaires industrialisées et règne en tyran sur la cuisine (un monde très machiste comme le rappelle Colette, le seul personnage féminin du film).
Le talent de l'équipe du film est aussi d'avoir réussi à nous faire entrer dans la peau de Rémy. La caméra adopte souvent son point de vue ce qui permet de jouer sur les échelles et les espaces (celui très feutré de la salle de restauration par opposition à celui très encombré et hystérique de la cuisine sans parler des égouts, de la réserve et des toits). Cela donne des scènes mouvementées pleines de gags irrésistibles mais également émouvantes devant la fragilité et la précarité du héros.
"Ratatouille" est exactement à l'image de son titre: une recette simple en apparence (de nombreux critiques ont qualifié l'intrigue du film de "classique") mais qui en réalité repose sur un équilibre subtil.
Le premier court-métrage de René Clément (réalisateur entre autre de "La bataille du rail", "Jeux interdits" et "Monsieur Ripois"), un film d'animation de 10 minutes est une rareté. Sur la plupart des sites internet qui mentionnent son existence, il est déclaré perdu. Sauf qu'en réalité, il croupissait dans les réserves de la cinémathèque française dans un état de dégradation avancé. Restauré en 2017, il est désormais visible dans le cadre de l'exposition "Goscinny et le cinéma". L'objectif étant de montrer que l'imaginaire gallo-romain imprégnait la culture populaire française bien avant la création d'Astérix!
Cerise sur le gâteau, ce court-métrage est dynamique, drôle et plein d'inventivité. Il peut être considéré comme un ancêtre de "La nuit au musée", la série de films américains avec Ben Stiller et Robin Williams. En effet, on y voit des statues de héros patrimoniaux enfermées au musée s'animer une fois que les visiteurs ont le dos tourné. Par accident, l'élastique rattachant la balle à la raquette d'un enfant se prend dans la statue de Vercingétorix qui trouve ainsi une formidable occasion de se venger de Jules César dont la statue se trouve juste à côté de la sienne. La suite est un règlement de comptes entre statues de soldats gaulois et de soldats romains qui quittent le musée pour aller rejouer la bataille d'Alésia. Le tout avec de délicieux anachronismes dont le plus énorme est l'utilisation d'un train et de secouristes tout droit sortis de la première guerre mondiale.
L'animation française a encore frappé très fort avec ce merveilleux film à déguster sans modération qui "déniaise" le genre tout en restant accessible au plus grand nombre (les enfants peuvent l'apprécier dès 5-6 ans).
Zombillenium, c'est une atmosphère, gothique et brumeuse, portée par des graphismes d'une beauté et d'une originalité que l'on avait pas vu depuis longtemps dans le cinéma d'animation. Il n'y a d'ailleurs pas que l'atmosphère qui est originale dans Zombillenium. Le mélange de comédie, d'horreur, d'énergie rock et punk, de lutte des classes et enfin de romance est inédit.
Zombillenium nous scotche également par la puissance avec laquelle il nous parle d'un drame social qui n'était jusque là illustré que par quelques banderoles de la CGT. Le film se situe dans un contexte historique, géographique et sociologique précis, celui du Nord de la France, pas le Nord métropolisé et intégré dans la mondialisation mais le Nord des anciennes mines de charbon et des terrils, sinistré par le chômage. Le générique de début, remarquable de bout en bout, évoque la reconversion économique de la région. A savoir comment le parc d'attraction (activité tertiaire touristique soumise aux lois du capitalisme mondialisé) a poussé sur les ruines de la mine de charbon (dans un contexte de désindustrialisation de la France) alors que les mineurs, pris dans un "coup de grisou" (au sens propre et au sens figuré) devenaient les zombies-employés du parc. Ces zombies "pas assez glamour" contrairement aux vampires scintillants et romantiques néo-Twilight qui font fureur auprès des touristes-consommateurs, les actionnaires veulent définitivement les effacer du paysage en les envoyant trimer dans les tréfonds de l'enfer (qui ressemble étrangement aux barbaresques de la "Folie des grandeurs" de Gérard Oury).
La résistance s'exprime en musique, comme celle des esclaves noir-américains. La puissance des séquences musicales est un autre moment fort du film. Arthur du Pins (auteur de la BD d'origine et réalisateur) et Alexis Ducord (co-réalisateur et scénariste) ont fait appel à Mathieu-Emmanuel Monnaert, alias Mat Bastard, chanteur du groupe punk "Skip the use" pour un concert d'anthologie. Mais l'utilisation de la chanson de Pierre Bachelet "Les Corons" est tout aussi forte.
Seul bémol, un scénario un peu "bateau" avec un personnage en trop, Lucie sans lequel il n'y aurait eu aucun enfant dans le film. Les auteurs n'ont pas très bien réussi à intégrer cette variable enfantine dans leur histoire mais cela reste accessoire au vu de la qualité de l'ensemble.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.