Les studios Pixar étaient dans le creux de la vague lorsqu'ils ont sorti "Monstres Academy" en 2013. Je ne serai toutefois pas aussi sévère que le site du magazine "Première" qui le classe en dernier avec le commentaire suivant: "Pas le moins bon Pixar, non. Le pire. Avec la pire histoire (une origin story pourrie), les pires gags et la pire mise en scène. Produit comme un Dreamworks médiocre. La vraie daube du studio. Si l’erreur est humaine elle est aussi Pixar".
Pixar n'est quand même pas Dreamworks. Techniquement, le film est bluffant comme tous ceux du studio. les personnages de Bob et Sulli bénéficient d'un tel capital sympathie qu'on est content de les retrouver. De plus l'intrigue, divertissante, se suit sans déplaisir.
Il n'en reste pas moins qu'on attend autre chose de Pixar qu'une préquelle inutile et infantile de l'un de leurs chefs-d'oeuvre "Monstres et Compagnie". Le scénario est superficiel et sans originalité (3 épreuves à passer pour prouver que l'on est digne d'être une terreur d'élite) avec une morale convenue du genre "quand on veut, on peut" ou "si on est tous ensemble, on peut arriver à dépasser nos limites". De plus le folklore des campus américains n'intéresse guère hors des frontières. Il y a dans ce film, comme dans "Rebelle", "Le voyage d'Arlo" ou "Cars 2" un renoncement aux différents niveaux de lecture qui font d'ordinaire la richesse des oeuvres du studio, une tentation de la facilité scénaristique un peu mercantile qui aurait pu lui faire perdre son identité mais la suite a montré qu'il lui restait des ressources pour réagir.
La filmographie de Isao Takahata est moins lisible que celle de son compatriote Hayao Miyazaki car il ne dessine ni n'anime lui-même les films qu'il met en scène. Par conséquent, un certain éclectisme des styles et des thèmes caractérise son œuvre. Pour "Mes voisins les Yamada" qui au sein des studios Ghibli succédait au succès critique et public de "Princesse Mononoké", il pris de gros risques techniques et scénaristiques qui ne payèrent pas. Le film fut un tel échec au box-office qu'il ne réalisa plus de longs-métrages pendant quinze ans. Au Japon, le film fut confronté à un problème de distribution et dût faire face à une concurrence très rude dont il sortit perdant. Au niveau international, les raisons de cet échec s'expliquent par le fait qu'il est très ancré dans la culture japonaise et donc difficilement compréhensible pour ceux qui n'y connaissent rien. Il fait par exemple référence à des contes traditionnels japonais comme celui de Momotarô et de la princesse Kaguya qu'adaptera Takahata en 2013, reprend l'iconographie d'estampes comme la "Vague" d'Hokusai, est entrecoupé de haïkus qui apportent un éclairage philosophique décalé sur l'histoire.
"Mes voisins les Yamada" est l’adaptation d’une bande dessinée du dessinateur Hisaichi Ishii, publiée dans le journal quotidien Asahi Shinbun. Sa particularité est qu’il s’agit d’une BD en quatre cases (appelée « yonkoma ») dont l'équivalence scénaristique est le sketch. On a donc un film découpé en tranches de vie décrivant avec un réalisme teinté d'humour caustique le quotidien d'une famille japonaise traditionnelle. Takashi le père est un salaryman, Matsuko la mère une femme au foyer, Noboru le fils est un adolescent maladroit, Nonoko est la fillette kawai, Shige la mère de Matsuko vit avec eux ainsi que Pochi le chien. L'humour naît du comportement décalé des membres de la famille par rapport à celui qui est attendu d'eux. Par exemple le père est un distrait qui "oublie" parfois ses obligations et se met dans des situations impossibles. La séquence des motards montre également qu'il a moins d'autorité que les femmes de sa famille. La mère au foyer use de toutes sortes de stratégies pour en faire le moins possible, notamment en ce qui concerne la cuisine. De façon plus générale, chacun tend à se décharger de ses obligations sur les autres.
Sur le plan technique, le dessin est crayonné avec remplissage à l'aquarelle. Tranchant avec le réalisme de l'histoire, le film reprend le style graphique du manga qui est caricatural avec des personnages SD (Super Deformed avec grosse tête et membres courts) ce qui atténue le sérieux des situations. Il y a cependant une exception avec la séquence des motards qui menacent la famille, traitée avec des proportions plus réalistes et un crayonné plus sombre. Il s'agit du premier film Ghibli réalisé entièrement par ordinateur, la technique choisie étant trop compliquée à réaliser manuellement. Il y a même deux séquences en 3D habilement camouflées dans le long-métrage.
"Les enfants de la pluie" aurait dû être le quatrième long-métrage de René Laloux. Il commença son adaptation au début des années 80 à partir du roman de Serge Brussollo "A l'image du dragon". Mais il ne trouva aucun producteur pour le financer durant plus d'une décennie. Et lorsqu'enfin il trouva l'argent, ses collaborateurs décédèrent ce qui lui fit abandonner définitivement le projet. Celui-ci fut repris et modifié par deux autres membres de l'équipe de "Gandahar": Philippe Caza (dessinateur et scénariste) et Philippe Leclerc (animateur et réalisateur) qui réussissent à le mener à bien en faisant sous-traiter l'animation en Corée du sud. En vingt ans, le paysage de l'animation mondiale s'était modifié et l'influence de la japanimation et du manga sur le film est palpable.
Film se déroulant dans un univers d'héroIc-fantasy, "Les enfants de la pluie" est surtout une fable politique dont les résonances sont très contemporaines. Elle est basée sur une légende d'inspiration asiatique où l'unité, symbolisée par le dragon cosmique porteur de l'union du ying et du yang est brisée par un monstre malfaisant surnommé le voleur d'âmes. Celui-ci est en effet un vampire qui se nourrit de la division et de la haine pour mieux assoir son emprise. Les deux faces contraire du dragon, feu (peuple Pyross) et eau (peuple Hydross) se font désormais la guerre. Le schéma de départ du film semble manichéen car il nous donne le point de vue de jeunes Pyross manipulés par la version officielle de la "guerre sainte". Cependant des éléments de dissidence (et de dissonance) se font entendre très vite et remettent en cause cette version de l'histoire pour l'abattre définitivement au cours du récit. Il n'y a bien qu'un peuple artificiellement divisé et victime du même génie maléfique qui manipule et tyrannise Pyross et cherche à s'emparer des âmes des Hydross.
Récit haletant (pas un seul temps mort), splendide graphiquement et qui fait réfléchir, "Les enfants de la pluie" est un film d'animation qui sort des sentiers battus même si la fin très semblable à celle du "Cinquième élément" peut sembler convenue.
"Le Géant de fer" est le premier long-métrage d'animation de Brad Bird. En 1999, celui-ci ne travaillait pas encore chez Pixar mais l'intelligence du propos, les différents niveaux de lecture et le soin apporté à la réalisation annoncent "Les Indestructibles et "Ratatouille". Cependant à l'époque les studios Warner qui souhaitaient fermer leur branche animation ont sabordé la carrière du film en salles. Avant que celui-ci ne prenne une revanche éclatante et méritée en devenant un film-culte au fil des années. Le Géant de fer est d'ailleurs une des guest star les plus mises en avant dans le dernier Spielberg "Ready Player One".
La peur de la guerre atomique et par extension de l'URSS a engendré dans les années 50 une paranoIa anticommuniste qui s'est traduite entre autre par le maccarthysme et la construction d'abris antiatomiques. Sur le plan de la culture populaire, des quantités phénoménales d'oeuvres de science-fiction évoquant l'invasion d'extra-terrestres supérieurs technologiquement et hostiles à l'homme sont apparues, le plus souvent sous forme de comics ou de films de série B (voire Z). Parmi elles, citons la "Guerre des mondes" de Byron Haskin en 1953, "L'invasion des profanateurs de sépulture" de Don Siegel en 1956 qui imaginent le grand remplacement des hommes par les aliens. Ces films et comics ont été génialement parodiés dans le premier volet de "Retour vers le futur". Cependant, dès cette époque, des films à contre-courant de la pensée dominante apparaissent comme "Le jour où la Terre s'arrêta" de Robert Wise sorti en 1951 où l'extraterrestre et le robot sont porteur d'un message pacifiste.
C'est exactement à l'intersection de ces deux courants que se situe le "Géant de fer". Tout comme ses deux illustres précédesseurs, "Le Roi et l'oiseau" de Paul Grimault (1980) et "Le Château dans le ciel" d'Hayao Miyazaki (1986), il met en scène un robot géant ambivalent, à la fois arme de destruction massive et protecteur de la nature. "Le Géant de fer" évoque aussi de manière très puissante "E.T. L'extra-terrestre" de Spielberg. Celui-ci a posé un regard bienveillant sur "l'Autre" dès "Rencontre du troisième type" en 1977, établissant via François Truffaut un parallèle entre l'alien et l'enfant. L'amitié entre le Géant et Hogarth est proche de celle d'E.T. et Elliott. Ce dernier vit dans une famille monoparentale, est en mal d'affection, cherche à protéger son ami dans une grange et dans la forêt, est en lutte contre les autorités qui veulent le manipuler pour mettre la main sur l'extra-terrestre.
Mais Brad Bird approfondit plus la question du père que Spielberg. Dans le "Géant de fer", Hogarth Hughes se retrouve face à plusieurs figures paternelles. Il y a son père biologique qui est aviateur comme Howard Hughes (la proximité du patronyme n'est pas un hasard). Hogarth le considère comme un modèle car il porte souvent un casque de pilote sur la tête mais ce père est tragiquement absent. Il y a ensuite Kent Mansley l'agent du gouvernement hystérique et parano qui représente un repoussoir absolu. Sa folie autodestructrice échappant à tout contrôle n'est pas sans rappeler celle du général Jack D. Ripper dans "Docteur Folamour". Et enfin il y a Dean, un beatnik vivant en marge de la société comme sculpteur-ferrailleur et qui va s'avérer être le père idéal pour sauvegarder l'enfant et son ami géant. Le fait qu'il remplace le père disparu est suffisament subversif pour être souligné.
Adaptation d'une nouvelle tirée du recueil de contes "Train de nuit dans la voie lactée" de Kenji Miyazawa, "Goshu le violoncelliste" est le quatrième film d'Isao Takahata, huit ans avant le "Tombeau des lucioles" et six ans avant de fonder les studios Ghibli. Il s'agit d'un récit d'apprentissage ou plutôt de réapprentissage. Violoncelliste au sein d'un orchestre municipal, Goshu subit les foudres du chef d'orchestre à cause de la médiocrité de son jeu, maladroit et sans âme. Retranché dans sa cabane au fond des bois, il répète sans relâche la sixième symphonie de Beethoven sous les yeux menaçants du portrait de l'artiste. C'est alors qu'il reçoit la visite d'esprits de la forêt sous la forme de petits animaux qui lui indiquent comment il doit jouer. Au début, il leur tourne le dos, se moque d'eux voire les rudoie. Puis dans un second temps, il s'ouvre à eux, et s'éveille à lui-même devenant en une nuit un prodige de la musique.
Si "Goshu le violoncelliste" est peu connu en France, sa sortie ayant été confidentielle c'est qu'une partie du sens de ce conte animiste semble échapper aux occidentaux. Et ce en dépit du pont jeté entre les cultures puisque la musique prédominante est celle de Beethoven (la culture européenne est très appréciée au Japon). La version française (la seule actuellement disponible en DVD) gomme la spiritualité liée à la mythologie japonaise. Par exemple le tanuki est traduit par "blaireau" et le chat tricolore porte-bonheur est doté d'une voix mâle alors que ce type de chat est presque toujours une femelle. Comme le coucou oriental, ces animaux sont des yokai c'est à dire des esprits de la forêt. Chacun apporte une leçon à Goshu: la patience, la rigueur, l'empathie, l'envie de communiquer. Les paysages eux-mêmes semblent vivants et expriment les émotions du personnage principal. Alors certes il n'y a pas d'action dans Goshu et le graphisme date du début des années 80 mais cette œuvre assez magique mérite d'être mieux comprise et réévaluée.
"L'île aux chiens" est le deuxième film d'animation en stop motion de Wes Anderson après "Fantastic M. Fox". Mais 10 ans ont passé et Anderson a étendu et approfondi son univers. Je suis d'accord avec l'article de Robin Canonne publié le 12/04 dans le Figaro.fr: "On pouvait reprocher aux premiers films de Wes Anderson une certaine froideur. Depuis Moonrise Kingdom, le réalisateur a semble-t-il trouvé cette petite chose qui manquait à son cinéma." Comme le résume Jérôme d'Estais pour la Septième Obsession, ce "conte ancien et moderne, éternel, dresse un pont entre le cinéma insulaire d'Anderson qui menaçait un jour d'être englouti et le monde extérieur, celui d'un public ébloui et reconnaissant".
"L'île aux chiens" est une fable politique mordante doublé d'un récit d'aventures SF prenant et d'un hommage éblouissant au Japon. Les amoureux de cette culture (dont je fait partie) seront comblés. Les tambours japonais, le sumo, les haïkus, les estampes, le théâtre kabuki, le cinéma de Kurosawa, le wasabi et les sushis, les cerisiers en fleurs ainsi que la langue sont particulièrement mis à l'honneur. La BO d'Alexandre Desplat s'avère particulièrement inspirée et le doublage (dont le casting en VO et en VF a été choisi par Wes Anderson) est particulièrement soigné. Les chiens s'expriment dans la langue du spectateur et les hommes en japonais (le plus souvent non traduit). L'animation est somptueuse, les plans sont riches visuellement et fourmillent de détails. Cependant, le film n'est pas avare de moments contemplatifs sortis tout droit de l'œuvre de Miyazaki (qui est à l'animation ce que Kurosawa est au live: un géant du cinéma). Il a fallu deux ans pour réaliser le film et le perfectionnisme maniaque de Wes Anderson se ressent partout. Mais l'exigence est la marque des grands.
Le Japon de Wes Anderson est à la fois éternel et dystopique. Rétrofuturiste en somme. Le Japon contemporain se devine dans l'importance accordé aux drones et aux robots canins mais aussi dans les déchets de l'île-poubelle. Le parc d'attraction désaffecté fait penser au "Voyage de Chihiro" et les centrales nucléaires éventrées à la catastrophe de Fukushima. Quant aux déchets compactés, ils rappellent les cubes de "Wall-E" et son vibrant plaidoyer écologiste. Car l'île-poubelle est aujourd'hui une vision post-apocalyptique terriblement réelle. Même s'il s'agit aussi de rendre hommage à "Akira". Le laboratoire caché de l'île où les chiens avant d'être pestiférés étaient soumis à des expériences fait penser à l'œuvre d'Otomo et ses cobayes humains.
Il en va de même de la fable politique du film. Elle évoque aussi bien le nazisme (qui avant d'exterminer les juifs songeait à les déporter sur l'île de Madagascar) que les politiques actuelles d'exclusion et de parcage des migrants dans des conditions inhumaines. L'île de Megasaki est dirigée par un tyran qui manipule la population à coups de propagande, de censure et d'élections truquées. Celui-ci désigne à la foule un bouc-émissaire qu'il a lui-même créé (le chien contaminé par ses soins) et qui est porteur de tous les maux. Cet ennemi sanitaire est banni, déporté, enfermé, soumis à des conditions de vie misérables dans l'attente d'être exterminé. Les "dissidents" sont officiellement tolérés mais en réalité persécutés et assassinés. Les élites sont corrompues ou éliminées. Seuls quelques jeunes refusent d'admettre la disparition du meilleur ami de l'homme (c'est à dire leur propre deshumanisation) et décident de résister. Le principal d'entre eux est le neveu adoptif du maire de Megazaki qui part en expédition sur l'ile-poubelle afin de retrouver son chien, aidé par cinq de ses congénères, quatre anciens chiens domestiques et un chien errant quelque peu asocial et décalé mais qui va s'avérer être central dans l'intrigue.
Les films de Satoshi Kon inspirent les cinéastes américains. Son premier long métrage "Perfect Blue" a fourni à Darren Aronofsky la trame de "Black Swan". Son quatrième "Paprika" a inspiré à Christopher Nolan son film "Inception". Dans l'un comme dans l'autre, on navigue (chez Kon on peut même dire qu'on flotte) entre plusieurs niveaux de rêves et de réalité comme dans un millefeuille. Le film de Kon nous présente une galerie de personnages mal dans leur peau. Tokita, un scientifique obèse et boulimique, sa collègue thérapeute Atsuko Chiba stricte et cérébrale et son patient, le détective Konakawa qui est traumatisé par une scène de meurtre. Tokita a mis au point la DC Mini, un appareil qui permet d'entrer dans l'esprit d'un patient malade pour sonder son inconscient et enregistrer ses rêves. Atsuko y évolue sous la forme d'un avatar aux antipodes de sa personnalité, Paprika. Mais un jour plusieurs de ces appareils sont dérobés permettant de pirater le psychisme d'un nombre croissant de personnes comme un virus informatique.
Le monde des rêves et celui, virtuel du numérique se confondent. Il en est de même entre les rêves et le cinéma. Le détective est un cinéaste raté qui voyage dans ses rêves comme dans les genres cinématographiques. La scène de l'ascenseur (reprise par Nolan) le montre en Tarzan, en héros romantique, en victime d'un meurtrier dans un polar... La DC Mini est une caméra qui enregistre l'activité onirique comme si celle-ci était un film projetable sur un écran.
La débauche visuelle autour des séquences oniriques est impressionnante. Et ce sans que le spectateur ne se perde car chaque personnage a un rêve récurrent et interfère dans celui des autres. Celui du voleur est central, il s'agit d'un défilé de symboles culturels et d'objets de consommation hétéroclites dans lequel ses victimes sont embarquées. Cette parade délirante et cauchemardesque symbolise le "viol des foules" contemporain lié au matraquage publicitaire (et plus largement médiatique). Le détective rêve qu'il se tue lui-même à cause de ses ambitions artistiques avortées. Morio Osanai, un scientifique corrompu rêve que son corps est absorbé par celui du président de la société qui est le cerveau du vol des appareils (et à qui il a vendu son âme). Il éprouve également du désir pour Atsuko ce qui débouche sur une séquence suggérant un viol assez éprouvante. Quant à Atsuko, elle se rêve délurée et libre de ses désirs. Ceux-ci la portent vers son énorme collègue prisonnier de son corps qu'elle veut sortir de sa cage.
Bref, tant visuellement que scénaristiquement, "Paprika" est une oeuvre complexe et nuancée. Plusieurs visionnages sont nécessaires pour en apprécier toute la richesse.
"Extra-Terrien" est l'un de mes courts-métrages préférés de Pixar. D'abord parce qu'il est hilarant de la première à la dernière seconde, avec un enchaînement de gags parfaitement millimétrés. Ensuite parce que ses personnages sont désopilants et remarquablement troussés: Stu le petit martien stagiaire, son casque trop grand pour lui et son antenne qui reflète son humeur, son maître "zen" absolument impassible et enfin leur marionnette, un fermier de l'Illinois qui comme par hasard ressemble comme deux gouttes d'eau à Linguini (le film a été projeté en première partie de "Ratatouille"). Enfin sur le plan visuel, c'est juste superbe tant au niveau des décors et des textures que sur les jeux de lumière.
Le réalisateur Gary Rydstrom avait travaillé chez Pixar comme ingénieur du son avant de réaliser "Extra Terrien". Il fait allusion dans le film à son travail en créant un tableau de bord qui ressemble à une table de mixage. Le travail sur les bruitages est d'ailleurs très élaboré et nous vaut un gag génial sur la dernière note du générique de fin. Il fait également référence à des films de SF comme "Signes" de Night Shyamalan ou "Rencontres du 3eme type" de Spielberg et à des cartoons comme ceux de "Bip Bip et Coyote" et... "Tin Toy" de John Lasseter, l'un des films fondateurs des studios Pixar lui-même très inspiré par Chuck Jones. Tinny apparaît un bref instant au pied du lit du fermier!
Ce court-métrage qui fut projeté en première partie de "Cars" est en quelque sorte le descendant de "Tin Toy" qui mettait en scène un jouet qui faisait l'homme orchestre. Bien évidemment on peut mesurer au premier coup d'œil les énormes progrès technologiques réalisés entre 1988 et 2006. Sur le plan technique "L'homme orchestre" est une splendeur que ce soit au niveau du décor Renaissance italienne, des textures des vêtements et objets ou des expressions des personnages. Sur le fond, le film, muet, raconte l'histoire d'une bataille de musiciens qui essayent de conquérir le cœur et la pièce de monnaie de leur seule et unique spectatrice, une petite fille. Le premier est un clown rouge et or spécialisé dans les cuivres et les percussions, le second est une sorte de troubadour vert qui joue d'instruments à cordes et à vent ce qui laisse entendre qu'ils sont en fait complémentaires. La petite fille est une sorte de petit chaperon violet qui tranche par sa simplicité et sa candeur avec les deux musiciens qui en font des caisses (c'est le cas de le dire). Le timing est parfait avec une montée en puissance suivie d'une chute inattendue.
Les deux musiciens peuvent être considérés comme une projection des deux réalisateurs du film, Mark Andrews et Andy Jimenez même si le film est le fruit de leur collaboration et non de leur rivalité. Tous deux sont arrivés chez Pixar pour travailler avec Brad Bird sur les "Indestructibles". Le film représente ce que Pixar n'est pas, une entreprise de talents individualistes où chacun tire la couverture à lui. En revanche il suggère en creux l'importance de la complémentarité et du travail d'équipe.
Le neuvième court-métrage de Pixar sorti en même temps que "Les Indestructibles" est une fable animalière pleine de charme. Sa morale peut se résumer en une phrase: "la vie peut vous abattre mais vous pouvez toujours rebondir". Il est construit sur une chanson composée par le réalisateur lui-même, Bud Luckey, un des plus vieux employés du studios, considéré comme le papa de Woody et de nombreux autres personnages dont il a créé le design. D'ailleurs le propriétaire de Woody a été prénommé Andy parce que c'est le prénom du fils de Bud Luckey. Né en 1934, il vient de nous quitter en février 2018.
C'est pourquoi la nostalgie est si présente dans Boundin' (le titre en VO de "Saute-Mouton"). La région qui sert de cadre au film est le Montana où a grandi le réalisateur, le court-métrage est un hommage à la comédie musicale et à l'animation 2D qui ont bercé sa jeunesse et ses débuts d'animateur pour "Sesame Street". Néanmoins le film n'est pas tourné que vers le passé. Il fait référence à d'autres films du studio Pixar comme "Le monde de Némo" (les poissons) et "Cars" alors en projet (la Ford T).
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.