En 2013, Hayao MIYAZAKI annonçait qu'il arrêtait la réalisation de longs-métrages après "Le vent se lève (2013), avant de faire volte-face comme il l'avait déjà fait après "Princesse Mononoké (1997)" qui devait déjà être son ultime film. En attendant son prochain long-métrage attendu pour 2020, il a réalisé ce merveilleux petit film de 14 minutes pour le musée Ghibli. Celui-ci y a été projeté en exclusivité du 21 mars au 14 août 2018.
Dans son roman de science-fiction "L'homme qui rétrécit", Richard Matheson nous offre une très belle description de la nature du point de vue de l'infiniment petit. C'est également le tour de force de ce court-métrage : donner corps au monde vu par les yeux d'une chenille minuscule. Une prouesse visuelle mais aussi auditive car il n'y a pas de dialogues, juste des onomatopées. Hayao MIYAZAKI créé des images merveilleuses (les molécules d'eau et de lumière) ou surprenantes (des insectes aussi gros que des bulldozers). Comme dans tous ses films, il allie le plus trivial (les déjections des chenilles donnent lieu à des gags étonnants et sont même reproduites en peluche au premier étage du musée) au plus existentiel (Boro ne cherche pas seulement à survivre mais à trouver sa place dans l'univers).
Cet excellent court-métrage burlesque qui fut diffusé en première partie de "Wall-E" repose sur un antagonisme entre un magicien, Presto (son nom complet est DiGiotagione, allusion à la prestidigitation) et son lapin blanc, Alec Hazam (l'équivalent d'"Abacadabra" au Royaume-Uni).
Parce qu'il a oublié de lui donner sa carotte, le lapin affamé (dont la bouille est absolument irrésistible) décide de se venger, transformant le spectacle prévu en succession de catastrophes. S'ensuit une série de gags visuels hilarants qui se succèdent à un rythme échevelé pour le plus grand bonheur du public qui n'y voit que du feu.
Si l'enrobage, magnifique, est du pur Pixar, le style évoque celui des cartoons de Tex Avery et d'Hanna & Barbera comme "Tom et Jerry" qui repose sur la revanche du petit sur le gros. Par ailleurs, les génériques, le grain rétro de l'image et le chapeau pointu du lapin sont un hommage réussi à Mickey apprenti-sorcier dans "Fantasia" et aux courts-métrages Disney des années quarante et cinquante. En cinq minutes à peine, les studios Pixar parviennent à fusionner les plus grands héritages de l'animation américaine tout en ajoutant leur touche personnelle: chapeau!
Il a fallu 14 ans à Brad Bird pour donner une suite aux "Indestructibles" mais ça valait le coup d'attendre. Le n°2 est au moins aussi bon que le 1 voire peut-être encore meilleur, techniquement aussi bien que scénaristiquement. L'idée géniale qui rythme formidablement toute l'histoire consiste à alterner scènes d'action jouissives et comédie familiale en jouant sur plusieurs niveaux de lecture et en intervertissant les schémas sexués traditionnels. C'est Madame (Elastigirl) qui porte la culotte et assure les cascades pendant que Monsieur gère le foyer. Comparé à la crise d'adolescence de Violet, aux problèmes de maths de Flèche et au bouquet de super-pouvoirs incontrôlables du petit dernier Jack-Jack drôle et craquant (c'est LA star du film), le boulot de super-héros paraît très facile!
Comme dans le 1, on ne se divertit en effet pas idiot. Sous le vernis sixties c'est la société contemporaine qui est mise en scène. Outre le féminisme, la société du spectacle et la manipulation médiatique sont des thèmes majeurs. Winston le magnat de la com propriétaire de Devtech explique aux Indestructible comment utiliser les images pour faire changer la loi qui les maintient dans la clandestinité. Il propose de substituer à la version officielle des politiciens (qui utilisent les images de catastrophe pour faire des super-héros leurs boucs-émissaires) des images en caméra embarquée de type télé-réalité pour faire la promotion des super-héros et ainsi leur permettre de reconquérir l'opinion publique. Mais ces images sont parasitées par l'"hypnotiseur", un terroriste-hacker qui tient les super-héros pour responsables de l'infantilisation de la société. Il peut les manipuler à distance à l'aide de lunettes connectées tout en hypnotisant également les téléspectateurs avec des flashs stroboscopiques. L'addiction aux écrans nuit gravement à la santé (et à l'indépendance d'esprit)!
"Il est interdit d'interdire", tel pourrait être la devise de Pixar avec ce court-métrage où l'équipe s'autorise à casser les codes et à mélanger les genres pour un résultat enlevé, déjanté, inventif, instructif et extrêmement divertissant.
"Notre ami le rat" est conçu comme un hommage aux films pédagogiques Disney des années cinquante-soixante et plus particulièrement à un de ses principaux réalisateurs et animateurs, Ward Kimball. "Notre ami le rat" s'inspire notamment très fortement de "C'est pas drôle d'être un oiseau" couronné par l'oscar du meilleur court-métrage d'animation en 1970. Le petit oiseau rouge est remplacé dans le rôle du professeur-présentateur par Rémy et Emile qui informent le spectateur de l'utilité du rat pour l'homme. Ils déroulent notamment l'historique des interactions entre les deux espèces où l'importance des échanges internationaux a joué un rôle capital. Le rat s'avérant de plus être une espèce quasi indestructible, vouloir les supprimer revient à s'autodétruire (ce dont on commence à s'apercevoir avec d'autres espèces comme les abeilles). Si bien qu'en dépit de sa source d'inspiration issue de la période des 30 glorieuses, le film évoque au final une question d'écologie contemporaine, celle de l'interdépendance des espèces au sein de l'écosystème que l'action de l'homme menace de détruire, en partie par ignorance.
Ce va et vient entre passé et présent se retrouve dans la forme. Le film mêle avec bonheur les trois principales techniques d'animation (2D, 3D et stop motion), parfois dans la même image. S'y ajoutent même des images live en noir et blanc dans le style des films muets des années 20 et même des images de jeu vidéo des années 80.
Jean-Pierre Jeunet revient à ses premières amours avec ce court-métrage d'animation artisanal remarquable à plus d'un titre:
- Il s'agit de la mise en scène d'un poème de Jacques Prévert, "chanson des escargots qui vont à l'enterrement d'une feuille morte" que l'on peut trouver dans le recueil "Paroles". Il s'agit d'une ode au cycle de la vie et de la nature qui fait le lien entre la mort (automne), le deuil (hiver), la renaissance (le printemps) et la plénitude de la jouissance (l'été), les uns étant indispensables aux autres.
- Chaque vers (il y a en 35 en tout) est déclamé par un acteur de la "galaxie Jeunet" (Dominique Pinon, Jean-Claude Dreyfus, Jean-Pierre Marielle, Rufus, Audrey Tautou, Mathieu Kassovitz, Serge Merlin…) dont certains membres font également partie de la galaxie Dupontel (Albert Dupontel lui-même, Nicolas Marié, Claude Perron, Yolande Moreau…)
- Les bestioles qui déclament chaque vers sont inspirées de l'œuvre du sculpteur Jephan de Villiers que Jean-Pierre Jeunet admire et collectionne. Jeunet les a fabriquées avec des débris végétaux ramassés dans la forêt (bois, feuilles, plumes, noyaux, bogues, écorces, graines…) dans la lignée des photographies contenues dans le livre du sculpteur "Bestioles ou bestiaire pour un enfant roi" et c'est Romain Segaud qui les a animées. Tant de créativité à partir de ce que nous offre la nature et le monde magique de l'enfance, source d'inspiration majeure de Jeunet n'inspire qu'une chose, un total respect!
"Le Manège" est le deuxième court-métrage du tandem Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro. Il a obtenu le césar du meilleur court-métrage d'animation en 1981. Il faut dire que les films d'animation pour adultes français n'étaient pas légion à l'époque, il s'agissait d'un créneau marginal et où il était difficile de s'imposer comme le montre l'exemple de René Laloux. Mais Jeunet et Caro qui se se sont rencontrés au festival d'Annecy ont en commun une grande passion pour cette forme de cinéma très visuelle et ouvrant sur un imaginaire débridé. C'est en artisans qu'ils abordent la fabrication du "Manège" qui recourt au procédé de l'animation en volume et stop motion. Jeunet fabrique les squelettes métalliques articulés des personnages, anime et réalise, Caro modèle les corps, les visage et décore le manège miniature qui est au centre de l'histoire. Le court-métrage se distingue également par sa superbe photographie signée d'un autre ami de Jean-Pierre Jeunet promis à un très bel avenir, Bruno Delbonnel. Celui-ci créé une atmosphère nocturne pluvieuse, dense et oppressante où les personnages (pâles et falots) semblent toujours sur le point de se faire engloutir par les ténèbres.
Outre son aspect artisanal et sa photographie, "Le Manège" se distingue aussi par ses contrastes. Il se situe dans le même univers que celui d'Amélie Poulain (un Paris vieillot de carte postale avec sa station de métro art nouveau et son manège de chevaux de bois) mais il en explore le côté sombre. Le tour de manège et l'attraction du pompon rouge semblent un instant marquer une rupture avec cette ambiance pesante et poisseuse mais ce n'est qu'un leurre comme le montre un final particulièrement grinçant.
"Burn-E" est un court-métrage produit en même temps que "Wall-E". A l'origine il devait être inséré dans le long-métrage mais il ralentissait trop le rythme général de l'histoire en décentrant le point de vue sur une victime collatérale des agissements de Wall-E. L'idée d'en faire un court-métrage indépendant s'est donc avéré être une bonne idée. Comme le long-métrage, "Burn-E" est un hommage à la science-fiction des années 60 ("2001 l'Odyssée de l'espace"), 70 ("Alien") et 90 ("Stargate") ainsi qu'au cinéma burlesque des origines avec un jeu de variations sur le comique de répétition très efficace et une absence totale de dialogues. Doté d'un rythme qui ne faiblit jamais, "Burn-E" est une extension amusante du film original qui se focalise sur deux robots ouvriers de l'Axiom, le dénommé Burn-E (pour Basic Utility Repair Nano Engineer) qui est un robot soudeur distrait et malchanceux et son comparse, Supply-R (pour Spare Ultra Plottic Pandron L. Yorth: Ranger class) qui lui fournit les lampadaires dont il a besoin pour effectuer sa réparation. On aperçoit brièvement Burn-E dans "Wall-E" au moment où il se retrouve coincé à l'extérieur du vaisseau, le sas de sécurité s'étant refermé au passage de Wall-E et d'Eve. Le court-métrage nous explique par quel enchaînement de circonstances il s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment et offre un angle de vue différent sur les péripéties se déroulant à la fin du long-métrage (la lutte entre le capitaine et Auto, le déséquilibrage du vaisseau et son atterrissage notamment).
"Qui es-tu?" Mima voudrait bien choisir ce qu'elle voudrait être. Mais cette jeune fille sans histoire, sans aspérité n'y arrive pas, prisonnière des images que les autres façonnent, prisonnière de leurs fantasmes et de leurs projections. Progressivement, elle se perd dans ce labyrinthe d'images jusqu'aux limites de la folie alors qu'autour d'elle, les cadavres s'accumulent dans la pure tradition du thriller hitchcockien et de son héritier, celui de Brian de Palma.
Film culte et visionnaire, le premier long-métrage de Satoshi Kon l'est assurément puisqu'en 1997, la révolution numérique n'avait pas encore envahi les foyers. Pourtant Mima découvre que sur Internet, quelqu'un tient un blog en se faisant passer pour elle. Ce vol d'identité numérique n'est que le dernier avatar d'une longue chaîne d'illusions véhiculées par les médias (presse, affiches, photos, TV, cinéma). La première Mima que nous voyons, c'est la pop idol, ces jeunes chanteuses kleneex véhiculant une image fraîche, gaie et innocente fabriquées par une industrie du divertissement qui les médiatise à outrance durant quelques années avant de les rejeter pour en prendre d'autres. Dans l'espoir d'échapper à ce destin, Mima décide d'arrêter en pleine gloire pour saisir l'opportunité qu'on lui propose de devenir actrice et mannequin. Elle tombe ainsi dans un autre système d'exploitation d'images, sauf que celui-ci la sexualise à outrance, la faisant poser nue et la soumettant à une scène de viol. Mais l'ancienne Mima maintenue en vie par ses fans otakus les plus acharnés ne veut pas périr et revient tel un fantôme harceler la nouvelle Mima et massacrer ceux (des hommes évidemment) qui l'ont créé. De façon significative, le tueur crève les yeux de ses victimes pour les punir de leur transgression. Chez Kon, tout est affaire de mise en abyme. Au Japon, les poils pubiens sont un véritable tabou culturel, or Satoshi Kon n'hésite pas à l'exploser en montrant ceux de Mima ce qui le place dans une position très provocatrice, susceptible de provoquer des réactions violentes à son égard. Une vraie note d'intention pour son cinéma.
Que pèsent au final les limites techniques face à une réflexion aussi vertigineuse et une mise en scène aussi brillante? On ne se pose pas la question lorsqu'il s'agit de films live utilisant des effets spéciaux datés, pourquoi cela devrait-il pénaliser exclusivement les films d'animation? En tout cas celui à qui cela n'a pas posé de problème, c'est Darren Aronofsky qui s'est largement inspiré de "Perfect blue" pour réaliser "Black Swan" jusqu'à reprendre à l'identique des plans entiers.
Puisque le "Voyage d'Arlo" est fondé sur la réécriture de l'histoire de la terre, faisons-en de même pour le film. Il n'aurait pas fait partie des Pixar (heureusement peu nombreux à ce jour) passe partout aussitôt vus, aussitôt oubliés s'il avait tenu toutes les promesses de son pitch initial consistant à dévier la fameuse comète à l'origine de la fin des dinosaures, à leur faire inventer l'agriculture, l'élevage et le langage tandis l’homme aurait été rabaissé au rang d'animal de compagnie dépourvu de langage audible. Avec un point de départ aussi stimulant, il y avait de quoi sortir des sentiers battus.
Seulement voilà, c'est l'inverse qui s'est passé. Les personnages ont été grossièrement définis (tant sur le plan plastique que psychologique) et l'intrigue s'avère conventionnelle au possible, usant de grosses ficelles vues et revues notamment chez Disney: perte d’un être cher, apprentissage de la vie et ses épreuves, personnage principal qui ressemble au départ à une petite chose chétive et peureuse qu’un voyage initiatique fera devenir un homme avant de retrouver les siens, personnages secondaires sans aucun intérêt. La sainte famille est glorifiée et après un temps de cohabitation entre homme et saurien, chacun rentre chez soi et les vaches seront bien gardées. On regrette d'autant plus les Pixar osant les turbulences familiales: la crise d'ado de Riley dans "Vice Versa" sorti la même année, la crise du couple des "Indestructibles" ou les renoncements de celui de "Là-Haut" ou encore Marin, le papa veuf hyper angoissé qui doit apprendre à lâcher son fils dans "Le monde de Nemo". Tout dans ce film (dont la production fut compliqué) respire la paresse et la panne d'inspiration.
Reste la majesté des paysages reconstitués de manière époustouflante, variations de lumière incluse et un divertissement premier degré sympathique pour les plus petits mais qui ne les accompagnera pas au delà de 6 ans.
Un proverbe chinois dit que "L'important n'est pas le but, mais le chemin". C'est exactement la philosophie du deuxième film de Satoski Kon. Mieux vaut être bien accroché: en une heure et vingt-trois minutes, on parcours 40 ans de la vie d'une grande actrice japonaise, retravaillées par sa mémoire. 40 ans d'une course folle à travers les années, les films, les rêves, les genres du cinéma et de quelques uns de ses plus grands réalisateurs. Le tout ne forme qu'une seule et même expérience, l'expérience totale d'une vie d'être humain. Le film par sa construction en scènes emboîtées les unes dans les autres fait penser aux poupées russes ou aux miroirs qui se réfléchissent à l'infini.
Néanmoins ces scènes ne sont que des variations de la même histoire. Une histoire extrêmement simple, celle du désir humain voué à n'être jamais satisfait mais constituant l'aiguillon indispensable pour avancer et créer. Le film devient ainsi une réflexion sur la destinée. La vocation d'actrice de Chiyoko Fujiwara naît le jour où son chemin croise furtivement celui d'un jeune peintre traqué par le pouvoir autoritaire du Japon nationaliste des années 30. Elle passera les trente années suivante à le rechercher, traversant de multiples périls (la guerre, la répression totalitaire, les tremblements de terre), endossant de multiples rôles (princesse, geisha, cosmonaute, infirmière, maîtresse d'école etc.) et genres (mélodrame, science-fiction, film de sabre à la Kurosawa, film de guerre, film de monstres type Godzilla) sans jamais parvenir à le rejoindre.
Son désir croise sans cesse par ailleurs celui du réalisateur venu faire un documentaire sur elle, Genya Tachibana ce qui approfondit encore la mise en abyme entre vie réelle, cinéma et fantasmes. Lui aussi apparaît quasiment dans toutes les scènes du film, la plupart du temps flanqué de son caméraman. Parfois simple observateur du récit de la vieille actrice, il occupe la plupart du temps le rôle du chevalier blanc venant au secours de sa belle. Plus jeune, il a travaillé dans les mêmes studios qu'elle et l'a réellement protégé. Son désir pour elle qui perdure à travers le temps est tout aussi inaccessible que celui qu'elle porte au peintre dont on ne verra jamais le visage.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.