Chez Pixar, le court-métrage a toujours été un maillon crucial, tant pour expérimenter de nouvelles techniques que pour révéler de nouveaux talents. "Kitbull" est le troisième court-métrage Sparkshorts après "Purl" et "Smash and Grab". Sparkshorts est un nouveau programme des studios Pixar qui permet à ses employés qu'ils soient réalisateurs, animateurs ou techniciens de réaliser leur propre court-métrage, diffusé ensuite directement sur Youtube. L'objectif des studios est de promouvoir de nouveaux artistes et de nouveaux contenus pour maintenir au sommet la créativité de la firme sans passer par la sortie en salles (hormis durant une semaine au El Capitan Theatre à Los Angeles qui appartient à Disney) et sans forcément viser le public habituel de Pixar: “Ces films ne ressemblent à rien de ce que nous ayons jamais fait chez Pixar. Ils permettent de libérer le potentiel d’artistes individuellement et leur approche inventive du cinéma à une plus petite échelle que notre échelle habituelle.”
La première chose qui saute aux yeux dans ce film, c'est le choix inhabituel d'une animation traditionnelle en 2D. Un aspect rétro accentué par une animation saccadée et un rendu visuel combinant des traits au fusain et des teintes pastels. Le tout sied bien à l'histoire d'êtres abîmés par la vie. Si l'amitié entre deux animaux que tout sépare est une trame très disneyienne, le traitement lui ne l'est pas que ce soit au niveau de l'environnement street art, de l'absence de dialogues ou de la dureté des thèmes abordés: la maltraitance animale et la résilience. Si les conditions de vie du chaton de gouttière sont précaires, le traitement infligé au pitbull par son maître pour l'endurcir prouve si besoin était que la férocité de cet animal n'est pas naturelle, pas plus que celle de l'homme d'ailleurs. Seul l'aide apportée par le chaton permet au pitbull de ne pas sombrer dans le désespoir et la violence et c'est d'ailleurs par le chaton que les êtres humains bienveillants qu'ils rencontrent surmontent leur attitude première de rejet vis à vis du pitbull.
Steven SPIELBERG et Hergé étaient prédestinés à se rencontrer même s'ils ne purent le faire en chair et en os. Ils avaient pris rendez-vous mais Georges Rémi mourut quelques jours avant. Les critiques firent en effet remarquer à Steven SPIELBERG au début des années 80 que son Indiana Jones avait le même ADN que le héros à houppette de la bd franco-belge dont il n'avait jusqu'ici pourtant jamais entendu parler. C'est le miracle de l'art de faire dialoguer des talents qui géographiquement et culturellement paraissent aux antipodes mais dont les univers se correspondent. Moebius découvrit ainsi à peu près à la même période (celle du décloisonnement permis par l'accélération de la mondialisation) un alter ego en la personne de Hayao MIYAZAKI.
Il fallut cependant 30 ans à Steven SPIELBERG pour concrétiser son adaptation de la superstar de Hergé, le temps que la technologie évolue suffisamment pour donner corps à une vision convaincante là où ni le dessin animé en 2D ("Tintin et le lac aux requins") (1972), ni le film en prise de vue réelles ("Tintin et le mystère de la Toison d'or" (1961), "Tintin et les Oranges bleues") (1964) n'avaient su s'imposer comme des alternatives crédibles à la ligne claire. Le début brillantissime du film (générique et introduction) déjoue en quelques minutes ce problème: l'univers rétro de Hergé est respecté mais il est transfiguré par la technologie dernier cri de la performance capture qui combine animation en 3D et prise de vue réelles. Les cases figées de la BD d'origine, fidèlement reproduites dans le générique se transforment comme par magie en une course-poursuite ultra-dynamique spielbergienne à la "Arrête-moi si tu peux" (2003) . Ce dernier devient le second père de Tintin avec un passage de relai de toute beauté lors de la première séquence où Hergé portraiture son Tintin en 2D avant que nous découvrions celui de Spielberg en 3D (interprété par Jamie BELL, l'acteur-danseur génial de "Billy Elliot") (2000). La question si cruciale de la représentation du personnage est ainsi résolue de la manière la plus intelligente qui soit d'autant que les multiples miroirs de la brocante dans lesquels il se reflète (miroirs qui reproduisent l'effet "cases de bd") rappellent que celui-ci n'est qu'une image. Il n'y a en effet pas plus transparent que Tintin, celui-ci étant dénué d'histoire, d'émotions, de libido et de psychologie. Il est en effet au départ un simple support facilitant la projection du spectateur dans un tourbillon d'aventures aux quatre coins du monde à une époque où celui-ci ne voyageait pas (le premier album date de 1929). En pro du cinéma d'action et d'aventure, Spielberg nous offre du grand spectacle avec quelques scènes ébouriffantes de virtuosité dont une vision dantesque de voilier surgissant du désert et une course-poursuite d'anthologie à travers une ville marocaine contenue dans un seul plan-séquence de 6 minutes. Mais à partir du "Crabe aux pinces d'or" repris partiellement dans le film (qui mélange trois albums, celui déjà cité, "Le Secret de la Licorne" et sa suite "Le Trésor de Rackham le Rouge"), Tintin devient également le pivot d'une famille en recomposition qui se sédentarise dans le château de Moulinsart. Et c'est également de cette transformation dont Steven SPIELBERG en grand cinéaste de la famille rend compte. La rencontre avec le capitaine Haddock en est l'élément central, celui-ci étant l'exact contrepoint de Tintin: bouillonnant d'émotions, rempli de faiblesses très humaines, rude et tendre à la fois et doté d'une histoire dont la remémoration lui permet de partir en quête de ses racines et de la restauration de sa dignité bafouée. D'autres personnages gravitent dans leur orbite, les inénarrables Dupondt, le majordome Nestor et Bianca Castafiore, absente des albums adaptés mais rajoutée dans le film. Il ne manque au tableau que le professeur Tournesol à moins que la suite prévue en 2021 (au plus tôt!) ne comble cette lacune.
Le premier film "Minuscule - La Vallée des fourmis perdues" (2013) était excellent, celui-ci en reprend tous les fondamentaux en les surpassant. Hélène GIRAUD et Thomas SZABO élargissent et approfondissent leur univers qui apparaît plus ample et plus diversifié que celui du premier volet sur plusieurs plans:
- Géographique: le parc national du Mercantour n'est cette fois-ci plus que le point de départ de l'histoire. La crème de marron permet d'aller partout dans le monde contrairement à la boîte de sucre. Finalement la petite coccinelle (fils de celle du premier volet) se retrouve en partance pour la destination verte et ensoleillée de la Guadeloupe alors que les fourmis rouges, ennemies des fourmis noires prennent à leur corps défendant la destination d'un restaurant de Pékin (qui apparaît durant le générique de fin). A la fin du film, un lien pérenne s'est créé entre la famille de coccinelles du Mercantour et celle de l'île tropicale.
- Dans les rapports d'échelle. Le premier volet se concentrait sur quelques familles d'insectes de taille comparable: coccinelles, fourmis et mouches ainsi qu'une petite araignée. Le second élargit le bestiaire à des prédateurs bien plus grands et diversifiés: mante religieuse, crabes, mygale, requin et surtout êtres humains. Quasi-absents en 2013, ces derniers sont beaucoup plus nombreux et leurs interactions avec les insectes, bien plus poussées. Dans le premier volet les dégâts environnementaux apparaissaient par le biais des déchets récupérés par les insectes pour leur combat final. Dans le deuxième, la confrontation est frontale. Un promoteur veut s'approprier une plage paradisiaque pour la bétonner (en bafouant la loi littoral au passage) ce qui constitue une menace pour tout l'écosystème. L'aide (fantastique à tous les sens du terme) apportée par des chenilles urticantes aux pouvoirs extrasensoriels montre la revanche de la nature sur l'homme qui entretemps a renoncé au DTT.
- Dans les genres abordés: outre le documentaire, le récit épique et les passages burlesques liés au fait qu'il s'agit d'un film sans la moindre parole (bien que toujours aussi rempli de bruitages ingénieux), on a donc en plus un récit d'aventures picaresque mâtiné d'une touche de fantastique. Le voyage à bord d'un galion volant à l'aide de ballons gonflés à l'hélium permet à Hélène GIRAUD et Thomas SZABO de rendre un hommage aux autres princes de l'animation, que ce soit les studios Pixar avec "Là-haut" (2008), les studios Disney de l'âge d'or avec "Peter Pan" (1953) (on peut penser aussi à une saga qui se déroule dans les Caraïbes et qui est née d'une attraction dans le parc Disneyland mais ce n'est pas de l'animation) ou l'œuvre de Hayao MIYAZAKI (les engins volants et les préoccupations écologiques). Les grands yeux aux pupilles rondes et brillantes des coccinelles lors des scènes d'émotion peuvent même être vues comme un hommage à l'animation japonaise en général.
"Hirune Hime, rêves éveillés" a connu une sortie confidentielle en France cet été. Il s'agit d'un film d'animation qui comme souvent au Japon entremêle le rêve et la réalité, l'un étant au service de l'autre. L'héroïne, Kokone est narcoleptique c'est à dire qu'elle a tendance à s'endormir à tout bout de champ. Mais ses rêves ne sont qu'une version plus chatoyante de son vécu, caractérisé par un puzzle familial à reconstituer. Dans ses rêves, elle vit à Heartland (cœur d'acier en VF) une ville industrielle rétro-futuriste qui rappelle un peu Metropolis et l'univers de Miyazaki. Elle-même se nomme Cœur (Ancien en VO) et possède des pouvoirs magiques, sa baguette étant une tablette numérique. Elle peut en particulier donner vie aux objets et aux machines. Le lien avec la réalité réside bien évidemment dans la technologie qui fait office de magie, l'enjeu de l'histoire étant la création d'un prototype de voiture autonome pour les jeux olympiques de 2020. Un prototype dont les plans ont été mis au point par les parents de Kokone (qui travaillaient tous deux dans l'industrie automobile) mais dont un mystérieux sbire du chef de l'entreprise Shijima, Watanabe veut s'emparer pour son propre profit. La mère de Kokone est décédée dans un accident quand celle-ci était bébé et son père est arrêté pour espionnage industriel. Kokone se retrouve donc seule pour tenter d'empêcher Watanabe de s'emparer de la tablette magique qui renferme les fameux plans.
L'ensemble se suit agréablement notamment grâce à des personnages sympathiques et émouvants et des décors très soignés (ceux de Tokyo et d'Osaka notamment). Cependant l'histoire (la recomposition d'une famille) est très traditionnelle et le cheminement entre le rêve et la réalité est si bien balisé qu'il n'y a certes pas de risque de se perdre mais pas de folie baroque non plus.
Un court-métrage qui éclipse le long-métrage pour lequel les spectateurs s'étaient initialement déplacés, c'est ce qui est arrivé en 1983 lorsque "Le noël de Mickey" adapté du "Christmas Carol" de Dickens fut diffusé pour la première fois aux Etats-Unis en première partie d'une ressortie de "Les Aventures de Bernard et Bianca" (1976). En France, il passait la même année juste avant "Blanche Neige et les 7 Nains" (1937) et pourtant c'est "Le Noël de Mickey" qui me fit la plus forte impression. Il faut dire qu'autant de personnages de la famille Disney (Mickey, Minnie, Donald, Picsou, Riri, Fifi, Loulou, Daisy, Dingo, Jiminy Cricket, Pat Hibulaire, Tic et Tac, etc.) ainsi rassemblés dans une même œuvre au format court et rythmé célébrant la magie de noël, c'est un régal.
En dépit de son titre, ce n'est pas Mickey le héros du film, même si Cratchit est son rôle au cinéma le plus célèbre avec celui de l'apprenti-sorcier de "Fantasia" (1940). Le héros c'est Picsou dont on découvre à l'occasion que son créateur, Carl Banks (!) avait pris pour modèle le personnage principal du "Chant de noël" de Dickens au point de lui donner en VO le nom de Scrooge McDuck. Picsou et Scrooge ne font donc qu'un et la conversion de ce féroce capitaliste aux valeurs humanistes s'inscrit dans une logique critique que l'on avait déjà pu observer dans "Mary Poppins" (1964) où il s'agissait justement de sauver M. Banks de sa propre folie ^^. Au vu du message de sa suite "Le Retour de Mary Poppins" (2018) il n'est pas sûr qu'aujourd'hui, Picsou économiserait "toute une vie de travail" pour finalement (re)distribuer son argent aux pauvres. Il préfèrerait l'investir pour que ça lui rapporte plus gros.
D'autre part on constate que le côté politiquement incorrect de l'oeuvre de Dickens a été gommé dans le remake en motion capture de 2007 réalisé par Robert ZEMECKIS. En effet dans "Le noël de Mickey" il y a plusieurs allusions à la judéité de Scrooge et de Marley ce qui n'est guère surprenant chez Dickens dont les oeuvres comportent plusieurs caricatures d'usuriers juifs (dont la plus célèbre est celle de Fagin dans "Oliver Twist"). La conversion de Scrooge à l'esprit de noël dans ce contexte s'avère donc aussi être d'ordre religieux, Dickens confondant la religion et le statut économique et social dans lequel ont été enfermé les juifs dans les sociétés chrétiennes.
Pour les japonais animistes, les arbres sont tellement sacrés qu'ils préfèrent les intégrer à leur urbanisme plutôt que de les couper. Il n'est donc pas rare d'observer leur présence au beau milieu d'une gare, d'une route ou comme dans le film qui nous occupe, d'une maison. Car bien qu'étant issue de l'esprit de son père architecte, la maison de Kun, le héros du dernier film de Mamoru HOSODA est construite en marches d'escaliers (comme si elle épousait une pente naturelle) avec en son coeur, une cour intérieure abritant un arbre. Or cet arbre "généalomagique" contient en lui toute l'histoire familiale. C'est grâce à lui que la crise déclenchée par l'arrivée de Miraï la petite soeur de Kun (qui signifie "avenir") va pouvoir se dénouer. S'ensuit un formidable voyage temporel entre passé, présent et futur, réalité et imaginaire qui permet à Mamoru HOSODA de développer ses thèmes de prédilection: les voyages dans le temps ("La Traversée du temps" (2007)), l'évolution de la famille et les relations entre l'homme, la nature et les esprits ("Summer Wars (2009)", "Les Enfants Loups, Ame & Yuki" (2012), "Le Garçon et la Bête") (2015). Dans tous les cas, l'enjeu est de grandir et de trouver sa place aussi bien dans sa famille et dans le monde. Kun âgé de quatre ans à l'arrivée de sa soeur est particulièrement égocentrique et capricieux, une véritable "tête à claques" comme il se qualifie lui-même une fois devenu adolescent. L'arrivée de Miraï dans la famille déclenche donc en lui une jalousie incontrôlable parce qu'il n'est plus au centre du monde (comme le montre particulièrement bien la scène des photographies). La douleur et la colère le poussent à faire des bêtises, à tourmenter sa soeur voire à se mettre en danger. Sa rencontre avec des membres de sa famille à divers âges de leur vie ainsi qu'avec son chien Yukko métamorphosable en homme sont des jalons essentiels pour l'apaiser et lui permettre de donner du sens à son vécu. La plasticité spatio-temporelle et rêve-réel n'empêche pas le récit d'être limpide. En effet, l'arbre est toujours le déclencheur des événements fantastiques tandis que l'album photo familial permet de replacer chaque voyage dans l'histoire de la famille et de s'interroger sur la part de hasard et de destin dans sa construction. On remarque également que les garçons de la famille ont tous une fragilité entre un grand-père estropié, un père gringalet et un fils en proie à la furie furieuse. Le fait que le père garde les enfants à la maison pendant que la mère travaille dans une configuration semblable à celle des "Les Indestructibles 2" (2018) montre que l'évolution des rôles sexués touche aussi le Japon. Enfin signalons une scène onirique magnifique dans la gare de Tokyo utilisant la technique du papier découpé. Les trains dont raffole Kun sont les principaux véhicules de rêve et d'aventure mais ils peuvent aussi à l'occasion se transformer en cauchemar.
Contrairement à "Astérix: Le secret de la potion magique (2018)" qui s'appuie sur un scénario original, "Le Domaine des Dieux", la première réalisation des aventures d'Astérix par Alexandre ASTIER et Louis CLICHY est l'adaptation fidèle du dix-septième album de Uderzo et Goscinny sorti en 1971. Force est de constater la pertinence de ce choix tant la fable satirique de Goscinny s'avère plus que jamais d'actualité. C'est là une différence fondamentale avec le film de Alain CHABAT, drôlissime mais léger sur le fond. Ceux de Alexandre ASTIER sont plus engagés et permettent de penser notre monde de façon critique sous couvert de divertissement. Une démarche proche de celle des studios Pixar ce qui n'est guère surprenant vu que Louis CLICHY a participé au sein de leurs rangs à la création de "Wall-E" (2008) et "Là-haut" (2008) qui traitent de la résistance aux effets délétères du capitalisme. La perfection de la technique d'animation en 3D s'allie donc à ce qui est plus précieux que tout par les temps qui courent : la liberté d'esprit et la clairvoyance.
"Le Domaine des Dieux" est une satire des ravages du capitalisme mondialisé sur l'environnement local. S'y ajoute une critique du (post) colonialisme et du centralisme autoritaire de la V° République. Le "Je vous ai compris" de Abraracourcix résonne d'autant plus savoureusement que l'Algérie a été une colonie romaine (le chef des esclaves est d'ailleurs censé être un numide). Face à l'échec du hard power (l'offensive armée), César change de stratégie et choisit de vaincre les gaulois par le soft power de l'acculturation. La rhétorique de la mission civilisatrice des romains qui dompte la sauvagerie de la Gaule chevelue fait ressurgir l'histoire coloniale de la France et ce qui s'y est depuis substitué: l'aménagement du territoire décidé d'en haut contre le peuple d'en bas et contre la nature qu'un État technocrate décide de mettre au pas pour au final les détruire. Et tout cela au nom du dieu profit maquillé en "travailler plus pour gagner plus". Car le Domaine des Dieux n'est pas qu'une question de domination, c'est aussi une juteuse opération immobilière soutenue par une intense propagande publicitaire. La colonisation des corps (par le grignotage de l'espace vital) va de pair avec celle des cerveaux (par la corruption et la démagogie). Le village gaulois doit être détruit de l'extérieur et de l'intérieur. Il est significatif que seule une minorité garde sa lucidité face à un tel rouleau compresseur, les glands du renouveau puisant à la même source magique que ceux des Totoros de Hayao MIYAZAKI.
Voici le énième remake des classiques Disney (en attendant le prochain, celui de Dumbo) qui comme d'autres grands studios hollywoodiens tournent en rond depuis un certain nombre d'années maintenant en ne produisant plus que des copies techniquement impeccables mais complètement vaines de leurs plus grands succès. La technique, ça se démode vite et il n'est pas exclu que dans trente ou quarante ans si le cinéma existe encore, les gens ne se gondolent pas devant les effets spéciaux des années 2010 un peu comme c'est le cas aujourd'hui avec les peplum des années 50-60. En revanche ce qui ne se démode pas c'est l'âme et la créativité. Or ces films de divertissement aussitôt consommés aussitôt oubliés ne possèdent ni l'un ni l'autre. Et viendra le moment où il n'y aura plus que des remake à remaker ^^.
"Le retour de Mary Poppins" n'est en effet pas une suite comme il le prétend mais un pur et simple remake essayant sans arrêt de titiller la fibre nostalgique du spectateur. Censé se dérouler trente ans après les événements du premier film, il reprend le même cadre suranné, avec les mêmes personnages inamovibles (l'amiral et M. Boussole qui trente ans après devraient être en maison de retraite et non encore sur le pont et eux n'ont pas l'excuse de la magie pour ne pas vieillir). La maison des Banks n'a évidemment pas changé d'un iota (en dehors de quelques innovations techniques encore une fois) au point que Michael (Ben WHISHAW) a repris la place de son père et Jane (Emily MORTIMER), le flambeau de la mère (sauf qu'elle ne milite pas pour les droits des femmes mais des travailleurs). Quant aux enfants, il y a Jean, Michel et puis Wendy euh… non ça c'est dans "Peter Pan" (1953) mais c'est du pareil au même. Les séquences de comédie musicale marquent à la culotte celles du premier film. On a donc une séquence mêlant animation 2D et monde réel à partir non d'une peinture délavée par la pluie mais d'une soupière cassée, la séquence du thé au plafond de l'oncle Albert devient celle de la pièce renversée de la cousine Topsy où Meryl STREEP gagne la palme de la performance la plus ridicule. Enfin la séquence des ramoneurs devient celle des réverbères (et qu'est ce qu'elle est longue!)
Malgré tout ce travail de copié-collé, "Le retour de Mary Poppins" finit par trahir l'original lorsqu'il dévoile ses véritables intentions réactionnaires. En effet là où le sens profond de "Mary Poppins" (1964) consistait à sauver l'âme de M. Banks en le reconnectant à son enfance et à une vision humaniste du monde, symbolisée par le don des deux pence à la dame aux oiseaux, le remake fait l'éloge de l'investissement bancaire et boursier de ces deux pence qui permettent grâce au profit réalisé de sauver la maison des Banks. Bien entendu, on recouvre vite le message de propagande pro-capitaliste par une nouvelle mélodie sucrée en hommage aux vertus de l'enfance retrouvée qui ne peut que sonner faux.
Après les adaptations live Canal + ("Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre" (2001)) et british-revu-et-corrigée par l'accent français ("Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté" (2011)) voici venu le temps des adaptations "Kaamelott" (2004), la série qui a révélé au grand public le talent de Alexandre ASTIER. Après avoir co-réalisé et scénarisé un premier film d'animation des aventures du petit gaulois "Astérix : Le Domaine des Dieux" (2014), il récidive avec une suite, "La potion magique" et c'est plutôt une réussite. Contrairement aux précédents films, le scénario n'est pas à proprement parler une adaptation mais une histoire originale qui s'inspire de plusieurs albums tels que "Le Devin", "La Serpe d'or" ou encore "Le Tour de Gaule d'Astérix". Celui-ci n'a cependant rien de transcendant et se base sur une trame plutôt convenue avec la quête à travers la Gaule d'un jeune druide qui pourrait devenir le digne héritier de Panoramix, lequel ne se sent plus capable de faire le job après s'être cassé le pied en tombant d'un arbre. Sulfurix, un "vilain pas beau" qui rêve de connaître la recette de la potion magique s'en mêle ainsi que les romains, trop contents d'assiéger le village vidé de ses hommes et très rapidement de ses réserves de potion. Evidemment, comme dans les albums, les méchants sont neutralisés et cela se termine autour d'un plantureux banquet.
Cependant quand on y regarde d'un peu plus près, l'épisode n'est finalement pas si classique que ça. D'abord parce que les gags sont bien pensés. L'itinéraire à travers la Gaule est le prétexte à un festival de références ultra contemporaines. Les postulants druides s'appellent Selfix, Climatosceptix, les Quatre Fantastix ou encore les Fratellinix. Mais Alexandre ASTIER ne dédaigne pas ses classiques avec un druide tout droit sorti de la Bible et qui multiplie les petits pains. Quant au combat final, les fans des séries sentai et de leur avatars US, les Power Rangers adoreront le choc Sulfurix XXL versus Méga (ou Mécha) légionnaire romain fabriqué à partir de plusieurs formations tortue. Et puis surtout la fin n'est pas si convenue qu'elle le paraît. Car sans que cela ne soit surligné dans le scénario, la seule personne à qui finalement Panoramix confie le secret de la recette de la potion magique (c'est à dire désigne comme son successeur) c'est Pectine. Or Pectine est une petite fille même si elle se comporte en garçon manqué. La forêt des Cornutes (un avatar du mont Athos?) où se réunissent les druides est interdite aux femmes? Ce n'est pas grave puisqu'elle brûle au cours du film et on a envie de dire, bon débarras!
A noter que comme Roger Carel a pris sa retraite en 2014 c'est un autre habitué du personnage, Christian Clavier qui double Astérix.
Depuis "Monstres & Cie" (2002), Pixar a pris l'habitude de proposer, en bonus de l'édition vidéo de ses films, une histoire courte mettant en scène les personnages du long-métrage. Il s'agit autant de ravir les fans que d'expérimenter de nouvelles techniques et de permettre aux nouvelles recrues de se faire la main. Cependant avant d'être proposé dans le deuxième DVD réunissant les courts-métrages du studio, "George et A.J." n'était disponible qu'en ligne. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un film d'animation classique en 3D mais d'un story-board animé à l'animation rudimentaire.
Le court-métrage reprend et approfondit une séquence clé du film "Là-haut" (2008): celle où deux employés de la maison de retraite de la "résidence du grand chêne", George et A.J. venus chercher Carl pour l'y faire interner assistent au décollage de sa maison. Outre le changement de point de vue (qui dans le court-métrage devient celui des employés), on découvre que l'acte de résistance de Carl a fait boule de neige. Les mésaventures du duo d'employés victimes de la rébellion des vieux sont particulièrement jouissives à l'heure du scandale des EHPAD et de la pression immobilière sur les maisons situées dans des métropoles à l'extension tentaculaire.
Petite anecdote amusante: le court-métrage permet également de montrer aux fans où était situé Russell lorsque la maison de Carl a décollé: sous la maison!
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.