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Articles avec #amenabar (alejandro) tag

Lettre à Franco (Mientras Dure la Guerra)

Publié le par Rosalie210

Alejandro AMENÁBAR (2019)

Lettre à Franco (Mientras Dure la Guerra)

On parle ces derniers temps davantage de la guerre civile espagnole de 1936-1939. C'est une bonne nouvelle. A titre personnel déjà puisque je suis une descendante de réfugiés "espagnols" (catalans en réalité), terme que j'ai entendu toute mon enfance sans comprendre ce que cela signifiait. Mais c'est aussi une bonne nouvelle pour l'Espagne qui effectue depuis quelques années un gros travail de mémoire pour comprendre et guérir de son passé. C'est enfin une bonne nouvelle pour l'Europe et le monde de comprendre les mécanismes qui en quelques années ont balayé une démocratie au profit d'une terrifiante dictature militaire qui est d'ailleurs indissociable du nazisme. Chacun sait que la guerre d'Espagne servit de test à Hitler pour la future guerre qu'il entendait mener en Europe. Le film de Alejandro AMENÁBAR n'évoque pas le symbole de Guernica mais il montre le soutien logistique que les nazis apportèrent aux franquistes ainsi que leur rôle dans la désignation du général Franco comme chef de la rébellion et ensuite de l'Espagne. Celui-ci est d'autant plus inquiétant qu'il n'est qu'une ombre insaisissable dans le film, ses généraux s'exprimant à sa place.

Croire que cette histoire est derrière nous, c'est se tromper lourdement. En effet ce qui permet l'installation durable d'une dictature, c'est moins la détermination de ses partisans que les divisions et l'inaction de ceux qui prétendent être ses ennemis. Leur faiblesse, leur lâcheté, leur aveuglement. C'est ce que démontre Alejandro AMENÁBAR par l'exemple, celui du grand écrivain Miguel de Unamuno (Karra ELEJALDE) incapable de regarder en face le vrai visage de la barbarie. Il incarne le naufrage de la pensée de nombre d'intellectuels tellement terrifiés par le communisme (et l'éclatement de l'Espagne) qu'ils étaient incapables de comprendre la vraie nature de la peste brune sous son visage rassurant de retour à "l'ordre" et aux vraies valeurs (monarchie, catholicisme, nationalisme). Pourtant, peu à peu Unamuno va être confronté à la réalité de l'idéologie du régime qui s'annonce. Une idéologie ayant tracé une frontière entre les "bons espagnols" franquistes et les autres, exclus de la communauté nationale avant d'être arbitrairement arrêtés et exécutés sans jugement pour leurs opinions de gauche, leur appartenance à la franc-maçonnerie, à la communauté juive ou au protestantisme. L'extrême-droite française désignera sous Vichy les mêmes groupes comme faisant partie de "l'anti-France". Unamuno voit ainsi disparaître un à un ses anciens élèves et ses meilleurs amis en faisant l'autruche jusqu'à ce qu'il se retrouve seul. Il finit quand même dans un ultime sursaut par s'engager publiquement contre le franquisme ce qui lui vaut d'échapper in-extremis au lynchage. Ses mots "vous vaincrez mais ne convaincrez pas" s'avèrent prophétiques puisqu'ils annoncent une guerre civile qui a continué sous une forme larvée durant tout le règne de Franco. Unamuno s'insurge également contre la culture de mort des fascistes, le général Millan Astray (Eduard FERNÁNDEZ) rétorquant d'ailleurs par un "Viva la muerte" ("Vive la mort") qui était l'un des slogans des fascistes (d'autres versions rapportent des propos similaires à ceux qui étaient souvent proférés par les nazis "quand j'entends le mot culture, je sors mon révolver").

Aussi même si le film de Alejandro AMENÁBAR reste classique dans sa forme, son interprétation et son scénario valent largement le détour, interrogeant les dérives du passé comme celles d'aujourd'hui avec pertinence.

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Les Autres (The Others)

Publié le par Rosalie210

Alejandro AMENÁBAR (2001)

Les Autres (The Others)

"Les Autres" suggère dès son affiche la coexistence de deux mondes incompatibles à la manière du tableau surréaliste de Magritte "L'Empire des lumières". Il y en a effet deux sources de lumière dans "Les Autres": celle qui émane des lampes à pétrole qui éclairent l'intérieur d'un manoir sinistre où vivent en reclus et hors du temps Grace (Nicole KIDMAN) et ses enfants au milieu d'une île plongé dans un épais brouillard. Et celle de la lumière du jour qui leur est interdite car les enfants de Grace, frappés par une mystérieuse maladie ne peuvent la supporter. Tels des vampires, ils vivent donc rideaux tirés sans voir personne excepté trois domestiques étranges qui un jour viennent taper à leur porte et semblent bien les (re)connaître. Malgré toutes les précautions de Grace qui semble toujours sur le qui-vive pour protéger ses enfants, la lumière extérieure (celle de la vérité?) finit par s'immiscer dans leur lugubre prison.

"Les Autres" vaut surtout pour ses qualités formelles. A l'image du manoir victorien aux pièces plus épurées les unes que les autres, le cinéaste a puisé son inspiration chez Alfred HITCHCOCK (avoir choisi Nicole KIDMAN pour interpréter un personnage qui s'appelle Grace n'est certainement pas une coïncidence) et Jack CLAYTON. "Les Autres" est en effet une variante de "Les Innocents" (1961) lui-même tiré du livre de Henry James, "Le Tour d'écrou". Le fantastique est suggéré par la mise en scène, la bande-son et l'atmosphère qui est le point le plus remarquable du film comme je l'ai signalé plus haut. Reposant comme "Sixième sens" (1999) sur un complet renversement de perspective final, "Les Autres" fait le choix de l'illusionnisme en mettant les fantômes sous le nez du spectateur mais en les rendant aussi invisibles que "La Lettre" d'Edgar Allan Poe.

Toutefois si le travail formel est brillant, les films qui ont servi de modèles à Alejandro AMENÁBAR lui sont supérieurs car il manque à "Les Autres" un véritable substrat humain. De ce point de vue, on reste en surface et c'est dommage.

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