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Articles avec #altman (robert) tag

Buffalo Bill et les Indiens (Buffalo Bill and the Indians, or Sitting Bull's History Lesson)

Publié le par Rosalie210

Robert Altman (1976)

Buffalo Bill et les Indiens (Buffalo Bill and the Indians, or Sitting Bull's History Lesson)

"Buffalo Bill et les indiens" est une satire corrosive de la construction de la légende de la conquête de l'ouest. Le film est sans doute trop long, répétitif, dépourvu d'enjeu narratif mais il pose d'excellentes questions, toujours d'actualité sur le processus par lequel les vainqueurs écrivent l'histoire qui les arrangent. Dans le cas de William Cody alias Buffalo Bill, il s'agit de forger sa propre légende à travers un spectacle créé en 1883 et qui s'est perpétué jusqu'en 2020 à Disneyland Paris. Le film de Robert ALTMAN qui prend le contrepied d'un John FORD ("Entre la vérité et la légende, imprimez la légende") montre un Buffalo Bill grotesque à l'image de son "Wild West Show". Grotesque et indécent puisqu'il s'agit de faire de l'argent sur le dos d'un public ignorant, donc facile à manipuler mais aussi sur les vaincus de l'histoire, les indiens, intégrés au show pour servir de faire-valoir à Buffalo Bill et au général Custer, dépeints en héros. Pour enfoncer le clou, le rôle de Buffalo Bill qui est obsédé par son image est incarné dans un effet miroir par une icône du cinéma américain (Paul NEWMAN). Sauf qu'à l'image de sa perruque, tout est "fake" dans le personnage qui est en réalité un pathétique alcoolique qui fait se pâmer les dames mais s'avère incapable d'n "honorer" une seule. L'aspect ironique du film est aussi souligné par le rôle du narrateur "bonimenteur" qui est incarné par Burt LANCASTER qui avait joué auparavant déjà dans plusieurs westerns remettant en cause l'histoire officielle très manichéenne (gentils blancs contre méchants indiens) tels que "Bronco Apache" (1954) ou "Le Vent de la plaine" (1959).

D'une certaine manière, "Buffalo Bill et les indiens" agit comme une sorte d'antidote à l'effet séducteur du Wild West Show. En révélant les coulisses du spectacle, en faisant se contredire les témoins sur l'origine du nom de Buffalo Bill, en filmant volontairement mal les numéros de façon à n'en faire ressortir que l'aspect factice et ridicule et en faisant du vrai Sitting Bull (lui aussi victime d'une forme de crédulité sur la nature du pouvoir qui détruit son peuple) le grain de sable dans la machine jusqu'à ce qu'il soit remplacé par un fake, il s'agit de déjouer ce qui n'est au fond qu'une entreprise propagandiste sous couvert de divertissement. La place du cinéma est ainsi elle-même interrogée à travers celle du spectacle vivant.

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Gosford Park

Publié le par Rosalie210

Robert Altman (2001)

Gosford Park

"Gosford Park", c'est l'alliance (fructueuse) de la misanthropie acide de Robert ALTMAN et de l'écriture aiguisée alliée à une connaissance anthropologique du milieu aristocratique de Julian FELLOWES (milieu dont il est lui-même issu et qu'il connaît sur le bout des doigts) pour un résultat dense et passionnant. La première partie est une étude de mœurs qui reprend les principes de "La Règle du jeu" (1939) de Jean RENOIR avec un montage établissant un parallèle entre l'univers des maîtres et celui des domestiques avec à la place du pilote André Jurieux, un acteur et compositeur américain ayant réellement existé Ivor Novello (Jeremy NORTHAM), admiré des domestiques mais méprisé des aristocrates les plus snobinards. Un mépris réciproque car les américains considèrent de leur côté avec dédain le monde décadent de leurs anciens colons. Un monde hiérarchisé et codifié jusque dans les moindres détails (places à table, uniformes, noms employés pour désigner les gens de maison, protocoles du petit déjeuner différent selon le genre et le statut marital, multitude des couverts à table et écartement entre eux mesuré à la règle, pièces dévolues à des tâches telles que le cirage des chaussures ou le nettoyage de l'argenterie, rite de la chasse à courre etc.) qui n'a pas encore disparu en 1932 (l'époque du film et aussi des "Les Vestiges du jour" (1993) qui se situe dans le même milieu). Le personnage de Henry Denton (Ryan PHILIPPE) apprend à ses dépends que jouer sur les deux tableaux est impossible: il ne fait pas longtemps illusion et réussit l'exploit de fédérer les deux camps contre lui. La deuxième partie se rapproche davantage d'une comédie policière en huis-clos dans le style Cluedo. D'ailleurs elle s'inspire du "Noël de Hercule Poirot" de Agatha Christie. Elle a pour principal mérite de faire émerger des secrets jusqu'ici bien gardés.

Il est également intéressant de comparer "Gosford Park" et "Downton Abbey" (2010), série réalisée et écrite par Julian FELLOWES qui avait été conçue au départ comme un prolongement du film de Robert ALTMAN. Car si l'on retrouve bien évidemment le même univers jusque dans ses moindres détails ainsi que la finesse et la causticité de l'écriture alliée à un regard affûté sur une société en évolution (surtout dans la saison 1 qui est parfaite alors que dès la saison 2, les intrigues sentimentales et rebondissements dignes d'un roman de gare gâchent déjà un peu le plaisir) sans bien sûr oublier Maggie SMITH en douairière dans les deux œuvres, il y a une différence "existentielle" qui saute aux yeux. Les relations humaines dans "Downton Abbey" ne sont ni cruelles, ni sordides. Dans "Gosford Park", la cruauté et le sordide sont partout, dans les relations familiales et dans les relations de couples (presque toujours en raison de questions d'argent), dans les relations entre domestiques (rivalités, alcoolisme, menaces de viol) et aussi bien sûr dans les relations entre maîtres et domestiques. Mary Maceachran (Kelly MACDONALD), la bonne de la comtesse de Trentham subit moultes humiliations dont celle dès l'ouverture du film de devoir rester plusieurs minutes sous une pluie battante à devoir attendre que sa maîtresse daigne monter dans sa voiture puis à lui ouvrir son thermos. Surtout le château de "Gosford Park" fait penser à du Zola ou à du Maupassant avec son maître de maison (Michael GAMBON) qui exerce son droit de cuissage sur ses subordonnées (ouvrières puis domestiques) enfantant autant de tragédies que d'expressions de l'inégalité des classes autant que celles de la domination d'un sexe par l'autre.

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