Richard Lester avait le projet d'adapter la totalité de la trilogie de Alexandre Dumas et pas seulement le premier volet. Montrer le vieillissement des personnages entrait en effet dans son projet de démythification des héros de la culture populaire comme on peut le voir également dans "La Rose et la flèche". Il n'a cependant pas pu aller jusqu'au bout en raison notamment du décès de Roy Kinnear (Planchet) durant le tournage. Néanmoins, le résultat est bancal, tout comme l'était déjà "On l'appelait Milady". Certes, le troisième volet, réalisé quinze ans après les deux premiers et adaptant librement "Vingt ans après" réunit la quasi-totalité de la distribution d'origine, du moins les acteurs dont les personnages ont survécu ainsi que Jean-Pierre CASSEL qui se glisse dans la peau de Cyrano de Bergerac en lieu et place de Louis XIII. Il y a donc un indéniable réalisme dans le fait que le film montre les mêmes acteurs avec un vieillissement naturel et qui ont l'âge de leur personnage. Mais de façon contradictoire, le ton employé reste dans l'ensemble humoristique et léger dans la veine des deux premiers volets comme si rien n'avait changé. Si bien que la désunion entre les mousquetaires dont les opinions politiques et les parcours de vie ont divergé est édulcorée. Certes, il y a des scènes de discorde entre eux et Oliver Reed (Athos) joue toujours de façon aussi intense les tourments qui habitent son personnage mais "tout est bien qui finit bien". Ce qui n'arrange rien est que le méchant n'est pas à la hauteur. L'antagoniste n'est plus le fils de Milady comme dans le roman mais sa fille, Justine de Winter un personnage d'espionne séductrice et meurtrière calquée sur sa mère mais avec des qualités masculines en plus de fine lame (peu crédibles) lassante dans son obsession monomaniaque à venger sa mère qu'elle n'a pas connu (et l'actrice, Kim Cattrall joue de façon extrêmement lisse). Reste tout de même quelques bonnes idées visuelles comme la scène de la montgolfière (l'anachronisme est assumé depuis le premier volet) et quelques nouveaux personnages réjouissants comme le Mazarin joué par Philippe Noiret qui retrouve ainsi la veine des personnages historiques qu'il a joué pour Bertrand Tavernier.
Deux films pour le prix d'un:"Les Trois mousquetaires" (1973) a été présentée au casting comme un seul film de 3h et ceux-ci n'ont pas apprécié l'arnaque de sa division finale en deux films au point d'intenter un procès à la production et de le gagner. "On l'appelait Milady" est donc la suite de "Les Trois mousquetaires". Une suite plus délicate à négocier pour Richard LESTER. Globalement c'est toujours plaisant à suivre mais il y a moins d'inventivité dans les scènes de combat que dans le premier volet (hormis celle qui se déroule sur la lac gelé et le duel final) et le burlesque se marie mal avec la tonalité plus sombre de la deuxième partie du roman de Alexandre Dumas. Une deuxième partie dans laquelle plusieurs personnages majeurs de la saga trouvent la mort et d'autres deviennent des assassins, c'est sans doute pourquoi la mémoire collective (et nombre d'adaptations) préfèrent ne retenir que le buddy movie de cape et d'épée plein d'aventures et de romanesque. En restant fidèle à l'écrivain, Richard LESTER se retrouve en porte-à-faux par rapport à son propre style ce qui parfois vire à l'incohérence: son d'Artagnan reste un personnage léger, adepte du libertinage (on sent bien l'influence des années 70) et en même temps il est confronté à des situations et à des décisions graves face auxquelles il manque de crédibilité. Porthos (Frank FINLAY) est toujours aussi insignifiant tout comme Constance Bonacieux (Raquel WELCH). En revanche celui qui se réserve la part du lion est Oliver REED avec son passé tragique l'enchaînant à Milady de Winter (Faye Dunaway) plus diabolique que jamais.
"La Rose et la flèche" (1976) était jusqu'à présent le seul film que je connaissais de Richard LESTER. "Les Trois mousquetaires" réalisé trois ans auparavant a pour point commun son regard iconoclaste sur le héros populaire. D'Artagnan, Athos, Porthos et Aramis sont transformés en personnages burlesques et tout en étant documenté historiquement, le film se permet des anachronismes qui font penser à "The Three Must-Get-Theres" (1922) de Max LINDER. Richard LESTER s'est également inspiré de Buster KEATON en instaurant des gags millimétrés lors des scènes d'action lorsque Athos se retrouve par exemple pendu par sa cape à un moulin à eau alors qu'il allait triompher de son ennemi. Le sérieux des combats cape et d'épée est systématiquement désamorcé soit par le contrepoint de la scène où ils se déroulent (un monastère de femmes, des lavandières qui se retrouvent au milieu des combattants), soit par des gags burlesques comme la scène où le combat devient un numéro d'illusionniste destiné à escamoter de quoi faire un bon repas ou bien celle qui remplace les boucliers par des lanternes portatives ou encore celle qui est sans cesse perturbée par des feux d'artifices. On peut ajouter que les mousquetaires sont loin d'être de fines lames. Leurs combats sont laborieux (comme le seront ceux du Robin des bois vieillissant joué par Sean CONNERY) et souvent maladroits. D'Artagnan, le plus jeune et le plus fougueux rate nombre de ses cascades, les trois autres passent leur temps à se blesser. Comme Robin des bois également, l'origine paysanne de d'Artagnan est soulignée dans fait notamment qu'il est illettré. Mais si Richard LESTER soigne remarquablement les détails (son film est vivant, rempli de détails charmants comme une partie d'échecs grandeur nature avec des animaux) il est quelque peu desservi par son casting international hétéroclite. Ainsi Raquel WELCH et Geraldine CHAPLIN ne sont pas convaincantes en Constance Bonacieux et la reine Anne d'Autriche tout comme Jean-Pierre CASSEL en Louis XIII benêt affublé d'un doublage ridicule. Michael YORK est en revanche très bon dans le rôle de d'Artagnan tout comme Faye DUNAWAY dans celui de Milady et Christopher LEE dans celui de Rochefort. Les mousquetaires sont inégaux: Athos (Oliver REED) et Aramis (Richard CHAMBERLAIN) sont charismatiques mais Porthos (Frank FINLAY) nettement moins.
"Cagliostro" est l'une des dernières production du studio Albatros fondé par Alexandre Kamenka à Montreuil au début des années 20 ou plutôt une coproduction avec le studio berlinois Wengeroff-GMBH dirigé par un autre russe émigré, Vladimir Wengeroff. Le film est d'ailleurs réalisé par un pionnier du cinéma germanique, Richard OSWALD assisté par de futures pointures du cinéma français (Marcel CARNÉ et Jean DRÉVILLE) et n'est que lointainement basé sur le célèbre "Joseph Balsamo" de Alexandre Dumas (première partie d'une saga consacrée à la Révolution et à ses prémices et qui se déroule à la fin du règne de Louis XV soit une quinzaine d'années avant l'Affaire du Collier qui est le titre de la troisième partie de cette même saga). C'est un roman allemand de Johannes von Günther consacré à l'aventurier-magicien-guérisseur-escroc italien à double visage (c'est aussi un mari éperdument amoureux de sa femme) qui a été la principale source d'inspiration pour le film. Film qui par ailleurs nous est parvenu amputé de plus de la moitié de sa durée totale. Ce qui a pu être sauvé (environ une heure) a fait l'objet d'une reconstitution en 1988 qui est centrée sur une version (amputée) destinée aux familles tournant autour de l'affaire du collier, escroquerie montée par Cagliostro et l'aventurière Jeanne de la Motte laquelle n'hésite pas à dévoiler une partie de son anatomie à chacune de ses apparitions (ce qui n'a plus rien de familial mais est issu cette fois des chutes censurées et "recollées" au reste). L'ensemble se tient tout de même à peu près mais on sent bien qu'il s'agit d'un résumé (les passages manquants sont remplacés par des cartons). La mise en scène très élaborée (nombreuses trouvailles techniques) et élégante met en valeur la magnificence des décors et costumes lors des scènes de cour (superproduction oblige) ainsi que les péripéties dignes d'un feuilleton d'aventures. En dépit des mentions "historiques" sur les cartons, on est dans une fiction de divertissement avec par exemple la manière rocambolesque dont Joseph Balsamo parvient à s'évader à la fin avec sa femme.
En dépit de son caractère spectaculaire, ce blockbuster de l'époque n'eut pas le succès escompté en raison de l'arrivée du parlant qui mit fin prématurément à sa carrière et le fit sombrer dans l'oubli.
Rappelez-vous (enfin, pour ceux qui étaient enfants ou adolescents dans les années 80 et qui regardaient la télévision) ce générique "culte" interprété par Jean-Jacques Debout sur fond d'aboiements:
"Un pour tous et tous pour un
Lorsque l'on est mousquetaire
Un pour tous et tous pour un
On est comme des frères
Un pour tous et tous pour un
Il faudra s'y faire
Les autres ne sont pas loin
Quand on en voit un (...)"
Wan-wan Sanjushi est en effet une série animée hispano-nippone créée par Claudio Biern Boyd d'après le roman d'Alexandre Dumas "Les Trois Mousquetaires" avec pour caractéristique principale l'anthropomorphisme canin de ses personnages. Elle a été produite par le studio espagnol BRB et nippon animation et multirediffusée en France dans les années 80 et 90. Et voilà que quarante ans plus tard, une version cinématographique en 3D voit le jour réalisée par Toni Garcia et produite de nouveau par la BRB (via leur studio, Apolo films) . Est-ce le premier exemple d'une série de remises à jour de séries vintage ayant fait les beaux jours des émissions jeunesse du petit écran ou bien est-ce que cela restera un exemple unique? La suite nous le dira.
En tout cas le film est plutôt une réussite. On retrouve avec plaisir les péripéties d'une intrigue décidément increvable alors que les moindres détails sont connus de tout un chacun (la montée de D'Artagnan à Paris, le duel avec les trois mousquetaires, l'affrontement avec leurs antagonistes, Milady, Rochefort et le cardinal de Richelieu pour sauver l'honneur de la reine en récupérant à temps ses ferrets, la romance entre d'Artagnan et sa dame de compagnie, Constance Bonacieux etc.) Une fois les cinq premières minutes passées, on s'habitue à la 3D d'autant que par moments (notamment lorsqu'il s'agit d'illustrer des pensées ou bien lors du générique de fin), l'image revient au graphisme 2D (et pour faire plaisir aux nostalgiques, le générique est évidemment repris et réorchestré par les musiciens d'origine). Les personnages féminins ont été volontairement étoffés que ce soit Milady qui fait partie de ces femmes puissantes et donc redoutables ayant de nombreuses cordes à leur arc ou Constance qui sort de son rôle de potiche pour endosser un rôle quelque peu plus actif dans l'histoire. Enfin le moralisme un peu pesant de la série d'origine (" héros qui nous rappellent deux principes à ne pas oublier, l'honneur et l'amitié" pouvait-on lire dans le générique de début) est nuancé par la présence aux côtés de d'Artagnan de Pip, l'écuyer, une souris qui n'est pas seulement un faire-valoir comique mais aussi un faible de caractère qui a bien du mal à résister à la soif de l'or.
Sur les 14 versions cinématographiques muettes du célèbre roman de Alexandre Dumas, deux seulement ont été retrouvées et restaurées: la fresque de plus de 3h30 du français Henri FESCOURT qui date de 1928-1929 et celle-ci, d'origine américaine qui est antérieure puisqu'elle date de 1922. Bien que divisée en deux parties comme celle de Henri FESCOURT, elle est plus courte (moins de deux heures) et de ce fait, inégale. Elle est aussi davantage abîmée, on le constate à certains sauts d'image. La moitié du métrage (la plus réussie) est consacré au complot et à l'emprisonnement de Edmond Dantès au château d'If. Le dépouillement de l'intrigue permet au réalisateur d'être par ses gros plans au plus près des émotions de Edmond Dantès que John GILBERT (célèbre autant à cause de sa relation avec Greta GARBO que pour sa déchéance avec l'arrivée du parlant qui a inspiré "The Artist") (2011) rend très émouvant. La relation avec l'abbé Faria (Spottiswoode AITKEN) bien que brièvement évoquée est dépeinte avec sensibilité. Là où en revanche cela se gâte un peu, c'est dans la deuxième partie. La vengeance du comte, simplifiée comme chez Fescourt avec quelques différences (réapparition de Danglars mais quasi-absence des Morrel) est aussi hélas expédiée en quelques scènes dans lesquels les événements se télescopent. Par conséquent, il n'y a pas assez de temps pour développer intrigues et personnages comme il le faudrait en dépit d'une interprétation globale d'excellente tenue. De plus la morale américaine se fait bien sentir dans la manière dont sont punis les ennemis de Monte Cristo (ils se tuent plus qu'ils ne sont tués et à aucun moment Monte Cristo n'exprime le moindre doute sur le bien-fondé de ses actes) ainsi que dans le dénouement, franchement consternant de conservatisme. Quoique la présence au casting de George SIEGMANN alias Silas Lynch de "Naissance d une Nation" (1915) dont le comportement odieux est associé au métissage nous sert de piqûre de rappel.
Ayant toujours été terriblement déçue par les adaptations récentes du roman d'Alexandre Dumas dans lesquelles je ne retrouve nullement la fascination qu'exerce sur moi l'oeuvre originale, je suis allé chercher du côté des versions muettes. Celle-ci, réalisée par Henri FESCOURT entre 1928 et 1929 est tout simplement excellente et je la recommande à tous ceux qui comme moi sont amoureux du roman. Comme celui-ci, on ne peut plus la lâcher une fois commencée. Superproduction de plus de trois heures trente en deux parties qui a bénéficié d'une superbe restauration après avoir été perdue pendant soixante-dix ans, elle a conservé l'état d'esprit du roman d'origine. Certes, celui-ci est élagué, des personnages et des intrigues (dont certaines que j'aime beaucoup) sont supprimés. Mais le résultat est parfaitement lisible, cohérent et a du sens. Ce qui ressort en effet, c'est le caractère de mascarade sociale du roman de Dumas que la vengeance du comte va s'employer à pulvériser. Ses ennemis sont des usurpateurs qui se sont employés à se hisser jusqu'au sommet de la hiérarchie sociale par des moyens malhonnêtes, crapuleux, criminels. Tous ont des secrets à cacher. Le comte s'invente lui aussi une identité pour entrer dans le grand monde avec un gros coup de pouce du destin mais c'est pour mieux démasquer faux comtes et faux barons. Le summum du grotesque, particulièrement bien mis en valeur dans cette version est atteint avec Benedetto, bébé abandonné puis bandit et bagnard qu'en un tournemain, le comte transforme en prince Cavalcanti pour exciter la vanité des nantis. Le contexte historique de la monarchie de Juillet est parfaitement restitué. Villefort a des airs typiques de Jean-François Bertin peint par Ingres qui symbolisait la bourgeoisie triomphante de 1830 alors que les rites sociaux comme les soirées à l'opéra, les bals mondains, les procès, les duels sans oublier l'orientalisme sont minutieusement recréés. Le caractère grandiose de ces scènes n'est pas préjudiciable à l'intrigue, au contraire, ce sont autant de scènes de théâtre dans lesquelles le regard perçant et précis du réalisateur nous amène toujours à saisir l'essentiel de ce qui se joue. D'ailleurs il a rajouté une scène qui fait penser à "Hamlet" avec une mise en abyme de la trahison de Fernand Mondego auprès du pacha de Janina sous forme de représentation théâtrale pour mieux le démasquer. La complexité du personnage d'Edmond qui passe du statut de victime à celui de vengeur se prenant pour dieu avant d'être assailli par le doute est préservée pour l'essentiel, de même que le fait qu'il tente de compenser ce qu'il détruit en protégeant ceux qu'il aime. La famille de l'armateur Morrel est ainsi mise en avant ainsi que Valentine et Haydée, les deux jeunes femmes qui incarnent l'espoir d'un avenir moins corrompu.
Ayant toujours été terriblement déçue par les adaptations récentes du roman d'Alexandre Dumas dans lesquelles je ne retrouve nullement la fascination qu'exerce sur moi l'oeuvre originale, je suis allé chercher du côté des versions muettes. Celle-ci, réalisée par Henri FESCOURT entre 1928 et 1929 est tout simplement excellente et je la recommande à tous ceux qui comme moi sont amoureux du roman. Comme celui-ci, on ne peut plus la lâcher une fois commencée. Superproduction de plus de trois heures trente en deux parties qui a bénéficié d'une superbe restauration après avoir été perdue pendant soixante-dix ans, elle a conservé l'état d'esprit du roman d'origine. Certes, celui-ci est élagué, des personnages et des intrigues (dont certaines que j'aime beaucoup) sont supprimés. Mais le résultat est parfaitement lisible, cohérent et a du sens. Ce qui ressort en effet, c'est le caractère de mascarade sociale du roman de Dumas que la vengeance du comte va s'employer à pulvériser. Ses ennemis sont des usurpateurs qui se sont employés à se hisser jusqu'au sommet de la hiérarchie sociale par des moyens malhonnêtes, crapuleux, criminels. Tous ont des secrets à cacher. Le comte s'invente lui aussi une identité pour entrer dans le grand monde avec un gros coup de pouce du destin mais c'est pour mieux démasquer faux comtes et faux barons. Le summum du grotesque, particulièrement bien mis en valeur dans cette version est atteint avec Benedetto, bébé abandonné puis bandit et bagnard qu'en un tournemain, le comte transforme en prince Cavalcanti pour exciter la vanité des nantis. Le contexte historique de la monarchie de Juillet est parfaitement restitué. Villefort a des airs typiques de Jean-François Bertin peint par Ingres qui symbolisait la bourgeoisie triomphante de 1830 alors que les rites sociaux comme les soirées à l'opéra, les bals mondains, les procès, les duels sans oublier l'orientalisme sont minutieusement recréés. Le caractère grandiose de ces scènes n'est pas préjudiciable à l'intrigue, au contraire, ce sont autant de scènes de théâtre dans lesquelles le regard perçant et précis du réalisateur nous amène toujours à saisir l'essentiel de ce qui se joue. D'ailleurs il a rajouté une scène qui fait penser à "Hamlet" avec une mise en abyme de la trahison de Fernand Mondego auprès du pacha de Janina sous forme de représentation théâtrale pour mieux le démasquer. La complexité du personnage d'Edmond qui passe du statut de victime à celui de vengeur se prenant pour dieu avant d'être assailli par le doute est préservée pour l'essentiel, de même que le fait qu'il tente de compenser ce qu'il détruit en protégeant ceux qu'il aime. La famille de l'armateur Morrel est ainsi mise en avant ainsi que Valentine et Haydée, les deux jeunes femmes qui incarnent l'espoir d'un avenir moins corrompu.
Des trois long-métrages qu'il tourna aux USA, Max Linder considérait que "l'Etroit mousquetaire" était son plus réussi et même le meilleur film de sa carrière. En effet c'est un petit bijou qui en prime est un film pionnier en tant que pastiche de romans historiques, chevaleresques ou de cape et d'épée très connus. Le film "Les trois mousquetaires" de Fred Niblo sorti exactement un an auparavant avec Douglas Fairbanks avait été un énorme succès. Max Linder propose de réaliser "l'envers" de ce film, son double parodique "The Three Must-Get-There". Ce qui est d'une logique implacable au vu de ses précédents films où la figure du double faisait surface à un moment ou à un autre, à travers le faux reflet d'un miroir par exemple.
C'est selon cette logique du reflet inversé passé au révélateur que les personnages du roman de Dumas sont renommés: Pauvre-lieu au lieu de Richelieu, Roquefort au lieu de Rochefort, Bouc qui Gagne au lieu de Buckingham, Ananas d'Autriche au lieu d'Anne d'Autriche, Bonne-aux-Fieux au lieu de Bonacieux (Connie en VO) et Lindertagnan au lieu de l'Artagnan.
Il souffle un vent de liberté dans ce film qui frappe par son énergie débridée et la richesse de ses trouvailles plus décalées voire surréalistes les unes que les autres. Linder réalise des cascades et acrobaties étourdissantes n'hésitant pas à transformer à l'occasion le film de cape et épée en spectacle de cirque ou en film de guerre. Il multiplie les anachronismes, à commencer par l'essayage de son costume où il s'auto-cite en revêtant brièvement un chapeau haut-de-forme. On voit également se succéder les poteaux et lignes électriques de la campagne de Gascogne, l'orchestre de jazz d'Ananas, une voiture à pneus et à porteurs, des téléphones, une moto, des allusions aux taxis, agences immobilières, traiteurs... Il cache souvent une partie de l'image pour créer une illusion de normalité et de logique qui devient nonsensique lorsqu'il la révèle en totalité. Il en est ainsi par exemple de la voile d'un bateau...qui surmonte son cheval avec lequel il traverse la Manche. Les noix de coco de "Monty Python, Sacré Graal" ne sont pas loin et on ne sera pas surpris d'apprendre que "L'Etroit Mousquetaire" a été une source d'inspiration directe pour ce qui s'avère être l'une des plus célèbres comédies parodiant une légende historique.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.