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Articles avec #varda (agnes) tag

Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion

Publié le par Rosalie210

CONCLUSION

CXXI
" Il n'y a ni bonheur ni malheur en ce monde, il y a la comparaison d'un état à un autre, voilà tout. Celui-là seul qui a éprouvé l'extrême infortune est apte à ressentir l'extrême félicité. Il faut avoir voulu mourir [...] pour savoir combien il est bon de vivre." (Edmond Dantès)
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXII
Jacquot de Nantes fait écho à l'un des films les plus célèbres d'Agnès Varda: Cléo de 5 à 7 réalisé trente ans auparavant en 1961: " Pour Jacquot, Agnès retrouve l'état de grâce et d'amertume qui hantait Cléo de 5 à 7 lorsque la mort annoncée vient éclairer d'une même lumière les instants d'aujourd'hui et les heures passées."
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion

Le titre est volontairement équivoque. Moi-même j'ai longtemps cru avant de le voir que Cléo avait un rendez-vous galant alors que le tirage des tarots par la cartomancienne au début du film annonce d'emblée la couleur.

Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
Ce "5 à 7", c'est le temps (filmé en temps réel) qui sépare la séance de tarots du résultat des examens médicaux qui doivent confirmer si oui ou non Cléo est atteinte d'un cancer.
 
CXXIII
Durant quatre-vingt dix minutes, Cléo va effectuer un parcours dans Paris et un parcours intérieur durant lequel elle va se métamorphoser, passant de la jeune fille frivole obsédée par le reflet du miroir à la jeune femme tournée vers les autres et empreinte de gravité. D'image factice modelée par des fantasmes masculins standardisés, elle devient une personne autonome qui regarde et qui agit.
Cléo prisonnière du miroir

Cléo prisonnière du miroir

A mi-chemin du film (45° minute), Cléo arrache sa perruque, enlève son déshabillé et s'en va seule, discrètement vêtue.

A mi-chemin du film (45° minute), Cléo arrache sa perruque, enlève son déshabillé et s'en va seule, discrètement vêtue.

 Cléo se découvre anonyme et perdue dans la foule. Le miroir pourvoyeur d'images factices est brisé.

Cléo se découvre anonyme et perdue dans la foule. Le miroir pourvoyeur d'images factices est brisé.

De la rue de Rivoli jusqu'à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, toutes sortes de messages subliminaux disséminés dans la ville lui envoient des signaux qui ravivent son angoisse: "Rivoli deuil", "Bonne santé", "Pompes funèbres", "Boulevard de l'hôpital".

Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXIV
L'un des moments les plus forts du film se situe dans le parc Montsouris. Sous la cascade, elle rencontre Antoine, un soldat permissionnaire sur le point de repartir dans l'enfer de la guerre d'Algérie. Parce qu'ils sont tous deux en danger de mort, les jeunes gens ont des échanges paisibles et dépourvus de tout artifice. Ils se soutiennent mutuellement dans l'épreuve: Antoine accompagne Cléo à l'hôpital puis elle se rend avec lui à la gare. N'étant plus seule, elle n'a plus peur.
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXV
Cléo révèle alors à Antoine son véritable prénom: Florence. Cléo est le pseudo d'une chanteuse de variétés périssables. Florence renvoie à la Renaissance. Les sculptures comme toutes les oeuvres d'art authentiques gravent pour l'éternité la beauté de ce qui est fragile, éphémère et mortel. Elles sont le fruit d'un vrai regard et non d'un miroir aux alouettes.
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXVI
Durant la réalisation du film, Agnès Varda avait en tête un tableau d'Hans Baldung Grien intitulé La jeune fille et la mort et dont une reproduction est affichée dans l'appartement de Cléo.
 
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion

"La lumière ne se comprend que par l'ombre et la vérité suppose l'erreur. Ce sont ces contraires qui peuplent notre vie, lui donnent saveur et enivrement. Nous n'existons qu'en fonction de ce conflit dans la zone où se heurtent le blanc et le noir alors que le blanc ou le noir relèvent de la mort." (Agnès Varda)

CXXVII

En 1993 peu avant de succomber à l'épidémie de sida à seulement 35 ans, le réalisateur français des Nuits Fauves Cyril Collard accorde un entretien où il fait également référence au tableau de Hans Baldung: " C'est d'ailleurs très romantique cette lutte entre l'amour et la mort, Eros et Thanatos. Laura pense que l'amour la préserve du danger, que rien ne peut lui arriver. Cet acte, c'est du romantisme pur et dur, c'est aussi la folle passion de George Sand et de Chopin."
"Les Nuits Fauves sont nés de l'idée d'assembler deux contraires, le sombre et le solaire. Rien n'est jamais noir ou blanc mais noir et blanc."
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXVIII
Il s'agit bien entendu ici d'une réflexion sur ce qu'est la mort intérieure: la séparation des contraires pour en éliminer le versant indésirable (en version "normale" la mort, le mal, la laideur, la souffrance et l'inverse en version "perverse", les deux allant de pair.)
C'est l'un des axes de réflexion majeur du cycle Harry Potter de JK Rowling dont les versions audio françaises des quatre premiers tomes ont eu Bernard Giraudeau pour narrateur. 
Dès le tome 1, JK Rowling livre sa philosophie à ce sujet au travers d'un paquet de friandises apparemment anodin, les dragées surprise de Bertie Crochue. Si l'on regarde attentivement les goûts proposés, on trouve aussi bien banane, citron, cannelle, noix de coco, cacahuète ou pomme verte que cérumène, crotte de nez, foie et tripes, moutarde, poivre noir, poubelle, savon ou vomi. Toutes les saveurs de l'existence réunies dans un même paquet et impossible de savoir à l'avance ce que l'on mange.
Un risque à chaque bouchée, comme dans la vie réelle.

Un risque à chaque bouchée, comme dans la vie réelle.

CXXIX
A Poudlard il y a quatre maisons portant le nom de leurs quatre fondateurs (Godric Gryffondor, Helena Serdaigle, Helga Poufsouffle et Salazar Serpentard). La quatrième maison, la maison Serpentard, verdâtre, glauque et souterraine, est clairement identifiée comme étant la maison du mal puisque la plupart des Mangemorts (partisans de Voldemort) et Voldemort lui-même en sont issus.

Le symbole reptilien et la couleur verte si semblable à l'antre d'Edmond d'Une chambre en ville de Jacques Demy.

Le symbole reptilien et la couleur verte si semblable à l'antre d'Edmond d'Une chambre en ville de Jacques Demy.

Il serait donc "plus raisonnable de s'en débarrasser. Mais ce serait aller à l'encontre de la philosophie de JK Rowling (...) le mal n'est pas repoussé en tremblant. On ne se contente pas non plus de lui opposer une force courageuse. On le traite avec compassion. A plusieurs reprises, Dumbledore a démontré que des sorciers déchus pouvaient se racheter. Chacun des quatre fondateurs de Poudlard a des qualités qui lui sont propres et qui font partie d'un ensemble équilibré. Même l'ambition de Serpentard peut servir la bonne cause, à condition qu'elle soit équilibrée par les caractéristiques des autres. Cela fait partie de la réalité de chaque individu tout comme Harry a un peu de Voldemort en lui. Essayer de l'éliminer serait aussi dérisoire qu'impossible. " (David Colbert)

Le blason de Poudlard réunit les quatre maisons (Le lion de Gryffondor en rouge, le serpent de Serpentard en vert, le blaireau de Poufsouffle en jaune et l'aigle de Serdaigle en bleu) et celui-ci s'accompagne d'une devise: " Ne chatouillez pas un dragon qui dort."

Le blason de Poudlard réunit les quatre maisons (Le lion de Gryffondor en rouge, le serpent de Serpentard en vert, le blaireau de Poufsouffle en jaune et l'aigle de Serdaigle en bleu) et celui-ci s'accompagne d'une devise: " Ne chatouillez pas un dragon qui dort."

CXXX
Mon personnage préféré dans Harry Potter est Severus Rogue parce qu'il est à la croisée de tous les chemins. Ancien élève de Serpentard, c'est un ex-Mangemort devenu professeur de potions à Poudlard. Tout semble noir en lui. Il donne ses cours dans un cachot, est vêtu de noir des pieds à la tête, porte la marque des ténèbres sur son bras et emploie vis à vis de la magie noire un ton quasi "amoureux". De plus il déteste Harry et ne rate pas une occasion de l'humilier parce qu'il lui rappelle son père James, son ennemi juré à Poudlard qui lui faisait subir toutes sortes d'humiliations. 

La marque des ténèbres.

La marque des ténèbres.

Sur le bras de Rogue.

Sur le bras de Rogue.

CXXXI

Mais Rogue est également passionnément amoureux de son amie d'enfance,Lily, la mère de Harry qui symbolise la grâce divine.

Rogue est le premier sur les lieux après le meurtre des parents de Harry par Voldemort. Alan Rickman est absolument parfait dans un rôle dont il connaissait tous les méandres dès le départ (les premiers films sont sortis bien avant la publication de la fin de l'histoire qui se déroule sur 7 volumes).

Rogue est le premier sur les lieux après le meurtre des parents de Harry par Voldemort. Alan Rickman est absolument parfait dans un rôle dont il connaissait tous les méandres dès le départ (les premiers films sont sortis bien avant la publication de la fin de l'histoire qui se déroule sur 7 volumes).

Il se reproche sa mort (et le fait de ne jamais avoir réussi à lui avouer ses sentiments...) et est prêt pour se racheter et sauver son fils à tous les sacrifices, y compris celui de sa propre vie. "C'est la magie du personnage de Rogue: est-il bon, est-il méchant, est-il héroïque? Il est tout cela à la fois." (Editions Gallimard) ; " Jusqu'à la fin, Rogue a été guidé par deux sentiments opposés, l'amour et la haine, à travers le couple Potter." (Meziane Hammadi); "Qu'en est-il du troisième garçon perdu -après Harry et Voldemort-, cet amalgame complexe d'ombre et de lumière, l'agent double et assassin, le protecteur et l'adversaire?" (William Irwin et Gregory Bassham).
"L'histoire de Severus Rogue est celle d'un personnage torturé et ce depuis l'enfance. Un personnage tiraillé entre l'envie de faire souffrir comme il a souffert et l'envie d'aimer." (Solveig). Effectivement dans les scènes où on le découvre enfant, il manifeste simultanément des pulsions sadiques (envers Pétunia la soeur de Lily) et des élans de générosité pure venus du coeur (envers Lily). Bref, le pire et le meilleur de l'humanité réunis en une seule personne.

Le patronus de Rogue, bouclier de lumière repoussant les forces du mal, représente Lily sous sa forme animale qui est une biche.

Le patronus de Rogue, bouclier de lumière repoussant les forces du mal, représente Lily sous sa forme animale qui est une biche.

CXXXII
En donnant à l'un de ses fils -celui qui a les yeux de Lily- le prénom de Rogue, Harry accepte implicitement cet héritage, c'est à dire sa double identité de Gryffondor et de Serpentard.
 

J'aime particulièrement les illustrations de Jean-Claude Götting pour le septième tome (les Reliques de la mort), méditatives à souhait.

J'aime particulièrement les illustrations de Jean-Claude Götting pour le septième tome (les Reliques de la mort), méditatives à souhait.

"Rogue est l'un des personnages les plus marquants, les plus poignants de la saga Harry Potter. Il tient une place à part dans nos coeurs à cause de cette complexité, de cette ambiguïté qui le caractérise et surtout, à cause de ses multiples facettes, dont la plus belle et la plus vraie ne nous est révélée qu'au tout dernier moment. Enfin ce héros de l'ombre entre dans la lumière et le sera pour toujours puisqu'il est mort en oeuvrant pour le bien, motivé par un amour plus fort que la mort, plus fort que tout." (Solveig)
La double identité de Rogue (Gryffondor/Serpentard) est inscrite jusque dans son nom. En anglais il se nomme Severus Snape ce qui à une lettre près signifie "serpent" (snake). Mais son anagramme est "Perseus Evans", un héros tueur de serpent qui correspond à sa plus grande qualité, le courage. Quant à Evans, c'est le nom de jeune fille de Lily, le grand amour de sa vie.

Rogue et Lily enfants à Carbone-les-Mines, la ville industrielle où habitent leurs familles. La profonde amitié qui lie Rogue et Lily repose sur leur expérience commune de l'exclusion au sein du monde moldu (non-sorcier), y compris au sein de leur propre famille. Le père moldu de Rogue rejette sa femme et son fils alors que Pétunia, moldue elle aussi traite sa soeur de monstre. Harry fera lui-même cette douloureuse expérience d'isolement et de rejet en étant élevé (ou plutôt maltraité) par Pétunia et son mari après la mort de ses parents.

Rogue et Lily enfants à Carbone-les-Mines, la ville industrielle où habitent leurs familles. La profonde amitié qui lie Rogue et Lily repose sur leur expérience commune de l'exclusion au sein du monde moldu (non-sorcier), y compris au sein de leur propre famille. Le père moldu de Rogue rejette sa femme et son fils alors que Pétunia, moldue elle aussi traite sa soeur de monstre. Harry fera lui-même cette douloureuse expérience d'isolement et de rejet en étant élevé (ou plutôt maltraité) par Pétunia et son mari après la mort de ses parents.

CXXXIII
JK Rowling aime les personnages oxymoriques. 
En dehors de Rogue, il y a le parrain de Harry, Sirius Black dont le prénom contredit le nom car il s'est révolté contre sa famille d'aristocrates mages noirs de sang-pur et a rejoint les Gryffondor et l'Ordre du Phénix. A cause de son origine il a été accusé à tort de meurtre et a passé 13 ans en prison. Sirius possède cependant aussi des côtés sombres: il traite en esclave les êtres qu'il juge inférieurs à lui, se montre intolérant, impulsif et irréfléchi. 
Son petit frère Regulus à l'inverse est un Mangemort qui finit par se sacrifier par empathie pour l'une des créatures qui servent de domestique aux sorciers et qui est particulièrement maltraitée par Voldemort. 
Le meilleur ami de Sirius, Lupin est un homme doux et affable possédant un démon intérieur qui prend possession de lui tous les mois. 
James le père de Harry est un jeune homme solaire qui prend plaisir à tourmenter les élèves plus faibles que lui. 
Dumbledore a un goût immodéré du pouvoir auquel il a renoncé par sagesse mais au nom de la lutte contre Voldemort, il n'hésite pas à utiliser des techniques dignes de Machiavel (manipulations, mensonges, dissimulation).
 
La mort de Regulus Black, qui se sacrifie pour venger son elfe de maison et affaiblir Voldemort.

La mort de Regulus Black, qui se sacrifie pour venger son elfe de maison et affaiblir Voldemort.

Sirius, le parrain de Harry en cavale (Le prisonnier d'Azkaban).

Sirius, le parrain de Harry en cavale (Le prisonnier d'Azkaban).

Lupin Jekyll et Lupin HydeLupin Jekyll et Lupin Hyde

Lupin Jekyll et Lupin Hyde

Le passe-temps favori de James.

Le passe-temps favori de James.

Les fréquentations sulfureuses du jeune Dumbledore que Harry découvre dans les Reliques de la Mort (ici bras dessus bras dessous avec le mage noir Grindelwald dont il est amoureux).

Les fréquentations sulfureuses du jeune Dumbledore que Harry découvre dans les Reliques de la Mort (ici bras dessus bras dessous avec le mage noir Grindelwald dont il est amoureux).

CXXXIV
Il n'y a pas un seul monde dans Harry Potter mais plusieurs. Le monde des vivants et le monde des morts, celui des sorciers et celui des moldus, celui des sorciers et celui des autres créatures magiques. Tous ces mondes sont poreux les uns aux autres même s'ils ne se mélangent pas. La présence des morts est perceptible par les sorciers car quelques formes d'interactions limitées sont possibles (fantômes, portraits, pierre de résurrection). Des sorciers sans pouvoirs magiques (les cracmols) vivent dans le monde des moldus comme la voisine de Vernon et Pétunia Dursley, Arabella Figg qui veille sur Harry quand il est chez eux. Beaucoup de manifestations magiques ont lieu dans le monde des moldus mais elles restent invisibles à leurs yeux. Des enfants de moldus se révèlent dotés de pouvoirs magiques et entrent à Poudlard comme Lily et Hermione car depuis la nuit des temps des sorciers épousent des moldus (et vice-versa) ce qui entraîne une transmission génétique du pouvoir magique à leur descendance en sautant parfois plusieurs générations. Des créatures magiques pactisent avec le monde des sorciers comme Dobby, l'elfe de maison, Firenze le centaure ou Graup le géant demi-frère d'Hagrid.
Chaque maison de Poudlard a son fantôme: Le Baron sanglant (Serpentard), Le moine gras (Poufsouffle), Nick quasi-sans-tête (Gryffondor) et la Dame grise (Serdaigle). Le fantôme est un sorcier mort-vivant qui préfère rester en arrière que de s'enfoncer dans les secrets de la Mort. Il revient sous une forme affaiblie là où il a vécu. Très peu de sorciers choisissent cette voie.

Chaque maison de Poudlard a son fantôme: Le Baron sanglant (Serpentard), Le moine gras (Poufsouffle), Nick quasi-sans-tête (Gryffondor) et la Dame grise (Serdaigle). Le fantôme est un sorcier mort-vivant qui préfère rester en arrière que de s'enfoncer dans les secrets de la Mort. Il revient sous une forme affaiblie là où il a vécu. Très peu de sorciers choisissent cette voie.

Les anciens directeurs de Poudlard ont droit à leur portrait animé dans le bureau directorial après leur mort.

Les anciens directeurs de Poudlard ont droit à leur portrait animé dans le bureau directorial après leur mort.

CXXXV
Pour changer de monde, il faut emprunter un passage (to cross en anglais). La gare moldue de King's Cross à Londres est une plateforme qui contient une voie parallèle, la voie 9 3/4 sur laquelle le Poudlard Express emmène les élèves sorciers jusqu'à l'école de Poudlard. C'est aussi à cet endroit que Harry en état de mort imminente rencontre l'esprit de Dumbledore qui est décédé. Le pub du Chaudron Baveur sur Charing Cross Road permet d'accéder au chemin de Traverse dans lequel se trouve les boutiques et la banque des sorciers. En revanche le voile du département des mystère est à sens unique, de la vie vers la mort. Comme le traverser signifie mourir, il est impossible de revenir en arrière. Mais selon son degré de croyance en l'au-delà, il est possible d'entendre les murmures qui s'élèvent derrière le voile.
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
CXXXVI
L'univers de Harry Potter est peuplé d'hybrides. Au sens strict un hybride dans l'univers pottérien désigne un humain qui a un parent ou un ancêtre non-humain. Demi-géants comme Hagrid ou Olympe (tous deux issus d'un couple sorcier/géant), Quart de Vélane comme Fleur dont la grand-mère maternelle était l'une de ces créatures fantastiques à la beauté surnaturelle ou Filius Flitwick le directeur de la maison Serdaigle qui a un ancêtre gobelin. Les centaures sont également traités "d'hybrides" par Dolores Ombrage qui ne les supporte pas. Même chose pour Remus Lupin qui a été mordu par un loup-garou et se métamorphose tous les mois à la pleine lune. A ces hybrides s'ajoutent tous les sorciers de sang-mêlés (issus d'un couple sorcier/moldu ou sorcier né-moldu) comme Harry, Rogue et Voldemort.
Pour rester avec leur ami Rémus lorsqu'il devient loup-garou, James Potter et Sirius Black se transforment en animagus (cerf pour James et chien pour Sirius). Alias Lunard, Cornedrue et Patmol.

Pour rester avec leur ami Rémus lorsqu'il devient loup-garou, James Potter et Sirius Black se transforment en animagus (cerf pour James et chien pour Sirius). Alias Lunard, Cornedrue et Patmol.

CXXXVII
Par conséquent le racisme est au coeur de l'histoire. Deux systèmes de valeurs s'affrontent. L'un est portée par le quatrième fondateur de Poudlard, Salazar Serpentar. Il est relayé par Voldemort (qui renie ses origines moldues) et nombre de familles de sorciers au sang pur ou prétendus tels qui gangrènent le ministère de la magie comme Dolorès Ombrage. Il rejette toutes les formes de métissage et souhaite exclure voire éliminer les impurs ("sang-mêlés" et "sang-de-bourbe") ainsi que les hybrides du monde des sorciers. L'autre est portée par les trois autres fondateurs de Poudlard et Dumbledore. Il défend au contraire la diversité au sein de Poudlard et au sein du monde des sorciers.
La fontaine de la fraternité magique située dans l'atrium du ministère de la magie n'a de fraternel que le nom. En réalité il s'agit d'un message idéologique du ministère de la magie destiné à montrer que les sorciers dominent le monde magique et que les autres créatures sont à leurs pieds. Au mépris de la vérité puisque les gobelins et les centaures n'éprouvent que méfiance et ressentiment à leur égard.

La fontaine de la fraternité magique située dans l'atrium du ministère de la magie n'a de fraternel que le nom. En réalité il s'agit d'un message idéologique du ministère de la magie destiné à montrer que les sorciers dominent le monde magique et que les autres créatures sont à leurs pieds. Au mépris de la vérité puisque les gobelins et les centaures n'éprouvent que méfiance et ressentiment à leur égard.

Lorsque Voldemort prend le pouvoir sur le ministère de la Magie, l'art devient totalitaire au service de la toute-puissance des sorciers de sang-pur écrasant les moldus (titre de l'oeuvre: "la magie est puissance").Lorsque Voldemort prend le pouvoir sur le ministère de la Magie, l'art devient totalitaire au service de la toute-puissance des sorciers de sang-pur écrasant les moldus (titre de l'oeuvre: "la magie est puissance").

Lorsque Voldemort prend le pouvoir sur le ministère de la Magie, l'art devient totalitaire au service de la toute-puissance des sorciers de sang-pur écrasant les moldus (titre de l'oeuvre: "la magie est puissance").

L'ordre du phénix qui combat Voldemort et ses partisans est à l'inverse des plus hétéroclites avec des sang-mêlés, un loup-garou, un voleur, un prisonnier évadé, un demi-géant, un ex-mangemort...

L'ordre du phénix qui combat Voldemort et ses partisans est à l'inverse des plus hétéroclites avec des sang-mêlés, un loup-garou, un voleur, un prisonnier évadé, un demi-géant, un ex-mangemort...

CXXXVIII
Même le bras droit de Dumbledore, directrice de la maison Gryffondor et future directrice de Poudlard est le fruit d'un croisement: " les consonances latines ou grecques se mêlent à bien d'autres langues, sous-langues, allusions...dont la plus brillante est l'identité du grand professeur féminin de Poudlard, Minerva McGonagall! Minerve-Athéna, la plus intellectuelle des déesses antiques, associée à un nom de clan écossais haut en couleurs...donne la mesure du métissage et des courts-circuits culturels et civilisationnels dont Poudlard est le cadre bienveillant. C'est pour la défendre que Harry jette le sort d'Endoloris/Crucio lorsque le Mangemort Amycus Carrow lui crache à la figure. C'est assez rare pour être noté." En effet c'est la seule fois dans l'histoire qu'Harry utilise le sortilège de la torture, l'un des trois sortilèges impardonnables avec Impero (sortilège qui place une personne sous le contrôle d'une autre) et Avada Kedavra (le sortilège qui tue instantanément quiconque le reçoit, l'arme favorite de Voldemort).
C'est Minerva McGonagall qui a rendu Maggie Smith célèbre dans le monde, à juste titre tant cette immense actrice est parfaite dans le rôle. Dans son autobiographie son ex-mari, Robert Stephens fustige ses "origines mêlées" (mi-anglaises, mi-écossaises). La réalité rejoint la fiction.

C'est Minerva McGonagall qui a rendu Maggie Smith célèbre dans le monde, à juste titre tant cette immense actrice est parfaite dans le rôle. Dans son autobiographie son ex-mari, Robert Stephens fustige ses "origines mêlées" (mi-anglaises, mi-écossaises). La réalité rejoint la fiction.

CXXXIX
Chaque tome marque une étape de l'évolution de Harry vers la maturité. Dans le septième et dernier tome, il acquiert une sagesse et une clairvoyance nouvelle. Jusque là, il s'est toujours comporté en véritable tête brûlée, confondant action et précipitation (avec des conséquences funestes comme la mort de son parrain Sirius). Confronté une fois de plus à la mort d'un proche, il prend cette fois le temps de réfléchir et fait un choix déterminant: " L'énormité de sa décision de renoncer à prendre Voldemort de vitesse pour s'emparer de la baguette avant lui continuait d'effrayer Harry. Il ne se souvenait pas d'avoir jamais choisi dans sa vie de ne pas [en italique dans le texte] agir." C'est par le renoncement à l'emprise, à la volonté de maîtrise, par le lâcher-prise que Harry prend le dessus sur Voldemort et non par des actes héroïques et glorieux.
"Il regarda l'océan et sentit, en cet instant où l'aube se levait, qu'il se rapprochait du but, que la clé de tout était plus près de lui" (Les Reliques de la Mort)

"Il regarda l'océan et sentit, en cet instant où l'aube se levait, qu'il se rapprochait du but, que la clé de tout était plus près de lui" (Les Reliques de la Mort)

CXL
Ce choix sauve Harry moralement car il lui permet d'échapper à l'impossible alternative que lui prédestine la prophétie : bourreau ou victime. Même face au pire des traîtres ou des assassins, Harry refuse d'utiliser le troisième sortilège impardonnable pour tuer. Lorsque Voldemort tente à l'inverse de tuer Harry avec la baguette volée dans la tombe de Dumbledore, le sort se retourne contre lui et le tue. La baguette dont s'est emparé Voldemort refuse en effet de lui obéir car elle reconnaît en Harry celui qui a désarmé son ancien propriétaire (Drago qui avait lui-même désarmé Dumbledore). Sans l'avoir jamais possédée, ni même touchée, Harry s'en est rendu le maître. La véritable puissance magique procède de la non-violence.
La baguette de sureau, la plus puissante baguette de tous les temps et l'une des trois reliques de la mort n'est pas qu'un objet de convoitises. Elle est aussi, comme les autres baguettes un sujet qui choisit son sorcier. Elle n'accepte de changer d'allégeance qu'à la condition que son nouveau propriétaire puisse désarmer l'ancien (lui enlever la baguette des mains en lui jetant un sort).

La baguette de sureau, la plus puissante baguette de tous les temps et l'une des trois reliques de la mort n'est pas qu'un objet de convoitises. Elle est aussi, comme les autres baguettes un sujet qui choisit son sorcier. Elle n'accepte de changer d'allégeance qu'à la condition que son nouveau propriétaire puisse désarmer l'ancien (lui enlever la baguette des mains en lui jetant un sort).

CXLI
"Tous mes personnages sont définis par leur comportement face à la mort et la possibilité de mourir. Voldemort est terrifié par la mort, il est prêt à tout pour l'éviter, il fuit devant la mort. Pour Dumbledore, la mort n'est qu'une grande aventure de plus. Harry finit par accepter que la mort est un destin naturel et inéluctable. Il refuse l'immortalité que pouvait lui offrir la possession des trois reliques." (JK Rowling)
 
"Tu crois donc que les morts que nous avons aimés nous quittent vraiment? Tu crois que nous ne nous souvenons pas d'eux plus clairement que jamais lorsque nous sommes dans la détresse? Ton père vit en toi, Harry, et il se montre davantage lorsque tu as besoin de lui." (Le prisonnier d'Azkaban)
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion
LISTE (NON EXHAUSTIVE) DES COUPLES DE CONTRAIRES
 
" Le bonheur, c'est d'accepter la contradiction" (Agnès Varda)
 
Sous le signe des Gémeaux, Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 3, conclusion

- Passion/ Bonheur

- Mortalité/ Immortalité
- Ascèse/ Débauche
- Vie/ Mort
- Rêve/ Réalité
- Beauté/ Laideur
- Blanc/ Noir
- Bien/ Mal
- Joie/ Souffrance
- Masculin/ Féminin
- Hétérosexualité/ Homosexualité
- Paradis/ Enfer
- Santé/ Maladie
- Ici/ Ailleurs
- Endogamie/ Exogamie
- Inceste/ Métissage
- Le même /L'autre
- Dedans/ Dehors
- Lumière/ Ombre
- Raison/ Folie
- Vérité/ Mensonge
- Actif/ Passif
- Contrôle/ Lâcher-prise
- Associé/Dissocié
- Création/ Destruction
- Unité/ Dualité
- Amour/Haine
- Jeune/ Vieux
- Paisible/ Tourmenté
- Bon/ Mauvais
- Héros/ Anti-Héros
- Gryffondor/Serpentard
 
 
BIBLIOGRAPHIE
 
- JACQUES DEMY
 
Jean-Pierre Berthomé, Jacques Demy et les racines du rêve, l'Atalante, 1982, édition augmentée de 1996
 
Camille Taboulay, Le cinéma enchanté de Jacques Demy, les Cahiers du cinéma, 1996
 
Olivier Père et Marie Colmant, Jacques Demy, éditions de la Martinière, 2010
 
Le monde enchanté de Jacques Demy,catalogue de l'exposition du même nom à la cinémathèque française du 10 avril au 4 août 2013
 
Jacques Demy l'enchanteur, hors-série les Inrocks 2013
 
Jacques Demy le puritain malicieux, Critikat.com, 9 avril 2013
 
-AGNES VARDA
 
Varda par Agnès, éditions Cahiers du cinéma et Ciné-Tamaris, 1994
 
-BERNARD GIRAUDEAU
 
Bernard Giraudeau, Le Marin à l'ancre, éditions Métailié, 2001
 
Bernard Giraudeau, Les Hommes à terre, éditions Métailié, 2004
 
Bernard Giraudeau, Les dames de nage, éditions Métailié, 2007
 
Bernard Giraudeau, Cher amour, éditions Métailié, 2009
 
Christian Cailleaux /Bernard Giraudeau, R97, les hommes à terre, Casterman, 2008
 
Christian Cailleaux/Bernard Giraudeau, Les longues traversées, Dupuis, 2011
 
Bertrand Tessier, Bernard Giraudeau, le baroudeur romantique, l'Archipel, 2011
 
Andrée Chedid, L'Autre, Flammarion, collection J'ai lu, 1969
 
-ETTORE SCOLA
 
Catherine Brunet, Le monde d'Ettore Scola, la famille, la politique, l'histoire, l'Harmattan, 2012
 
Iginio Ugo Tarchetti, Fosca, les éditions du Sonneur, 2009
 
-HARRY POTTER
 
JK Rowling, Harry Potter, tomes 1 à 7, Gallimard, 1998 (tome 1), 1999 (tomes 2 et 3), 2001 (tome 4), 2003 (tome 5), 2005 (tome 6), 2007 (tome 7)
 
David Colbert, Les mondes magiques de Harry Potter, le Pré aux clercs, 2001, nouvelle édition augmentée de 2007
 
Méziane Hammadi, Les messages cachés de Harry Potter, éditions Alphée, Jean-Paul Bertrand, 2008
 
William Irwin et Gregory Bassham, Harry Potter, mythologie et univers secrets, Original Books, 2010
 
Isabelle-Rachel Casta, Petrificus Totalus! Langue du sacré, langue du secret, l'Antiquité dans l'imaginaire contemporain, Classiques Garnier, 2014, pp 359-374.
 
solveigboissay.blogspot.com/.../severus-snape-entre-lumiere-et-tenebres
 
-LADY OSCAR
 
Anime Comics tomes 9 à 12, Chuko Comic Souris, 1994
 

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Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1 (suite)

Publié le par Rosalie210

LVIII
Si Américano est indiscutablement hanté par Agnès Varda et son cinéma, Jacques Demy n'est pas oublié puisque une certaine Lola, ancienne amie de sa mère vient se glisser dans l'histoire. Pour la retrouver, Martin franchit la frontière américano-mexicaine (entre le cinéma de sa mère et celui de son père?) et parvient jusqu'à la boîte de striptease où celle-ci se produit, tout à fait à la manière du héros de Model Shop (qui est rappelons-le la suite de Lola). 

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1 (suite)
Martin doit remettre à Lola la clé de l'appartement de sa mère qu'elle lui a légué ainsi que ses peintures. En réalité, ce sont celles de Jacques Demy (dont certaines déjà citées). Avant de mourir, Jacques Demy a légué Lola à Mathieu Demy et à lui seul alors qu'il partage l'héritage de tous ses autres films avec sa demi-soeur, Rosalie.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1 (suite)

Sur le trajet entre Los Angeles et Tijuana, la voix de Jim Morrison sur L.A Woman of course...

LIX
Mars 2014
Sommet de la tour Montparnasse. De là, bien visible, le cimetière.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1 (suite)

Dix minutes avant la fermeture, on parvient jusqu'à sa tombe.

"Avec ses fleurs, ses feuilles séchées, sa pergola, sa petite chaise, ce petit coin de cimetière a quelque chose de merveilleux. Il y règne une atmosphère de conte, à la façon de Peau d'Ane. Un lieu de mémoire, de vie et de cinéma." (Jean-Max Colard)

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1 (suite)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1 (suite)
LX
 
" Chacun dans son ailleurs est enfermé
Perdu dans son rêve impossible
Ayant de l'amour fait la cible
Chacun dans son ailleurs est enfermé
Chacun dans son ailleurs fait de fumée
Court après un rêve impossible
Aux pieds d'une fille impassible
 
[...] Ailleurs est plus loin que toujours
Plus loin que jamais la lointaine
Qui regarde toujours hautaine
Un ailleurs qui se meurt d'amour
Plus loin, ailleurs, jamais, toujours
Tournent comme une romance
Entre raison ivre et démence
Jamais, plus loin, amour, toujours
Ailleurs est un autre univers."
 
Jacques Demy

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Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Publié le par Rosalie210

PREMIERE PARTIE

I 
" Mon signe du zodiaque est Gémeaux, je suis écartelé entre la joie et la tristesse, trop heureux dans le bonheur, trop malheureux dans le malheur. Il faut être ainsi pour avoir fait les Demoiselles et aboutir à Une chambre en ville." (Jacques Demy)
"Aussi loin de la noirceur absolue que du roman à l'eau de rose – ou plutôt en constant déplacement entre ces deux pôles –, l’œuvre de Jacques Demy est tout en tensions, ruptures, passages, hybridités, ambiguïtés ce qui en fait le sel et la subtilité. Véritable voyage dans les contradictions, elle oscille entre crêtes et creux de vague, entre puritanisme et haine des tabous, équivoque et franchise, maladresse et culot avec pour toile de fond l'importance fondamentale du désir, la transgression des interdits, la sublimation puis l'assomption progressive du corps, l'exploration des limites du genre." (Raphaël Lefèvre, Jacques Demy, le puritain malicieux)
Autoportrait de Jacques Demy (1949) avec en arrière-plan des bribes de texte renvoyant à son imaginaire ("La belle Hélène", "Du sang à la Une", "Série noire", "Paradoxe", "Double-sens et sortilèges")

Autoportrait de Jacques Demy (1949) avec en arrière-plan des bribes de texte renvoyant à son imaginaire ("La belle Hélène", "Du sang à la Une", "Série noire", "Paradoxe", "Double-sens et sortilèges")

II

De 1960 à 1988, Jacques Demy a réalisé douze longs-métrages auxquels il faut rajouter un téléfilm, ses courts-métrages réalisés dans les années cinquante plus quelques petits films d'animation antérieurs réalisés à l'adolescence. A partir des années quatre-vingt, il se lance également dans la photographie et la peinture.

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
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Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
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Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

 III
Une chambre en ville traverse toute l'oeuvre créatrice de Jacques Demy. Au début des années cinquante, il pense en faire un roman dont il écrit les premiers chapitres. Dans les années soixante-dix, il tente d'en faire un film mais des désaccords avec les acteurs puis des difficultés de production bloquent le projet. Le film sort finalement en 1982 après la victoire de François Mitterrand car c'est sa belle-soeur qui le produit.

" Il y a peu de films que j'ai voulu comme celui-là. Peu de films que j'ai rêvé comme celui-là" (Jacques Demy)

" Il y a peu de films que j'ai voulu comme celui-là. Peu de films que j'ai rêvé comme celui-là" (Jacques Demy)


IV

" Il fallait toujours se battre. Pour vivre, pour avoir un salaire décent ou pour garder son amour et qu'on en crève. On meurt d'amour, on meurt pour des idées, ce sont des gens passionnés et je voulais faire ce film sur la passion qu'on met dans sa vie jusqu'à l'absurde." (Jacques Demy)

Les combats de rue de 1955 entre grévistes des chantiers navals de Nantes et CRS reconstitués dans Une chambre en ville.
Les combats de rue de 1955 entre grévistes des chantiers navals de Nantes et CRS reconstitués dans Une chambre en ville.
Les combats de rue de 1955 entre grévistes des chantiers navals de Nantes et CRS reconstitués dans Une chambre en ville.

Les combats de rue de 1955 entre grévistes des chantiers navals de Nantes et CRS reconstitués dans Une chambre en ville.

V
C'est la deuxième fois que Jacques Demy tourne l'intégralité d'un film à Nantes, sa ville d'origine. La première fois, c'était pour Lola son premier long-métrage (1960). 
 

Synthèse de toutes les facettes de Jacques Demy, Lola est une jeune femme dite "de mauvaise vie" (danseuse-entraîneuse dans une boîte à matelots, indépendante, mère célibataire, libre etc...) mais religieusement fidèle à la pureté de son premier amour rencontré quand elle avait 14 ans.

Synthèse de toutes les facettes de Jacques Demy, Lola est une jeune femme dite "de mauvaise vie" (danseuse-entraîneuse dans une boîte à matelots, indépendante, mère célibataire, libre etc...) mais religieusement fidèle à la pureté de son premier amour rencontré quand elle avait 14 ans.

Le vrai nom de Lola: Cécile

Le vrai nom de Lola: Cécile

Cécile Desnoyers rejoue l'histoire de Lola en tombant amoureuse à 14 ans d'un beau marin américain, Frankie

Cécile Desnoyers rejoue l'histoire de Lola en tombant amoureuse à 14 ans d'un beau marin américain, Frankie

Cécile et Frankie sur le manège: l'ivresse du premier amour

Cécile et Frankie sur le manège: l'ivresse du premier amour

VI
Dans Une chambre en ville, la blancheur de Lola a viré au rouge sang et au verdâtre glauque. C'est aussi son deuxième film entièrement chanté après Les parapluies de Cherbourg (1963). Mais là où Les parapluies de Cherbourg s'apparentent à une opérette ou une comédie musicale, Une chambre en ville s'apparente à l'opéra. En dépit de son caractère flamboyant, le film représente surtout la part souterraine et "serpentine" de l'oeuvre de Jacques Demy (tout comme son film suivant, Parking, beaucoup moins réussi).

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

VII
En 1989, des livres consacrés aux films traitant de la Révolution française étaient publiés en relation avec les fêtes du bicentenaire. En les feuilletant, je suis tombée par hasard sur des photos du film Lady Oscar réalisé par Jacques Demy en 1978, adaptation d'un manga mythique au Japon, La Rose de Versailles de Riyoko Ikeda (1972).

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Le film n'avait pas été distribué en France (il a fallu attendre 1997 pour qu'il sorte au cinéma). En revanche, le dessin animé, réalisé en 1979 (un an après le film de Jacques Demy) avait été diffusé pour la première fois à la télévision française en 1986. 

Véritable forêt de symboles, le générique montre notamment une rose blanche qui vire au rouge (images tirées d'un anime comic qui se lit de droite à gauche) tout à fait dans les tons du générique d'Une chambre en ville.

Véritable forêt de symboles, le générique montre notamment une rose blanche qui vire au rouge (images tirées d'un anime comic qui se lit de droite à gauche) tout à fait dans les tons du générique d'Une chambre en ville.

VIII
Déjà, dans l'un de ses premiers courts-métrages Le Bel Indifférent, adaptation en 1957 d'une pièce de Jean Cocteau, le rouge flamboyant dévorait le cadre et imposait à la fois l'amour pyromane et l'ambivalence sexuelle des personnages: " Un décor d'une beauté folle, tapissé par le sang du poète ou carrelé de cet azur qui donnait la fièvre à Rimbaud." (JL Godard)
L'invention de "l'homme-potiche" (un passant recruté lors d'un casting sauvage dans la rue et qui ne prononce pas un mot durant tout le film)

L'invention de "l'homme-potiche" (un passant recruté lors d'un casting sauvage dans la rue et qui ne prononce pas un mot durant tout le film)

Le décor du Bel Indifférent (Bernard Evein)

Le décor du Bel Indifférent (Bernard Evein)

IX
"Il est frappant de constater combien, parenthèse quasi accidentelle dans l'oeuvre de Demy, Lady Oscar en marque cependant un tournant. C'est là que pour la première fois l'émeute se substitue à la fête, là aussi que l'héroïne découvre la nécessité de la révolte, apprend à assumer sa nudité et la réalité physique de l'amour. Là surtout que -et le réalisateur n'avait aucun pouvoir pour modifier l'intrigue- le destin des amants débouche sur la mort." (JP Berthomé)

La mort d'Edith et de Guilbaud dans Une chambre en ville.

La mort d'Edith et de Guilbaud dans Une chambre en ville.

A cela, il faut ajouter qu'Edith, comme Oscar est d'origine aristocratique. Oscar est la fille d'un général et devient colonel, Edith est la fille d'un colonel (sa mère, jouée par Danielle Darrieux est d'ailleurs surnommée "la colonelle"). De plus elle transgresse les barrières de classe sociale en tombant amoureuse d'un ouvrier gréviste (Oscar tombe amoureuse de son domestique qui devient soldat et se sacrifie par amour pour elle.)
 

Le plan comparable à celui d'Une chambre en ville dans Lady Oscar (le dessin animé) est celui où Oscar et André sont inconscients suite à une explosion et qui préfigure leur union dans la mort.Le plan comparable à celui d'Une chambre en ville dans Lady Oscar (le dessin animé) est celui où Oscar et André sont inconscients suite à une explosion et qui préfigure leur union dans la mort.

Le plan comparable à celui d'Une chambre en ville dans Lady Oscar (le dessin animé) est celui où Oscar et André sont inconscients suite à une explosion et qui préfigure leur union dans la mort.

X
" Cités de transit, parfois affublées de ponts transbordeurs, les villes portuaires peuvent être vues comme l'ancrage topographique évident de l'imaginaire transgenre, transfrontière et transgressif du cinéaste. A l'inverse des villes montagnardes repliées sur leurs terroirs, les ports sont par essence bâtis sur des zones frontières, ouverts à la circulation du monde. Le port est toujours le poste avancé qui appelle le mouvement, le voyage, le mélange, le métissage, l'altérité." (Serge Kaganski)

Dès son adolescence où il réalise de petits films d'animation le pont transbordeur est présent (au fond de l'image dans cet extrait d'Attaque nocturne.)

Dès son adolescence où il réalise de petits films d'animation le pont transbordeur est présent (au fond de l'image dans cet extrait d'Attaque nocturne.)

Jusqu'à son dernier film où le pont transbordeur de Marseille est reconstitué sur la scène de 3 places pour le 26 (1988)

Jusqu'à son dernier film où le pont transbordeur de Marseille est reconstitué sur la scène de 3 places pour le 26 (1988)

Le magnifique générique des Demoiselles de Rochefort (1966) illustre combien le pont transbordeur incarne le passage d'une rive à l'autre, d'un monde à un autre. C'est aussi une métaphore du parcours de Jacques Demy dans la vie et au cinéma

XI
L'histoire de Jacques Demy est celle d'une passion contractée dès le plus jeune âge pour les arts plastiques et le spectacle: marionnettes, opérette puis cinéma. Une passion partagée par sa mère coiffeuse pleine de fantaisie, éprise de chansons et de couleurs.

Jacquot et sa maman (Jacquot de Nantes réalisé par Agnès Varda, 1990)

Jacquot et sa maman (Jacquot de Nantes réalisé par Agnès Varda, 1990)

Le petit théâtre de Jacquot (Jacquot de Nantes)

Le petit théâtre de Jacquot (Jacquot de Nantes)

Le petit cinéma de Jacquot (Jacquot de Nantes)

Le petit cinéma de Jacquot (Jacquot de Nantes)

XII
L'oeuvre de Jacques Demy porte en elle cette ambition d'un cinéma total qui engloberait les autres formes d'art: peinture, poésie, musique, danse. A Nantes, il fréquente d'ailleurs les cours du soir de l'école des Beaux-Arts où il rencontre le futur décorateur de ses films, Bernard Evein. 

La galerie Lancien à Rochefort: les sachets de peinture éclatés au pistolet à la manière de Niki de Saint Phalle

La galerie Lancien à Rochefort: les sachets de peinture éclatés au pistolet à la manière de Niki de Saint Phalle

Chez les jumelles on joue de la musique

Chez les jumelles on joue de la musique

Et on danse

Et on danse

XIII
Son père garagiste a tenté de s'opposer à sa vocation en l'envoyant dans un collège technique, mais sans parvenir à le détourner de son but. " Il a travaillé comme ouvrier dans le garage de son père où il était très malheureux. C'est sa fameuse anecdote: alors qu'il était en train de remonter un pneu et avait oublié de mettre la chambre à air, on lui a demandé à quoi il pensait et il a répondu: A Hollywood!" (Agnès Varda)

Le collège technique où s'est morfondu Jacques Demy (en noir et blanc dans Jacquot de Nantes)

Le collège technique où s'est morfondu Jacques Demy (en noir et blanc dans Jacquot de Nantes)

XIV
C'est le réalisateur Christian-Jacque qui lui donne le moyen de réaliser son rêve de cinéma. De passage à Nantes en 1948, il visionne Attaque nocturne, un petit film d'animation réalisé par Jacques Demy dans le grenier du garage de son père. Il décide alors de le faire entrer à l'école technique de la photographie et du cinéma de la rue de Vaugirard alors que celui-ci n'a pas le bac en principe obligatoire pour rentrer dans cette école.
L'école de cinéma parisienne où Jacques Demy a fini par réussir à entrer (en couleur dans Jacquot de Nantes)

L'école de cinéma parisienne où Jacques Demy a fini par réussir à entrer (en couleur dans Jacquot de Nantes)

XV
Roland Cassard dans Lola est une sorte de double de Jacques Demy. Insatisfait par son emploi de bureau, il arrive systématiquement en retard et se fait renvoyer. Devenu chômeur, Il traîne son ennui dans sa ville de province (Nantes) en rêvant d'horizons lointains même si pour cela il doit se fourrer dans un trafic louche. Il échappe de peu au pire lorsque son commanditaire est arrêté.
Le premier titre de Lola était Un billet pour Johannesburg.

Le premier titre de Lola était Un billet pour Johannesburg.

XVI
Tout le cinéma de Jacques Demy est parcouru par une tension entre la chambre et le port: des lieux d'enfermement et des lieux ouvrant sur l'ailleurs"Campé aux points de contact entre la terre et la mer, la France et le monde, il était logique que Demy devienne à la fois un grand cinéaste de la francité et du trans en tous genres." (Serge Kaganski)
Photo de Jacques Demy vers 1980

Photo de Jacques Demy vers 1980

Jacquot de Nantes, reconstitution du cinéma miniature que Jacques Demy a installé chez ses parents.

Jacquot de Nantes, reconstitution du cinéma miniature que Jacques Demy a installé chez ses parents.

XVII
Son premier court-métrage déjà, Les Horizons morts "trace une frontière fondamentale du cinéma de Jacques Demy qui tangue du repli à l'évasion, du désir de se fuir et celui de se trouver. Avec ce doute infini dont tous ses films seraient au fond agités: des horizons enclos de la rêverie ou de ceux éperdus du voyage, lesquels sont mortifères?" (Camille Taboulay)

Jacques Demy dans son miroir qui finira en mille morceaux (Les horizons morts 1951)

Jacques Demy dans son miroir qui finira en mille morceaux (Les horizons morts 1951)

Jacques Demy à sa fenêtre (Les horizons morts 1951)

Jacques Demy à sa fenêtre (Les horizons morts 1951)

La fenêtre ou le miroir? (Les horizons morts, 1951)

La fenêtre ou le miroir? (Les horizons morts, 1951)

XVIII
Par conséquent, l'œuvre de Jacques Demy est profondément tiraillée entre l'endogamie et l'exogamie. 
D'un côté, on trouve des personnages récurrents formant une seule et même famille (jusqu'à Model Shop en 1968).
Lola (Anouk Aimée) dans Lola et dans Model ShopLola (Anouk Aimée) dans Lola et dans Model Shop

Lola (Anouk Aimée) dans Lola et dans Model Shop

Roland Cassard (Marc Michel) dans Lola et dans Les parapluies de CherbourgRoland Cassard (Marc Michel) dans Lola et dans Les parapluies de Cherbourg

Roland Cassard (Marc Michel) dans Lola et dans Les parapluies de Cherbourg

XIX
L'endogamie s'accompagne d'une quête gémellaire, incestueuse et narcissique du double comme dans Les demoiselles de Rochefort (1966) et Peau d'Ane (1970). Maxence contemple le portrait-miroir de Delphine qui lui ressemble comme une sœur jumelle alors que le roi retrouve sa femme à travers le portrait de sa fille (jouées toutes deux par Catherine Deneuve qui joue aussi Delphine dans Les Demoiselles de Rochefort et Geneviève dans Les parapluies de Cherbourg).
Dans une première version des Demoiselles de Rochefort, le vertige du double était encore accentué par le fait que Guy (des Parapluies de Cherbourg) devenu l'un des forains devait rencontrer Delphine à qui il aurait dit "Vous ressemblez à quelqu'un que j'ai beaucoup aimé." Mais le faux bond de l'acteur à la dernière minute a modifié le scénario.

Dans une première version des Demoiselles de Rochefort, le vertige du double était encore accentué par le fait que Guy (des Parapluies de Cherbourg) devenu l'un des forains devait rencontrer Delphine à qui il aurait dit "Vous ressemblez à quelqu'un que j'ai beaucoup aimé." Mais le faux bond de l'acteur à la dernière minute a modifié le scénario.

XX
Mais dans le même temps, l'univers de Jacques Demy est traversé par des "oiseaux migrateurs" en transit, forains, baladins, marins (voir chapitre XXV) et peuplé de personnages à l'identité hybride: bourgeoise autrefois danseuse (Mme Desnoyers dans Lola 1960), baronne autrefois putain (Mylène dans Trois places pour le 26, 1988), marin-peintre-poète (Les Demoiselles de Rochefort 1966), princesse-souillon (Peau d'Ane 1970), homme-femme (L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune 1972), femme-homme (Lady Oscar 1978).
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XXI
La tension intérieur/extérieur est également morale. D'une part Demy est imprégné de son éducation catholique et manifeste notamment un goût pour l'ascèse symbolisé par le blanc purificateur. François Truffaut avait d'ailleurs songé pour Jules et Jim à mettre Jeanne Moreau dans un lit entre Jim et un amant joué par Jacques Demy, prétendant que seul son "air pur et innocent" de premier communiant pouvait compenser ce que la situation pouvait avoir de scabreux.
La chambre des Horizons morts, le film de fin d'études de Jacques Demy dans lequel il interprète le rôle principal

La chambre des Horizons morts, le film de fin d'études de Jacques Demy dans lequel il interprète le rôle principal

A l'opposé, Demy est attiré par la vie de bohème en relation avec son tempérament rêveur et artistique. Le mouvement hippie par exemple l'a profondément influencé ("nous ferons ce qui est interdit, nous fumerons la pire en cachette") ainsi que le poète maudit leader du groupe The Doors Jim Morrison avec lequel il avait noué une amitié.

im Morrison sur le tournage de Peau d'Ane où se mêlent influences du conte et influences hippies et psychédéliques.

im Morrison sur le tournage de Peau d'Ane où se mêlent influences du conte et influences hippies et psychédéliques.

Surtout il éprouve une véritable fascination mêlée de crainte pour les lieux de perdition ("J'ai toujours eu peur de sombrer dans la débauche! Mon côté puritain sans doute!"). Tripots, bastringues, bordels, backrooms, peep-shows, septièmes sous-sols de parking parfois repeints en rouge flamboyant.

La boîte à matelots des Parapluies de Cherbourg ne fait pas vraiment dans le pastel... (mais quel plaisir de casser cette stupide image fleur-bleue qui colle au film)

La boîte à matelots des Parapluies de Cherbourg ne fait pas vraiment dans le pastel... (mais quel plaisir de casser cette stupide image fleur-bleue qui colle au film)

XXII
Sur le plan cinématographique, cette dualité se traduit par une fascination équivalente pour Robert Bresson,réalisateur au style épuré du Journal d'un curé de campagne et pour Max Ophuls, le réalisateur baroque du Plaisir (et de Lola...Montes). Lola, le premier film de Jacques Demy est évidemment dédié à Max Ophüls.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XXIII
Les chambres représentent la prison parentale d'où l'enfant doit s'échapper pour pouvoir vivre sa vie."C'est toujours la même chose. C'est réglé comme ça depuis des années. Et demain ça recommencera."; "Le fils n'est pas venu. C'est la première fois qu'il les laisse un dimanche." (Le sabotier du val de Loire 1955)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Dans Les demoiselles de Rochefort, le personnage d'Yvonne Garnier, la patronne du café de la place Colbert et mère des jumelles n'a pu s'échapper à temps et le regrette: " Je ne peux jamais sortir, je vis séquestrée dans cet aquarium moi qui était faite pour vivre au grand air, sur une plage au bord du Pacifique, écouter de la musique douce en lisant des poèmes." Elle fait d'ailleurs croire à Simon, perdu de vue depuis 10 ans qu'elle est partie vivre au Mexique.

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Les filles d'Yvonne elles ne rêvent que de monter à Paris pour s'accomplir: " J'en ai jusque là, la province m'ennuie. Je veux vivre à présent de mon art à Paris" (Solange) A Paris moi aussi je tenterai ma chance. Pourquoi passer toute ma vie à enseigner des pas alors que j'ai envie d'aller à l'opéra?"(Delphine)

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Même chose pour Marion, la petite employée en parfumerie de Trois places pour le 26 (1988). Elle ne rêve que de quitter son emploi et Marseille pour une tournée internationale dans le spectacle d'Yves Montand.

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

"Pourquoi faire des enfants si on ne leur donne aucune liberté ni de s'exprimer ni d'être ce qu'ils ont envie d'être, de faire ce qu'ils ont envie de faire? C'est quand même assez monstrueux..." (J Demy)

Peinture de Jacques Demy représentant Venice Beach à Los Angeles (1984)

Peinture de Jacques Demy représentant Venice Beach à Los Angeles (1984)

Photo de Jacques Demy prise à Los Angeles

Photo de Jacques Demy prise à Los Angeles

XXIV
L'intrigue du deuxième film de Jacques Demy, La Baie des Anges (1962) est une métaphore de ce parcours transgressif du dedans vers le dehors: un modeste employé de banque sans perspective d'avenir, Jean Fournier est initié aux jeux d'argent par un de ses collègues, Caron (!) et y prend goût malgré l'opposition de son père qui le chasse de la maison.
De droite à gauche Jean Fournier et Caron le tentateur

De droite à gauche Jean Fournier et Caron le tentateur

 

"Le personnage clé du père de Jean Fournier est le défenseur d'une morale essentiellement sociale fondée sur le double respect du temps et de l'argent. A cette image paternelle d'un ordre dépourvu de fantaisie ou de passion s'oppose pour la rejeter la figure de Jean, reflet de son créateur, plein d'une affection excédée pour cette incarnation d'une autorité paralysante dont il est en train de rejeter la tutelle." (JP Berthomé)

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XXV
"J'ai eu ma première conversation sérieuse avec mon père -et la dernière- vers l'âge de treize ans. Je voulais aller, moi au lycée Clémenceau en prévision de tout ce que j'avais envie de faire, et je voulais déjà faire du cinéma. Et il n'a absolument rien voulu entendre (...) je me suis engueulé, et après il n'y a pratiquement plus eu de conversation d'aucune sorte avec mon père." (J Demy).
De fait le père brille par son absence dans la plupart des films de Demy, centrés sur des mères célibataires ou veuves comme Lola, Mme Desnoyers, Mme Langlois, Mme Emery, Yvonne Garnier etc. 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Quand le père existe, il est indigne parce qu'incestueux ou castrateur, chassant son fils de la maison dans La Baie des anges (1962), obligeant sa fille à le fuir dans Peau d'Ane (1970), vendant cette dernière au fils d'un baron dans Le joueur de flûte (1971), l'obligeant à l'affronter en duel dans Lady Oscar (1978) quand elle ne couche pas avec lui sans le savoir (Trois Places pour le 26, 1988).

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

XXVI
Il y a cependant des exceptions mais elles sont exogames. Le bon père est celui qui vient d'ailleurs. 
Dans Le joueur de flûte (1971), c'est Mattio le baladin entouré de sa famille. C'est aussi Melius le juif, père spirituel de Gavin qui guide ses premiers pas, se réjouit de le voir s'éloigner, l'envoie loin de lui pour qu'il apprenne à devenir lui-même. 

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Dans L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune (1972) le père s'est féminisé au point de porter l'enfant de sa femme dans son ventre.

Mais Demy s'est finalement autocensuré, l'accouchement se transformant en grossesse nerveuse.

Mais Demy s'est finalement autocensuré, l'accouchement se transformant en grossesse nerveuse.

XXVII
Les mères dans les films de Jacques Demy élèvent donc la plupart du temps leurs enfants toutes seules. Cet enfant est presque toujours une fille unique qui parvenue à l'adolescence ou à l'âge adulte devient une rivale car la mère,disponible, belle et séductrice refuse de s'effacer. Elle s'avère donc aussi défaillante que le père.
Mme Desnoyers est très sensible au charme de Roland Cassard et habille encore Cécile qui a 14 ans en petite fille (Lola 1960)

Mme Desnoyers est très sensible au charme de Roland Cassard et habille encore Cécile qui a 14 ans en petite fille (Lola 1960)

Mme Emery souhaite que Geneviève épouse Roland Cassard, tout en lui faisant les yeux doux (Les parapluies de Cherbourg 1963)

Mme Emery souhaite que Geneviève épouse Roland Cassard, tout en lui faisant les yeux doux (Les parapluies de Cherbourg 1963)

Mme Langlois est aussi sensible au charme de Guilbaud que sa fille Edith (Une chambre en ville 1982)

Mme Langlois est aussi sensible au charme de Guilbaud que sa fille Edith (Une chambre en ville 1982)

Mylène, ex-maîtresse de Montand a eu une fille de lui. Vingt-deux ans après, Marion qui ne connaît pas la véritable identité de son père, tombe amoureuse de lui (Trois places pour le 26, 1988)

Mylène, ex-maîtresse de Montand a eu une fille de lui. Vingt-deux ans après, Marion qui ne connaît pas la véritable identité de son père, tombe amoureuse de lui (Trois places pour le 26, 1988)

XXVIII
Le Styx de Jacques Demy, c'est le passage Pommeraye à Nantes. C'est là que se situe un cinéma qu'il fréquente assidûment dans sa jeunesse et c'est là qu'il achète sa première caméra.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Le passage est filmé aussi bien sous son versant solaire et aérien (Lola 1960) que sous son versant glauque et souterrain (dans Lola également puis dans Une chambre en ville en 1982).

L'ange Cécile

L'ange Cécile

Le diable Edmond

Le diable Edmond

XXIX
L'ailleurs dans le cinéma de Jacques Demy est incarné essentiellement par les nomades de passage dans les villes: forains, comédiens ambulants et marins. 
Les forains sont représentés dans Les demoiselles de Rochefort (1966) et les comédiens ambulants dans Le joueur de flûte (1971).
Concert folk-rock hippie au Moyen-Age
Concert folk-rock hippie au Moyen-Age

Concert folk-rock hippie au Moyen-Age

Quant aux marins, ces militaires tout de blanc vêtus, ils constituent les véritables fils rouges de son oeuvre. Ils sont présents de son premier jusqu'à son dernier film, la plupart des intrigues se situant dans des villes portuaires ou balnéaires (Nantes, Nice, Cherbourg, Rochefort, Los Angeles, Marseille). Certains comme Frankie (Lola 1960, Model Shop 1968) ou Maxence (Demoiselles) sont des personnages à part entière.

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XXX
Mais ces personnages trop libres sont menacés par l'obscurantisme et par la guerre, les deux ennemis jurés du Demy-monde. Dans Les parapluies (1963) et Les demoiselles (1966), la guerre est omniprésente tout comme dans Model Shop (1968) où l'on apprend la mort de Frankie, tué au Vietnam. Dans Le joueur de flûte (1971), Melius est brûlé par l'Inquisition.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XXXI
C'est dans Les parapluies de Cherbourg (1963) que les ravages de la guerre se font le plus sentir. Lorsque Guy revient d'Algérie où "le soleil et la mort marchent ensemble", il est estropié, amer, révolté. Il ne parvient pas à renouer avec sa vie d'avant, se cogne et se fait rejeter de partout. Mais cet aspect du film, le plus politique, est systématiquement passé sous silence au profit de la bluette inoffensive...
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XXXII
Dans La baie des Anges (1962), une fois le Styx traversé, Jean se retrouve enchaîné à une femme fatale, joueuse invétérée, Jackie Demaistre (jouée par Jeanne Moreau). Sa vie n'est plus rythmée que par les montagnes russes de la roulette qui s'apparente vite à une descente aux enfers. 
La très suggestive robe de Jackie avec sa gigantesque fleur (vénéneuse?) placée au niveau du sexe.
La très suggestive robe de Jackie avec sa gigantesque fleur (vénéneuse?) placée au niveau du sexe.

La très suggestive robe de Jackie avec sa gigantesque fleur (vénéneuse?) placée au niveau du sexe.

Et pourtant et là réside toute l'ambiguïté du film et de la passion qui l'anime, Jackie ne dit-elle pas que la joie qu'elle éprouve au jeu n'est comparable à aucune autre joie? Et Jackie Demaistre n'est-elle pas le quasi anagramme de Jacques Demy?
La baie des Anges nous place au carrefour d'une contradiction fondamentale: le monde des vivants apparaît vide, plat et sans âme alors que le monde des morts porte en lui les grandes émotions et le génie créatif. Pour goûter à cette forme de jouissance, les personnages sont prêts à en accepter le corollaire inévitable, la déchéance, l'avilissement.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Le jeu est bien évidemment une métaphore du cinéma: "La baie des Anges met en scène la violence qu'il y a à être accroché au royaume des ombres, des spectres et des morts quand la famille, la vie, le travail, la société, la normalité, la raison nous convoque de l'autre côté, vers l'horizon lumineux des vivants. La baie des Anges est un grand film de vampires, cette forme de transfusion artificielle de la vie et du sang dont ont aussi besoin les artistes. (Hélène Frappat).

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XXXIII
Néanmoins parfois, Jacques Demy au prix de l'un des ces ultimes revirements dont il a le secret trace une ligne de fuite par où ses personnages peuvent s'échapper in-extremis. " C'est à la charge des dénouements de dessiner soudain une ligne droite, un tracé qui brise la logique ressassante du cercle et semble conduire vers un ailleurs. Exemplairement, c'est le dernier plan de La baie des Anges (1962). Jackie rejoint Jean hors du casino, et ils se dirigent vers la mer et le ciel-l'horizon enfin. La caméra reste campée là où s'est déroulée l'action et les personnages s'éloignent, sortent du film par le fond, point de fuite par lequel on peut quitter les rondes, les manèges, les faux-semblants, la représentation, le cristal." (J.M Lalanne)
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

On retrouve ce schéma à la fin de Lola (1960), des Demoiselles de Rochefort (1966) et de Trois places pour le 26 (1988). Fins à l'optimisme néanmoins illusoire ou fragile comme le démontre Model Shop en 1968 ou la première version de la fin des Demoiselles dans laquelle Maxence finissait écrasé sous le camion qui emportait Delphine à Paris (Demy est le champion de la valse-hésitation sur la fin de ses films, conséquence de leur caractère hybride).

Signature de Demy, les ouvertures et fermetures de ses films se font le plus souvent à l'iris, un cercle.

Signature de Demy, les ouvertures et fermetures de ses films se font le plus souvent à l'iris, un cercle.

XXXIV
Le parcours de Jacques Demy dans le monde du cinéma est tout aussi accidenté et tortueux que celui de Jean et de Jackie dans le monde du jeu. Dans les années soixante, certains de ses films rencontrent un grand succès dont Les parapluies de Cherbourg (1963) qui obtient le prix Louis Delluc et la Palme d'or au festival de Cannes. 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
C'est l'époque où "vouloir le bonheur, c'est déjà un peu le bonheur" (Roland Cassard dans Lola). La foi dans ses rêves peut finir par leur donner réalité. C'est le cas de Lola qui retrouve son grand amour, Michel, revenu d'Amérique après des années d'absence,
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

C'est le cas de Madeleine qui à force de patience et de fidélité finit par épouser Guy dans Les parapluies

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
C'est le cas des personnages des Demoiselles de Rochefort (1966) lancés dans la quête de leur idéal masculin ou féminin et qui finissent par le rencontrer.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Seule Geneviève dans les Parapluies renonce à se battre pour garder son rêve en vie et perd la partie.

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XXXV
La première fêlure provient de Model Shop tourné à Los Angeles en 1968 (d'où son titre alternatif "Lola in L.A"). C'est dans ce film, profondément mélancolique et désenchanté que certains des rêves les plus chers de Jacques Demy se fracassent. Le peep-show est d'ailleurs un avatar de l'enfer, déjà aperçu dans La baie des Anges.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
C'est en effet la dernière fois qu'il tente de créer un univers balzacien de personnages récurrents (Lola, Michel, Roland Cassard, Jackie Demaistre etc.) C'est aussi la première et la dernière fois qu'il tourne aux USA: le film reçoit un accueil désastreux outre-Atlantique aussi bien du public que des critiques. En France, sa sortie est confidentielle. 
 
Lola dans Model Shop est totalement désabusée

Lola dans Model Shop est totalement désabusée

XXXVI
Pourtant comme Lola, La baie des Anges et Une chambre en ville, Model Shop est un joyau qui mérite d'être découvert. Son échec aux USA provient d'un malentendu. Les studios souhaitaient que Demy réalisent une comédie musicale. Il leur a livré une oeuvre quasi documentaire sur le Los Angeles de 1968 partagé entre effervescence hippie et ombre portée de la guerre du Vietnam.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XXXVII
Preuve que Jacques Demy avait du flair: il souhaitait embaucher sur ce film un petit jeune encore inconnu mais plein d'avenir...
Jacques Demy a dû sûrement s'identifier à Harrison Ford qui faisait des travaux de menuiserie dans les studios de la Columbia pour vivre. Hélas la société de production lui a opposé un refus sans appel au profit d'un acteur plus "bankable". Mais Harrison Ford n'a jamais oublié ce qu'il devait à Jacques Demy, le premier à avoir cru en lui.

Jacques Demy a dû sûrement s'identifier à Harrison Ford qui faisait des travaux de menuiserie dans les studios de la Columbia pour vivre. Hélas la société de production lui a opposé un refus sans appel au profit d'un acteur plus "bankable". Mais Harrison Ford n'a jamais oublié ce qu'il devait à Jacques Demy, le premier à avoir cru en lui.

XXXVIII
Cependant les coups les plus durs se situent surtout dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Projets avortés, films peu ou pas distribués en France, échecs commerciaux, difficultés de production... Demy touche le fond avec Parking en 1985, un film laid, glauque et torturé qui reprend une trame orphique qui lui est chère: outre Orphée et Eurydice, on retrouve Caron, le Styx et l'Enfer. Le tout transposé dans les années quatre-vingt où plane l'ombre de la drogue et du sida.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XXXIX
Néanmoins comme tous les Demy, Parking est hybride. D'un côté donc le contexte très lourd des années quatre-vingt dans lequel il s'enfonce irrémédiablement, de l'autre, l'héritage du mythe et de Cocteau. Si Peau d'Ane était la fille (certes bigarrée de Flower Power, de Pop Art...) de La Belle et la Bête, Parking est le fils (certes un peu raté...) d'Orphée et du Testament d'Orphée. Avec dans les deux cas la présence de Jean Marais qui joue dans Parking le rôle d'Hadès le dieu des Enfers, marié à sa nièce "Claude" Perséphone. A l'inceste s'ajoute donc l'androgynie des couples Hadès/Perséphone et Orphée/Eurydice: hommes efféminés et femmes masculinisées. C'est bien évidemment pour cette raison qu'il avait pensé au couple Bernard Giraudeau/Annie Duperey (voir deuxième partie)
L'esthétique des Enfers est l'aspect le plus réussi du film avec son contraste noir/blanc/rouge/ombres verdâtres et bleutées

L'esthétique des Enfers est l'aspect le plus réussi du film avec son contraste noir/blanc/rouge/ombres verdâtres et bleutées

Lola a le Demy-sang d'un poète ou l'hommage de Cocteau à son fils spirituel

Lola a le Demy-sang d'un poète ou l'hommage de Cocteau à son fils spirituel

XL
Demy a été souvent qualifié de cinéaste de l'audace. Je nuancerais néanmoins en ce qui concerne les problématiques transgenre. Les trois films qui abordent le sujet, L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune (1971), Lady Oscar (1978) et Parking (1985) sont ses moins bons films. Intéressants certes mais déséquilibrés. Une des raisons, c'est qu'empêtré dans ses contradictions, Demy est incapable d'aller jusqu'au bout de ses choix. Dans les trois cas, le pas en avant est aussitôt suivi de deux pas en arrière. 
 
L'accouchement de Marco termine à la poubelle au profit du retour "à l'ordre naturel des choses" (ouf la morale est sauve!). 
 
QUOI? Tous ces hommes enceints partout dans le monde, c'était du bidon? (Demy adore les calembours un peu fumeux cf la célèbre perm...à Nantes et le premier titre d'Une chambre en ville qui était Edith de Nantes)

QUOI? Tous ces hommes enceints partout dans le monde, c'était du bidon? (Demy adore les calembours un peu fumeux cf la célèbre perm...à Nantes et le premier titre d'Une chambre en ville qui était Edith de Nantes)

La grandeur du personnage d'Oscar est totalement annihilée par le choix d'une actrice potiche (et godiche).

 Le plus beau poireau de France

Le plus beau poireau de France

De quoi refroidir l'ambiance, juste au moment où ça devenait intéressant!

De quoi refroidir l'ambiance, juste au moment où ça devenait intéressant!

XLI
Dans la réalité, Jacques Demy et Agnès Varda vivaient à ce moment là séparés et se livraient une véritable guerre froide de part et d'autre des numéros 77 et 88 de la rue Daguerre au point qu'Agnès Varda songeait même à faire son propre film sur Eurydice en forme de réplique cinglante à Demy. Miroir de la gémellité fracassée face à l'irréductible altérité (" chez Demy ce n'est pas la mort, poreuse, qui sépare Orphée et Eurydice mais la différence des sexes.")
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XLII
L'ambivalence sexuelle d'Orphée-Demy trouve son aboutissement dans la chanson "Entre vous deux mon cœur balance" que Francis Huster interprète dans Parking. La chanson fait d'ailleurs allusion au signe astrologique de Demy comme dans la chanson des jumelles de Rochefort ("toi la vierge de mon cœur, toi mon gémeau venu d'ailleurs, vous êtes mes deux enfants de l'amour, vous êtes ma nuit et mon jour, pourquoi choisir?)
la voix d'Huster est une catastrophe mais Demy n'était plus en position de force quand il a fait ce film et Huster a exigé de chanter lui-même (aïe, aïe, aïe). Bien évidemment c'est à Jim Morrison que Jacques Demy pensait en écrivant le rôle puis à John Lennon, puis à David Bowie. Là encore le rêve s'est fracassé contre le mur de la réalité.
Si au début, j'ai beaucoup ri comme tout le monde en voyant les "prestations" de Huster aujourd'hui toutes ces dissonances me font beaucoup de peine. Surtout quand il prononce la phrase magique de Demy "il faut croire à la vie, il faut croire au bonheur" alors que ce film est si malheureux et si mortifère.
 
 
XLIII
Parking marque également l'aboutissement de la vision ambivalente que Jacques Demy a de la femme. Dès Lola, elle a deux visages antagonistes sortis tout droit d'une tradition religieuse patriarcale millénaire: celui de Marie et celui d'Eve, celui de la sainte mère et celui de la prostituée: " Est-elle pécheresse ou bien fille de roi? Est-elle vertueuse ou bien fille de joie?" (Maxence et Guillaume dans les Demoiselles). 
La traduction visuelle de cette bipolarité triomphe avec Peau d'Ane où l'héroïne est à la fois princesse et animal(e). 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
puis avec Une chambre en ville où à la douce Violette s'oppose la sulfureuse Edith, racolant les passants nue sous son manteau de fourrure. D'un côté le bonheur paisible, sans surprise et familial, de l'autre la passion qui consume et dévore, imprévisible et jamais satisfaite, promise à l'anéantissement et à la mort.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XLIV
Une chambre en ville expose si crûment les affres d'une sexualité tourmentée et mortifère que le public est déconcerté. Certains de ses collaborateurs également. Ainsi Michel Legrand, compositeur de la plupart des films de Demy a refusé de faire celle d'Une chambre en ville en lui disant "ce n'est pas toi", un comble quand on sait que ce signifie cette oeuvre pour son créateur!! Et aujourd'hui encore, Legrand reste braqué et obtus, dénigrant systématiquement un film dont le seul tort est de déranger l'image lisse et rassurante que le public veut avoir de Jacques Demy.
La mise en pièces de l'univers acidulé et sublimé des années soixante débouche donc sur un échec commercial. Demy est incompris et moqué: " Le rendez-vous manqué du public fut une blessure profonde et marqua une cassure dans sa vie d'artiste." (Rosalie Varda)
Edmond (joué par Michel Piccoli), le mari d'Edith est un psychopathe qui cumule les tares: impuissance, jalousie, avarice, perversité (Il surnomme Edith qui dépend de lui financièrement "ma jolie pute" tout en la traitant de  "petite fille", encore une ambivalence bien malsaine).

Edmond (joué par Michel Piccoli), le mari d'Edith est un psychopathe qui cumule les tares: impuissance, jalousie, avarice, perversité (Il surnomme Edith qui dépend de lui financièrement "ma jolie pute" tout en la traitant de "petite fille", encore une ambivalence bien malsaine).

XLV
" Dans les derniers films de Jacques, Parking et Trois places pour le 26, on sent que quelque chose s'est cassé. Ils sont intéressants évidemment mais il leur manque cette étincelle. " (Catherine Deneuve)
" Après les échecs douloureux de ses derniers films, Jacques fut très seul. Il s'est réfugié dans la photo et a découvert la peinture." (Rosalie Varda)
Peinture de Jacques Demy (années 80)

Peinture de Jacques Demy (années 80)

XLVI
"Voir mon nom si jeune inscrit sur une tombe m'a donné le sentiment de la fragilité de l'existence." (Jacques Demy dans Jacquot de Nantes)
Les bombardements de Nantes en 1943 qui ont ravagé la ville ont encore renforcé cette prise de conscience de la mort inéluctable. Mais celle-ci a été considérablement précipitée par l'épidémie de sida des années quatre-vingt dont Jacques Demy a été l'une des victimes.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XLVII
Jacques Demy et Agnès Varda se sont rencontrés en 1958 au festival du court-métrage de Tours. Chacun venait présenter sa production Le Bel Indifférent pour Demy  et Du côté de la côte pour Varda qui venait d'accoucher d'une petite fille, Rosalie. L'année suivante, Jacques Demy s'est installé dans l'appartement-atelier d'Agnès Varda rue Daguerre. Ils se sont mariés en 1962. Leur fils Mathieu est né dix ans plus tard en 1972. Jacques Demy a adopté Rosalie qui à l'âge adulte est devenue la costumière de ses films. 
Jacques Demy et Agnès Varda se sont séparés au début des années quatre-vingt et se sont retrouvés au moment du tournage de Trois places pour le 26 que Jacques Demy lui a dédié.
Jacques D. photographié par Agnès V. au Brésil en 1969

Jacques D. photographié par Agnès V. au Brésil en 1969

Dans les années 60

Dans les années 60

A la fin des années 80

A la fin des années 80

XLVIII
La force de Jacquot de Nantes réalisé par Agnès Varda en 1990 vient du fait qu'il raconte l'enfance de Jacques Demy alors que celui-ci est en train de mourir.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
XLIX
Jacquot de Nantes est aussi en creux l'histoire d'un couple qui après une longue séparation s'est retrouvé et uni face à la maladie et à la mort. 
La peinture de Jacques Demy qui ouvre le film

La peinture de Jacques Demy qui ouvre le film

L
Jacquot de Nantes est en effet le premier et le dernier film qu'ils ont fait ensemble. Jacques Demy écrivait ses souvenirs pendant qu'Agnès Varda les mettait en forme et les réalisait. Film-transbordeur qui m'a permis de passer sur l'autre rive et de découvrir le cinéma d'Agnès Varda.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
" A Varda, dont l'oeuvre est depuis l'origine hantée par la mort, Jacques Demy fait le cadeau du plus joyeux de ses films et du plus vibrant de confiance en la vie. A Demy dont le sable coule trop vite entre ses doigts, Varda offre d'arrêter le temps, de réinventer cette enfance dont il n'a jamais perdu la nostalgie, de devenir ce film qu'il n'aura plus le temps de faire. Jacquot de Nantes défie la mort et dit plus fort que tout l'amour de la vie et du cinéma". (JP Berthomé)
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
LI
"Il y a du sacré, dans Jacquot de Nantes, parce que l'amour y tend vers l'universel, vers l'union mystique. Il y a de la dévoration dans le rapport de Varda à Demy, mais parce que cette dévoration est exigée par le don de son corps, consenti par Demy. Il abandonne ses dernières forces à la caméra, mais c'est pour que celle-ci le fasse à son tour film, lui qui n'a jamais rêvé d'autre chose. Et derrière cette caméra qui le crucifie et le promet à l'éternité à la fois, l'épouse, la soeur, la mère, la compagne." (JP Berthomé)
Le corps qui se dégrade et la mer éternelle

Le corps qui se dégrade et la mer éternelle

"Dans la difficulté, dans ce chemin très dur qu'il parcourt, qu'est-ce que je pouvais faire d'autre sinon être au plus près de lui? Au plus près serré comme on dit." (Agnès Varda)
Des plans magnifiques jalonnent ainsi le film, des plans rapprochés de son visage, de ses mains et de ses yeux, des plans comme autant de caresses et de témoignages (on en retrouve aussi dans les Plages d'Agnès, réalisé en 2008).
L'oeil du cinéaste

L'oeil du cinéaste

L'art comme moyen d'immortaliser la vie par essence éphémère, c'est aussi comme cela que se termine le dernier épisode de Lady Oscar: " Elle a traversé nos vies comme un éclair et pourtant son souvenir restera gravé en nous comme cette rose de soie qui ne se fanera jamais."

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
LII
Mathieu Demy a commencé sa carrière d'acteur dès le plus jeune âge en tournant dans les films de sa mère. Deux rôles se détachent particulièrement. 
Documenteur, tourné à Los Angeles en 1980 raconte sous couvert de fiction la douloureuse séparation d'Emilie Cooper/Agnès Varda et de Tom Cooper/Jacques Demy du point de vue de cette dernière. Le petit Mathieu alors âgé de 8 ans joue son propre rôle (bien qu'il s'appelle Martin Cooper dans le film).
La famille Cooper, double cinématographique de la famille Demy (Documenteur, Americano)

La famille Cooper, double cinématographique de la famille Demy (Documenteur, Americano)

En 1988, Kung-Fu Master est une variation sur la relation gémellaire qui unit Agnès Varda à Jane Birkin depuis le portrait miroir Jane B. par Agnès V. (1987). 
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

A partir d'une idée de Jane Birkin, Agnès Varda a l'idée de mettre en scène leurs deux familles (outre Mathieu Demy âgé de 14 ans, on retrouve Charlotte Gainsbourg âgée de 16 ans et Lou Doillon âgée de 4 ans). Le père brille (encore) par son absence ce qui permet à "Mary-Jane" (40 ans) de vivre une histoire d'amour avec "Julien" (14 ans) avant que la société ne lui rappelle brutalement l'interdit. 

Ca sent un peu l'inceste par procuration...ou le conflit intérieur (via une vertigineuse mise en abyme Sabine Mamou (la mère de Mathieu/Martin dans Documenteur) apparaît à la fin du film en tant que mère de Julien pour porter plainte contre Mary-Jane).

Ca sent un peu l'inceste par procuration...ou le conflit intérieur (via une vertigineuse mise en abyme Sabine Mamou (la mère de Mathieu/Martin dans Documenteur) apparaît à la fin du film en tant que mère de Julien pour porter plainte contre Mary-Jane).

Des films mêlant inextricablement fiction et réalité qui ont contraint plus tard Mathieu Demy à une mise au clair (voir chapitres sur Americano qui se présente comme une suite de Documenteur).
 
LIII
1998, sortie du film Jeanne et le garçon formidable d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau.
 
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

Le film est un hommage à Jacques Demy: c'est une comédie musicale qui mélange histoire d'amour légère et réalité sociale douloureuse. Certains numéros chantés et dansés citent directement ses films. La filiation est également généalogique: Mathieu Demy joue le rôle principal, celui d'un jeune homme séropositif qui meurt du sida, comme son père ce qui à l'époque est encore un non-dit public (Agnès Varda ne révèlera la véritable cause du décès de Jacques Demy qu'en 2008 dans Les plages d'Agnès).

Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
LIV
En 2011, sort le film Tomboy de la réalisatrice Céline Sciamma. Mathieu Demy joue le rôle du père de Laure, petite fille de 10 ans qui à la faveur d'un déménagement et le temps d'une fin d'été s'invente une autre identité et devient Mickäel. Un thème transgenre tout à fait dans la filiation des films de Demy-père. Et pour cause: Céline Sciamma n'est autre que l'arrière-petite-cousine de Jacques Demy.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1
LV
En 2012 sort sur les écrans le premier long métrage de Mathieu Demy, Americano, hanté par des souvenirs d'enfance, le cinéma de ses parents et la question de la filiation (les principaux partenaires de Mathieu Demy dans le film sont Géraldine Chaplin et Chiara Mastroianni).Le film joue sur les deux héritages et entremêle pure fiction et éléments autobiographiques comme dans les films d'Agnès Varda.
Sous le signe des Gémeaux: Jacques Demy et Bernard Giraudeau: chapitre 1

LVI
Martin Cooper/Mathieu Demy âgé de 40 ans apprend que sa mère est morte. Il renoue alors avec les lieux de son enfance à Los Angeles, filmés dans Documenteur (1980) qu'Americano cite abondamment façon film dans le film. Mais si dans le film d'Agnès Varda, la mère prénommée Emilie Cooper était jouée par Sabine Mamou, dans le film de Mathieu Demy elle a bien la voix d'Agnès Varda. Par bien des côtés, Americano aurait pu s'intituler Comment j'ai tué ma mère (Agnès Varda qui était interdite de plateau a d'ailleurs reconnu de le film était un moyen pour son fils de se réapproprier des images qui lui avaient été volées dans son enfance).

Sabine Mamou à gauche, Agnès Varda à droite

Sabine Mamou à gauche, Agnès Varda à droite

LVII
Documenteur, d'une tristesse insondable, hanté par l'exil, l'errance, la douleur, le manque, la mort est une sorte d'autoportrait impressionniste de la réalisatrice réalisé au moment où elle se séparait de Jacques Demy au début des années 80. Alors qu'il était rentré en France, ulcéré par le refus des américains de lui accorder une seconde chance après l'échec de Model Shop, elle était resté à Los Angeles avec Mathieu alors âgé de 8 ans (alias Martin dans le film).
Venice Beach à Los Angeles devenue le symbole d'une impasse existentielle dans la vie de Demy (cf le sens interdit) comme dans celle de Varda.

Venice Beach à Los Angeles devenue le symbole d'une impasse existentielle dans la vie de Demy (cf le sens interdit) comme dans celle de Varda.

Emilie Cooper (Sabine Mamou) et son fils Martin (Mathieu Demy âgé de 8 ans) dans Documenteur

Emilie Cooper (Sabine Mamou) et son fils Martin (Mathieu Demy âgé de 8 ans) dans Documenteur

Emilie nue se contemplant dans un miroir coupé en deux moitiés désaccordées: le climax du film.

Emilie nue se contemplant dans un miroir coupé en deux moitiés désaccordées: le climax du film.

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Jane Erre, chapitre 0: introduction

Publié le par Rosalie210

L'image d'ouverture de la mini-série de Susanna White (2006) **

L'image d'ouverture de la mini-série de Susanna White (2006) **

Introduction

" Un matin d'hiver, une jeune vagabonde est découverte morte de froid dans un fossé. Qui était-elle? (…) Pour vivre sa liberté, elle avait tout quitté. Elle s'était retrouvée seule, démunie. " Le synopsis de "Sans toit, ni loi" (1985) de Agnès Varda, j'y reviendrai dans le chapitre 2 aurait pu fournir la conclusion de "Jane Eyre". Il suffit de citer la fin du roman de Charlotte Brontë pour s'en convaincre: " Vous n'êtes pas étendue au fond d'un fossé, ou d'une rivière? Vous n'êtes pas en exil, languissant au milieu d'étrangers?" (p. 609)*

 

 

Mona (Sandrine Bonnaire) dans "Sans toit ni loi" (1985)

Mona (Sandrine Bonnaire) dans "Sans toit ni loi" (1985)

Jane Eyre, c'est cette jeune femme qui en pleine époque victorienne réagit à la claustration et aux pressions patriarcales qui s'abattent sur elle en se révoltant et en prenant la clé des champs. En dépit des risques encourus (toujours bien réels aujourd'hui pour celles qui osent partir à l'aventure, j'y reviendrai dans le chapitre 2), elle cherche obstinément sa place et son identité au sein d'une société qui refuse toute possibilité d'émancipation et d'accomplissement de soi aux femmes mais aussi aux hommes, également prisonniers d'un rôle dans lequel ils sont piégés le plus souvent à leur insu avec toutes les conséquences funestes qui en découlent.  Le vagabondage associé au féminin comporte des risques spécifiques en plus d'être stigmatisé en soi par la norme sédentaire et en plus d'être associé à la folie, laquelle n'est jamais qu'une errance de l'esprit.

L'errance de Jane (Ruth Wilson) dans la mini-série de Susanna White (2006) **

L'errance de Jane (Ruth Wilson) dans la mini-série de Susanna White (2006) **

Cette réalité a beaucoup moins changé que ce que l'on ne croit. La séparation des genres reste la règle avec l'injonction faite aux femmes d'être féminines et aux hommes d'être virils. Celles et ceux qui osent transgresser ces assignations s'exposent toujours à des représailles qui ont pour but de maintenir chacun et chacune à "sa place". C'est pourquoi ce que l'on appelle le féminisme n'est pas (contrairement aux idées reçues, alimentées par les gardiens du statu quo) une arme de guerre brandie par un sexe en direction de l'autre mais un outil d'émancipation pour les deux sexes, la féminité et la virilité ayant été dissociées alors qu'elles auraient dues rester à jamais indissociables. Et ce qui est dissocié est ravageur, on le voit aujourd'hui entre l'homme et la nature. Toute dissociation est une amputation.

* Toutes les citations du roman proviennent du Livre de poche, édition 1991.

** Toutes les images proviennent de la mini-série de Susanna White (2006), la seule adaptation parmi celles que j'ai vue à avoir compris en profondeur le roman tant par sa réalisation et son scénario (chapitre 1) que par son interprétation (chapitre 3).

Jane Erre, chapitre 0: introduction
Jane Erre, chapitre 0: introduction

Sommaire

Chapitre 1: Et au milieu coule une rivière

Chapitre 2: Vierge et Putain, même combat

Chapitre 3: Le démon intérieur de Toby Rochester

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