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Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

Publié le par Rosalie210

Robert Stephens, Maggie Smith, Toby Stephens et Christopher Stephens en 1972

Robert Stephens, Maggie Smith, Toby Stephens et Christopher Stephens en 1972

Chapitre 3:

Le démon intérieur de Toby Rochester

" Une comédie sur la consommation d'alcool ["Trahisons" de Harold Pinter], en particulier lors d'une conversation avec un certain Robert ne peut qu'inévitablement faire ressurgir des fantômes pour le fils de Robert Stephens, acteur de théâtre d'une puissance saisissante qui a gâché son talent en raison d'une dépendance qui a fini par le tuer. (…) Je lui demande, si, en plus d'hériter de la physionomie et des talents de ses parents, il craint la présence en lui des gènes autodestructeurs de son père. Il soupire, fait une pause et s'y reprend à plusieurs fois avant de répondre: "Je pense avoir réglé le problème" (Mark Lawson, "Fils Prodigue", 31/05/2007).

Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

La première fois que j'ai vu la mini-série "Jane Eyre" de Susanna White, j'ai ressenti une émotion profonde qui m'était familière en regardant jouer Toby Stephens. Lui-même me semblait vaguement familier, sans que je puisse immédiatement savoir pourquoi. Depuis, j'ai lu un grand nombre d'articles essayant de retrouver à travers lui les traits de son père (illustre en Angleterre) et de sa mère (illustre dans le monde entier, surtout depuis qu'elle a interprété Minerva McGonagall dans les films adaptés de la saga "Harry Potter"). Une problématique commune à tous les enfants d'acteurs célèbres mais compliquée par l'aliénation paternelle. Toby Stephens aurait pu faire sien le passage où dans le rôle de Rochester, il raconte l'histoire de sa femme folle, Bertha Mason " Sa mère avait fait plusieurs séjours dans un asile d'aliénés où elle se trouvait encore, victime d'une maladie mentale qui se transmettait comme une malédiction de génération en génération" (épisode 3).

Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

Je devais avoir une vingtaine d'années quand j'ai découvert les comédies de Billy Wilder. Elles me sont rapidement devenues indispensables parce qu'elles étaient drôles, intelligentes et qu'elles donnaient de l'espoir. Et à cette période de ma vie, l'espoir était ce dont j'avais le plus besoin. Aussi lorsque le Champo, un cinéma du quartier latin mit à l'affiche "La vie privée de Sherlock Holmes", un film du cinéaste que je ne connaissais pas encore, je me précipitais pour le voir. Je n'en ressortis pas indemne. Le film que l'on peut considérer aujourd'hui comme le chef-d'oeuvre crépusculaire de Billy Wilder était le contraire de mes attentes, il distillait un profond désespoir, une mélancolie douloureuse, si authentique cependant qu'il me toucha profondément. Comme son titre l'indique, il sonde l'intériorité du célèbre personnage de fiction et révèle ses failles à base de sexualité réprimée et de toxicomanie. Ce que je ne savais pas à l'époque, c'est que le personnage et son interprète, Robert Stephens, ne faisaient qu'un, le miroir tendu à ce dernier par Billy Wilder et ses exigences maniaques sur le plateau provoquant chez lui une crise existentielle d'une telle gravité qu'il fit une tentative de suicide en plein tournage. Il a d'ailleurs rebaptisé le film (auquel il consacre un chapitre entier dans son autobiographie) "La malheureuse vie privée de Sherlock Holmes". Ce fut le point de départ d'un engrenage infernal d'autodestruction qui ruina sa carrière, sa vie personnelle, sa santé et écourta sa vie. 

Robert Stephens dans "La vie privée de Sherlock Holmes" (1970).

Robert Stephens dans "La vie privée de Sherlock Holmes" (1970).

Billy Wilder (on le comprend) ressortit traumatisé du tournage car il était persuadé que c'était parce qu'il avait poussé à bout Robert Stephens que celui-ci avait tenté de mettre fin à ses jours.

Billy Wilder (on le comprend) ressortit traumatisé du tournage car il était persuadé que c'était parce qu'il avait poussé à bout Robert Stephens que celui-ci avait tenté de mettre fin à ses jours.

Robert Stephens était incapable de regarder ses problèmes en face, il a passé sa vie à les fuir, à les enfouir, à les nier. Sa vie, qu'il a raconté dans une autobiographie "Le chevalier errant ou les mémoires d'un acteur vagabond" (1995, l'année de son décès) est une perpétuelle fuite en avant. Le titre parle de lui-même: Robert Stephens y insiste sur le fait qu'il n'a jamais réussi à se fixer, à avoir de maison et à se sentir chez lui quelque part, sinon peut-être sur les planches mais interpréter des rôles n'est-ce pas aussi une façon de s'évader de soi-même?

Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

Le fait qu'il ait grandi dans un foyer toxique, non désiré (sa mère lui a raconté comment elle avait essayé de l'avorter elle-même avec un crochet et du gin p 3) et maltraité (" J'ai grandi sans argent, sans amour et sans perspectives", p 2) a sans doute joué un rôle fondamental dans son déracinement, son manque de confiance en lui, son besoin pathologique de reconnaissance, le développement de ses troubles maniaco-dépressifs et son incapacité à élever les enfants qu'il avait semé sur sa route, les abandonnant les uns après les autres quand ils étaient petits. Ce qui s'est avéré finalement être un moindre mal car lorsqu'il les a retrouvés à l'âge adulte, il leur a transmis sa propre toxicité. Il s'est ainsi posé en rival de Toby lorsqu'il est entré à la Royal Shakespeare Company en 1991 (son fils jouait également pour la RSC). Il jalousait son talent, déclenchant chez ce dernier un conflit de loyauté qui a certainement contribué à aggraver les deux grands problèmes qui se sont posés dans sa vie: l'aspect erratique de sa carrière et l'alcoolisme, tous deux directement hérités de son père.

 

Le come-back fracassant de Robert Stephens après 20 ans d'éclipse dans le rôle de Falstaff (Heny IV) en 1991 puis dans celui du roi Lear en 1993, toujours pour la RSC (deux ans plus tard, peu de temps avant sa mort qu'il ne voulait pas voir venir il était fait chevalier d'où le titre de son autobiographie).
Le come-back fracassant de Robert Stephens après 20 ans d'éclipse dans le rôle de Falstaff (Heny IV) en 1991 puis dans celui du roi Lear en 1993, toujours pour la RSC (deux ans plus tard, peu de temps avant sa mort qu'il ne voulait pas voir venir il était fait chevalier d'où le titre de son autobiographie).

Le come-back fracassant de Robert Stephens après 20 ans d'éclipse dans le rôle de Falstaff (Heny IV) en 1991 puis dans celui du roi Lear en 1993, toujours pour la RSC (deux ans plus tard, peu de temps avant sa mort qu'il ne voulait pas voir venir il était fait chevalier d'où le titre de son autobiographie).

Toby Stephens jouant Coriolan pour la RSC en 1994, l'une de ses plus grandes performances.
Toby Stephens jouant Coriolan pour la RSC en 1994, l'une de ses plus grandes performances.

Toby Stephens jouant Coriolan pour la RSC en 1994, l'une de ses plus grandes performances.

Vers l'âge de 16-17 ans, Robert Stephens a quitté le "foyer" familial pour se consacrer au théâtre qu'il avait découvert à l'école. Celle-ci ayant repéré son talent pour la récitation en vers (faculté dont Toby a également hérité), elle l'envoya exercer son élocution auprès d'un professeur qui jouait dans un théâtre amateur de Bristol, ville dont Robert était originaire. Puis il se mit à jouer et monter de petites pièces dans des clubs de théâtre. A cette occasion, il découvrit sa première drogue dure, le "cocktail létal de théâtre et de sexe." (p 10). D'après Toby (dans un article du Télégraph daté de 2009), sa faible estime de soi conjuguée à son besoin de se fuir dans des personnages plus grands que nature ainsi que l'ivresse d'être adulé de façon quasi instantanée par la profession et le public furent des facteurs déterminants dans sa dépendance au sexe. Coureur de jupons invétéré, Robert Stephens multiplia les liaisons tout en se mariant à quatre reprises (dont pour moitié dans le seul but de reconnaître un enfant). Lui-même décrit ses mariages comme une "extension de ses liaisons" (p 18). Pour mesurer l'ampleur de la pagaille de sa vie privée, il raconte comment, plus ou moins forcé par un "ami" à lui, il alla raconter ses infidélités à Maggie Smith (l'épouse numéro 3) parmi lesquelles se trouvait la propre secrétaire et accessoirement maîtresse de ce même "ami". Quant à l'épouse n°2, Tarn Bassett il la place sur le même plan que son grand ami, Jeremy Brett ("Tomber amoureux de Tarn et de Jeremy" p 17), là aussi une histoire compliquée.

La photo de mariage avec Tarn Bassett et Jeremy Brett comme témoin en 1956.

La photo de mariage avec Tarn Bassett et Jeremy Brett comme témoin en 1956.

Sa tentative de suicide ratée en 1970 qui entraîna le délitement de son mariage avec Maggie Smith, la longue traversée du désert de sa carrière et sa plongée dans l'alcool révéla qu'il souffrait d'une maladie mentale (les troubles maniaco dépressifs ou bipolaires, le film ayant sans doute servi de "détonateur"). Il fit plusieurs séjours en hôpital psychiatrique dont il ne sortait que pour aller se réfugier chez Jeremy Brett, acteur shakespearien comme lui et lui aussi atteint de troubles bipolaires (on pourrait aussi ajouter qu'ils sont morts presque au même âge et la même année). Jérémy Brett était à la fois le modèle et le jumeau de Robert Stephens. Quand celui-ci se compare à lui, il se décrit comme un vilain petit canard physiquement et socialement "J'étais un grand, brun et pas très beau jeune homme, je dirais que j'étais plutôt quelconque en fait. La personne qui pour moi incarnait la beauté masculine lorsque je le rencontrais à Manchester au début des années 50 était Jeremy Brett. Lui était un bel homme de premier plan, un gentleman, contrairement à moi (…) Je n'avais jamais rencontré personne d'aussi charmant, d'aussi élégant, d'aussi Etonien" (p 22). Le dernier mot est une allusion au prestigieux collège d'Eton, fréquenté par l'élite britannique, principalement son aristocratie. Robert Stephens était issu quant à lui de la classe ouvrière (la famille de son père travaillait sur les chaudières des bateaux de commerce du port de Bristol et celle de sa mère était dans le bâtiment). Robert et Jeremy se retrouvèrent à jouer respectivement Iago et Cassio dans "Othello" au début des années 50 où le second oublia de faire son entrée, obligeant le premier à laisser Othello seul sur scène (p 21) . C'est également dans le rôle d'Othello que Toby Stephens fit ses débuts au cinéma (dans "Orlando" de Sally Potter en 1992) et lui aussi "oublia" d'entrer en scène lors d'une représentation de "Britannicus" en 1999 parce qu'il s'était endormi, complètement saoul, laissant sa partenaire, Diana Rigg ( l'actrice de "Chapeau melon et bottes de cuir" et beaucoup plus récemment de "Games of Throne") seule sur scène. Ce fut d'ailleurs le déclencheur de sa prise de conscience que s'il ne faisait pas quelque chose pour régler son problème d'alcoolisme, cela allait le conduire tout droit dans la même déchéance physique et morale que celle de son père.

 

Diana Riggs (la mère, Agrippine) et Toby Stephens (le fils, Néron) dans Britannicus, mise en scène de Jonathan Kent (1999).

Diana Riggs (la mère, Agrippine) et Toby Stephens (le fils, Néron) dans Britannicus, mise en scène de Jonathan Kent (1999).

Robert Stephens a les mots d'un amoureux transi dès qu'il parle de Jérémy Brett et cela aurait pu l'aider à y voir plus clair dans son identité mais au contraire, il met toute son énergie dans son autobiographie à démentir les rumeurs de relation homosexuelle les visant, lui et Brett, ajoutant que l'idée lui faisait "horreur" (p 118, juste après avoir dit à quel point Jérémy était "immensément attirant", c'est juste à mourir de rire si ce n'était pas si pathétique). Il faut dire que Brett était bisexuel et qu'il cachait ses liaisons homosexuelles qui n'ont été révélées qu'assez tardivement** . Evidemment Robert Stephens n'en parle jamais. En revanche il précise que Maggie Smith le détestait, on se demande pourquoi ^^ (p 117). On retrouve ainsi toute la problématique de "La vie privée de Sherlock Holmes" avec un détective fondamentalement impuissant devant les femmes et gay refoulé avec Watson (il y a une séquence tordante dans le film où se dernier se retrouve à danser avec des hommes au fur et à mesure que la rumeur de son orientation sexuelle supposée se répand). Evidemment, Jérémy Brett a également interprété le célèbre détective ("nous sommes deux frères jumeaux, nés sous le signe des gémeaux" ^^^^^) mais dans des séries et téléfilms de 1984 à 1994.

Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

La relation entre Robert Stephens et Maggie Smith telle qu'il la décrit est également riche d'enseignements, même si c'est à son corps défendant, Robert n'étant pas plus lucide envers elle qu'en ce qui concerne Jérémy Brett. Il est assez évident que c'est sa vanité et en particulier son besoin dévorant de reconnaissance qui l'a poussé vers elle qui était déjà une star lorsqu'il fit sa connaissance en 1963 lors d'une répétition. Il trompait déjà copieusement sa seconde femme Tarn qui avait fini par l'ennuyer (il a avoué avoir été infidèle au moins 20 fois pour chacun de ses mariages mais à mon avis c'est beaucoup plus ^^). Et ce qui me paraît très amusant, c'est qu'il décrit Maggie Smith comme une sorcière (et une "vipère") l'ayant ensorcelé avec son charme, son talent et son intelligence acérée (p 66). Il insiste beaucoup sur le fait qu'il avait reçu des dizaines d'avertissements visant à tenter de le dissuader de s'engager dans cette relation. L'un des assistants sur le plateau lui avait dit "Fais gaffe, elle boit comme un poisson et elle jure comme un charretier". Et son mentor, Laurence Olivier (alias "Larry") lui avait recommandé d'éviter les "sang-mêlées".*** (p 67) Là encore ça serait comique si ça n'était pas si pathétique. D'abord parce que cela montre si besoin était combien Robert Stephens était aveugle quant au rapport qu'il avait à l'alcool (ce que Toby a ensuite confirmé en disant qu'il ne supportait pas d'être considéré comme un alcoolique et ajoutant "alors qu'il l'était, au même titre que moi, en ce sens qu'il n'avait aucun contrôle sur sa consommation d'alcool" toujours dans l'article du Télégraph en 2009.) Ensuite parce que Laurence Olivier, qu'il idolâtrait, avait en réalité tout fait, le considérant comme un dangereux concurrent, pour l'empêcher d'accéder aux plus grands rôles shakespeariens ce qui avait contribué à saper sa fragile confiance en lui et à le faire boire (rôles auxquels il accéda finalement 30 ans après). De plus la personne qui souffrait de troubles bipolaires (maladie qu'Olivier associait implicitement au métissage) *** était Robert et non Maggie. Enfin parce que cela révélait en creux combien il rejetait sa nature féminine (il reconnaissait cependant qu'il avait un problème d'identité), ayant choisi précisément une femme extrêmement virile qu'il jalousait et redoutait autant qu'il l'admirait. Il y a un passage extrêmement délectable dans son autobiographie où il raconte qu'alors que lui-même n'avait jamais appris à conduire, Maggie Smith était une experte en la matière. Alors que leur couple se déchirait, elle avait en croisant une femme qu'elle savait être l'une de ses maîtresses menacé de l'écraser avec sa voiture, plaisantant seulement à moitié (p 118). Ce n'était pas vraiment le genre victime qui s'effondre en pleurs ^^.

"Le couple qui tue" en 1970. Maggie Smith et Robert Stephens ont joué ensemble de multiples fois au théâtre (j'ai choisi "Beaucoup de bruit pour rien" parce que j'adore cette pièce et que Robert Stephens a joué plus tard dans le premier film de Kenneth Branagh "Henry V")...

"Le couple qui tue" en 1970. Maggie Smith et Robert Stephens ont joué ensemble de multiples fois au théâtre (j'ai choisi "Beaucoup de bruit pour rien" parce que j'adore cette pièce et que Robert Stephens a joué plus tard dans le premier film de Kenneth Branagh "Henry V")...

...Et aussi au cinéma, notamment dans "Les belles années de miss Brodie" de Ronald Neame (1969)

...Et aussi au cinéma, notamment dans "Les belles années de miss Brodie" de Ronald Neame (1969)

Le travail qui n'avait pas été fait par le père est par conséquent retombé sur les épaules de la génération suivante et plus précisément, sur celles de Toby. Christopher et Toby ayant été élevés par leur beau-père, Beverly Cross, premier amour et second mari de Maggie Smith (elle l'avait épousé quelques mois après son divorce d'avec Robert Stephens en 1975), c'est lui qu'ils considéraient comme leur père, appelant leur géniteur (qu'ils n'ont que très peu revu avant la fin de leur adolescence) par son prénom, Robert. Tous deux sont devenus acteurs comme leurs parents mais ont pris des directions opposées. Christopher, l'aîné (né en 1967) a en effet choisi un nom de scène différent de celui de son père (Chris Larkin). Alors que le cadet, Toby (né deux ans plus tard, en 1969) a fait l'inverse, non seulement en conservant le nom de son père mais aussi son surnom, très proche de son prénom (quand il était petit, Robert était surnommé "Tubby" Stephens parce qu'il était rondouillard, p 2). Des deux frères, Toby était celui qui demandait ouvertement où était passé son père et s'il était mort (p 123). Il lui a fallu faire un travail sur lui-même pour admettre qu'il n'était pas la même personne que son père (même s'il n'a jamais eu ses angoisses identitaires, sachant beaucoup mieux gérer que lui sa nature hybride masculine/féminine), même s'il avait hérité d'un certain nombre de ses dispositions (bonnes et mauvaises). Il lui a fallu gérer le fait de vivre dans l'ombre de ses célèbres parents (il a d'ailleurs tiré les leçons de leur union orageuse et médiatisée en vivant une vie personnelle discrète et sans histoires) et d'être sans cesse comparé à eux, d'avoir une carrière imprévisible, inégale, marquée par beaucoup de désillusions, génératrice d'angoisses qui furent à l'origine de ses problèmes d'alcool. Après son "absence" dans "Britannicus" et d'autres histoires du même genre où il oubliait de plus en plus ses répliques voire le scénario, n'arrivait pas à se réveiller, avait le teint brouillé et le visage bouffi, il prit au début des années 2000, plus de dix ans après avoir commencé à boire la seule décision qui pouvait lui permettre de reprendre le contrôle de sa vie: ne plus avaler une seule goutte d'alcool et s'y tenir, même si le cerveau lui n'oublie jamais*.

*Ayant décidé en avril 2005 d'arrêter de fumer (je n'ai jamais beaucoup fumé mais mon cerveau réclamait sa dose quotidienne de manière obsessionnelle et je détestais cette sensation de dépendance) et n'ayant jamais touché depuis à une seule cigarette, je peux néanmoins dire qu'à intervalles réguliers, je rêve que je reprends et la dernière fois est toute récente et est évidemment liée au fait de m'être plongée dans l'histoire des Stephens. On ne se débarrasse jamais de ses addictions, on apprend juste à vivre avec.

** L'homosexualité n'a été dépénalisée en Angleterre qu'en 1967. Beaucoup d'entre eux avaient donc une double vie et une double identité. Un autre ami proche de Robert Stephens, le dramaturge John Osborne, marié cinq fois, grand buveur et diabétique comme lui affichait une misogynie et une homophobie virulente en public. Après sa mort en 1994, un de ses collaborateurs a révélé, lettres à l'appui la longue relation qu'il avait eu avec lui ce qui a plongé son entourage dans l'incrédulité et la stupéfaction (y compris Robert Stephens évidemment puisque cela ébranlait l'édifice de son propre déni.)

*** Laurence Olivier avait alors quitté Vivien Leigh avec laquelle il avait vécu un enfer (elle souffrait elle aussi de troubles bipolaires avec les mêmes addictions que Robert Stephens). Il avait dû associer sa maladie au fait qu'elle était métissée (elle avait du sang indien dans les veines) alors qu'aujourd'hui encore le débat sur les origines de cette maladie n'est pas tranché, le plus probable étant un mélange d'inné (vulnérabilité polygénétique) et d'acquis (l'absorption d'alcool durant la grossesse et la maltraitance infantile sont deux facteurs déterminants et Robert Stephens cochait les deux cases). Maggie Smith est quant à elle mi-anglaise, mi-écossaise.

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Jane Erre, chapitre 2: comparaison entre "Jane Eyre", le roman de Charlotte Brontë et "King-Kong Théorie" l'essai de Virginie Despentes.

Publié le par Rosalie210

" Le premier devoir d'une femme écrivain c'est de tuer l'ange du foyer." (Virginia Woolf)

Béatrice Dalle et Virginie Despentes

Béatrice Dalle et Virginie Despentes

Chapitre 2: Vierge et Putain, même combat

Mon inspiration est venue d'une source improbable mais au fond, cohérente. Il y a une quinzaine de jours, je suis tombée par hasard sur un lien dans le fil d'actualités de la page d'accueil de Facebook renvoyant à une émission présentée par Léa Salamé sur France Inter consacrée aux "femmes puissantes". La "femme puissante" du jour était Béatrice Dalle (qui pour bien faire comprendre que "femme puissante" signifie "sorcière" avait choisi en programmation musicale "I put a spell on you" ^^). L'hallucinant déluge de commentaires sous le lien a provoqué chez moi des rires de plus en plus nerveux au fur et à mesure qu'une image précise issue de "Jane Eyre" se matérialisait dans ma tête. Petit florilège: "Elle croque la vie à pleine dents"; "Elle n'a pas soif que de liberté"; "Elle est tellement humaine qu'elle en boufferait"; "Elle a soif ou elle a la dalle" (^^); "Elle a une mâchoire d'acier" ou encore "Elle pourrait nous en arracher un gros morceau avec sa denture." Seule une personne avait posté un commentaire du genre "Mais vous ne voyez donc pas qu'elle vous provoque [en prétendant avoir mangé de la chair humaine]? C'est une actrice!" Mais en matière de "croqueuse d'hommes" conjuguant cannibalisme et vampirisme, Béatrice Dalle aurait tout à fait pu être la réincarnation de Bertha Mason, l'épouse folle à lier de Rochester.

" La chair de l'épaule n'est pas seulement coupée, elle est aussi déchiquetée. Cette blessure n'a pas été faite par un couteau, il y a des marques de dents!" (p 299) et dans la série (episode 2): "Elle a bu mon sang, elle m'a dit qu'elle voulait me vider le coeur".

" La chair de l'épaule n'est pas seulement coupée, elle est aussi déchiquetée. Cette blessure n'a pas été faite par un couteau, il y a des marques de dents!" (p 299) et dans la série (episode 2): "Elle a bu mon sang, elle m'a dit qu'elle voulait me vider le coeur".

Qui est Bertha Mason exactement sinon le côté obscur de Jane? Elle représente sa partie bestiale, pulsionnelle, fiévreuse (Bertha est également pyromane), agitée, passionnelle. C'est la sorcière en elle, celle qui épouvante les figures patriarcales du pouvoir car elle peut le leur arracher, littéralement. Rochester a un rapport ambivalent vis à vis de ces femmes, un rapport d'attraction-répulsion. Il est fasciné par elles tout en cherchant à les contrôler au risque de s'y brûler ou de se faire dévorer.

Pas étonnant que les imposantes dents du bonheur de Béatrice Dalle associées à sa personnalité et ses propos provocants suscitent tant de fantasmes!

Pas étonnant que les imposantes dents du bonheur de Béatrice Dalle associées à sa personnalité et ses propos provocants suscitent tant de fantasmes!

A partir de cette émission, j'ai vite fait l'association avec la grande amie de Béatrice Dalle qui est Virginie Despentes et plus précisément avec son essai "King-Kong Théorie" dont je connaissais des extraits. J'ai eu l'intuition que la comparaison serait fructueuse. Et cela fut, évidemment, l'un faisant ressortir l'autre de manière saisissante! Car si Béatrice Dalle est une descendante naturelle de Bertha Mason, il est logique que Virginie Despentes soit une descendante de Charlotte Brontë elle-même. Affirmation quelque peu savoureuse parce que l'une est aux antipodes de l'autre sauf que les antipodes se touchent toujours (et même parfois il leur arrive de communier, voir chapitre 1 ^^).

Edition Grasset, 2006.

Edition Grasset, 2006.

Toutes deux sont en guerre contre le patriarcat, incarnant la binarité qui lui est si chère (la vierge et la putain) mais unies dans un même cri de révolte contre un ordre social fondé sur des assignations de genre aliénantes et mutilantes pour la femme et pour l'homme ayant pour but l'exploitation de tous par les institutions (armée, église, état, famille). C'est la colère qui innerve "Jane Eyre" et c'est la rage qui transpire de "King-Kong Theorie". Toutes deux écrivent à partir de leur expérience de la marge (les deux livres sont largement autobiographiques). Pour des raisons inhérentes à son époque et à sa condition, Charlotte Brontë n'a pu que rêver l'aventure ce qui est remarquablement mis en valeur par la série de Susanna White à travers le livre d'images exotiques qui permet à Jane de s'évader.  C'est avec hargne que Virginie Despentes revendique son droit de partir à l'aventure, quitte à en accepter les risques, le principal étant celui du viol (risque auquel est également confronté Mona, la vagabonde de "Sans toit ni loi" de Agnès Varda). " C'est un risque inévitable, c'est un risque que les femmes doivent prendre en compte et accepter de courir si elles veulent sortir de chez elles et circuler librement" (…) " Oui, on avait été dehors, un espace qui n'était pas pour nous (…) Oui, on était en minijupes seules sans un mec avec nous, la nuit, oui on avait été connes et faibles, faibles comme les filles apprennent à l'être quand on les agresse. (…) On avait pris le risque, on avait payé le prix (…) victimes ordinaires de ce qu'il faut s'attendre à endurer si on est femme et qu'on veut s'aventurer à l'extérieur." (pages 41-42-43).

Le livre d'évasion de Jane ouvre la série. Dès les premières images, j'ai été plongée dans un grand bain sensoriel, les images étant accompagnées d'une bande son évocatrice de jungle, de nuit tropicale etc.

Le livre d'évasion de Jane ouvre la série. Dès les premières images, j'ai été plongée dans un grand bain sensoriel, les images étant accompagnées d'une bande son évocatrice de jungle, de nuit tropicale etc.

"Et tu as fait du stop encore après? Oui j'ai refait du stop (...) Rien ne pouvait être pire que de rester dans ma chambre (...) J'ai donc continué d'arriver dans des villes où je ne connaissais personne, de rester seule dans des gares jusqu'à ce qu'elles ferment pour y passer la nuit, ou de dormir dans des allées d'immeuble en attendant le train du lendemain. De faire comme si je n'étais pas une fille." (pages 43-44)

"Et tu as fait du stop encore après? Oui j'ai refait du stop (...) Rien ne pouvait être pire que de rester dans ma chambre (...) J'ai donc continué d'arriver dans des villes où je ne connaissais personne, de rester seule dans des gares jusqu'à ce qu'elles ferment pour y passer la nuit, ou de dormir dans des allées d'immeuble en attendant le train du lendemain. De faire comme si je n'étais pas une fille." (pages 43-44)

Dans les deux livres, toutes les normes de genre, tous les rôles traditionnels assignés aux hommes et aux femmes sont remis en cause, parfois avec les mêmes mots. Extraits choisis (la première citation est de Virginie Despentes, la deuxième de Charlotte Brontë):

- " Les femmes et les hommes traditionnels n'ont pas à se comprendre, s'entendre et pratiquer la vérité entre eux. Visiblement, cette éventualité fait peur (p 78); " Venez près de moi Jane, tâchons de nous expliquer, de nous comprendre. " (p 356)

-" Le désir des hommes doit blesser les femmes, les flétrir. Et en conséquence culpabiliser les hommes. Ca n'est pas une fatalité mais une construction politique." (p 83) " J'ai mal agi; j'allais flétrir mon innocente fleur, souiller sa pureté de mon souffle coupable." (p 625).

Les deux femmes parlent, chacune à leur manière en effet de la même chose, parfaitement résumée par Virginie Despentes: " Tendresse et sensualité ne fusionnent que chez un très petit nombre d'êtres civilisés (…) Surtout pas de réconciliation, c'est un impératif." (pages 81-82) Car sinon les êtres humains deviendraient puissants et ne seraient donc plus contrôlables par les institutions. Virginie Despentes définit la puissance (bien distincte de la brutalité) p 144 comme "une force, ni masculine, ni féminine qui impressionne, affole, rassure. Une faculté de dire non, d'imposer ses vues, de ne pas se dérober." Isabelle Filliozat dans son livre "L'Intelligence du cœur" ne dit pas autre chose " Lorsqu'on se sent puissant dans son cœur et dans son corps, les jeux de pouvoir du social perdent de leur attrait. Quand on a goûté à l'intimité, on n'a plus envie de jouer ni le dominant, ni le dominé. L'angoisse qui nous poussait à consommer toujours plus ou à gagner encore davantage n'est plus là. Et quand toute une économie est fondée sur le jeu de pouvoir, il faut prévenir ce désastre! Tout notre système s'y emploie." (p 234). 

Virginie Despentes utilise la figure de King-Kong comme une métaphore de la sexualité d'avant la distinction des genres, une sexualité naturelle (car on en revient toujours à la nature), polymorphe et puissante, détruite par la civilisation qui tue la bête et coupe ainsi la femme de sa puissance fondamentale. (p 115)

Jane Erre, chapitre 2: comparaison entre "Jane Eyre", le roman de Charlotte Brontë et "King-Kong Théorie" l'essai de Virginie Despentes.

Toutes deux ont construit leur expérience à partir de leur exclusion du "marché de l'amour" adossé à des normes de beauté et de séduction genrées qu'elles ne possédaient pas. L'incipit de "King-Kong Théorie", extrêmement célèbre est construit comme une déclaration de guerre à la tyrannie de la beauté (et des normes de genre qui se cachent derrière): "J'écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf." (p 9). Cela continue avec "Je n'écrirais pas ce que j'écris si j'étais belle." (p 10),  "C'est donc ici en tant que femme inapte à attirer l'attention masculine, à satisfaire le désir masculin, et à me satisfaire d'une place à l'ombre que j'écris (…) Je suis contente de moi comme ça, plus désirante que désirable." (p 11) Après avoir développé en page 12 la (très) longue liste des exclues, elle l'étend aux hommes inaptes à correspondre aux canons de ce même marché: "les hommes qui n'ont pas envie d'être protecteurs, ceux qui voudraient l'être mais ne savent pas s'y prendre, ceux qui ne savent pas se battre, ceux qui chialent volontiers, ceux qui ne sont pas ambitieux, ni compétitifs, ni bien membrés, ni agressifs, ceux qui sont craintifs, timides, vulnérables, ceux qui préfèreraient s'occuper de la maison plutôt que d'aller travailler, ceux qui sont délicats, chauves, trop pauvres pour plaire, ceux qui ont envie de se faire mettre, ceux qui ne veulent pas qu'on compte sur eux, ceux qui ont peur tout seuls le soir." (p 13).

La disgrâce physique qui frappe aussi bien Jane que Rochester est l'un des fils directeur majeur du roman de Charlotte Brontë qui se trouvait elle-même quelconque. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si la première est associée à une sorcière et le second, au diable, la laideur étant associée au mal. Dans "La tyrannie de la beauté", Jean-François Dortier démontre que certains traits associés à Jane (la petite taille, l'asymétrie des traits du visage) ou à Rochester (les proportions disharmonieuses du corps, la mine sévère pour ne pas dire patibulaire) ont de tout temps été considérés comme laids. C'est une souffrance lancinante, évoquée à de multiples reprises. Jane vit sa laideur comme un calvaire: "J'ai toujours désiré (…) plaire autant que le permettait mon manque de beauté (…) C'était un malheur pour moi d'être si petite, si pâle, d'avoir des traits si irréguliers, si marqués." (p 144) Quant à Rochester, il est complexé par la sienne (complexe aggravé à la fin par ses infirmités), ce qui ressort particulièrement quand il se compare au pasteur St John Rivers "Vos paroles ont évoqué de façon charmante l'image d'un gracieux Apollon (…): grand, blond, avec des yeux bleus et un profil grec. Vous n'avez sous les yeux qu'un Vulcain, un vrai forgeron bruni, aux larges épaules, aveugle et manchot, par-dessus le marché." (p 619) L'une des premières questions qu'il pose à Jane consiste à savoir si elle le trouve beau ce à quoi elle répond par la négative, n'étant pas du genre à mentir. Il est donc clair d'emblée que leur histoire ne se construira pas sur cette base, faisant d'emblée d'eux des originaux asociaux (ce que leur indifférence vis à vis de l'âge, du statut social ou du handicap ne fait que confirmer). Cela finit par devenir d'ailleurs un sujet de plaisanterie entre eux, une fois que la confiance s'est bien installée: "Suis-je d'une laideur repoussante? Oui, vous l'avez toujours été, vous le savez bien." (p 614)

"Laissons à d'autres la corvée de contempler son visage ingrat." "En fait il est très présentable pour un anglais. Ses 20 mille livres le rendent très présentable." (Céline Varens à son amant à propos de Rochester dans la série de Susanna White)

"Laissons à d'autres la corvée de contempler son visage ingrat." "En fait il est très présentable pour un anglais. Ses 20 mille livres le rendent très présentable." (Céline Varens à son amant à propos de Rochester dans la série de Susanna White)

Charlotte Brontë et Virginie Despentes ont voulu toutes deux vivre la vie d'un homme. Si la première n'a pas eu la vie aventureuse dont elle rêvait contrairement à la seconde, il n'en reste pas moins qu'elles ont toutes deux réussi à s'imposer dans un domaine largement dominé par les hommes, celui de l'écriture. Ecrire est une façon de se réapproprier la virilité assignée exclusivement aux hommes. Ecrire "je" est un acte de transgression permettant de sortir du silence et de s'affirmer en tant que sujet désirant, autonome et actif là où la femme est le plus souvent considérée comme un objet condamné à l'impuissance, la passivité et le silence. L'un des passages les plus célèbres de "Jane Eyre" est celui à la page 160 où l'héroïne affirme son besoin d'action et d'élargissement de son horizon: " Généralement on croit les femmes très calmes; mais elles ont la même sensibilité que les hommes; tout comme leurs frères, elles ont besoin d'exercer leurs facultés, il leur faut l'occasion de déployer leur activité. Les femmes souffrent d'une contrainte trop rigide, d'une inertie trop absolue, exactement comme en souffriraient les hommes; et c'est étroitesse d'esprit chez leurs compatriotes plus privilégiés que de déclarer qu'elles doivent se borner à faire des puddings, à tricoter des bas, à jouer du piano, à broder des sacs. Il est léger de les blâmer, de les railler, lorsqu'elles cherchent à étendre leur champ d'action ou à s'instruire plus que la coutume ne l'a jugé nécessaire à leur sexe."

"Quand de toutes parts la virilité des femmes est méprisée, entravée, désignée comme néfaste, les hommes auraient tort de se réjouir, ou de se sentir protégés. C'est autant leur autonomie que la nôtre qui est remise en cause. (…) Car la virilité traditionnelle est une entreprise aussi mutilatrice que l'assignement à la féminité." (pages 26 et 28) Virginie Despentes prolonge la réflexion sur les attributs associés à la virilité et refusés aux femmes (expérimentation, prise de risque, rupture avec le foyer, créativité) en démontrant que celle qui est accordée aux hommes, amputée de la féminité les met dans une situation encore pire: on leur demande de détester les femmes tout en leur interdisant d'aimer les hommes. Une double contrainte servant à fabriquer de bons petits soldats/travailleurs obéissants qui serviront avec zèle les institutions plutôt que de vivre l'intimité dans un couple (hétérosexuel ou non) ou bien de s'adonner à l'homoérotisme en groupe (véritable serpent de mer des sociétés totalitaires si bien mis en lumière par des cinéastes comme Nagisa Oshima pour le Japon militariste ou Luchino Visconti pour l'Allemagne nazie). 

"Les Damnés" (Luchino Visconti) et "Tabou" (Nagisa Oshima).
"Les Damnés" (Luchino Visconti) et "Tabou" (Nagisa Oshima).

"Les Damnés" (Luchino Visconti) et "Tabou" (Nagisa Oshima).

L'une des correspondances les plus étroites entre les deux œuvres concerne l'avilissement que représente le mariage patriarcal et sa variante non matrimoniale, la courtisanerie. Ces deux formes de relations sociales sexuées très répandues voire la norme dans les élites se fondent sur l'infériorisation, la dépendance, l'exploitation et la vénalité, le corps féminin se transformant en une monnaie d'échange."Beaucoup de femmes (…) couchent avec des hommes vieux, laids, chiants, déprimants de connerie, mais puissants socialement. Qui les épousent et se battent pour obtenir le maximum d'argent au moment du divorce. Qui trouvent normal d'être entretenues, emmenées en voyage, gâtées. Qui voient même ça comme une réussite. C'est triste d'entendre des femmes parler d'amour comme d'un contrat économique implicite. Attendre des hommes qu'ils paient pour coucher avec elles. Ca me semble aussi glauque pour elles, qui renoncent à toute indépendance (…) que pour ces mecs dont la sexualité n'est admise que s'ils ont les moyens de raquer."; " Contrairement à l'idée que beaucoup d'hommes se font, toutes les femmes n'ont pas une âme de courtisane." (Pages 75 à 77)

Le refus de se plier à ce "contrat économique implicite" est le grand combat de Jane Eyre. L'apparition d'Adèle dans la mini-série attifée comme une poupée et chantant une romance (tirée d'une opérette du début du XIX°) où il est question pour la femme de plaire et pour l'homme d'allonger la monnaie et de posséder un bien donne une vision assez édifiante du type de relation (le mot "commerce" serait d'ailleurs plus approprié) que Rochester a jusqu'ici entretenu avec les femmes. Adèle est une Céline Varens en miniature, archétype de la courtisane entretenue par Rochester (dont les complexes expliquent assez facilement pourquoi il se sent obligé de payer pour avoir du sexe): "C'est comme cela qu'elle faisait [en dansant] sortir mon or anglais de la poche de ma culotte britannique."; "Seule la poussière d'or pouvait la fertiliser". (page 201). A son grand effroi, Jane constate dès qu'elle est fiancée à Rochester qu'il compte la traiter de la même façon: " Plus il me comblait, plus je rougissais, me sentant gênée et humiliée. (…) Ce serait un réel soulagement (…) si je pouvais seulement avoir une très modeste indépendance. Je ne pourrai jamais me faire à l'idée d'être habillée comme une poupée par Mr Rochester ou d'être assise chaque jour sous une pluie d'or comme une seconde Danaé". ( page 377) Image récurrente d'autant plus pertinente qu'elle mélange argent et sexe ("l'or qui fertilise"). En écrivant à son oncle qui souhaite en faire son héritière, Jane déclenche ainsi sans le savoir le processus qui mènera au sabotage de son mariage. L'oncle de Jane et Richard Mason sont en effet associés et c'est en lisant la lettre de Jane que celui-ci découvrira le projet bigame de Rochester qu'il ira ensuite interrompre avec l'avocat Briggs. Les masques tombent alors, le mariage s'avérant être au final un simulacre cachant le statut de femme de l'ombre, de maîtresse entretenue qui est tout simplement inconcevable pour quelqu'un d'intègre et d'indépendant comme l'est Jane Eyre "Je ne veux pas être votre Céline Varens anglaise". (page 379)

Pour conclure, on peut constater qu'à la fin de "Jane Eyre", chacun peut désormais exprimer dans la relation ce qui en était exclu par les normes sociales à savoir la virilité pour Jane (qui est depuis le départ un soutien et un guide pour Rochester) et la féminité chez Rochester (la larme, le collier, le fait d'accepter de se laisser guider et de lâcher prise). L'évolution de la fonction de la chaîne de montre de Rochester est tout un symbole: avant: "Je vous aurai en ma possession, je vous attacherai -au figuré bien entendu- à une chaîne comme celle-ci." (p 380); après: " Fixez-la à votre ceinture, Janet, et gardez-la désormais; je n'en ai plus besoin." (p 624). Jane a également acquis son indépendance financière avec un héritage de 5000 livres de rente (Virginia Woolf estimait dans "Une chambre à soi" que 500 livres de rente était le minimum pour qu'une femme puisse se mettre à écrire, celle-ci ne pouvant alors disposer de l'argent qu'elle gagnait.) Rochester refuse par ailleurs qu'elle joue auprès de lui le rôle (tout aussi traditionnel) d'infirmière en retrouvant progressivement son autonomie avec le recouvrement partiel de sa vue. Ce qui permet à Jane de se mettre à écrire, justement (le livre que l'on vient de lire ^^).

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Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)

Publié le par Rosalie210

The River (photo d'une scène perdue)

The River (photo d'une scène perdue)

Chapitre 1

Et au milieu coule une rivière

" La convention n'est pas la morale, la religiosité n'est pas la loi" (Charlotte Brontë)

" Il existe une rivière appelée Vie/ Sa source est une fontaine cachée/ Son but est la mer/Sur elle flottent les radeaux des destinées humaines." (Incipit du film "The River" de Frank Borzage)

Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)

Charlotte Brontë et Frank Borzage n'ont pas vécu à la même époque et c'est bien dommage car ils auraient eu beaucoup de choses à se dire. Néanmoins je n'aurais pas eu l'idée de les rapprocher sans la mini-série de Susanna White dont l'adaptation met l'accent sur les aspects les plus modernes du roman et notamment sur sa sensualité avec un rôle prépondérant joué par la nature. J'ai immédiatement pensé à "The River"* ("La Femme au corbeau" en VF), qui est la vision la plus radicale et la plus épurée de l'amour tel que le conçoit Frank Borzage. Un amour véritable qui comme chez Charlotte Brontë se construit en marge de la société, la nature servant d'écrin et de refuge. Frank Borzage a été qualifié "d'anarchiste poétique" de par son rejet des institutions, ces institutions contre lesquelles Charlotte Brontë est également en guerre. Tous deux ont été également qualifiés de "mystiques de l'amour", Borzage (et en particulier "The River") étant une œuvre culte pour les surréalistes adeptes de l'amour fou. Pour reprendre l'expression de Michael Henry, chez Borzage, l'amour est "ascèse, ascension, assomption, alchimie". Il en est exactement de même chez Charlotte Brontë. C'est justement parce qu'ils sont tous deux d'authentiques mystiques qu'ils ne peuvent s'adapter à l'étroitesse et l'obscurantisme d'une morale officielle et bien-pensante, lui préférant une morale personnelle et intime dans laquelle tout tend vers la communion: celle du christianisme et du paganisme, du sacré et du profane, du corps et de l'esprit conférant à l'ensemble une puissance peu commune à la fois hautement spirituelle et charnellement provocante pour les puritains de tous bords. 

Les points communs entre "The River" et "Jane Eyre" sont tellement nombreux qu'il suffit de suivre au fil de l'eau l'intrigue du premier (surtout qu'avec la perte d'une partie du film, il ne reste plus que les séquences à huis-clos entre les deux protagonistes ce qui lui confère une dimension d'épure absolue) pour retrouver l'essence du second.

La première séquence conservée de "The River" se déroule justement au bord d'une rivière, celle qui donne son titre au film. Elle montre la rencontre "choc" entre les deux protagonistes de l'histoire, Allen John et Rosalee, illustration parfaite des contraires qui s'attirent. Allen John sort de l'onde totalement nu parce qu'il est l'incarnation même de l'innocence d'avant la chute, c'est un homme-enfant vierge qui fait corps avec la nature. Laquelle le dépose délicatement aux pieds de Rosalee comme une offrande, une seconde chance, une promesse de régénération et de libération. 

Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)
Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)
Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)
Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)

Rosalee au contraire incarne la "femme fatale" cynique, blasée, corrompue par la civilisation, revenue de tout et surtout des hommes. Sa malle recouverte de badges du monde entier est une métaphore du fait qu'elle a une solide expérience de la vie mais aussi qu'elle traîne derrière elle le lourd bagage de son passé auquel elle est enchaînée. Passé qui s'incarne par ailleurs dans le corbeau qui la surveille et la suit partout pour le compte de son maître Mardson, l'amant violent et jaloux de Rosalee emprisonné pour meurtre.

Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)

Dans la mini-série, la rencontre tumultueuse entre Jane et Rochester dans laquelle celui-ci l'accuse de l'avoir fait tomber de cheval avec ses pouvoirs de sorcière se déroule au bord d'une rivière. D'emblée il comprend qu'il a affaire à une force de la nature, une "conscience limpide" (p 195) qui a le pouvoir de le "rénover" (p 206), lui qui se sait être "enchaîné et maudit" (p 196). Désormais sa nature profondément ambivalente oscille entre désir de s'épancher (la rivière devenant alors récurrente) et honte liée à des secrets qu'il juge inavouables.

Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)

Arrive donc logiquement la phase "test", celle où le cynique (et donc méfiant, incrédule, blasé, amer etc.) manipule les sentiments du naïf pour voir jusqu'où s'exerce son pouvoir sur lui. Le tout avec une certaine condescendance liée au différentiel d'âge et d'expérience " Vous êtes un petit garçon, je n'ai connu que des hommes" (pour "The River"); " Je prétends à la supériorité qui doit résulter d'une différence d'âge de vingt ans et d'une expérience qui me donne sur vous l'avance d'un siècle" (pour "Jane Eyre", p 192) Plus profondément cette attitude de prise de contrôle, exempte en dépit des apparences de toute réelle volonté de méchanceté consiste à se protéger contre la peur d'être à nouveau blessé. Alors que du côté du naïf, c'est la gêne qui prédomine, la présence et l'attitude de l'autre (hypersexualisé dans les deux cas et en manque) éveillant des sentiments et des désirs inconnus et donc quelque peu terrifiants.

Rosalee traite Allen John comme son domestique pour voir jusqu'où il est prêt à se soumettre.

Rosalee traite Allen John comme son domestique pour voir jusqu'où il est prêt à se soumettre.

L'équivalent dans "Jane Eyre" est la longue séquence mondaine où Rochester met Blanche Ingram entre lui et Jane pour la rendre jalouse.

L'équivalent dans "Jane Eyre" est la longue séquence mondaine où Rochester met Blanche Ingram entre lui et Jane pour la rendre jalouse.

Ca vampe à mort: "Combien de femmes avez-vous connu Allen John?" (Mary Duncan est hyper sexy et provocante tout au long du film)

Ca vampe à mort: "Combien de femmes avez-vous connu Allen John?" (Mary Duncan est hyper sexy et provocante tout au long du film)

Quand Jane croise Rochester, elle essaye de s'éclipser sans être vue mais il a des yeux dans le dos.

Quand Jane croise Rochester, elle essaye de s'éclipser sans être vue mais il a des yeux dans le dos.

Cette phase d'attirance et de séduction mêlée de peur étant marquée par l'empêchement, la relation entre les deux protagonistes prend logiquement la tournure d'une amitié où l'on se serre beaucoup la pince et où on joue à des jeux, pas forcément avec l'accord des deux parties d'ailleurs ^^.

Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)
Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)
Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)

Puis survient la phase d'embrasement, étouffée aussitôt par l'attaque du rival/de la rivale qui se dresse entre les deux membres du couple naissant juste au moment où ils allaient consommer leur union.

L'ombre de la cage du corbeau se dresse entre Allen John et Rosalee et se fait menaçante juste quand les choses se précisent.

L'ombre de la cage du corbeau se dresse entre Allen John et Rosalee et se fait menaçante juste quand les choses se précisent.

Puis c'est l'attaque suivie d'un déchaînement de passion dans lequel Rosalee se transforme brièvement en une furie meurtrière tout à fait comparable à Bertha Mason.
Puis c'est l'attaque suivie d'un déchaînement de passion dans lequel Rosalee se transforme brièvement en une furie meurtrière tout à fait comparable à Bertha Mason.

Puis c'est l'attaque suivie d'un déchaînement de passion dans lequel Rosalee se transforme brièvement en une furie meurtrière tout à fait comparable à Bertha Mason.

Dans "Jane Eyre", le corbeau c'est Bertha Mason, l'épouse de Rochester à la dangereuse folie homicide dont l'existence est révélée au moment où Jane et Rochester s'apprêtent à recevoir le sacrement du mariage.

Dans "Jane Eyre", le corbeau c'est Bertha Mason, l'épouse de Rochester à la dangereuse folie homicide dont l'existence est révélée au moment où Jane et Rochester s'apprêtent à recevoir le sacrement du mariage.

La terrible frustration qui en résulte conduit les personnages à "disjoncter". Comme je l'ai lu dans un article de DVDclassik consacré au film de Borzage "l'amour consume ceux qui ne peuvent le consommer." Et même littéralement dans le cas de Rochester qui brûle dans son château.

Le feu comme l'eau joue un rôle purificateur extrêmement important.

Le feu comme l'eau joue un rôle purificateur extrêmement important.

Allen John, pris de folie part abattre des arbres dans le froid pour apaiser le feu qui est en lui et gèle sur place.

Allen John, pris de folie part abattre des arbres dans le froid pour apaiser le feu qui est en lui et gèle sur place.

Jane tombe quant à elle sous la coupe d'un extrémiste religieux, St John Rivers (lui-même en conflit avec ses propres désirs) ce qui est parfaitement logique puisque c'est lié à la mortification de la chair.

Opération récupération d'une brebis galeuse qu'il faut remettre dans le droit chemin, celui du devoir et non de l'amour.
Opération récupération d'une brebis galeuse qu'il faut remettre dans le droit chemin, celui du devoir et non de l'amour.

Opération récupération d'une brebis galeuse qu'il faut remettre dans le droit chemin, celui du devoir et non de l'amour.

Arrive enfin la scène de communion mystico-charnelle où les personnages, délivrés de leurs peurs et de leurs entraves se retrouvent enfin. Chez Borzage on atteint un summum d'érotisme quand Rosalee se couche sur le corps nu de Allen John pour le faire revenir à la vie, un acte de don total de soi qui produit un miracle en les transfigurant l'un et l'autre. La nature exprime cette libération lorsque la glace se brise, libérant la péniche qui leur permettra d'atteindre la mer après que Allen John ait sauvé à son tour Rosalee qui s'est jetée dans la rivière pour échapper à Marsdon. L'équivalent dans la mini-série est le moment où après leurs retrouvailles par appel télépathique, Rochester arrive enfin à avouer à Jane qu'il a besoin d'une femme (la série, époque oblige précise évidemment qu'il parle de son besoin sexuel) sans quoi il n'a plus le désir de vivre. Jane lui interdit alors de renoncer à la vie en se couchant sur lui, un moment aussi joyeux que sensuel qui se conclut sur le plan de la rivière dont le courant jusque là impétueux s'est enfin apaisé.

Dans les deux cas, au terme de ce long cheminement il n’y a plus ni rôles, ni barrières, pas même celle des genres. Il n’y a plus qu’une libre circulation d’énergies.

Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)
Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)
Jane Erre, chapitre 1: comparaison Jane Eyre/ The River (Frank Borzage, 1929)

* Film partiellement perdu mais dont il nous reste une succession de séquences sublimes, considérées comme les plus érotiquement subtiles du cinéma muet car se combinant avec une absolue pureté.

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Jane Erre, chapitre 0: introduction

Publié le par Rosalie210

L'image d'ouverture de la mini-série de Susanna White (2006) **

L'image d'ouverture de la mini-série de Susanna White (2006) **

Introduction

" Un matin d'hiver, une jeune vagabonde est découverte morte de froid dans un fossé. Qui était-elle? (…) Pour vivre sa liberté, elle avait tout quitté. Elle s'était retrouvée seule, démunie. " Le synopsis de "Sans toit, ni loi" (1985) de Agnès Varda, j'y reviendrai dans le chapitre 2 aurait pu fournir la conclusion de "Jane Eyre". Il suffit de citer la fin du roman de Charlotte Brontë pour s'en convaincre: " Vous n'êtes pas étendue au fond d'un fossé, ou d'une rivière? Vous n'êtes pas en exil, languissant au milieu d'étrangers?" (p. 609)*

 

 

Mona (Sandrine Bonnaire) dans "Sans toit ni loi" (1985)

Mona (Sandrine Bonnaire) dans "Sans toit ni loi" (1985)

Jane Eyre, c'est cette jeune femme qui en pleine époque victorienne réagit à la claustration et aux pressions patriarcales qui s'abattent sur elle en se révoltant et en prenant la clé des champs. En dépit des risques encourus (toujours bien réels aujourd'hui pour celles qui osent partir à l'aventure, j'y reviendrai dans le chapitre 2), elle cherche obstinément sa place et son identité au sein d'une société qui refuse toute possibilité d'émancipation et d'accomplissement de soi aux femmes mais aussi aux hommes, également prisonniers d'un rôle dans lequel ils sont piégés le plus souvent à leur insu avec toutes les conséquences funestes qui en découlent.  Le vagabondage associé au féminin comporte des risques spécifiques en plus d'être stigmatisé en soi par la norme sédentaire et en plus d'être associé à la folie, laquelle n'est jamais qu'une errance de l'esprit.

L'errance de Jane (Ruth Wilson) dans la mini-série de Susanna White (2006) **

L'errance de Jane (Ruth Wilson) dans la mini-série de Susanna White (2006) **

Cette réalité a beaucoup moins changé que ce que l'on ne croit. La séparation des genres reste la règle avec l'injonction faite aux femmes d'être féminines et aux hommes d'être virils. Celles et ceux qui osent transgresser ces assignations s'exposent toujours à des représailles qui ont pour but de maintenir chacun et chacune à "sa place". C'est pourquoi ce que l'on appelle le féminisme n'est pas (contrairement aux idées reçues, alimentées par les gardiens du statu quo) une arme de guerre brandie par un sexe en direction de l'autre mais un outil d'émancipation pour les deux sexes, la féminité et la virilité ayant été dissociées alors qu'elles auraient dues rester à jamais indissociables. Et ce qui est dissocié est ravageur, on le voit aujourd'hui entre l'homme et la nature. Toute dissociation est une amputation.

* Toutes les citations du roman proviennent du Livre de poche, édition 1991.

** Toutes les images proviennent de la mini-série de Susanna White (2006), la seule adaptation parmi celles que j'ai vue à avoir compris en profondeur le roman tant par sa réalisation et son scénario (chapitre 1) que par son interprétation (chapitre 3).

Jane Erre, chapitre 0: introduction
Jane Erre, chapitre 0: introduction

Sommaire

Chapitre 1: Et au milieu coule une rivière

Chapitre 2: Vierge et Putain, même combat

Chapitre 3: Le démon intérieur de Toby Rochester

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