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Rushmore

Publié le par Rosalie210

Wes Anderson (1998)

Rushmore

"Rushmore", le deuxième long-métrage de Wes ANDERSON est celui qui l'a fait connaître. Bien que l'on reconnaisse son style et ses thèmes de prédilection, ils ne phagocytent ni l'intrigue, ni le personnage principal comme cela peut être le cas parfois, le film tendant à devenir alors un album Panini comme dans le récent et décevant "The French Dispatch" (2018). L'unité de lieu étant la règle dans les films de Wes ANDERSON (train, maison de famille, sous-marin, plage, hôtel, île, siège de rédaction d'un journal) "Rushmore" est le nom d'une prestigieuse école privée dans laquelle Max (Jason SCHWARTZMAN dans son premier rôle) un adolescent décalé et hyperactif tente de s'y faire une place, multipliant les impostures. Pour commencer, il s'invente une origine sociale prestigieuse alors que son père (Seymour CASSEL) qui est veuf est un modeste coiffeur. Ensuite, il délaisse les études pour lesquelles il n'est pas doué (sauf en rêve!) au profit d'une impressionnante liste d'activités extra-scolaires (et donc autant de vignettes!) destinées à le valoriser. Enfin, il ne se lie qu'avec des gens plus jeunes ou plus vieux que lui ce qui finit par le faire dérailler. Il tombe en effet amoureux de l'institutrice (Olivia WILLIAMS) qui repousse ses avances insistantes mais pas celles de Herman Blume (Bill MURRAY dont c'était la première collaboration d'une longue série avec Wes ANDERSON). L'amitié que Max a noué avec le père d'élève chef d'entreprise dépressif quinquagénaire se transforme en guérilla et le jeune homme finit par être renvoyé de l'établissement. Un long purgatoire l'attend avant qu'il ne puisse retrouver un certain équilibre dans sa vie.

Si le portrait de Max sonne juste, c'est sans doute qu'il présente des similitudes avec Wes ANDERSON. En effet outre le fétichisme des uniformes, Max adore créer des microcosmes ce qui est une métaphore du cinéma et surtout du cinéma tel que l'envisage Wes ANDERSON, lui qui invente des mondes autarciques ressemblant à des maisons de poupées. De façon significative, Max est exclu de son établissement pour avoir voulu construire un aquarium sans autorisation sur un terrain de baseball. De façon tout aussi significative Max parvient à s'accomplir en écrivant et faisant représenter des pièces de théâtre, autre microcosme lui permettant de contrôler son environnement et de le mettre à distance. Ainsi dans sa pièce, sa gué-guerre avec Hernan Blume devient la guerre du Vietnam façon "Apocalypse Now" (1976) en modèle réduit avec dans l'un des rôles principaux, l'une des brutes qui le harcelait à Rushmore! La mise en abyme est évidente: l'école Rushmore apparaît dans l'introduction elle-même derrière des rideaux de théâtre que l'on ouvre.

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Arènes sanglantes (Blood and sand)

Publié le par Rosalie210

Fred Niblo (1922)

Arènes sanglantes (Blood and sand)

Première adaptation du roman "Sangre y arena" de Vicente Blasco Ibanez qui bénéficiera par la suite de deux remakes (l'un en 1941 avec Tyrone POWER Linda DARNELL et Rita HAYWORTH, l'autre en 1989 avec Christopher RYDELL Sharon STONE et Ana TORRENT), le film est un mélodrame convenu voire édifiant sur fond de corrida dont le principal intérêt (c'est d'ailleurs pour cela que je l'ai regardé) est son acteur vedette, Rudolph VALENTINO, le premier "latin lover" (l'étiquette fut inventée pour lui) de l'histoire du cinéma, devenu une star avec "Les Quatre cavaliers de l'Apocalypse" (1921) et "Le Cheik" (1921). Sa carrière fut courte (un peu plus de 10 ans) car il mourut en 1926 et se caractérise par l'exotisme de ses rôles. "Arènes sanglantes" ne fait pas exception à la règle puisqu'il y incarne Juan, un toréador aux origines modestes qui connaît le succès mais se retrouve tiraillé entre sa vertueuse épouse Carmen (Lila LEE) et une femme fatale, Dona Sol (Nita NALDI). Les scènes de séduction à léger parfum SM entre Juan et Dona Sol dégagent un érotisme troublant qui vient pimenter un film sinon assez fade et même moralisateur. Ce qui me fait doucement rire sous cape car Juan est implicitement comparé à un bandit qui mérite d'être puni alors qu'il n'a fait qu'assurer le "show". Mais la morale puritaine hypocrite est sauve.

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L'Epouvantail (Scarecrow)

Publié le par Rosalie210

Jerry Schatzberg (1973)

L'Epouvantail (Scarecrow)

L'Epouvantail est un film absolument magnifique et injustement oublié en dépit de sa Palme d'Or en 1973. Une étude de caractère extrêmement fouillée et portée par deux acteurs en état de grâce: Gene HACKMAN que je n'avais jamais vu dans un rôle aussi profond et Al PACINO, un diamant brut qui n'en était qu'à son quatrième film mais qui imposait déjà sous ses traits juvéniles sa dimension de star. "L'Epouvantail" est un film typique du nouvel Hollywood des années 70, la rencontre de deux marginaux sillonnant l'Amérique profonde en stop, en train, à pied, écumant ses bars et ses hôtels miteux avec chacun un désir chevillé au corps et incarné par le bagage qu'ils transportent avec eux. Max (Gene HACKMAN) est un roc taiseux, renfrogné, mal embouché, rugueux qui cache sous ses multiples couches de vêtements un bouillonnement d'émotions incontrôlées qui lorsqu'elles explosent le font replonger dans les bras de toutes les femmes qu'il croise et dans l'enfer des bagarres et de la taule. Or il veut se sortir de ce cercle vicieux en montant avec ses économies une station de lavage de voitures dont il porte les plans sur lui. Francis "Lion"el (Al PACINO) est son opposé, un jeune chien fou sans collier, un homme-enfant affamé d'amour qui multiplie les pitreries pour faire rire et accorde sa confiance sans réfléchir mais qui s'avère immature, instable et fragile psychologiquement. Il porte toujours sous son bras un cadeau par lequel il espère nouer un lien avec l'enfant qu'il a abandonné avant sa naissance. Réunis par le hasard de la route à la suite d'une introduction muette magistrale où se noue leur relation, le film tient en haleine de par la manière dont elle évolue, c'est à dire contrairement à la route pas en ligne droite et ensuite par ce que chacun finit par révéler de lui-même. Max s'ouvre au contact de Lion ce qui le fragilise au risque de la sortie de route alors que Lion qui semble au départ le pan solaire du duo se prend des coups (au propre et au figuré) qui menacent son équilibre mental précaire. Je ne sais si la métaphore de l'Epouvantail, fil rouge du film illustré par le ruban du cadeau est reliée au pays d'Oz mais en tout cas, cela y ressemble, même si la route n'est pas pavée de briques jaunes. Gus VAN SANT n'a pas pu ne pas s'en inspirer pour "My Own Private Idaho" (1991).

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Le sourire de ma mère (L'Ora di religione: Il sorriso di mia madre)

Publié le par Rosalie210

Marco Bellocchio (2002)

Le sourire de ma mère (L'Ora di religione: Il sorriso di mia madre)

Il est rare que je regarde un film deux fois de suite, c'est pourtant ce que j'ai fait pour "Le sourire de ma mère". La première fois en effet, je n'ai pas tout compris tant le film a un caractère énigmatique mais j'ai trouvé le personnage d'Ernesto et l'acteur qui l'interprète (Sergio CASTELLITTO) si beaux que j'ai eu envie de recommencer le voyage. Le film raconte l'histoire d'un homme qui se retrouve plongé en plein cauchemar kafkaïen le jour où un prêtre vient chez lui pour lui annoncer que l'Eglise veut béatifier sa mère et qu'elle a besoin de lui pour faire parler le responsable de son assassinat, lequel n'est autre qu'un frère d'Ernesto qui souffre de maladie mentale. Cauchemar car Ernesto qui est athée et ne supportait pas sa mère confite en dévotion mais incapable d'aimer subit les pressions de sa famille à l'origine de la demande de canonisation mais il choisit de résister, pour conserver son libre-arbitre et le transmettre à son petit garçon dont il est très proche. C'est ce combat pour conserver son intégrité face à un microcosme social corrompu que raconte Marco BELLOCCHIO avec un onirisme teinté de surréalisme qui n'est pas sans rappeler Luis BUÑUEL. Face au cynisme et au conformisme de ses autres frères, de ses tantes, de son ex-épouse qui envisagent la religion sous un angle mercantile, une "assurance-vie", un "investissement sûr" qui ne "coûte rien" et la canonisation comme un titre conférant prestige social et protection des puissants, Ernesto qui est peintre et illustrateur se réfugie dans la sublimation conférée par l'art et par l'amour. "Votre peinture est pleine de couleurs, de mouvement autour d'un sujet, vous travaillez l'arrière-plan comme les maîtres de la Renaissance dans le peu d'espace laissé par Jésus et les saints. Dans les espaces inutiles se libère un talent qui me manque" lui dit avec admiration l'institutrice de son fils dont il tombe amoureux et dont on peut douter de sa réalité lorsque le voile de son identité est levé. Quant au sourire du titre, il est moins celui de sa mère qui "ne souriait jamais" que celui qu'elle a transmis à Ernesto, lequel offre ce sourire évanescent comme un bouclier face au cynisme du monde qui l'entoure et contre la dépression qui menace. Oui, un bien beau film.

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Jeanne du Barry

Publié le par Rosalie210

Maïwenn (2023)

Jeanne du Barry

De MAÏWENN j'en était resté à "Polisse" (2011) que j'avais viscéralement détesté pour son narcissisme exacerbé et le voyeurisme primaire infligé au spectateur venu pour voir une oeuvre cinématographique et non une accumulation gratuite de scènes misérabilistes tirées du manuel des clichés sociaux avec par-dessus la mise en abyme du couple MAÏWENN/ JOEY STARR, cette dernière observant (de loin) les "pauvres" comme le faisait Jacques-Henri Lartigue c'est à dire comme une faune exotique de zoo avant d'aller se défouler en boîte.

"Jeanne du Barry" est tout aussi narcissique et immature que "Polisse" (2011) mais offre une meilleure maîtrise et constitue un spectacle plutôt agréable à suivre. C'est même plutôt amusant de voir se démener l'actrice pour mettre en valeur le personnage qu'elle interprète face à un roi (Johnny DEPP) rendu quasi-muet par sa maîtrise approximative de la langue et face à une cour qui ne se positionne que par rapport à elle, comme si elle était le centre du monde (le cinéaste n'est-il pas le roi-soleil de son oeuvre, du moins en France?) La principale qualité du film est en effet d'éviter la reconstitution poussiéreuse ce qui constitue le piège d'un tel sujet. MAÏWENN s'est visiblement inspirée de Sofia COPPOLA qui avait réalisé un "Marie-Antoinette" (2005) pop et coloré. C'est cependant moins à un poulailler que ressemble "Jeanne du Barry" qu'à une cour de récré avec d'horribles chipies (les filles du roi Louis XV semblent être encore adolescentes alors qu'elles étaient quadragénaires ou trentenaires) et à l'inverse de jeunes chevaliers servants (Benjamin LAVERNHE a pour une fois un rôle sympathique et est excellent). Pas un mot de politique, pas une seule allusion au peuple, celui-ci se résumant à Jeanne herself. Pourtant, le peuple, le vrai et non ses exceptions arrivistes lui a fait chèrement payer sa trahison mais cette histoire-là n'intéresse pas MAÏWENN qui préfère "the bright side of life" et relègue ce qui fâche en fin de récit. Rien de sérieux donc, c'est léger, erroné sur bien des points mais cette petite sucrerie egocentrique se déguste sans déplaisir.

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Masculin, féminin

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1966)

Masculin, féminin

Etat des lieux de la jeunesse en 1965, "Masculin, féminin" se présente comme une enquête sociologique éclatée en 15 tableaux façon puzzle ou photos façon collage entrecoupés de cartons (comme au temps du muet) sur lesquels sont inscrits des répliques qui claquent comme des coups de feu. Cette jeunesse est montrée comme ambivalente et c'est là tout l'intérêt du film. Certes, Jean-Luc GODARD tombe à bras raccourcis sur la société de consommation et sa culture de masse venue des USA, une nouveauté à l'époque à laquelle adhère cette jeunesse, que ce soit à travers la musique yé-yé ou le magazine associé "Mademoiselle 19 ans" inspiré de "Mademoiselle âge tendre" apparu en 1964 pour créer un pendant féminin à "Salut les copains". D'ailleurs pour décrypter le film de Jean-Luc Godard, connaître le contexte est fondamental. Ainsi Chantal GOYA qui était déjà chanteuse à l'époque avait été promue marraine du magazine. Elle joue ainsi quasiment son propre rôle dans le film et si Jean-Luc Godard n'a pas réussi à faire apparaître France GALL ou Sheila, on voit passer brièvement Françoise HARDY et plus longuement Brigitte BARDOT. Mais cette jeunesse post-crise des missiles de Cuba, "les enfants de Marx et de coca-cola" pour reprendre la formule godardienne la plus célèbre du film n'est pas pour autant montrée comme frivole. Elle semble plutôt en proie aux doutes, aux interrogations, au désarroi. Elle est également clivée (le titre est de ce point de vue programmatique), les garçons d'un côté, les filles de l'autre et les deux mondes ont bien du mal à communiquer. Les garçons sont engagés politiquement (contre la guerre du Vietnam ou le gouvernement De Gaulle par exemple) et cherchent de la tendresse mais n'en trouvent pas auprès de filles incultes sur le plan politique (comme le montre l'interview avec "un produit de consommation") et préoccupées avant tout par leur carrière et leur indépendance. Par leur libération sexuelle aussi et le film, interdit aux moins de 18 ans à sa sortie (Godard a d'ailleurs malicieusement souligné que c'était bien le signe qu'il s'adressait à eux!) aborde sans tabou des sujets qui l'étaient encore comme l'amour libre, la prostitution, la contraception ou l'avortement. C'était le premier film où s'aventurait Jean-Pierre LÉAUD en dehors de ceux de François TRUFFAUT d'où le clin d'oeil à un certain "général Doinel". Quant aux copines de Madeleine (alias Chantal GOYA), si Catherine-Isabelle DUPORT n'a pas par la suite eu une véritable carrière, on remarquera que Godard a fait débuter Marlène JOBERT. En dépit de la narration éclatée, cette radiographie sur le vif reste pleine de fraîcheur et d'intérêt aujourd'hui sans parler des moments décalés. L'usage que Godard imagine par exemple pour "Le Figaro" que je vous laisse le soin de découvrir ou les propos plutôt crus énoncés par une Chantal GOYA contrastant avec sa pruderie foncière qui explique l'absence quasi-complète de contact physique avec Jean-Pierre LÉAUD (marrant pour une scène de lit à trois) et que Marlène JOBERT a dû remplacer pour la scène de la salle de bains. Pour mémoire on peut entendre l'un des tubes qu'elle enregistre dans "The French Dispatch (2018).

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Trois mille ans à t'attendre (Three Thousand Years of Longing)

Publié le par Rosalie210

George Miller (2022)

Trois mille ans à t'attendre (Three Thousand Years of Longing)

Le début était prometteur avec son personnage d'experte en narratologie (Tilda SWINTON), sorte de Joseph Campbell au féminin (j'ignorais d'ailleurs tout ce que devait George MILLER au concepteur du monomythe) qui se retrouve nez à nez avec une créature de conte oriental (Idris ELBA) libéré sa bouteille comme le génie sorti de la lampe, lequel la met au défi d'exaucer trois voeux. "La met au défi" car Alithéa est une allégorie du monde occidental désenchanté et privé de désir. Alors pour relancer la machine à rêves (qui concerne aussi bien évidemment le cinéma), le djinn lui raconte son passé ce qui donne lieu à trois histoires baignant dans l'atmosphère des contes des 1001 nuits. Le problème, c'est que outre que je n'affectionne pas particulièrement les films à sketches, il y a mieux qu'un Orient d'opérette imagé avec des effets spéciaux kitsch pour ressusciter la magie perdue par l'Occident avec le triomphe du scientisme. D'ailleurs cette binarité est elle-même caricaturale, on peut lui opposer la mondialisation uniformisatrice autant que diverses formes de résistance dans les pays occidentaux et non-occidentaux (l'Orient ne se réduisant pas au Moyen-Orient). A l'exotisme de pacotille, j'aurais préféré la stylisation d'un Michel OCELOT avec son jeu d'ombres et de lumières brisant toute forme de dichotomie. Quant au dénouement, il est forcément convenu (pour retrouver la plénitude, fusionnons orient et occident, CQFD) et en plus étiré et maladroit. La mise en scène suggère a un moment donné que le djinn est le fruit de l'imagination de Alithéa mais ne poursuit pas dans cette voie, préférant souligner à gros traits une morale anti-raciste assez primaire.

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Simone, le voyage du siècle

Publié le par Rosalie210

Olivier Dahan (2022)

Simone, le voyage du siècle

Sur "Simone, le voyage du siècle", j'ai lu des avis très tranchés. La critique n'avait pas été tendre avec le film mais je gardais un bon souvenir de "La Môme" (2007) dont j'ai relevé plusieurs traits communs avec "Simone, le voyage du siècle". Notamment la performance d'actrices dont les transformations physiques sont dignes de celles que l'on peut voir dans les films américains (bizarrement quand c'est aux USA que ça se passe, ça ne choque personne) et une narration non-linéaire qui cherche à établir des échos significatifs entre les moments-clés de la vie racontée. Je voulais d'autant plus me faire un avis par moi-même que j'ai lu l'autobiographie de Simone Veil parue en 2007 dont le film s'inspire et qu'il a su parler à un public très large, y compris et c'est important, aux jeunes, en particulier aux adolescentes qui ont vu sans doute en elle un modèle à suivre. Alors, bien sûr que l'on n'est pas en face du film du siècle, certains dialogues sont trop appuyés, trop didactiques tout comme certaines images qui ne font pas dans la subtilité. Mais Rebecca MARDER (décidément taillée pour les rôles de femmes politiques) et Elsa ZYLBERSTEIN remarquables, font exister le personnage dont on suit les différents combats (et pas seulement celui pour l'IVG). Surtout la façon dont est introduite le fil rouge de la vie de Simone Veil, à savoir son passé d'ancienne déportée colle parfaitement à la réalité historique: durant les 30 Glorieuses, le mythe de la France résistante empêchait la parole des rescapés de la Shoah d'être écoutée. Le passé de Simone était donc occulté et ignoré. Il a fallu attendre les années 70 et la libération de la parole pour qu'enfin on l'interroge à ce sujet. Et c'est avec la reconnaissance par Jacques Chirac de la participation de l'Etat français à la Shoah en 1995 que celle-ci peut prendre toute sa place dans le récit c'est à dire à la fin. Ces scènes sont d'ailleurs plutôt réussies car basées sur le vécu subjectif de Simone Veil, notamment ses relations avec sa soeur et sa mère (Élodie BOUCHEZ) bien plus que cherchant à reconstituer (chose impossible) la réalité du système concentrationnaire. Le film se clôt en revanche de façon un peu trop illustrative avec la réflexion de Simone Veil sur les rapports entre mémoire et histoire.

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Viridiana

Publié le par Rosalie210

 Luis BUÑUEL (1961)

Viridiana

"Viridiana" raconte l'histoire d'une jeune nonne puritaine et idéaliste qui doit avant de prononcer ses voeux sortir de son couvent et se confronter à la réalité du monde. Elle en verra de toutes les couleurs mais surtout de la plus noire tant et si bien qu'elle en sortira transformée à jamais par son expérience. Luis BUÑUEL utilise ce parcours initiatique pour dynamiter au passage les valeurs et les institutions traditionnelles et tout particulièrement la famille et la religion. Et il le fait avec un art de la composition visuelle qui amortit quelque peu la galerie des horreurs et autres perversions qu'il met en scène. Ainsi dans la première partie du film, celle dans laquelle Viridiana tombe dans les griffes de son oncle concupiscent mais surtout nécrophile, fétichiste et incestueux, on est dans une atmosphère de conte qui rappelle fortement "La Belle et la Bête" (1945) pour l'esthétique et "Peau d'âne" (1970) pour la thématique avec un arrière-plan morbide proche de "Vertigo" (1958). La deuxième partie où la charité chrétienne que dispense Viridiana aux mendiants du coin fait paradoxalement exploser leur bestialité s'articule quant à elle autour d'une orgie dont le "clou" est la parodie du tableau de Léonard de Vinci "La Cène". Cela a beau être parfois outrancier et démonstratif, l'aspect blasphématoire et iconoclaste a beau s'être émoussé avec la sécularisation des sociétés (européennes du moins), il n'en reste pas moins que le film charrie des images fortes et que sa satire sociale au vitriol qui n'épargne rien ni personne impressionne. On imagine ce que cela a dû être à sa sortie, le film ayant reçu la Palme d'Or à Cannes mais ayant été condamné par le Vatican et censuré en Espagne jusqu'en 1977. Le film, tourné en pleine Espagne franquiste (on se demande encore comment cela a pu être possible) a d'ailleurs été dénationalisé jusqu'en 1983.

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Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Publié le par Rosalie210

Roman Hüben (2022)

Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Les étiquettes accolées aux cinéastes masquent bien souvent la réelle portée de leur oeuvre. Celle de Douglas SIRK qualifiée de mélodramatique est aussi flamboyante que déchirante, tournant autour d'histoires d'amour romantiques ou filiales contrariées par des conventions sociales étriquées. C'est qu'elle se nourrit d'une tragédie personnelle ce que le documentaire de Roman HÜBEN démontre. Conformément à sa volonté, son biographe Jon Halliday a attendu 1997 (soit dix ans après sa mort) pour sortir une version augmentée de l'ouvrage qu'il lui a consacré "Sirk on Sirk" et ainsi révéler au public que la seconde femme de Douglas Sirk qui était d'origine juive avait été dénoncée par la première, devenue nazie. Douglas Sirk qui s'appelait à l'époque encore Detlef SIERCK s'était d'abord réfugié à la UFA puis avait fini par se résoudre à quitter l'Allemagne en 1937 avec son épouse lorsque la UFA était passée sous contrôle nazi, laissant derrière lui Klaus, le fils qu'il avait eu avec sa première femme en 1925 et qu'il n'avait plus le droit d'approcher. Devenu acteur dans des films de propagande et embrigadé dans les jeunesses hitlériennes, Klaus fut tué sur le front russe en 1944. L'ombre de ce fils à jamais perdu plane sur la majeure partie de la filmographie du cinéaste. De façon explicite dans "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) ou implicite avec le fils de substitution que fut pour Douglas Sirk, Rock HUDSON né en 1925 comme Klaus. Quant à la forme de ses films, elle joue sur le faux pour mieux révéler le vrai. Ainsi en est-il des ruines de "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) qui sont de vraies ruines allemandes mais ont l'air fausses ou des propos de Rainer Werner FASSBINDER qui appartient à la génération de cinéastes allemands "orpheline" des années 70 contrainte d'aller se chercher des mentors dans celle de leurs grands-parents* "Pour moi en tant que cinéaste, il y a eu un avant et un après avoir vu les films de Douglas Sirk. Ce sont des films qui pour moi sont très connectés à la vie. Même si ce sont des histoires très artificielles (...) ils sont incroyablement vivants dans l'effet qu'ils produisent dans nos têtes." Le documentaire m'a d'ailleurs appris que les deux cinéastes avaient travaillé ensemble sur trois courts-métrages dont l'un avec Hanna SCHYGULLA.

* Comme Werner HERZOG avec F.W. MURNAU.

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