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Caprice

Publié le par Rosalie210

Joanna Hogg (1986)

Caprice

"Caprice", le film de fin d'études de Joanna HOGG réalisé en 1986 est aussi (et logiquement) le tout premier rôle de son amie d'enfance, Tilda SWINTON qui n'avait alors que 26 ans et que l'on est pas habituée à voir aussi jeune sur un écran bien qu'elle le crève déjà, au sens propre comme au sens figuré. Le film raconte en effet une histoire toute simple mais très ingénieuse, celle d'une jeune fille gauche et ingénue qui se retrouve aspirée à l'intérieur de son magazine de mode favori à la manière de Alice au pays des merveilles ou bien de Dorothy au pays d'Oz. Découvrant l'envers d'un décor changeant à la manière des pages que l'on feuillette, elle perd peu à peu ses illusions au contact de personnages lui promettant monts et merveilles mais se détournant d'elle dès qu'elle leur annonce qu'elle n'a pas d'argent pour payer leur poudre de perlimpinpin. Ou variante, elle se fait snober par les stars blasées par leurs fans énamourés. Joanna HOGG profite du concept pour changer de style et de genre à chaque nouvelle scène, faisant passer son héroïne d'un univers aux couleurs pop acidulées à un tunnel en noir et blanc inquiétant rappelant l'expressionnisme allemand (ou "Répulsion" (1965) de Roman POLANSKI), d'un clip à l'esthétique et aux sonorités très années 80 à une séquence parodiant "Aladin et la lampe merveilleuse" avec son génie en bouteille (de parfum). Le récit initiatique permet à l'héroïne de s'affirmer face aux diverses tentations factices auxquelles elle est soumise, l'imagination de Joanna HOGG faisant merveille. J'aime particulièrement le séducteur "Douglas Furbanks" joué par Anthony HIGGINS qui répète en boucle le même slogan publicitaire autour de la confiance en soi qui s'acquiert comme chacun le sait par la possession de quelques manteaux de fourrure (pas sûr que Brigitte BARDOT aurait apprécié ^^).

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Le Narcisse noir (Black Narcissus)

Publié le par Rosalie210

Michael Powell, Emeric Pressburger (1946)

Le Narcisse noir (Black Narcissus)

"Le Narcisse noir" est le film qui précède "Les Chaussons rouges" (1947): deux titres qui fonctionnent en écho. Il y est question de passion, de frustration (et de répression) sexuelle et donc logiquement, d'hystérie, de vertige de la chute, de folie, de suicide. Avec une dimension irréelle lié aux choix esthétiques (décors de studio, symbolisme appuyé des couleurs, atmosphère hors du temps quand l'influence du conte n'est pas directe comme pour "Les Chaussons rouges" inspiré d'Andersen) qui s'oppose par exemple à un film comme "La Fièvre dans le sang" (1961) qui traite pourtant d'un sujet proche. "Le Narcisse noir" fonctionne sur la dynamique du choc des contraires qui ne peut produire que des étincelles ou de la tragédie, le rouge ou le noir:

- La règle (monastique) qui emprisonne entre en conflit avec la vie (symbolisée par le vent et plus largement une nature majestueuse et indomptée) qui circule librement, ébranlant l'édifice de la personnalité des religieuses venues fonder un couvent dans l'Himalaya. Toutes connaissent un éveil de leurs sens qui les ramène à leur passé et/ou à leurs pulsions enfouies.

- L'ici-bas et les bas instincts incarné par le très viril M. Dean (David FARRAR) contre l'au-delà incarné par l'ascète incarnent les deux seules adaptations possibles à cet environnement sauvage, l'entre-deux des religieuses les condamnant à l'échec.

- La nature de l'édifice -un ancien harem- investi par les religieuses prédispose à exacerber les conflits entre le corps et l'esprit, encore avivé par l'accueil d'éléments perturbateurs tels que la provocante et sensuelle Kanchi (Jean SIMMONS) qui semble avoir le feu aux fesses ainsi que le jeune et coquet général ( SABU) dont le parfum qui donne son titre au film vient chatouiller les narines les plus aguerries de son parfum enjôleur.

La montée en tension de tous ces ingrédients se cristallise sur le duel entre la soeur Ruth (Kathleen BYRON) et la soeur Clodagh (Deborah KERR) qui n'a pas l'expérience et l'autorité nécessaire pour être une mère supérieure incontestée et se fait donc déborder. La soeur Ruth peut même être considérée comme le refoulé de la soeur Clodagh, le conflit étant lié au désir sexuel que les deux femmes éprouvent pour le même homme et se traduisant par un débordement de rouge (le rouge à lèvres mais surtout le sang qui recouvre la tenue monacale de Ruth puis ses jambes lors de sa fuite et enfin ses yeux injectés de sang). Le plan vertigineux en plongée sur l'abîme fait penser à l'escalier en colimaçon de "Les Chaussons rouges" (1947) qui exprimait tout aussi bien le vertige de la chute provoqué par un excès de passion "écarlate". Dans une autre vie plus harmonieuse, Clodagh était associée au vert qui est la couleur de la jungle qu'elle est finalement obligée de quitter.

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By Indian Post

Publié le par Rosalie210

John Ford (1919)

By Indian Post

"By Indian Post" est l'un des plus anciens films de John FORD (sous le nom de Jack FORD) qui nous soit parvenu, bien qu'amputé de quelques minutes. On estime en effet que seuls trois de ses cinquante premiers films ont survécu (à ce jour). Un western de jeunesse de deux bobines plutôt réjouissant mêlant action et humour dans une veine burlesque alors en vogue dans le cinéma muet. Une histoire d'amour contrariée entre un cow-boy et la fille de son patron qui ne voit pas d'un bon oeil cette union, une vie en communauté, un indien qui s'improvise courrier du coeur (d'où le titre) en dévalisant le dortoir des cow-boys au passage, une course-poursuite dynamique, une arrestation musclée et une fin à la mise en scène virtuose et acrobatique jouant sur différentes hauteurs, portes et fenêtres. C'est léger mais la patte du maître est déjà présente sur plusieurs séquences (la course-poursuite très enlevée et le final, brillant) et c'est l'occasion de découvrir un cinéaste à ses tout débuts: une rareté.

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Frantic

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (1988)

Frantic

J'ai un faible pour "Frantic" qui est pourtant considéré comme mineur dans la filmographie de Roman POLANSKI. Ce n'est pas tellement l'influence de Alfred HITCHCOCK qui me fascine dans ce film bien qu'elle soit très présente: "Une femme disparaît" (1938) pendant que son mari se trouve sous la douche de "Psychose" (1960) et il doit l'échanger contre un MacGuffin qui suscite moult convoitises alors que pour le spectateur et pour les protagonistes, l'objet, indéchiffrable ne présente aucun intérêt. Il finit d'ailleurs là où est sa vraie place. Non, ce qui fait la force de "Frantic", c'est son point de vue, celui d'un étranger qui après l'enlèvement de sa femme se débat dans un Paris indifférent voire hostile. La barrière de la langue mais également une succession de méprises plongent le docteur Richard Walker, un homme sans histoires merveilleusement interprété par Harrison FORD dans un vrai cauchemar. Un cauchemar que Roman POLANSKI rend très palpable et qui on le sent relève de son expérience personnelle, lui qui a vu une partie de sa famille anéantie* et qui a dû s'exiler à plusieurs reprises. C'est avec un certain effarement que l'on assiste au décalage entre l'angoisse vécue par Richard Walker et la manière dont ceux à qui il demande de l'aide réagissent. La plupart, quand ils arrivent à comprendre ce qu'il dit ne le prennent pas au sérieux et pensent que sa femme s'est enfuie avec un amant. D'ailleurs, plus tardivement dans le film, Walker finira par le leur faire croire en se faisant passer lui aussi pour un mari volage afin de se débarrasser d'eux, jouant sur les clichés du "gai Paris". Ne pouvant compter que sur lui-même, Richard Walker plonge alors dans une facette de la ville dans laquelle il apparaît tout aussi décalé, celle du Paris interlope. C'est dans ce contexte qu'il rencontre une autre solitude, la jeune Michelle (Emmanuelle SEIGNER dans l'un de ses premiers rôles) qui est à l'origine de toute l'affaire puisqu'elle a confondu la valise qu'elle devait remettre à son patron trafiquant avec celle du couple d'américains. Une relation trouble se noue entre Walker et Michelle qui se retrouve à porter une robe de la même couleur écarlate que celle de la femme de Walker. Relation trouble car teintée d'érotisme même s'il y a aussi beaucoup de tendresse entre les deux personnages: Michelle s'accroche à Walker comme une bouée de sauvetage et Walker tente de la protéger. Et ce n'est pas un hasard si les derniers mots de Michelle sont "ne me laisse pas seule".

* Dans "Le Pianiste" (2002), Roman POLANSKI filme la place du ghetto de Varsovie vidée de sa population et jonchée d'objets leur ayant appartenu. Dans "Frantic" il filmait déjà fondamentalement le même vide abyssal: une place déserte dans laquelle le docteur Walker retrouvait un objet ayant appartenu à sa femme. Le quartier de Cracovie où se trouvait le ghetto dans lequel a été enfermé Roman POLANSKI a pour centre aujourd'hui "la place des chaises vides" en mémoire des disparus. Peut-être qu'à travers "Frantic", Polanski exprime ainsi l'incompréhension de ceux qui n'ont pas vécu cette expérience.

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Sir Michael Caine, Du Monde Ouvrier aux Oscars de la gloire (Sir Michael Caine - Vom Arbeiterkind zum Hollywoodstar)

Publié le par Rosalie210

Margarete Kreuzer (2022)

Sir Michael Caine, Du Monde Ouvrier aux Oscars de la gloire (Sir Michael Caine - Vom Arbeiterkind zum Hollywoodstar)

Michael CAINE qui vient de fêter ses 90 ans est un immense acteur à la carrière riche de 150 films. Le documentaire qui lui est consacré réussit en 52 minutes à faire ressortir l'essentiel:
- Son approche fondamentalement saine du métier, faite d'autodérision, de détachement et d'humilité. Dans ce documentaire comme dans ses livres, il distille des conseils appris auprès de ses aînés tels que John WAYNE (qui a flairé en lui une future star) et Marlene DIETRICH. On relèvera son sens de la retenue qui paradoxalement, décuple l'émotion qu'il insuffle à ses rôles.
- Une histoire à la "Billy Elliot" (2000): fils d'une famille ouvrière, entré par effraction dans un cours de théâtre n'étant suivi que par des filles, plus ou moins autodidacte, il réussit à imposer ses lunettes, son allure jugée efféminée et son accent cockney notamment dans un rôle d'espion réaliste, insoumis et plein d'ironie à contre-courant de James Bond, Harry Palmer. Il donne ainsi beaucoup de véracité à ses prestations comme dans "Le Limier" (1972) qui derrière la rivalité masculine est aussi une histoire de lutte des classes sur fond d'homosexualité refoulée.
- Une carrière éclectique se jouant des frontières. De même que Michael Caine est un transfuge social, il brille aussi bien dans des films européens ("L'Oeuvre de Dieu, La part du Diable (1999)" qui lui a valu un Oscar; "Youth" (2015)) qu'américains, indépendants ("Hannah et ses soeurs" (1986), son premier Oscar) ou superproductions hollywoodiennes, étant devenu l'acteur fétiche de Christopher NOLAN alors même qu'il avait déjà pris sa retraite.

Et, last but not least, le film se fend d'un début d'explication de texte de la chanson que le groupe Madness a dédié à Michael Caine (lui aussi originaire des faubourgs et chantant avec un accent cockney prononcé). Un hommage à son rôle de Harry Palmer dans "Ipcress - Danger immédiat" (1965) dans lequel il parvenait à résister à un lavage de cerveau en répétant "je suis Harry Palmer". Preuve qu'il n'y a pas besoin de se renier pour incarner le flegme, la classe et l'élégance (et être anobli tout comme un autre transfuge britannique célèbre, Anthony HOPKINS).

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Dunkerque (Dunkirk)

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2017)

Dunkerque (Dunkirk)

Immersif et abstrait, le "Dunkerque" de Christopher NOLAN m'a fait penser à "Inception" (2009) avec son montage alterné sur trois temporalités différentes. Une évacuation sur la jetée qui dure une semaine, un bateau de plaisance qui se porte au secours des naufragés sur une journée et un pilote d'avion qui tente de couvrir les opérations sur une heure. Le résultat qui fait penser à un jeu vidéo est cependant brouillon et répétitif. Le scénario est rachitique et les personnages interchangeables, une impression renforcée par le minimalisme des images: ciel, plage, mer presque vides où apparaissent parfois quelques points ou lignes de points. Ennemi invisible, allié français presque inexistant, plage immaculée et ville de Dunkerque anachronique et intacte déréalisent et décontextualisent complètement la guerre. C'est d'ailleurs le but affiché par Christopher NOLAN qui a préféré faire un film de survie. Mieux vaut en effet ne pas être claustrophobe tant les scènes où les soldats sont pris au piège d'une carcasse de bateau ou d'avion qui coule sont nombreuses. On a bien du mal à croire que 300 mille des 400 mille soldats britanniques ont pu être sauvés dans ces conditions tant Christopher Nolan insiste sur les torpillages de bateaux, les mitraillages sur la plage et la sensation d'oppression qui en résulte, renforcée par la musique lancinante de Hans ZIMMER. C'est à peu près la seule sensation qui émerge de ce film qui paradoxalement s'avère étouffant en filmant pourtant des espaces épurés et infinis.

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