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Madres Paralelas

Publié le par Rosalie210

Pedro Almodovar (2021)

Madres Paralelas

S'il fallait résumer d'une seule phrase le dernier film de Pedro Almodovar, ce serait celle-ci: les femmes sont à la fois les dépositaires du passé et celles qui garantissent l'avenir. Et cela vaut aussi bien à l'échelle de la généalogie familiale qu'à celle de l'histoire d'un pays. Pedro Almodovar n'établit pas seulement en effet un parallèle entre deux mères d'âge différent dont les bébés ont été échangés à la naissance (intrigue téléphonée qu'on a déjà vu dans plusieurs films). Il va beaucoup plus loin en montrant comment les cicatrices non refermées du franquisme pèsent sur des descendants étrangement absents. En effet ce qui frappe dans ce film, c'est la quasi absence des hommes: disparus au cours de la guerre civile, ils semblent ne pas avoir véritablement réapparus, sinon sur des photos. Le film s'ouvre d'ailleurs sur un shooting photo durant lequel Janis (Penelope Cruz, charismatique comme dans tous les films qu'elle a tourné avec Pedro Almodovar) mitraille Arturo l'historien qui devient également le père de son bébé. Elle exprime ainsi son désir (on remarque au passage l'inversion des rôles genrés dans ce type de situation par rapport à la norme, cela mériterait d'ailleurs une rétrospective) mais aussi le fait qu'il est voué comme l'arrière-grand-père qu'elle recherche à disparaître parce qu'il est marié mais peut-être et surtout parce qu'il ne se reconnaît pas dans le bébé (et pour cause!). Janis l'efface alors de sa vie et décide de garder le secret lorsqu'elle découvre qu'elle n'est pas la mère biologique de l'enfant qu'elle élève. Cependant elle ne peut y parvenir durablement. Car tout le film est construit ainsi comme un relevé d'indices, de traces permettant de reconstituer une lignée mise à mal. Même si ça lui fait mal, Janis ne peut pas d'un côté chercher à faire la lumière et de l'autre, la fuir. Et on voit bien les dysfonctionnements que provoque son silence vis à vis d'Arturo qui l'aide à clarifier son passé et qui donc a un rôle à jouer dans son avenir, vis à vis d'Ana, l'autre mère qui ne sait pas quelle place occuper (amie, nounou, amante) sans parler de l'enfant biologique de Janis, quasiment mort-né. Les parallèles que tissent Pedro Almodovar lient ainsi inextricablement passé et futur et passent par le ventre des femmes mais aussi par leur rôle de gardiennes d'une mémoire longtemps occultée et enfin exhumée*.

* Le film fait référence à la loi sur la mémoire historique de 2007 qui n'allait pas assez loin dans l'engagement du gouvernement en faveur de la réparation des torts faits aux victimes du franquisme par souci de ménager une société encore très divisée sur la question. Ainsi la recherche et l'ouverture des fosses communes dans lesquelles 130 mille personnes ont été ensevelies dépendait des associations privées et les subventions publiques ont été coupées quand la droite est repassée au pouvoir. Une nouvelle loi dite de la mémoire démocratique est en projet pour le début de l'année 2022. Elle condamne sans ambiguïté le coup d'Etat de 1936 et débloque les subventions publiques pour cartographier et ouvrir les 3000 fosses communes du pays ainsi que pour identifier les corps en constituant une banque ADN.  Mais elle suscite une forte résistance de la droite et de l'extrême-droite.

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Le Masque de cuir/L'Arène (The Ring)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1927)

Le Masque de cuir/L'Arène (The Ring)

Sur le fond, "L'Arène" est archi-classique. Son titre en VO "The Ring" annonce d'ailleurs la couleur: il y sera question de boxe et d'adultère autour d'un classique triangle amoureux: Nellie, la femme (Lilian Hall-Davis)*, Jack, le mari (un boxeur amateur qui va gravir les échelons joué par Carl Brisson) et Bob, l'amant (un champion de boxe joué par Ian Hunter). Sur la forme en revanche, le film muet de Alfred Hitchcock (le premier dont il a signé le scénario) est bouillonnant d'idées et offre déjà de grands morceaux de bravoure. A commencer par celui du début dans une fête foraine qui est assez virtuose de par son caractère immersif et offre en prime un aspect documentaire. On y voit en effet le goût de l'époque pour l'exhibition des monstres de foire ainsi que des jeux d'adresse consistant à faire tomber cul par dessus tête un homme noir, exutoire aux pulsions racistes de l'époque**. Alfred Hitchcock filme d'ailleurs le regard complice du policier censé éviter les abus (jets d'oeufs) avant qu'il ne soit "rappelé à l'ordre". Puis une mise en scène particulièrement inventive introduit le trio et instaure d'emblée un rapport de forces favorable à Bob qui rompt l'illusion du boxeur invincible sur laquelle reposait l'attraction de "One-Round Jack" en l'aplatissant en deux rounds. Et pour illustrer l'emprise qu'il a désormais sur le couple, Alfred Hitchcock a l'idée (déjà!) des inserts sur un objet symbolique: un bracelet égyptien en forme de serpent qu'il offre à Nellie. Le gros plan lors du mariage où le bracelet glisse du bras vers l'avant-bras juste au moment où Jack lui met l'anneau au doigt est particulièrement significatif (une alliance contre une autre alliance). Mais la métaphore court tout au long du film, de la récupération de l'objet tombé à l'eau par Jack qui accepte l'intrusion de Bob dans leur vie parce qu'il lui a promis d'être un tremplin pour sa carrière jusqu'au moment où il l'arrache du bras de sa femme quand il comprend que celle-ci le trompe avec Bob avant que Nellie n'abandonne l'objet quand elle se détache de lui pour retourner auprès de Jack. Autre élément imparable d'efficacité visuelle: le nom de One-Round Jack qui grossit et monte sur les affiches au fur et à mesure qu'il progresse dans sa carrière. Enfin le combat final est d'une grande lisibilité et aussi d'une grande puissance grâce notamment au montage et à la variété des angles de prise de vue (larges, serrés et même subjectifs). "L'Arène" n'est certainement pas un film majeur de Alfred Hitchcock mais il permet de comprendre en quoi le cinéma muet lui a permis de devenir un grand cinéaste du parlant.

* Lilian Hall Davis a joué dans deux films muets avec Alfred Hitchcock mais bien qu'anglaise, elle a également plusieurs fois tourné dans des films français, italiens ou allemands (dont "La Proie du vent" de René Clair que j'ai beaucoup aimé). Sa carrière s'arrêta avec l'avènement du parlant et elle sombra dans la dépression avant de se suicider en 1933. Carl Brisson qui joue son mari dans "L'Arène" et qui avant de devenir acteur était réellement boxeur fit partie de ceux qui fleurirent sa tombe. Lui aussi a tourné deux fois pour Hitchcock au temps du muet.

** Dans "Olli Mäki" qui date de 2016 mais dont l'action se situe en 1962, on voit une scène de fête foraine très semblable consistant à lancer des balles contre le support fragile sur lequel des femmes ont pris place jusqu'à ce que celui-ci cède et que les femmes tombent à l'eau.

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Les Beaux Gosses

Publié le par Rosalie210

Riad Sattouf (2008)

Les Beaux Gosses

"Les Beaux Gosses" ce n'est pas "De Nuremberg à Nuremberg" mais "De la BD à la BD". Le film, sorti en 2009 est la libre adaptation par Riad Sattouf de deux de ses bandes dessinées consacrées à la jeunesse, "Le manuel du puceau" (2003) et "Retour au collège" (2005). En 2021 paraît le premier tome de la série "Le jeune acteur" qui revient sur l'histoire du premier film de Riad Sattouf mais pour se focaliser cette fois sur Vincent Lacoste dont c'était le premier rôle au cinéma. Sattouf y explique notamment comment il lui a fallu faire un casting sauvage dans les collèges pour y dénicher un adolescent aux prises avec les ravages biologiques de la puberté et non une belle image léchée très éloignée de "l'âge ingrat" telle qu'il voulait le représenter à l'écran. Un adolescent ordinaire plutôt timide et complexé qui n'avait jamais rêvé d'être acteur et qui n'était pas spécialement doué au départ. Mais qui a appris très vite le métier (en travaillant...) avec le résultat qu'on connaît: un vilain petit canard devenu depuis un beau cygne ^^.

C'est ce souci de réalisme ainsi que le ton sarcastique qui l'accompagne qui fait de "Les Beaux Gosses" un teen-movie savoureux* et non son intrigue (un récit d'apprentissage à base de "pelles" et de "râteaux"). En effet dès les premières images, on est dans le vif du sujet, au plus près de visages gras et boutonneux s'embrassant goulûment, bref on sait qu'on va parler de choses très organiques et pas forcément ragoûtantes. De fait les premiers émois amoureux et sexuels de Hervé (Vincent Lacoste) s'inscrivent dans un corps disgracieux et gauche, affublé d'un petit rire niais (et bagué évidemment) devant les situations gênantes qu'il vit avec sa première copine, Aurore: la technique du baiser qu'il faut perfectionner, l'éjaculation précoce et puis les détails concrets du corps de l'autre qui peuvent faire peur voire dégoûter (des pieds sales par exemple). Ladite Aurore n'est pas elle-même plus à l'aise. On comprend à demi-mot que son attirance pour Hervé est liée au manque d'assurance de celui-ci (parce que justement c'est rassurant) et elle refuse ses caresses dès qu'elles deviennent plus poussées. Evidemment comme si cela n'était pas déjà assez compliqué comme ça, Camel (Anthony Sonigo) le copain de Hervé collant, obsédé et si possible encore plus frustré ne fait rien pour arranger les choses et ne cesse de s'incruster. De même que la mère de Hervé divorcée, collante, obsédée et si possible encore plus frustrée (Noémie Lvovsky). Bref, Hervé a la lose qui lui colle aux baskets et le comique jaillit évidemment du décalage entre les efforts qu'il fait pour donner l'apparence qu'il contrôle la situation et une réalité qui ne cesse de lui échapper.

En dépit de son caractère très ancré dans la réalité hormonale des adolescents, le film de Riad Sattouf a aussi quelques liens avec la BD. De nombreux amis bédéastes célèbres y font des apparitions clin-d'oeil (de Marjane Satrapi à Joann Sfar). Les personnages ont une dégaine facilement transposable dans l'univers de la BD (dont une tenue vestimentaire faite pour leur coller à la peau). Une des raisons qui a poussé Riad Sattouf à choisir Vincent Lacoste était justement le fait qu'il semblait sortir d'une planche de ses BD (et comme je le disais au début il a fini par devenir un personnage de BD). Enfin le générique est traité à la manière d'une série de vignettes de BD ce qui accentue la drôlerie des chutes humoristiques.

* Evidemment on pense aux films américains spécialisés dans le genre et notamment à "American Pie", la masturbation étant une des principales activités de "Les Beaux Gosses" ^^.

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After life (Wandafuru raifu)

Publié le par Rosalie210

Hirokazu Kore-Eda (1998)

After life (Wandafuru raifu)

Très beau film que ce deuxième long-métrage de Hirokazu Kore-Eda (après "Maborosi") qui m'a moins rappelé "Le Ciel peut attendre" de Ernst Lubitsch que "Le Testament d'Orphée" de Jean Cocteau. C'est sans doute une question de décorum et de sens poétique. Les deux films ont pour cadre un bâtiment vétuste dans un no man's land austère qui rappelle les écoles d'autrefois ou les bureaux administratifs. De plus les défunts en transit vers l'au-delà sont accueillis dans ces limbes par de drôles d'émissaires aux allures de fonctionnaires qui les soumettent à un interrogatoire. Celui-ci est le support d'une belle mise en abyme du travail de cinéaste qui consiste à capturer des instants de vie afin de les fixer pour l'éternité ou bien de les reconstituer. En effet les défunts doivent choisir dans leur passé leur plus beau souvenir ce qui s'apparente à un travail scénaristique. Celui-ci sera ensuite mis en scène sur un plateau de tournage et le film obtenu sera projeté en salle, permettant à son auteur de partir dans l'au-delà avec pour seul souvenir de sa vie terrestre, celui qu'il aura choisi. Ceux qui ont perdu la mémoire ou qui hésitent peuvent revoir des morceaux choisis de leur vie sur autant de cassettes vidéos que d'années vécues (alors que les souvenirs reconstitués sont eux filmés sur pellicule et mis en bobine) mais ils n'ont que trois jours pour se décider, sous peine de rester coincé dans les limbes et de devoir accueillir à leur tour les défunts. Le cycle doit en effet être terminé en une semaine afin de pouvoir recommencer le lundi suivant avec de nouveaux morts et le film est scandé par le rythme des journées qui s'égrènent du lundi au dimanche. 

Cependant le film de Hirokazu Kore-Eda est avant tout humaniste et cette réflexion sur la mort est aussi une réflexion sur la vie. On constate d'abord le primat des sens dans les souvenirs comme l'a si bien immortalisé Proust dans sa recherche du temps perdu: la vue (une couleur vive, la forme des nuages), le toucher (la sensation de la brise sur la peau), le goût (les boulettes de riz) ou encore l'ouïe (le bruit d'un tram, une chanson) sont déterminants. Ensuite le cheminement des défunts renvoie ceux qui n'ont pas réussi à partir à leurs propres interrogations sur la mort (c'est à dire en réalité sur le sens de leur propre vie), leur permettant éventuellement d'avancer dans la connaissance d'eux-mêmes et donc de franchir le pas. Mais tous les choix sont possibles et également respectables. Certains ont d'excellentes raisons de rester dans l'entre-deux des limbes. Par exemple Satoru (joué par Susumu Terajima, pilier des films de Takeshi Kitano) explique qu'il ne partira définitivement que lorsque sa fille sera adulte, afin de l'accompagner même s'il ne peut la rencontrer que le jour des morts. On remarque à ce propos la similitude des croyances sur les connexions entre vivants et morts dans nombre de sociétés traditionnelles puisque cet argument est à la base du film "Coco" de Lee Unkrich pour les studios Pixar qui s'appuie sur la culture mexicaine*. "After life" aboutit d'ailleurs au même résultat qui est d'apprivoiser (et de dédramatiser) la mort, de la rendre plus douce et de la considérer non comme en rupture mais comme en continuité avec la vie, le début d'une nouvelle aventure plutôt que la fin de tout.

* On peut également penser à la saga Harry Potter où les morts restent très présents sous différentes formes dans la vie des vivants et où il existe également un monde de limbes, celui des fantômes.

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Marie-Francine

Publié le par Rosalie210

Valérie Lemercier (2017)

Marie-Francine

"Marie-Francine" n'est peut-être pas la comédie du siècle mais elle se situe un cran au-dessus de la moyenne hexagonale. Son premier atout: sa charge satirique basée sur une justesse d'observation des inégalités (sociales, sexuelles, générationnelles) qui traversent la société française vues à travers un microcosme familial élargi. Son deuxième atout: le soin particulier apporté aux seconds rôles qui donnent toute sa saveur à ce microcosme. Les parents de Marie-Francine se taillent la part du lion en ce domaine. Hélène VINCENT et Philippe LAUDENBACH sont désopilants en grands bourgeois du XVI° aussi hypocrites que remplis de petites manies. A travers eux, on ressent comme rarement dans le cinéma français la réalité de la captation du patrimoine par les seniors au détriment de leurs enfants beaucoup plus précaires. Car l'autre coup de griffe bien senti de Valérie LEMERCIER s'adresse à l'institution du mariage bourgeois et au-delà à la domination du patriarcat. Alors que le mari de Marie-Francine (Denis PODALYDÈS) la largue d'une manière particulièrement indélicate pour une femme plus jeune, c'est elle qui se retrouve à payer les pots cassés tandis que seule sa mère subit des commérages sur ses relations extra-conjugales (considérées comme normales lorsqu'il s'agit du père).

Alors effectivement, on peut considérer que l'ajout d'une intrigue romantique dans un but évident de rééquilibrage est maladroit. Elle ne s'élève pas à la hauteur de la comédie satirique et il y a même des moments où l'on sent un peu trop les ficelles, néanmoins Patrick TIMSIT est charmant en "prince charmant" de la cuisine roborative et bien secondé (lui aussi) par Nadège BEAUSSON-DIAGNE et pas seulement aux fourneaux!

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Olli Mäki (Hymyilevä Mies)

Publié le par Rosalie210

Juho Kuosmanen (2016)

Olli Mäki (Hymyilevä Mies)

Ca donne quoi, un film de boxe non américano-centré? Et bien un film où la place de la boxe est décentrée justement. C'est le joli pas de côté qu'effectue pour son premier film le réalisateur finlandais Juho KUOSMANEN. C'est en effet avec beaucoup de tendresse pour son personnage (inspiré du véritable Olli Mäki, premier finlandais à avoir boxé en championnat du monde en 1962) et une bonne dose de distance salutaire vis à vis du sport-business et des valeurs qu'il véhicule qu'il nous raconte cette "anti success story". Ou plus exactement qu'il superpose deux récits. Celui véhiculé par les médias, les autorités et l'entraîneur qui instrumentalisent Olli Mäki, que ce soit pour l'argent qu'il peut rapporter, pour vivre une gloire par procuration ou pour des objectifs nationalistes au travers du sport-spectacle. Et celui de Olli Mäki dont la personnalité va complètement à l'encontre de tout ce cirque et des enjeux qui l'accompagnent. Olli Mäki aime boxer et a les qualités athlétiques et techniques requises pour le haut niveau mais il lui manque l'adhésion au sport-business*. C'est au contraire un homme simple, rêveur, contemplatif et amoureux dont le désir véritable est qu'on le laisse vivre en paix. Sa résistance passive à toutes les pressions et sollicitations dont il fait l'objet s'accompagne pour reprendre le slogan d'ATTAC de la vision d'un autre monde possible: le sien, amoureux et poétique (car toutes les scènes où il se régénère seul dans la nature sont extrêmement belles). Lorsque sa voiture tombe en panne au début du film, sa réaction est éloquente. Au lieu de la faire réparer, il prend une bicyclette pour se déplacer avec la fille qu'il aime juchée dessus. Soit la trajectoire inverse de Gianni dans "Nous nous sommes tant aimés" (1974) qui largue bicyclette et fiancée pauvre pour se vendre à la bourgeoisie. Bref "Olli Mäki" sous ses allures de film modeste tient un discours politique très engagé qui fait tout son intérêt.

* Fabien Ollier, auteur de plusieurs livres sur l'aliénation sportive contemporaine et directeur de la publication militante "Quel Sport?" qui critique la domination idéologique du capitalisme sur l'institution sportive définit ainsi le sport-système: "système institutionnalisé de pratiques compétitives à dominante physique réglementées universellement, qui a pour finalité l’émergence du champion, du record, de l’exploit grâce à la mesure normalisée, à la comparaison permanente et à la confrontation mondialisée d’individus typifiés (femmes entre elles, hommes entre eux, non-valides entre eux, vieux entre eux, etc.), hiérarchisés (premier, deuxième, troisième, etc.) et conditionnés (« valeurs », « lois », méthodes, techniques). Ce système unifié qui n’est en rien réductible à la somme des pratiques sportives qu’il diffuse, repose sur une bureaucratie (des permanents, des technocrates, des gestionnaires, des managers, des « experts », etc.), des capitaux importants (fonds d’investissement, partenariats commerciaux, sponsors, caisses noires, etc.) et des techniques de propagande (spectacles, publicité, exhibitions, mythes, bavardages, ­commérages, etc.). Soit exactement ce que rejette Olli Mäki dont on ressent le malaise dès qu'il s'agit de faire des photos publicitaires ou le décalage avec le discours attendu dès qu'il participe à une conférence de presse et ce malgré les efforts de son entraîneur pour qu'il rentre dans la norme.

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Meurtre (Murder!)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1930)

Meurtre (Murder!)

Troisième film parlant de Alfred HITCHCOCK, "Meurtre" souffre d'une sérieuse baisse de rythme (et d'inspiration) en son milieu. Le début et la fin sont en revanche assez remarquables au niveau de la mise en scène et des thèmes traités. Car ce n'est pas un simple "whodunit" mais une réflexion sur l'interaction entre l'art et la vie, les apparences et la réalité. Le monde est filmé comme un théâtre ("Meurtre" est déjà un méta-film!) dans lequel s'agite une troupe de comédiens mêlés à une affaire de meurtre avec une coupable idéale (thème obsessionnel de Hitchcock). On pense beaucoup à "Douze hommes en colère" (1957) lors de la scène de délibérations des jurés. Sauf qu'il s'agit de son miroir inversé: la majorité triomphe de la minorité avec une puissance de persuasion suggérée par les cadrages et le montage qui mettent la pression sur celui qui ose penser différemment du troupeau. Homme qui se retrouve ensuite face à sa conscience lorsqu'il se regarde dans un vrai miroir en écoutant l'ouverture de "Tristan et Isolde" de Wagner. Pour élucider le mystère du véritable meurtrier, Sir John doit en effet traverser le miroir grâce aux artifices de son métier dans un va-et-vient entre vrai et faux qui fait penser à "Jeu dangereux" (1942). Sans surprise, la sexualité est au coeur du comportement du meurtrier qui tente non de cacher qu'il est métis (comme cela est dit) mais homosexuel (ce qui est suggéré visuellement mais ne peut être dit ouvertement). Par ailleurs, le film est encore marqué par le style expressionniste de l'époque du muet. La scène d'ouverture fondée sur un travelling dans une ruelle sombre au décor semblant fait de carton-pâte ou bien celle dans laquelle on voit l'ombre de la potence grandir sur le mur de la prison au fur et à mesure que les heures s'égrènent sont remarquables.

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Soleil vert (Soylent green)

Publié le par Rosalie210

Richard Fleischer (1973)

Soleil vert (Soylent green)

N'ayant jamais vu "Soleil Vert" et ne sachant pas ce qu'il renfermait, j'ai ressenti d'autant plus la puissance de ses images et ce, dès le générique. Epousant la forme d'un diaporama, celui-ci émancipe le film du contexte seventies dans lequel il a été tourné pour tracer une perspective de l'histoire américaine allant de l'invention de la photographie au XIX° jusqu'au futur bouché (2022 soit notre présent) qu'il place en continuité d'une industrialisation de plus en plus agressive et déshumanisée durant les 30 Glorieuses. Horizon en forme de terminus post-apocalyptique qui a aussi le visage d'une Amérique qui ne peut plus se projeter au-delà d'une frontière qui a atteint ses limites. Les limites physiques de la planète, celles que nous sommes en train d'éprouver, c'est déjà ce que "Soleil Vert" anticipe avec l'épuisement des ressources, la pollution, le surpeuplement, la canicule perpétuelle (aspect terriblement tangible pour nous et que l'on ressent à travers les images par le fait que les personnages sont en sueur) et par conséquent, l'accroissement des inégalités avec une minorité pouvant s'offrir de l'espace, du confort (la climatisation par exemple), des produits naturels et de jolies filles (confondues avec le mobilier) et une majorité de sans-abri réduite à l'état de bétail cuit à petit feu sous la chaleur, nourri aux aliments de synthèse et que l'on ramasse à la pelle quand il se révolte ou dans la benne à ordures quand il meurt. Mais ce que "Soleil Vert" à a offrir de plus fort, c'est le contraste(comme dans "La Jetée") (1963) entre cette science-fiction dystopique cauchemardesque et le souvenir de l'époque révolue où l'être humain, ancré dans la nature et la culture pouvait réellement s'épanouir et non survivre dans un ersatz totalitaire. Et pour donner chair et âme à ce passé, Richard FLEISCHER choisit de rendre un hommage bouleversant à l'un des acteurs les plus emblématiques de l'âge d'or d'Hollywood: Edward G. ROBINSON dont il savait (tout comme Charlton HESTON qui pleure réellement dans la scène de sa mort) qu'il était condamné par la maladie et que ce serait son dernier rôle. Edward G. ROBINSON incarne Sol le fidèle assistant du héros, Thorn (Charlton HESTON), un flic qui n'a connu que le monde régi par la firme Soylent (qui donne son titre en VO au film, Soylent n'étant d'ailleurs pas lié au soleil mais au soja et à la lentille, rapporté au fait qu'elle produit la nourriture de synthèse dont dépendent désormais les humains). Sol a gardé la mémoire du passé qu'il entretient avec d'autres vieillards dans une bibliothèque clandestine qui représente l'un des derniers pôles de résistance d'un monde d'où les livres ont disparu. Mais à la manière de Stefan Zweig, il finit par capituler devant la barbarie en marche (car on ne peut pas ne pas songer devant les dernières scènes à la Shoah et à son infâme système d'exploitation des corps) et décide de se rendre au "foyer" qui est une clinique d'euthanasie dans laquelle on entoure celui qui a décidé de mourir de ses images et sa musique préférée. Rarement au cinéma, réalité et fiction auront ainsi fusionné, donnant à la scène une portée émotionnelle et philosophique immense.

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Gens de Dublin (The Dead)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1987)

Gens de Dublin (The Dead)

"Gens de Dublin" est le dernier film de John HUSTON. C'est une adaptation littéraire, celle de la nouvelle de James Joyce "The Dead" extraite du recueil "Les Gens de Dublin" à qui il est fidèle tout en en faisant son oeuvre testamentaire. C'est en effet le film d'un homme qui se savait condamné et dont la fin tombe comme un couperet. Car le film (très court, 1h15) est divisé en deux parties de longueur inégale. La première qui dure une heure relate une soirée dans une famille de la bonne société dublinoise au début du XX° siècle. Les couleurs sont chaudes, on chante, on danse, on rit et il faut être attentif aux légères dissonances de l'ensemble pour comprendre que derrière la façade joyeuse, il y a l'ombre de vies insatisfaites, inaccomplies, inachevées qui parfois se fait jour à travers un long regard mélancolique tourné le temps d'une vieille chanson irlandaise vers un ailleurs invisible, une voix hésitante célébrant des noces qui on le découvre à travers l'inventaire visuel des objets de sa chambre n'ont jamais eu lieu, l'excès d'alcool d'un homme sous l'emprise de sa mère, un poème d'amour rempli d'amertume ou un plan sur des marches d'escalier vides. Et puis arrive le moment où se produit le basculement vers la deuxième partie du film qui ne dure qu'un quart d'heure. Quart d'heure qui donne tout son sens au film. C'est dans le climat intimiste d'une chambre d'hôtel (on relèvera la contradiction qui elle aussi a du sens) que Gretta Conroy (Anjelica HUSTON, la propre fille du cinéaste qui d'une certaine manière devient son porte-parole) avoue le secret qui la tourmente c'est à dire la personne qui occupait ses pensées lorsqu'elle écoutait avec une profonde émotion la vieille chanson irlandaise avant de s'écrouler dans une posture troublante qui évoque davantage la mort que le sommeil. Et puis soudain, la neige et les couleurs froides de l'extérieur hivernal envahissent l'écran et la chambre d'hôtel cède la place à un cimetière alors que le film se termine sur un monologue, celui de son mari qui découvre qu'il est (et a toujours été) complètement seul.

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The Innocents

Publié le par Rosalie210

Eskil Vogt (2021)

The Innocents

"The Innocents" est le deuxième long-métrage de Eskil Vogt, le fidèle collaborateur de Joachim Trier, pour qui il a co-écrit les scénarios de ses longs métrages et qui a été présenté dans la section Un Certain Regard du festival de Cannes. Il s'agit d'un thriller fantastique à la sauce norvégienne c'est à dire stylisé et minimaliste. Les protagonistes en sont quatre enfants dotés de pouvoirs surnaturels (télépathie et télékinésie) plus ou moins livrés à eux-mêmes dans une cité désertée au coeur de l'été. Pour accentuer leur étrangeté, l'une des enfants, Anna est autiste et une autre Aisha souffre d'un vitiligo. Mais le plus inquiétant est Benjamin, d'origine immigrée qui vit seul avec sa mère et est le souffre-douleur d'un adolescent à l'allure 100% nordique.

Si les mouvements de caméra, aériens, sont particulièrement beaux ainsi que l'esthétique, froide et géométrique, le film est étiré au-delà du raisonnable et sa progression dramatique est poussive à cause de nombreuses redondances. De plus, sa manière d'envisager les enfants comme de petits sadiques en puissance n'est pas vraiment progressiste. Alors que dans les faits, ce sont eux les victimes des adultes, le film les montre dotés de super-pouvoirs et cette toute-puissance est mise au service du mal (tortures, manipulation et meurtres). Enfin, le fait d'avoir fait d'un enfant d'origine immigrée (du genre pakistanais) l'incarnation du diable m'a paru plus que douteux alors que Ida et Anna, les deux norvégiennes blondes de souche qui ont leurs deux parents sont les seules à s'en sortir. Bref que ce soit volontaire ou pas, j'ai trouvé que le message du film était complètement réactionnaire.

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