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Frankenweenie

Publié le par Rosalie210

Tim Burton (1984)

Frankenweenie

La première version de "Frankenweenie" est une excellente introduction à l'univers de Tim BURTON. Parce qu'il a fait ensuite l'objet d'un auto-remake en 2012 en long-métrage d'animation stop-motion. Parce qu'il est une sorte de brouillon de son chef d'œuvre "Edward aux mains d'argent" (1990) en étant fondé comme lui sur une opposition frontale entre un freak issu d'un univers gothico-fantastique et une banlieue WASP typique dont l'aspect pimpant de bonbonnière cache une sombre morale inquisitrice (un aspect que l'on retrouve chez Peter WEIR dans "The Truman Show" (1998) ou sous une autre forme chez David LYNCH dans "Blue Velvet") (1986). Et parce que cette œuvre, au même titre que "L'Étrange Noël de Monsieur Jack" (1994) (qui n'a pas été réalisé par Tim BURTON mais qui a été scénarisé par lui) illustre de manière édifiante la relation compliquée entre Tim BURTON qui s'identifie bien évidemment aux freaks de ses films et les studios Disney qui incarnent les valeurs traditionnelles américaines. En dépit des efforts de Burton pour s'adapter aux exigences des studios Disney au sein desquels il travaillait et qui finançaient ses projets (ce qui explique par exemple une fin optimiste en tous points opposée à celle de "Edward aux mains d argent") (1990) il reste inassimilable à leur univers et est donc mis sur la touche dans un premier temps ("Frankenweenie" est resté invisible pendant des années et "L'Étrange Noël de Monsieur Jack" (1994) est sorti sous le label d'une filiale de Disney) avant d'être "récupéré" par la maison-mère une fois le succès au rendez-vous.

La version courte et live de "Frankenweenie" doté d'une belle photographie expressionniste en noir et blanc qui jure d'autant plus avec le paysage suburbain californien est une œuvre de jeunesse dont les coutures, comme celles de Sparky, le chien de Victor sont encore bien apparentes. L'hommage au "Frankenstein" (1931) de James WHALE y est littéral puisque la scène de résurrection est copiée-collée sur celle du film de 1931 tout comme la scène du moulin en flammes. Il faut dire que le sentiment d'étrangeté de Burton n'a rien à envier à celui qui taraudait Whale dans les années 30. Quant à la présence de Shelley DUVALL dans le rôle de la mère, elle permet à Burton de rendre hommage à l'auteure du roman, Mary Shelley (on oublie trop souvent le rôle important joué par les femmes écrivains dans le genre gothico-fantastique et dans le polar) et de faire un clin d'œil au "Shining" (1980) de Stanley KUBRICK.

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Un dimanche à la campagne

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1984)

Un dimanche à la campagne

L'un des plus beaux films de Bertrand TAVERNIER à la fois renoirdien et proustien. Les Renoir grand-père et petit-fils ne sont pas seulement présents par un titre qui renvoie à "Une partie de campagne" (1946) ou par la reconstitution d'une époque et d'une atmosphère dépeinte dans nombre de tableaux d'Auguste: les guinguettes, les barques, les canotiers, les petites filles en robe de mousseline, ceinture enrubannée et nœud dans les cheveux. C'est dans la finesse d'écriture de ses personnages et l'excellence de l'interprétation que Bertrand TAVERNIER est le plus impressionniste voire même pointilliste. Les portraits de Gonzague et d'Irène, le frère et la sœur en tous points opposés constituent un travail d'orfèvre tout en nuance et demi-teinte. Gonzague (Michel AUMONT) guindé, engoncé dans son costume et ses habitudes, fiable mais ennuyeux est rongé par une tristesse sourde, celle d'être mal aimé par son père (Louis DUCREUX) qui le lui fait bien sentir. En résulte un manque d'assurance et un côté taciturne et solitaire en dépit d'une vie de famille bien rangée avec sa femme et ses trois enfants. Irène (Sabine AZÉMA) à l'inverse est une tornade pleine de vivacité et d'énergie, une femme émancipée et anticonformiste qui possède un métier, conduit une voiture en 1912 et vit des passions amoureuses fulgurantes. Mais ces passions l'absorbent au point de lui faire oublier la réalité qui l'entoure et l'instant présent. La petite Mireille fait l'amère expérience de son inconstance mais celui qui souffre le plus de ses absences et de son manque de fiabilité est son père. Irène selon les propres mots de sa mère décédée "demande trop à la vie" et est donc incapable d'en profiter. Elle vit trop vite et trop fort, obnubilée par ce qui lui échappe sans se soucier vraiment de ceux qui l'entoure qu'elle prend et qu'elle jette selon son humeur du moment. Elle ne supporte pas l'immobilisme de son frère et l'académisme de la peinture de son père mais sa bougeotte est telle qu'elle passe finalement elle aussi à côté de la vie. Proust et sa célébration des petits plaisirs du quotidien comme moyen de retrouver le temps perdu est discrètement cité à travers la dégustation d'une petite madeleine ou l'écoute d'un air de musique de chambre qui a servi de modèle pour la sonate de Vinteuil.

"Une dimanche à la campagne" a également ceci de remarquable qu'il est construit autour du présent et ses trois unités (lieu, temps, action) ce qui va de pair avec ses origines littéraires ("Monsieur Ladmiral va bientôt mourir" de Pierre Bost) mais qu'en même temps il réussit à évoquer le passé et le futur. Le passé surgit à l'occasion des réminiscences de M. Ladmiral: le fantôme de son épouse apparaît ainsi que celui de deux petites filles mystérieuses qui symbolisent son enfance alors que lui-même est au crépuscule de sa vie. Le futur quant à lui ne se présente pas sous les meilleurs auspices au travers de la sombre prédiction qu'Irène fait à propos de Mireille. On peut y voir l'ombre portée de la première guerre mondiale qui mit un point final à cette "Belle Epoque" dorée pour la bourgeoisie et provoqua en plus des poilus de nombreux décès dans les populations les plus fragiles liées aux famines et aux maladies (épidémie de grippe espagnole).

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Les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game)

Publié le par Rosalie210

Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel (1932)

Les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous Game)

Voilà un film méconnu en réalité très connu puisqu'il a été repris, en tout ou en partie dans de multiples autres œuvres, entre remakes et source d'inspiration pour des classiques comme "Les Yeux sans visage" (1960) et "Délivrance" (1971) jusqu'aux jeux vidéos contemporains. Pour ma part, j'en ai découvert la trame toute petite sans le savoir avec le vingtième épisode de la série "Ulysse 31", "Le Magicien noir" (la série de Jean CHALOPIN et de Nina WOLMARK reprend énormément d'éléments de films de SF et fantastiques, de "Alien" et "2001" pour Shyrka à "L'invasion des profanateurs de sépulture" qui est la base du scénario du "Marais des doubles" en plus d'être une formidable réinterprétation SF de l'œuvre d'Homère).

"Les chasses du comte Zaroff" est l'œuvre jumelle de "King Kong" (1932) à ceci près que Merian C. COOPER se contente d'en être le producteur préférant se concentrer sur le tournage de "King Kong" (1932) que Ernest B. SCHOEDSACK rejoindra, une fois "Les chasses du comte Zaroff" terminé. C'est pourquoi les deux films partagent non seulement les mêmes décors, le même compositeur, une partie de l'équipe technique et de la distribution mais ils ont aussi la même philosophie, d'une actualité brûlante. Cet aristocrate russe dégénéré (pour ne pas dire psychopathe) qui pour tromper son ennui n'a pas trouvé mieux que de de piéger et de pourchasser ses congénères n'est pas seulement l'incarnation du fait que l'homme peut être un loup pour l'homme. Il illustre "l'inconsistance de la civilisation [occidentale]". Alors que "les animaux qui tuent pour assurer leur subsistance sont appelés sauvages" (ce que Isabelle Filiozat appelle l'agressivité biophile, au service de la vie), "l'homme qui tue pour le sport est qualifié de civilisé" (ce que la même auteure qualifie de destructivité qui est à l'origine des guerres et aujourd'hui du désastre écologique nourrissant les appétits des prédateurs de la finance et de leurs obligés politiques et médiatiques). Et Bob le chasseur de renchérir en précisant que "ce monde est divisé en deux catégories: les chasseurs et les chassés. Par chance je suis un chasseur, et rien ne pourra changer cela". Et pourtant, le simple fait de refuser de chasser le gibier préféré du comte Zaroff qui incarne cette "morale" jusque dans ses prolongements les plus extrêmes suffira à faire basculer Bob du côté des chassés dans une lutte pour la vie tout à fait annonciatrice de l'idéologie nazie (le film date de 1932 soit peu de temps avant l'arrivée de Hitler au pouvoir). Si le film est si marquant, c'est aussi qu'il frappe l'inconscient collectif avec des images (la jungle, les marais, le brouillard) qui ont la puissance d'un conte tel que "Barbe-Bleue" dont la découverte de la "chambre secrète" équivaut à un arrêt de mort ou "Le petit Poucet", sa forêt profonde et son ogre terrifiant (et tellement d'actualité avec ce français d'origine russe coupable d'innombrables crimes pédophiles sur plus de 40 années).

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Les Nuits de la pleine lune

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1984)

Les Nuits de la pleine lune

L'un des plus beaux et aussi l'un des plus pathétiques films de Éric ROHMER. Quatrième opus du cycle "Comédies et proverbes", il illustre le nomadisme géographique et sentimental d'une jeune femme mélancolique et un peu paumée qui gravite entre plusieurs pôles sans parvenir à se fixer quelque part. Une jeune femme perdue quelque part entre l'adolescence et l'âge adulte, quelque part entre le centre de Paris et la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, quelque part entre Rémi (Tchéky KARYO) son compagnon architecte banlieusard très "carré" (à l'image des tableaux de Mondrian qui décorent son appartement et de la ville dans laquelle il habite) qui la rassure mais l'étouffe et l'ennuie, Octave (Fabrice LUCHINI), son ami et confident, un écrivain germanopratin avec lequel elle entretient une relation de séduction trouble mais qu'elle tient à distance et Bastien (Christian VADIM), son "coup de folie d'un soir" qui représente la jeunesse et l'insouciance qu'elle souhaite conserver mais qui s'échappe dès qu'elle cherche à concrétiser. Bref, Louise veut le beurre et l'argent du beurre et à force de s'éparpiller en tentant de tout concilier, elle finit par se retrouver dans un cul-de-sac existentiel.

Cette jeune femme indécise au comportement égocentrique pourrait être une tête à claques mais la fragilité de Pascale OGIER la rend bouleversante. Avec ses yeux trop grands pour son visage, ses paupières lourdes, sa voix éthérée si particulière et son extrême maigreur, elle dégage une mélancolie qui confine au mal de vivre. Éric ROHMER s'est appuyée sur sa personnalité, notamment ses goûts vestimentaires et ses talents de décoratrice d'intérieur pour construire son personnage. De fait il est devenu son film-testament puisque l'actrice (fille de Bulle OGIER) est décédée deux mois plus tard à l'âge de 25 ans.

Enfin "Les nuits de la pleine lune" est également remarquable comme d'autres films de Éric ROHMER par son ancrage dans une réalité urbanistique et sociologique, ici celle du Paris branché de la première moitié des années 80 et du développement des villes nouvelles comme mode de vie bourgeois alternatif.

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La Blonde Platine (Platinum Blonde)

Publié le par Rosalie210

Frank Capra (1931)

La Blonde Platine (Platinum Blonde)


"La Blonde platine" est un film de Frank CAPRA réalisé en 1931. En résulte un aspect encore assez figé et théâtral dans des décors de studio et un scénario qui ne brille pas par sa subtilité. Mais il n'en reste pas moins que le film est "mythique" pour avoir donné son surnom à Jean HARLOW dont la présence est assez magnétique dans un rôle de jeune bourgeoise à contre-emploi (elle vole d'ailleurs la vedette à Loretta YOUNG qui apparaît bien fade à côté). Son partenaire, Robert WILLIAMS dégage tout autant de charisme. Ils préfigurent quelque peu le couple de "New York - Miami" (1934) à ceci près que Ann Schuyler ne cherche pas à s'échapper de son milieu mais au contraire à enfermer Stewart Smith dans la cage dorée de la maison de ses parents (les surcadrages illustrant cet enfermement) voire à le remodeler ce qu'il refuse, l'intégrité du jeune homme étant à la fois le sel de leur amour et ce qui les sépare. La différence sociale entre les deux époux qui sert de moteur tant à la comédie (même si "La Blonde Platine" n'est pas une screwball comédie) qu'à la satire sociale présente dans le film est quant à elle soulignée par de nombreux plans en plongée et contre-plongée jouant sur le premier et le deuxième plan. Bien que bien plus proche du Clark GABLE insolent clamant "I don't give a damn" que du Gary COOPER jouant les ingénus dans "L'Extravagant Mr.Deeds" (1936), le film se présente néanmoins comme un brouillon du chef-d'oeuvre de Frank CAPRA dont il reprend nombres d'idées (du "Cinderella man" utilisé par les journalistes pour parler de Stewart à la scène où il improvise une séance de cris se répercutant en écho dans le hall de la maison de ses beaux-parents avec le domestique). On peut également souligner le caractère de "film maudit" que fut la "Blonde Platine" pour ses deux principaux interprètes. Robert WILLIAMS mourut quelques jours avant la sortie du film d'une péritonite et Jean HARLOW six ans plus tard des complications liées à une infection rénale mal soignée.

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7 p., cuis., s. de b., ...à saisir

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1984)

7 p., cuis., s. de b., ...à saisir

Ce court métrage a été tourné dans l'hospice désaffecté Saint Louis d'Avignon pendant l'exposition « Le vivant et l'artificiel » qui avait lieu en 1984. La réalisatrice a laissé libre cours à son imagination et s'est approprié les lieux de l'exposition. Elle a elle-même du mal à définir son œuvre mais il semblerait qu'il s'agisse d'une sorte de recueil d'images en écho avec des sentiments perçus lors de sa confrontation avec les lieux. On peut définir cette technique de réalisation comme une application cinématographique de pensées immédiates d'où une succession de flashs et une ambiance globale surréaliste avec tout un travail esthétique qui préfigure ses films-installations comme "Les Plages d Agnès" (2007). Les références vont des natures mortes picturales jusqu'aux œuvres des artistes plasticiennes contemporaines Louise Bourgeois et Annette Messager. Les pièces névralgiques du film sont comme le titre l'indique la cuisine aux proportions digne d'un restaurant abritant une nourriture gélatineuse ou en plastique (comme les dinettes d'enfant mais à taille réelle) et la salle de bains, succession de boxes abritant des lavabos qui finissent recouverts de plumes et de poussière, comme s'ils étaient embaumés.

Mais l'aspect décousu du film ne l'est qu'en surface. En effet on a une unité de lieu qui est cet ancien hospice que la réalisatrice "fait parler" en faisant y ressurgir des mémoires. S'y télescopent les époques et les genres. D'un côté le documentaire avec quelques témoignages des anciennes pensionnaires ayant réellement vécu entre ses murs et n'en étant peut-être jamais parties. De l'autre la fiction avec un agent immobilier faisant visiter les lieux comme s'ils pouvaient intéresser des particuliers et évoquant le premier propriétaire, un médecin à travers lequel Agnès VARDA fait le procès du patriarcat. Son épouse soumise qui enchaîne les grossesses avant de confier les bébés à la bonne et dont il finit par se détourner avec dégoût quand elle vieillit (illustrant ainsi la répulsion des masculinistes vis à vis des femmes de plus de 50 ans) et ses six enfants sur lesquels il exerce une autorité tyrannique jusqu'à ce que sa fille aînée Louise se rebelle, incarnant les combats féministes des années 70. Louise cherche à s'échapper de ce "foyer" étouffant et de l'emprise de son père (dont elle porte le prénom féminisé) et trouve une alliée en la personne de la bonne, Yolande (Yolande MOREAU dont c'était la première apparition au cinéma) totalement provocante, du genre à fumer en cuisinant la blouse entrebâillée (ce qui est déjà trop pour Madame) et à cracher dans la soupe au sens propre ^^. L'agent évoque également un drame ayant poussé le médecin à s'enfuir avec ses enfants, on comprend à demi-mot qu'il a peut-être tué sa femme ou sa fille.  

A ces deux mémoires, l'une réelle et l'autre fictionnelle, Agnès Varda ajoute une autre opposition, celle du corps humain fait de chair (elle filme d'ailleurs deux corps nus aux deux extrêmes de la vie, un bébé et une vieille dame, celle que l'on retrouve également dans "Sans Toit ni Loi") et celle de mannequins mécaniques grandeur nature dotés d'une respiration artificielle.

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Pauline à la plage

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1983)

Pauline à la plage

"Qui trop parole il se mesfait" (Chrétien de Troyes) sur fond de barrière qui s'ouvre et se referme comme un rideau de théâtre, telle est l'image du générique (de début et de fin) du troisième film de la série des "Comédies et proverbes" de Éric ROHMER réalisés dans les années 80. Nous allons assister à une comédie de l'amour durant la période des vacances d'été dans une station balnéaire normande. Comédie d'amour indissociable de la comédie de mœurs: le trio d'adultes composé de Marion, de Pierre et d'Henri qui appartiennent tous trois à la bourgeoisie bon teint est en fait un groupe d'adulescents qui en dépit de leurs divergences sont plus amoureux de l'amour (ou de leur idée de l'amour) que capables de le vivre en réalité. Marion qui est sur le point de divorcer minaude à qui mieux mieux comme une vraie-fausse ingénue (normal, c'est Arielle DOMBASLE qui la joue) et veut vivre des passions brûlantes. Elle fuit donc les avances de son ami Pierre (Pascal GREGGORY) qui se morfond pour elle et se comporte en petit garçon jaloux et boudeur. Son perpétuel air de chien battu et ses activités plan-plan ne la font pas rêver. Elle préfère Henri le séducteur-baroudeur tatoué (Féodor ATKINE) père divorcé qui tombe tout ce qui passe à sa portée avant de prendre un bateau pour fuir à l'autre bout du monde (pratique!) Rohmer les renvoie dos à dos: leur logorrhée intellectualisante est inversement proportionnelle à leur maturité et leur capacité à mentir (à eux-mêmes et aux autres) les fait interagir à l'air libre comme dans une comédie de boulevard avec un hilarant quiproquo à l'appui qui fait intervenir un quatrième personnage, plus "populo", celui de Louisette la marchande ( ROSETTE) qui s'oppose en tous points à la précieuse (ridicule) Marion. Rien que la différence de phrasé vaut son pesant de cacahuètes!

Et Pauline (Amanda LANGLET) dans tout ça? Son personnage à la fois témoin et acteur d'adolescente sensée contraste avec ceux de sa cousine et de ses amis et souligne d'autant mieux leurs tares. D'ailleurs elle rompt avec son petit ami Sylvain parce qu'il est entré dans leur jeu (Jean RENOIR n'est pas loin) ce qu'elle refuse.

Éric ROHMER réussit à mystifier le spectateur avec un film aux allures d'improvisation décontractée qui en réalité est rigoureusement écrit et agencé. Cet équilibre entre spontanéité et théâtralité se retrouve aussi dans l'alternance entre le comique et le doux-amer. Enfin, le film est très pictural aussi bien sur les extérieurs que dans les intérieurs conçus pour rappeler les toiles de Matisse.

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Dixième chambre, instants d'audience

Publié le par Rosalie210

Raymond Depardon (2004)

Dixième chambre, instants d'audience


Suite de "Délits flagrants" (1994), "Dixième chambre, instants d'audience" réalisé 10 ans plus tard se situe dans un décor unique, celui d'un tribunal de correctionnelle où comparaissent 12 prévenus, soit libres, soit détenus (ils n'occupent pas le même espace dans la salle). Michèle BERNARD-REQUIN qui était substitut du procureur dans "Délits flagrants" (1994) est devenue juge et préside la dixième chambre du tribunal de Paris où
sont jugés les affaires relevant de la correctionnelle (d'où le titre du film). Raymond DEPARDON a placé deux caméras filmant en plans fixe à tour de rôle la présidente, les avocats, les accusés et parfois les parties civiles. En dépit de l'aspect répétitif de ce dispositif, émerge de ce petit théâtre de la justice ordinaire des éclats de vérité comme le témoignage glaçant d'une victime du harcèlement de son ex qui minimise les faits et semble bien sous tous rapports. Ce passage qui tranche avec nombre d'affaires tragi-comiques abordées dans le film (autour de la conduite en état d'ivresse ou de la taille d'une lame d'Opinel par exemple) souligne la minimisation des violences conjugales par la société française. D'autre part on observe également l'impuissance de cette justice vis à vis des personnes en situation irrégulière. Elle cherche à faire appliquer le droit mais se retrouve face à des illettrés sans état civil ni nationalité identifiable, interdits du territoire français mais qui y sont toujours ne sachant où aller.

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Délits Flagrants

Publié le par Rosalie210

Raymond Depardon (1994)

Délits Flagrants
Délits Flagrants
Délits Flagrants

En hommage à Michèle BERNARD-REQUIN décédée le 14 décembre 2019, j'ai revu le premier film où elle est apparue, "Délits flagrants" de Raymond DEPARDON. Il s'agit du premier documentaire réalisé dans l'enceinte du Palais de Justice de Paris en 1994. 14 prévenus (sur 86 filmés) venus de la Préfecture de police située juste en face (les deux bâtiments communiquent via de longs couloirs souterrains filmés par le réalisateur) se succèdent devant 3 substituts du procureur (Michèle BERNARD-REQUIN est la seule femme parmi les 3) qui leur exposent les motifs de leur arrestation en flagrant délit (de vol avec ou sans violence, d'escroquerie, d'outrage à agent, de coups et blessures, de dégradation de biens ou encore de séjour illégal sur le sol français). Après consultation du dossier du prévenu (notamment pour savoir s'il est récidiviste ou non) et écoute de ses explications, le substitut décide soit d'une comparution immédiate devant un tribunal correctionnel soit d'une remise en liberté avec suivi judiciaire et convocation pour une comparution ultérieure. On voit également brièvement deux autres maillons de la procédure judiciaire, l'un avant le passage chez le substitut auprès d'une conseillère à la personne et l'autre après chez un avocat commis d'office. Tous deux servent à compléter le portrait de l'une des prévenues, "Muriel Lefèvre" (les noms ont été changés) qui donne des versions différentes de ses actes selon son interlocuteur en se contredisant ainsi qu'à étoffer la documentation sur le fonctionnement de la justice.

Le documentaire de Raymond DEPARDON qui privilégie la caméra fixe et le plan séquence trouve le ton juste, à la fois à bonne distance et à hauteur d'homme. A travers la procédure judiciaire il dresse un portrait de l'envers de la société française où règnent le chômage, l'exclusion, la précarité, la drogue, l'alcool, le SIDA, la prostitution, l'émigration clandestine. Il montre aussi que les quelques fils de bonne famille venus s'égarer dans cette cour des miracles bénéficient de plus d'indulgence que les étrangers pauvres.

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La Leçon de piano (The Piano)

Publié le par Rosalie210

Jane Campion (1993)

La Leçon de piano (The Piano)

"La Leçon de piano" est à ce jour le seul film réalisé par une femme à avoir obtenu la Palme d'or à Cannes. En plus de son prix, le film a été un grand succès international, entrant ainsi dans le club des œuvres réunissant critiques et public. La musique composée par Michael NYMAN, d'un lyrisme débridé est devenue un classique incontournable mais ne peut expliquer à elle seule l'aura qui entoure le film.

"La Leçon de piano" n'est pas que l'histoire d'une passion, c'est avant tout l'histoire d'une femme qui s'éveille au désir et à la sensualité ou plutôt qui découvre son désir jusque-là brimé par les mœurs patriarcales. L'histoire se déroule durant l'ère victorienne mais elle nous parle de la femme d'aujourd'hui. Celle qui cherche à s'affranchir des diktats masculins pour trouver sa voie propre. Sa VOIX propre. Cette voix, inhabituelle, lui fait peur au début parce qu'ayant été longtemps réduite au silence, elle ne l'a jamais entendue. Il en va de même avec le désir. Au début, il lui fait peur, puis elle l'apprivoise. Ce désir, elle ne peut longtemps l'exprimer que dans la musique. Jusqu'à ce que deux hommes vivant en Nouvelle-Zélande alors colonie britannique ne s'en emparent. Le premier, son "mari officiel" qui la fait émigrer en Nouvelle-Zélande (Sam NEILL) est un être frustré et complexé incapable d'abandon et de communication. Il se ferme, se braque contre l'instrument et son interprète qu'il veut museler et dominer. La scène du doigt coupé n'est que son ultime tentative pour castrer sa femme, une excision symbolique. Dans la réalité, ce féminicide en puissance n'aurait pas abandonné Ada (Holly HUNTER) aux mains d'un autre homme, mais c'est la magie du cinéma de pouvoir basculer d'un certain réalisme à une atmosphère de conte. Baines (Harvey KEITEL) est tout ce que le mari d'Ada n'est pas. Tout en lui est ouverture. Il fait corps avec la nature et donc avec les indigènes. Il se laisse envahir par la musique et comprend ce qu'elle exprime. Dans un premier temps, il tente de s'approprier l'instrument et le corps de sa propriétaire mais c'est un homme trop instinctif pour ne pas comprendre qu'il détruit ainsi ce qu'il cherche à obtenir. Alors il lâche prise et c'est ce lâcher prise qui est l'élément décisif dans l'éveil d'Ada. Celle-ci réalise que sans le désir de Baines, son piano est comme mort. C'est donc librement qu'elle retourne vers lui et se libère de tous ses carcans comme elle se libère de ses vêtements victoriens austères et contraignants pour révéler sa nature profondément sensuelle. A la fin, l'instrument est devenu inutile, il finit au fond de l'eau avec d'autres choses mortes.

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