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Hair

Publié le par Rosalie210

Milos Forman (1979)

Hair

"Hair" et son hymne "Let the Sunshine in" peut être considérée comme la première comédie musicale rock de l'histoire. Elle a été créée en 1967, en plein mouvement contestataire de la jeunesse contre la guerre du Vietnam. Une jeunesse qui rejette également les valeurs conservatrices des parents en adoptant le mode de vie hippie, son pacifisme (le flower power, l'attirance pour les religions orientales), sa liberté de mœurs (en matière sexuelle et de consommation de drogues), son rejet du productivisme, du puritanisme et de la société de consommation, son esthétique (par rejet des institutions militaires et bourgeoises corsetées, les hippies portaient des tenues décontractées et colorées, s'adonnaient au naturisme et filles comme garçons laissaient leurs cheveux pousser librement ce qui explique le titre de la comédie musicale "Hair"). "Hair" a décoiffé (et dénudé) Broadway tout comme tous les lieux par lesquels elle est passée ensuite, la troupe de comportant dans la salle comme sur scène et suscitant parfois des réactions de rejet comme à Paris en 1969 avec la tentative de l'Armée du Salut pour arrêter le spectacle.

Milos Forman conjugue donc dans son film réalisé dix ans plus tard l'esprit d'une époque avec ses thèmes de prédilection, ceux d'un cinéaste en révolte contre toutes les formes d'oppression institutionnelle. Sous sa direction, "Hair" se transforme en ballet tragi-comique autour d'une liberté ardemment recherchée mais dont l'accomplissement se paye d'un prix aussi amer que dans "Vol au-dessus d'un nid de coucou". Le système social que dépeint Milos Forman est en effet menacé par la subversion de ceux qui le défient. Dans "Hair", ils s'invitent dans la société bourgeoise pour y renverser la table et commencent à convertir à leur cause les jeunes pousses. Aussi, chez Forman, les deux camps se livrent une lutte à mort où le système ne laisse que deux possibilités à ceux qui le remettent en cause: rentrer dans le rang ou être écrasé. Berger (Treat Williams), le leader des hippies sacrifie ainsi sa vie sans le vouloir pour permettre à son ami Claude (John Savage) de recouvrer la liberté, un peu comme le faisait (symboliquement) Mc Murphy pour "Chef" dans "Vol au-dessus d'un nid de coucou". Toutes les séquences de happening filmées dans Central Park sont admirables dans leur composition, de même que celle où Berger secoue le cocotier d'un grand repas de cérémonie bourgeoise, tout comme la fin où l'hymne "Let The Sunshine in" prend une résonance poignante.

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Premier rendez-vous? (Riley's First Date)

Publié le par Rosalie210

Josh Cooley (2015)

Premier rendez-vous? (Riley's First Date)

Ce court-métrage hilarant et parfaitement rythmé qui se situe un an après le génial "Vice-Versa" (2015) donne un avant-goût de ce que pourrait donner une suite centrée sur la puberté de Riley. Pour mémoire le concept de "Vice-Versa" est de nous faire visualiser les émotions primaires des protagonistes sous la forme de cinq petits personnages qui se logent dans leur cerveau: joie, tristesse, colère, peur et dégoût.

Le court-métrage n'est cependant pas tant centré sur les émotions de Riley que sur celles de ses parents ce qui est encore beaucoup plus drôle, les adultes ayant tendance à se composer une façade de maîtrise qui ne résiste pas à l'examen de ce qui se passe dans leur tête. De fait, ils ont bien du mal à gérer ce qu'ils prennent pour le premier rendez-vous amoureux de leur fille. Entre le père jaloux dominé par les émotions de colère et de peur (mais qui cache quelques souvenirs de jeunesse très amusants), la mère qui veut parler djeun's et Jordan, le potentiel petit copain assez peu loquace mais très barré dans sa tête (vue comme un skatepark) on ne s'ennuie pas un instant. D'autant que si la musique adoucit les mœurs, il est amusant que ce soit celle de AC/DC qui retentisse à nos oreilles ^^. Le film est réalisé par Josh Cooley scénariste sur "Vice-Versa" et qui vient de s'illustrer pour la première fois dans la réalisation d'un long-métrage avec "Toy Story 4" après la défection de John Lasseter.

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Sanjay et sa super équipe (Sanjay's Super Team)

Publié le par Rosalie210

Sanjay Patel (2015)

Sanjay et sa super équipe (Sanjay's Super Team)

Présenté en première partie du "Voyage d'Arlo" en 2015, "Sanjay et sa super équipe" est un court-métrage qui dégage une aura unique au sein des studios Pixar. Parfaitement représentatif de la world culture US liée au melting pot et au brain drain, il s'inspire de l'enfance du réalisateur d'origine indienne Sanjay Patel et manifeste son goût pour la BD tendance comic/manga. On y voit un choc des cultures entre le père très attaché aux rites hindous et le fils, beaucoup plus acculturé qui ne jure que par les super-héros déclinés à toutes les sauces (cartoons, comics, jouets). La manière dont ce dernier intègre en imagination les divinités de son père à un récit de combat façon Avengers ou Sentai est très réussie d'autant que pour le spectateur, ce n'est pas totalement inédit (la série d'animation japonaise "Shurato" s'inspirait également du folklore hindou ^^). Les effets lumineux fluorescents en particulier sont de toute beauté ainsi que les mouvements chorégraphiques des divinités, plastiquement superbes. Très symboliquement, le conflit culturel entre le père et son fils retranchés chacun dans un coin de la pièce avec pour l'un son autel et pour l'autre sa TV prend fin lorsque Sanjay lui montre la synthèse des deux cultures qu'il a réalisé en dessin, ils se retrouvent alors au milieu du gué.

"Sanjay et sa super équipe" est ainsi à la fois une touchante et féérique ode au dialogue des cultures tout en permettant aux studios Pixar de rendre hommage aux informaticiens indiens qui ont joué un rôle essentiel dans la construction de la Silicon Valley.

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L'Univers de Jacques Demy

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1995)

Agnès Varda et Harrison Ford sur le tournage de "L'Univers de Jacques Demy".

Agnès Varda et Harrison Ford sur le tournage de "L'Univers de Jacques Demy".

Troisième et dernier volet de la trilogie que Agnès Varda a consacré à son époux, Jacques Demy décédé en 1990, "L'Univers de Jacques Demy" est le pendant documentaire de "Jacquot de Nantes" qui est une fiction (Agnès Varda avait au départ imaginé plutôt un diptyque qu'une trilogie ce qui correspondait mieux à sa personnalité hybride). Il s'agit d'une visite guidée de la filmographie de Jacques Demy non en fonction de leur ordre chronologique (certes le premier film évoqué est "Lola" mais le deuxième est en fait son dernier, "Trois places pour le 26") mais en fonction des liens qui les unissent (le troisième film évoqué, "Peau d'Ane" est relié à "Trois places pour le 26" par la question de l'inceste, le quatrième "L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune" est relié à "Peau d'Ane" par une scène où Catherine Deneuve sort un plat du four etc.) Le film, émaillé d'entretiens avec Jacques Demy à diverses époques de sa vie, des membres de sa famille (sa sœur qui évoque son désir d'apprendre tout au long de sa vie, ses enfants et Agnès Varda bien entendu), d'amis cinéastes (Bertrand Tavernier, Claude Berri), de collaborateurs, de biographes, de fans etc. évoque aussi son enfance et la naissance de sa vocation de cinéaste. On y découvre également les excroissances internationales de la carrière du cinéaste avec d'une part sa carrière hollywoodienne avortée à la fin des années 60 à cause de l'échec de "Model Shop" (qu'il rebaptise avec humour "Model Flop") qui lui a cependant permis de rencontrer un jeune acteur alors inconnu dont il voulait faire une star et qui n'était autre que Harrison Ford (son amitié avec Jacques Demy est aussi méconnue que les liens de ce dernier avec Jim Morrison, le leader des Doors que l'on aperçoit sur le tournage de "Peau d'Ane"). Aux antipodes, le documentaire évoque également son aventure japonaise avec l'adaptation du manga "La Rose de Versailles" en 1978 sous le titre "Lady Oscar" à l'époque où les mangas n'étaient pas exportés en France (et donc pas traduits). Comme pour "Les Demoiselles ont 25 ans", Agnès Varda mélange les images d'archives et des images tournées exprès pour le film ce qui donne à l'ensemble un aspect patchwork comme le sera plus tard "Les Plages d'Agnès".

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Les Demoiselles ont eu 25 ans

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1966 et 1992)

Les Demoiselles ont eu 25 ans

La devise du film, "Le souvenir du bonheur c'est peut-être encore du bonheur" fait écho à la célèbre phrase du premier film de Jacques Demy où Lola disait que  "Vouloir le bonheur c'est peut-être déjà le bonheur". Deuxième des trois films que Agnès Varda a consacré à la mémoire de son époux Jacques Demy disparu en 1990 après "Jacquot de Nantes" (1991) et avant "L'univers de Jacques Demy" (1995), "Les Demoiselles ont eu 25 ans" se réfère au film le plus heureux (à tous les sens du terme) du cinéaste, "Les Demoiselles de Rochefort" tourné en 1966. A l'occasion des 25 ans de la sortie du film, la ville de Rochefort a organisé une fête en son honneur qui a permis à Agnès Varda de retrouver d'anciens figurants (motards, élèves, passants) et de leur demander quelle empreinte le film a laissé sur eux. Elle interroge également les membres de l'équipe toujours en vie en 1992 et s'étant déplacé à Rochefort comme Catherine Deneuve (visiblement très émue de revenir sur les traces de sa sœur disparue de laquelle elle s'était rapprochée pendant le tournage), Jacques Perrin ou Michel Legrand. A ce travail d'investigation, elle mêle des séquences de making-of qu'elle avait réalisées pendant le tournage du film en 1966 et où ceux qui avaient déjà disparus en 1992 (Jacques Demy mais aussi Françoise Dorléac) réapparaissent miraculeusement avant que leur mémoire ne soit honorée par les plaques de rue que la ville inaugure en 1992. Passé et présent, histoire et mémoire se mêlent donc inextricablement le temps d'un documentaire hybride (comme Agnès Varda) à la fois rayonnant et nostalgique.

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Orlando

Publié le par Rosalie210

Sally Potter (1992)

Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)
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Orlando élisabéthain (1600), Orlando poète (1650), Orlando ambassadeur à Constantinople (1700), Lady Orlando mondaine (1750), Lady Orlando "Jane" (1850), Lady Orlando mère (1990)

"La même personne... Aucune différence! Juste un autre sexe" C'est dans une très symbolique psyché qu'Orlando contemple sa mue après une nouvelle semaine "d'hibernation". Un changement de peau, oui certainement mais en aucune façon un changement de personnalité. Plus l'histoire avance dans le temps (un temps qui n'a rien à voir avec la chronologie humaine puisque qu'il s'écoule près de 400 ans entre la Renaissance où débute le récit et la fin du XX° siècle où il s'achève), plus Orlando varie les expériences (divisées en chapitres d'une cinquantaine d'années chacun autour de la mort, l'amour, la poésie, la diplomatie, les mondanités, le sexe et la naissance) et progresse de façon à se rapprocher du centre de gravité de sa personnalité profonde en ignorant les frontières (sociales, sexuelles, temporelles). Par delà les mues de son identité transgenre, c'est aussi à une vision alternative de l'évolution de l'humanité que nous assistons, de la mort (les cadres-tableaux de la Renaissance en clair-obscur, les costumes-prisons, la nuit, la glace, les lois discriminatoires sur la transmission de la propriété en Angleterre durant le siècle victorien, la guerre) vers la vie (le paradis édénique de la nature ensoleillée frémissante, le visage extatique de Tilda Swinton accompagné de sa petite fille écoutant la voix de l'ange Jimmy Somerville en train d'interpréter le merveilleux "Coming"). Une vision tout à fait comparable à celle du musée historique d'Amsterdam qui se déploie sur sept siècles et où cohabitent deux histoires et deux parcours: l'officielle et "l'invisible", féministe et LGTB (signalée par de petites bornes arc-en-ciel sous les oeuvres). Les toilettes du musée ne sont d'ailleurs pas genrées (c'était alors une première dans un pays lui-même en pointe sur la question).

Orlando est effectivement ce film arc-en-ciel extrêmement réfléchi (sa genèse a pris presque une décennie) qui transpose délicatement l'expérience intime du livre de Virginia Woolf, personnalité à l'identité complexe et évolutive qui ne se reconnaissait pas dans la construction sociale binaire des genres. Orlando refuse d'ailleurs d'entrée le "he" de la voix-off narrative pour le "I" et le regard face caméra qui dit "essaye de m'assigner si tu l'oses". De fait dans "Orlando" si les repères de genre sont bouleversés, il le sont en parfaite adéquation avec l'histoire des arts. Le destin d'Orlando qui est au départ un adolescent d'allure androgyne se forge à l'époque élisabéthaine dont le théâtre (visible à travers un extrait d'une représentation de Othello) n'admettait aucune femme en son sein. Il est donc logique que dans la première période du film de Sally Potter, les rôles de femme en représentation y soient tenus par des hommes travestis, y compris celui de Elisabeth Iere (Quentin Crisp) qui fait de Orlando son favori et lui adjoint de traverser le temps sans vieillir, titre de propriété à l'appui, scellant ainsi sa première destinée. Les anges n'ont bien entendu pas de sexe, ni d'âge, et c'est en tant que tel qu'Orlando s'essaye à l'amour, la poésie puis à la diplomatie, sans succès, sa sensibilité réfractaire à la société patriarcale se heurtant à un monde dominé par des valeurs guerrières, corrompues, opportunistes etc. Sa transformation en femme la confronte à des entraves et des humiliations bien pires que celles qu'elle avait subi dans sa précédente identité. Au XVIII° les salons littéraires mondains étaient censés permettre aux femmes (de la haute société) de jouer un rôle culturel, social et politique mais elles devaient se confronter à un violent machisme (dont beaucoup d'aspects persistent de nos jours dans les cercles d'influence). Au XIX°, Orlando perd la propriété qu'elle avait acquise au XVI° parce qu'elle est reconnue définitivement femme et n'a pas d'héritier mâle. La rencontre entre Orlando et Shelmerdine (Billy Zane dans un réjouissant contre-emploi) se fait sur le modèle renversant ^^ de la scène du cheval de "Jane Eyre", le grand roman de Charlotte Brontë avec les bouleversements qui en résultent (dont la seule transposition pertinente se trouve dans la mini-série de 2006 réalisée par Susanna White, Toby Stephens alias Rochester jouant d'ailleurs Othello dans "Orlando"). Il est remarquable de constater à cet égard le respect de la représentation du corps féminin au naturel avec le maintien des poils axillaires (alors que dans l'art occidental, la pilosité féminine est taboue depuis l'antiquité et donc rarement représentée. Et quand elle l'est, elle fait scandale comme la "Olympia" de Edouard Manet). Enfin au XX° siècle, Sally Potter prolonge le roman de Virginia Woolf qui se terminait en 1928 (date de sa parution) jusqu'en 1992 (date de la sortie du film) pour évoquer comment Orlando survit à l'horreur de la guerre et enfante. Une petite fille, cela va s'en dire. Car l'avenir des hommes s'écrira au féminin n'en déplaise à certains ou il ne s'écrira pas du tout.

Orlando et Elisabeth Iere

Orlando et Elisabeth Iere

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Bao

Publié le par Rosalie210

Domee Shi (2018)

Bao

Bao est le premier court-métrage des studios Pixar à avoir été réalisé par une femme, une canadienne d'origine chinoise qui plus est! Cette ouverture très récente à la diversité (le film date de 2018 et a été présenté en première partie des "Indestructibles 2") fait beaucoup de bien à un studio dont l'ADN est fondé sur une créativité constante. Il s'inscrit aussi dans un mouvement plus large d'ouverture du cinéma d'animation aux femmes que l'on retrouve également depuis deux ans au Japon et en France (qui je le rappelle sont respectivement les numéros 2 et 3 mondiaux de l'animation).

Bao réussit l'exploit d'être à la fois un film 100% Pixar tout en étant un métissage d'influences occidentales et asiatiques. 100% Pixar car il est fondé sur l'animisme et sur le thème de la famille avec au centre la thématique des parents confrontés au départ de leurs enfants devenus grands. Métissé car la réalisatrice explique s'être inspirée de son enfance dans sa famille chinoise et du cinéma et de l'animation japonaise pour réaliser le film (principalement Yasujiro Ozu, le cinéaste de la séparation parents-enfants et "Mes voisins les Yamada" de Isao Takahata). La mère de Bao qui est du genre surprotectrice et qui n'a pas fait le deuil du départ de son fils de la maison (le fameux "syndrome du nid vide") transfère son amour maternel sur une brioche vapeur qu'elle élève comme son propre enfant et qu'elle appelle Bao (qui signifie à la fois bouchée vapeur et trésor). Sauf que celui-ci grandit à son tour et fatalement, s'éloigne d'elle. La fusion entre l'amour "dévorant" et la cuisine produit des métaphores étonnantes et troublantes, la plus forte étant celle où la mère de Bao qui ne supporte pas de le voir partir le remet dans son ventre. On ne peut pas mieux exprimer l'aspect contre-nature de la possession. 

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Piper

Publié le par Rosalie210

Alan Barillaro (2016)

Piper

Premier film de Alan Barillaro pour les studios Pixar, "Piper" est un court-métrage au réalisme visuel ébouriffant doublé d'une touchante et pertinente réflexion sur le fait de laisser son enfant devenir autonome en toute sérénité. Un thème qui fait penser au "Monde de Nemo" où un poisson stressé et surprotecteur rencontrait une tortue zen laissant du champ à son gamin pour expérimenter par lui-même le monde environnant. Un parallèle logique puisque "Piper" a été proposé en première partie de sa suite "Le Monde de Dory" sorti en 2016.

L'originalité de "Piper" est de se placer du point de vue du petit oiseau pour lequel la plage est immense et les vagues, terrifiantes. Une vision subjective à hauteur d'un petit être dont Pixar s'est fait la spécialité depuis "Toy Story" en 1995. La mère de Piper refusant désormais de laisser tomber sa nourriture toute cuite dans la bouche, ce dernier doit s'aventurer hors de sa zone de confort et tenter de se débrouiller par lui-même. Le court-métrage étant dénué de paroles, c'est le guitariste Adrian Belew qui assure l'accompagnement musical et je conseille à ceux qui souhaitent le visionner à partir du DVD "La collection des courts-métrages Pixar 3" de regarder l'introduction où les deux hommes improvisent un petit clip s'inspirant de celui de "Subterranean Homesick Blues" de Bob Dylan.

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Jane Eyre

Publié le par Rosalie210

Franco Zeffirelli (1996)

Jane Eyre

"Jane Eyre" de Franco Zeffirelli sorti en 1996 est la première version du roman de Charlotte Brontë à avoir été tournée à Haddon Hall dans le Derbyshire. Ce lieu est devenu un écrin si parfait que les versions ultérieures y sont toutes revenues: aussi bien la formidable mini-série de Susanna White de 2006 que le film de Cary Fukunaga de 2011. Haddon Hall est le principal apport d'une version guère impérissable tant elle échoue à restituer tout ce qui fait la puissance et la modernité du roman. L'aspect le moins raté de la transposition est l'enfance de Jane grâce principalement au jeu de Anna Paquin qui trois ans plus tôt crevait déjà l'écran dans "La Leçon de piano" de Jane Campion. Néanmoins les choix scénaristiques et de mise en scène manquent déjà pour le moins de subtilité. Je pense en particulier au fait de ne mettre en avant que les sévices subis à l'école Lowood (en les concentrant sur Helen Burns qui plus est dans un malheureux syncrétisme entre le film de Stevenson et le roman) sans montrer qu'il s'agit aussi d'un lieu de formation. De même le personnage de Brocklehurst est juste montré comme la terreur de l'établissement alors que Charlotte Brontë fustigeait surtout son hypocrisie (et avec elle, celle des dévots bien-pensant écrasant les jeunes filles pauvres sous leur botte tout en parant leurs propres filles de beaux atours). Mais là où le film se crashe complètement, c'est à partir de la deuxième partie, quand Jane adulte se rend à Thornfield Hall pour devenir la gouvernante d'Adèle. Dire que les raisons de l'attirance de Jane pour Rochester (et réciproquement) restent mystérieuses pour le spectateur est un faible mot tant les deux acteurs, visiblement mal dirigés échouent à transmettre quoi que ce soit en terme d'alchimie ou d'émotion. On ne ressent à aucun moment la moindre complicité intellectuelle ou le moindre désir charnel entre eux. Charlotte Gainsbourg a le physique du rôle, c'est sans doute celle qui correspond le plus à la description qu'en fait Charlotte Brontë. Mais on ne peut pas dire qu'elle fait montre d'une quelconque personnalité, elle donne juste l'impression d'assister passivement, les yeux écarquillés, aux événements. Il n'y a aucun raccord possible avec le visage si énergique et déterminé de Anna Paquin. Toute la force de caractère de Jane, sa capacité de résistance au carcan patriarcal est complètement évacuée. Quant à William Hurt, il a 10 ans de trop pour le rôle mais cela n'aurait aucune importance s'il lui transmettait une quelconque flamme. Or il est tellement éteint et monolithique qu'on ne peut pas croire deux secondes qu'il est Rochester. On touche cependant le fond avec la troisième partie qui est précipitée en 15-20 minutes et au final massacrée. La séquence d'avant et surtout d'après le mariage raté n'est quasiment pas traitée ce qui ôte tout enjeu à ces événements alors qu'ils sont pourtant cruciaux (Jane va-t-elle à cause de sa passion renoncer à son libre-arbitre pour se faire entretenir dans une chimérique vie de princesse derrière laquelle se cache la réalité d'une domination patriarcale?) D'ailleurs elle ne s'enfuit même pas (pourquoi le ferait-elle d'ailleurs puisqu'il n'y a aucun désir qui passe entre elle et Rochester, donc aucun danger) elle se rend tranquillement dans la maison de sa tante où l'attend St John (un mélange issu également du film de Stevenson) que l'on arrive pas à situer vu qu'il n'a que quelques minutes pour s'exprimer. Donc sa propre capacité d'emprise sur Jane, son puritanisme tyrannique sont complètement passés sous silence. Lorsqu'elle revient à Thornfield, il ne s'est écoulé que quelques minutes, inutile de dire que c'est un peu court pour faire d'autres expériences et mûrir. Ses retrouvailles avec Rochester tombent donc complètement à plat tout comme l'est ce film académique (je dirais même stupide) qui ne va pas au delà de la surface des choses.

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La Pointe Courte

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1955)

La Pointe Courte

"La Pointe Courte" du nom d'un quartier de pêcheurs à Sète est la première réalisation de Agnès Varda et l'un des premiers manifestes de la Nouvelle vague. Film autoproduit avec des bouts de ficelle (et beaucoup de bénévolat, du monteur Alain Resnais qui s'inspirera de la structure faulknérienne du film pour son premier long-métrage à la distribution issue du TNP*), il s'en dégage une belle sensation de vie et de liberté. Le tournage en décors naturels avec les habitants du quartier dans leur propre rôle contribue à donner au film un cachet d'authenticité quasi documentaire. En même temps le manque de budget a obligé Agnès Varda à tourner sans le son pour ensuite le faire post-synchroniser à Paris avec d'autres acteurs ce qui confère une étrange sensation de décalage à l'ensemble. Un décalage qui ne s'arrête pas au son d'ailleurs.

Car en effet ce qui caractérise également le film de Agnès Varda, c'est sa dualité, révolutionnaire à l'époque, inspirée par un roman de William Faulkner, "Les Palmiers sauvages". Il y a deux films en un dans la "Pointe Courte" et ils représentent chacun un pan de la filmographie à venir de la réalisatrice. D'un côté le documentaire ethnographique sur le quotidien d'une petite communauté de travailleurs d'un quartier populaire en voie de disparition annonce "Daguerréotypes". Leur résistance à l'autorité préfigure également "Les Glaneurs et la Glaneuse". Agnès Varda a toujours prétendu être quasiment vierge de toute influence cinématographique avant de commencer sa carrière. Néanmoins, beaucoup d'analystes n'ont pu s'empêcher de rapprocher son film du néoréalisme italien. De l'autre la fiction avec des acteurs professionnels issus du TNP* (Sylvia Monfort et Philippe Noiret, alors âgé de 25 ans et qui faisait sa première véritable apparition à l'écran) qui interprètent un couple en crise essayant de faire le point en effectuant un retour aux sources (le personnage de Philippe Noiret étant originaire du quartier contrairement à celui de Sylvia Monfort qui est d'origine parisienne). Cette dualité que Agnès Varda définit comme celle du social et du privé est également à l'œuvre dans la personnalité de l'artiste, à la fois provinciale d'origine et de culture très parisienne tendance rive gauche, considérée par les pêcheurs comme une intellectuelle et pourtant curieuse et passionnée par le contact avec des gens simples. Agnès Varda connaissait bien Sète pour y avoir passé une partie de son enfance et avait des contacts étroits avec les pêcheurs du quartier. De même, son travail de photographe au TNP lui avait permis de nouer des contacts avec les acteurs du film. Cette théâtralité se ressent dans la manière dont ils jouent, de façon neutre et détachée comme ils sont détachés de leur environnement un peu à la manière des films de Bresson (sans parler de certains cadrages en gros plan très proches de "Persona" de Ingmar Bergman) ce qui contraste violemment avec le parler pittoresque et vivant des habitants du quartier. "La Pointe Courte" est donc déjà un autoportrait de Agnès Varda, c'est sa première tentative pour rassembler en un seul tenant les morceaux d'une personnalité faite de contrastes et de contradictions dont l'accomplissement se trouvera dans "Les Plages d'Agnès" en 2007.

* Théâtre national populaire. Né en 1920 à Paris, il est dirigé dans les années 50 par Jean Vilar, le fondateur du festival d'Avignon.

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