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La Cité des enfants perdus

Publié le par Rosalie210

Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet (1995)

La Cité des enfants perdus

Jean-Pierre JEUNET et Marc CARO avaient commencé à travailler sur "La Cité des enfants perdus" dès le début des années 80 mais par manque de budget, ils avaient été contraints de le remiser au placard au profit d'un film plus modeste mais génial, "Delicatessen (1990)". Son succès permis aux deux réalisateurs de concrétiser leur projet pharaonique qui pourtant s'avéra être pour moi une déception à sa sortie. Et depuis, je n'ai pas changé d'avis:

"La Cité des enfants perdus" souffre en effet de plusieurs défauts rédhibitoires qui en font une belle coquille vide:

- Un défaut de construction d'ensemble. Le scénario manque de substance et de lisibilité.Jean-Pierre JEUNET et Marc CARO semblent d'ailleurs s'en désintéresser et l'utiliser comme prétexte pour étaler leur savoir-faire technique. Cette absence de vraie histoire pèse aussi bien sur le rythme que sur la direction des acteurs. Dans les détails en revanche, le film fait mouche avec une accumulation d'idées visuelles géniales dont les deux compères ont le secret. Par exemple l'hommage à "Freaks/La Monstrueuse parade (1932)" de Tod BROWNING avec l'accumulation de phénomènes de foire, notamment la fumée absorbée par la bouche de l'une des soeurs siamoises et qui sort de la narine de l'autre, les sept Dominique PINON ou encore les cauchemars à base de mutations humaines effrayantes (vieillissement/rajeunissement accéléré, clonage...)

- Un défaut dans la conception des personnages. Il y a beaucoup de personnages dans "La Cité des enfants perdus" mais on a du mal à les cerner, peut-être tout simplement parce qu'ils sont mal définis. Certains ne font que de traverser l'écran et on se demande à quoi ils servent (à caser la bande de fidèles acteurs du duo peut-être? Mais si c'est pour voir Ticky HOLGADO, RUFUS ou Jean-Claude DREYFUS quelques minutes dans des rôles inexistants, ce n'est pas la peine). D'autres disparaissent sans raison au milieu du film (la secte fascisante des cyclopes). Quant aux personnages principaux de One et Miette, ils sont non seulement mal définis mais mal interprétés. Ron PERLMAN n'étant pas francophone, il a du mal à prononcer son texte appris phonétiquement et encore plus, à l'incarner. Quant à la petite Judith Vittet, elle n'articule pas non plus et sort son texte d'un ton monocorde en tirant la tronche ce qui la rend antipathique. De plus, comment peut-on croire un seul instant qu'elle joue le rôle d'une orpheline miséreuse et exploitée alors qu'elle est vêtue d'un costume signé Jean-Paul Gaultier (bon certes, il y a un rapport avec l'univers marin mais pour le reste, c'est hors-sujet).

- Le cruel manque d'humanité de l'ensemble. On voit bien que ce qui a compté au détriment de tout le reste, c'est l'image qui claque. Les "gueules", le joli minois de la petite Miette, sa robe rouge jurant avec la couleur verdâtre prédominante, l'esthétique steampunk à base de plomberies géantes et suintantes, les objets de brocanteur répandus dans tous les coins, les effets spéciaux et images de synthèse habilement intégrés dans un décor réel. Jean-Pierre JEUNETet Marc CARO ont juste oublié qu'ils ne faisaient pas un clip ou une pub mais un film où l'empreinte humaine est indispensable. A trop multiplier les effets, ils ont oublier de donner chair à leur film, trop froid, trop désincarné. C'est d'ailleurs peut-être ce dernier reproche qui a poussé Jean-Pierre JEUNET à réaliser par la suite "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain (2001)", film tout aussi autistique que "La Cité des enfants perdus" mais où l'humanisation des personnages et leur désir d'ouverture sur l'extérieur constitue une énorme bouffée d'air frais.

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Les trois âges (Three Ages)

Publié le par Rosalie210

Buster Keaton et Edward F. Cline (1923)

Les trois âges (Three Ages)

En faisant une satire burlesque hilarante d' "Intolérance (1916)", la première superproduction hollywoodienne de l'histoire sortie en 1916, Buster Keaton se positionne dès son premier long-métrage comme un cinéaste anti système. Parodiant les effets de style de D.W. GRIFFITH à commencer par le montage parallèle, Keaton créé un film jubilatoire ou l'Histoire officielle, les reconstitutions monumentales pompeuses, les institutions et les conventions sociales sont ouvertement moquées. Comme dans le film de Max LINDER "L Étroit mousquetaire (1922)" sorti un an plus tôt, l'anachronisme est utilisé comme arme de désacralisation massive (golf et chaussons préhistorique, montre à cadran solaire, panneaux romains d'interdiction de stationner, char à patins, pierre gravée servant de carte de visite etc.) tandis que les colonnes de carton-pâte subissent un effet bowling dévastateur. Il en va de même des personnages. La cible de Keaton est l'institution familiale comme gardienne de la reproduction sociale. Le montage parallèle sert de démonstration au fait que l'histoire est un "éternel recommencement". A l'âge de pierre, à l'époque romaine et durant la prohibition des années folles, le père de famille choisit le prétendant de sa fille selon son prestige social et non selon des critères moraux ou affectifs. A la préhistoire, papa choisit le plus robuste, à l'époque romaine celui qui a le plus haut grade et durant les années folles, celui qui a le plus gros compte en banque. Keaton acteur s'offre alors comme le contrepoint de l'heureux élu, joué par Wallace BEERY. L'affrontement entre le winner et le loser révèle la stupidité crasse (l'homme des cavernes), la lubricité (le romain) ou encore la duplicité (le titulaire du compte à la First Bank) du premier. Quant au second il multiplie les prouesses physiques dans lesquelles il est malmené, balloté, piétiné au cours de parodies de compétitions destinées à célébrer l'homme viril, ambitieux, combatif et non émotif: combat de gourdins, course de chars et match de football américain. Les rituels de séduction ne sont pas plus épargnés et la scène de dénouement familiale est particulièrement grinçante.

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Hors-Jeu (Offside)

Publié le par Rosalie210

Jafar Panahi (2006)

Hors-Jeu (Offside)

Les films de Jafar Panahi sont indissociables du contexte dans lequel ils ont été réalisés. Comme ses jeunes héroïnes, Jafar Panahi a bravé les autorités religieuses iraniennes qui font pleuvoir les interdictions sur sa tête depuis près de 20 ans. Il a développé des méthodes éprouvées pour pouvoir continuer à tourner clandestinement en utilisant le format vidéo, moins surveillé et en employant une double équipe, la première, déclarée officiellement n'étant qu'un leurre pour lui permettre de pouvoir continuer à travailler.

"Hors-Jeu" se déroule durant le match de qualification de l'Iran contre le Bahrein pour la coupe du monde 2006. Le début, la fin et les quelques plans volés du match ont été tournés dans le stade Azadi et ses alentours, au moment des faits, donnant au film un aspect documentaire renforcé par la présence d'acteurs et actrices non professionnels. Le caractère d'urgence et d'interdit de ces séquences prises sur le vif se joue à un double niveau: dans le film avec ces filles qui cherchent à ruser pour entrer dans le stade coûte que coûte alors qu'elles n'en ont plus le droit depuis la révolution islamique de 1979 et derrière la caméra avec Panahi qui filme sous le manteau et à l'aveugle.

Le résultat, outre sa maîtrise globale (en dépit des conditions de tournage et d'une fin improvisée en fonction du résultat du match) est un témoignage saisissant de l'oppression subie par la jeunesse iranienne de la part des traditionalistes détenteurs du pouvoir. Le face à face des supportrices avec les jeunes soldats chargé de les parquer et de les surveiller dans un recoin extérieur du stade démontre que les garçons sont tout autant victimes que les filles du puritanisme. La plupart d'entre eux préfèreraient regarder le match. Mais ils sont sous pression et conditionnés comme le montre l'incroyable scène des toilettes où le soldat traque la moindre trace suspecte de cohabitation des sexes. L'humour, très présent met en relief l'absurdité du système et aussi son hypocrisie. Des filles parviennent toujours à se glisser parmi les garçons dans les tribunes (comme l'a fait la propre fille du réalisateur, lui donnant ainsi l'idée du film) de même que tout le monde en Iran se débrouille pour voir les films de Panahi pourtant interdits.

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La Petite Princesse (The Little Princess)

Publié le par Rosalie210

Marshall Neilan (1917)

La Petite Princesse (The Little Princess)

Avec "Le petit Lord Fauntleroy", "Princesse Sara: aventures d'une petite écolière anglaise" est le roman jeunesse le plus connu et le plus adapté de Frances Hodgson Burnett que ce soit au cinéma, au théâtre ou à la télévision avec les séries de la nippon animation par exemple ("Princesse, princesse, tu es bien jolie" chantait alors Christina d'Avena qui avec Claude Lombard interprétait la plupart des chansons des génériques des séries animées qui passaient alors sur la cinq en France dans les années 80).

La version muette réalisée par Marshall NEILAN en 1917 est la première adaptation répertoriée de "Princesse Sara". Elle est réputée pour être l'une des versions les plus fidèles au roman d'origine ce qui doit être largement nuancé. Le film ne dure qu'une heure et par conséquent, le scénario est très elliptique. Il s'appesantit lourdement sur les aspects les plus féériques de l'histoire et bâcle en revanche tout ce qui relève du réalisme social et encore plus ce qui relève de la psychologie. Si bien que l'imagination débordante de Sara qui lui sert de rempart contre la mort de sa mère d'abord puis contre celle de son père puis contre la misère et la maltraitance dont elle fait l'objet est privée largement de son sens. On a même droit à une digression totalement hors-sujet: le récit que Sara fait à ses camarades de "Ali Baba et les quarante voleurs" prend une place démesurée dans le film et n'a aucun intérêt. Il aurait mieux valu "Blanche-Neige" qui aurait au moins reflété sa relation avec la directrice du pensionnat, Mrs Minchin (Katherine Griffith), une marâtre profondément jalouse de Sarah. Le personnage de Sara, interprété par Mary PICKFORD, spécialiste des rôles enfantins (elle interprètera le petit Lord quatre ans plus tard) est en grande partie dénaturé. De par les malheurs qui s'abattent sur elle, Sara est une enfant très mature et très clairvoyante dans le roman. Dans le film c'est surtout une gamine gâtée et capricieuse. Et la fin digne d'un conte de fée où Becky (Zasu PITTS) devient l'égale de Sara fait sourire. Dans le roman, elle sort de la misère mais certainement pas de la servitude puisqu'elle entre au service de Sara. La hiérarchie sociale reste infranchissable (comme chez la comtesse de Ségur où les mésalliances sont inconcevables comme dans "Pauvre Blaise").

En dépit de tous ces défauts, le film reste intéressant à voir pour ses belles idées de mise en scène: l'animation des poupées dans l'imaginaire de Sara, le travail sur le clair-obscur et la profondeur de champ lors du récit de Sara où le conte est éclairé en arrière-plan et ses camarades et elle en ombres chinoises en avant-plan ou encore les astuces de cadrage pour faire paraître Mary PICKFORD beaucoup plus petite qu'elle n'est (il y a plusieurs plans où on comprend qu'elle est à genoux mais elle est filmée à hauteur des cuisses pour que l'on y voit que du feu!)

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Presto

Publié le par Rosalie210

Doug Sweetland (2008)

Presto

Cet excellent court-métrage burlesque qui fut diffusé en première partie de "Wall-E" repose sur un antagonisme entre un magicien, Presto (son nom complet est DiGiotagione, allusion à la prestidigitation) et son lapin blanc, Alec Hazam (l'équivalent d'"Abacadabra" au Royaume-Uni).

Parce qu'il a oublié de lui donner sa carotte, le lapin affamé (dont la bouille est absolument irrésistible) décide de se venger, transformant le spectacle prévu en succession de catastrophes. S'ensuit une série de gags visuels hilarants qui se succèdent à un rythme échevelé pour le plus grand bonheur du public qui n'y voit que du feu.

Si l'enrobage, magnifique, est du pur Pixar, le style évoque celui des cartoons de Tex Avery et d'Hanna & Barbera comme "Tom et Jerry" qui repose sur la revanche du petit sur le gros. Par ailleurs, les génériques, le grain rétro de l'image et le chapeau pointu du lapin sont un hommage réussi à Mickey apprenti-sorcier dans "Fantasia" et aux courts-métrages Disney des années quarante et cinquante. En cinq minutes à peine, les studios Pixar parviennent à fusionner les plus grands héritages de l'animation américaine tout en ajoutant leur touche personnelle: chapeau!

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La colline aux mille enfants

Publié le par Rosalie210

Jean-Louis Lorenzi (1994)

La colline aux mille enfants

"La colline aux mille enfants" est un téléfilm remarquable qui a reçu une dizaine de prix dont un Emmy Award aux USA en 1996. Il faut dire qu'il n'est pas signé par n'importe qui. Jean-Louis Lorenzi n'est autre que le fils de Stellio Lorenzi, scénariste et réalisateur de télévision dont les œuvres souvent historiques se sont inscrites dans une certaine conception du service public, humaniste et engagée. C'est dans cette tradition que s'inscrit également l'œuvre de Jean-Louis Lorenzi.

L'histoire est basée sur des faits réels. Durant l'occupation, un village protestant des Cévennes, le Chambon-sur-Lignon s'est mobilisé sous la houlette de son pasteur André Trocmé (renommé dans le film Jean Fontaine et interprété par Patrick RAYNAL) pour sauver des persécutés, principalement des enfants juifs. Avec l'aide d'autres associations religieuses, notamment américaines, ils les ont entre autre cachés, aidés à fuir en Suisse et leur ont fournis de faux-papiers. Il faut dire que le village avait une solide expérience de la résistance à l'oppression. Ses habitants étaient les descendants des Camisards, ces protestants des Cévennes qui, après la révocation de l'édit de Nantes en 1685, avaient résisté aux exactions des dragons de Louis XIV et à la conversion forcée en cachant leurs pasteurs et en continuant à célébrer des cultes dans des endroits isolés. Par la suite le village se fit un point d'honneur à accueillir des réfugiés de guerre comme les alsaciens en 1914 ou les républicains espagnols à partir de 1936. En 1971, le village et d'autres communes voisines ont été honoré collectivement par le titre de "Juste parmi les nations" décerné par le mémorial de Yad Vashem ainsi que nombre de leurs habitants à titre individuel.

Le film, tourné partiellement sur les lieux des événements (le reste a été tourné dans le Gard) est bien plus qu'une simple reconstitution historique. Il donne vie aux personnages, tous remarquablement brossés et interprétés. L'affrontement idéologique, spirituel et psychologique entre le pasteur Fontaine et le commissaire Vitrac (Jean-François GARREAUD) est particulièrement intense car les deux personnages sont complexes. Le pasteur est un homme entier et impulsif, une faiblesse dont compte bien se servir le commissaire qui le harcèle sans relâche pour le faire tomber de son piédestal. Celui-ci est au contraire un animal à sang-froid aussi courtois que machiavélique. Son comportement aussi obsessionnel qu'ambigu envers le pasteur fait penser à celui de Javert envers Jean Valjean. De même, les habitants ne sont pas tout d'une pièce, pas plus que les juifs recueillis (dont on rappelle au passage la diversité des origines: polonaise, allemande, hollandaise mais aussi française). Le choc culturel est illustré par la cohabitation entre Frédéric le lycéen parisien de bonne famille un peu snob (joué par un tout jeune Guillaume CANET) et le jeune paysan qui l'héberge avec sa petite sœur. Autre confrontation électrique, celle entre la redoutable Emilienne (Dora DOLL) et Paulo, un jeune hollandais irréfléchi et irresponsable. D'autant que la terre de celle-ci appartient à un maréchaliste convaincu (Fred PERSONNE) dont le fils René (joué par un également très jeune Benoît MAGIMEL) est milicien.

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Le cabinet du docteur Caligari (Das Cabinet des Dr. Caligari)

Publié le par Rosalie210

Robert Wiene (1920)

Le cabinet du docteur Caligari (Das Cabinet des Dr. Caligari)

Avec le temps, les souvenirs que l'on a des films s'estompent voire disparaissent à l'exception des éléments qui nous ont vraiment marqué. Du "Cabinet du docteur Caligari", vu il y a très longtemps je n'avais retenu qu'une chose: le décor. C'est dire s'il occupe une place centrale dans ce film matrice du cinéma fantastique à tendance horrifique de Friedrich Wilhelm MURNAU à Tim BURTON en passant par James WHALE et Fritz LANG qui avait été d'ailleurs pressenti pour le réaliser. On peut également dresser une autre filiation avec le cinéma du dédoublement souvent à forte teneur psychiatrique de "Docteur Jekyll et Mister Hyde (1941)" de Victor FLEMING à "Shutter Island (2009)" de Martin SCORSESE en passant par "Psychose (1960)" de Alfred HITCHCOCK.

Le décor est l'incontestable star du film, il imprime la rétine et reste en mémoire bien après le visionnage. Un décor de toiles peintes tout en perspectives forcées, lignes brisées, obliques, angles aigus, proportions tronquées, trompe l'œil. Un décor tordu, tourmenté, torturé comme sorti d'un esprit malade. Celui du personnage principal et narrateur, Francis (Friedrich FEHER) dont la confusion entre cauchemar et réalité entretient celle du spectateur. Son ami Alan (Hans Heinrich Von TWARDOWSKI) et la jeune fille dont il est amoureux Jane (Lil DAGOVER) ne sont pas plus lucides ni plus équilibrés. Dans deux scènes emblématiques du film, ils sont surpris dans leur sommeil par Cesare (Conrad VEIDT), la marionnette du docteur Caligari (Werner KRAUSS) qui est fort justement surnommé le "somnambule". De très belles scènes vampiriques expressionnistes qui préfigurent celles de "Nosferatu le vampire (1921)" de Friedrich Wilhelm MURNAU. Toute la jeune génération est en fait sous l'emprise d'un personnage qui va devenir emblématique du cinéma muet allemand: le criminel diabolique qui contrôle les esprits à distance. Caligari préfigure en effet le Mabuse de Fritz LANG comme 1919 annonce 1933. Ce climat d'effondrement spirituel et moral, de chaos et de forces obscures reflète de façon saisissante la déliquescence de l'Allemagne d'après-guerre et l'hypnose collective d'une société sous l'emprise d'un gourou criminel qui allait suivre. 

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Les Indestructibles 2 (Incredible 2)

Publié le par Rosalie210

Brad Bird (2018)

Les Indestructibles 2 (Incredible 2)
Les Indestructibles 2 (Incredible 2)

Il a fallu 14 ans à Brad Bird pour donner une suite aux "Indestructibles" mais ça valait le coup d'attendre. Le n°2 est au moins aussi bon que le 1 voire peut-être encore meilleur, techniquement aussi bien que scénaristiquement. L'idée géniale qui rythme formidablement toute l'histoire consiste à alterner scènes d'action jouissives et comédie familiale en jouant sur plusieurs niveaux de lecture et en intervertissant les schémas sexués traditionnels. C'est Madame (Elastigirl) qui porte la culotte et assure les cascades pendant que Monsieur gère le foyer. Comparé à la crise d'adolescence de Violet, aux problèmes de maths de Flèche et au bouquet de super-pouvoirs incontrôlables du petit dernier Jack-Jack drôle et craquant (c'est LA star du film), le boulot de super-héros paraît très facile!

Comme dans le 1, on ne se divertit en effet pas idiot. Sous le vernis sixties c'est la société contemporaine qui est mise en scène. Outre le féminisme, la société du spectacle et la manipulation médiatique sont des thèmes majeurs. Winston le magnat de la com propriétaire de Devtech explique aux Indestructible comment utiliser les images pour faire changer la loi qui les maintient dans la clandestinité. Il propose de substituer à la version officielle des politiciens (qui utilisent les images de catastrophe pour faire des super-héros leurs boucs-émissaires) des images en caméra embarquée de type télé-réalité pour faire la promotion des super-héros et ainsi leur permettre de reconquérir l'opinion publique. Mais ces images sont parasitées par l'"hypnotiseur", un terroriste-hacker qui tient les super-héros pour responsables de l'infantilisation de la société. Il peut les manipuler à distance à l'aide de lunettes connectées tout en hypnotisant également les téléspectateurs avec des flashs stroboscopiques. L'addiction aux écrans nuit gravement à la santé (et à l'indépendance d'esprit)!

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Lacombe Lucien

Publié le par Rosalie210

Louis Malle (1974)

Lacombe Lucien

"Lacombe Lucien" fait partie de ces films des années 70 qui contribuèrent à réveiller la mémoire juive et la mémoire du régime de Vichy occultées par le mythe de la France résistante du général de Gaulle. Il y avait urgence. Le négationnisme prospérait sur ce silence, entretenu par les anciens collaborateurs ("A Auschwitz on a gazé que des poux" disait Louis Darquier de Pellepoix en 1978) tandis que Pompidou amnistiait le milicien Paul Touvier en 1971.

"Lacombe Lucien" fit scandale à sa sortie et aujourd'hui encore, il est entouré d'une aura sulfureuse qui entrave la vision objective du film. Dès qu'un auteur ou un réalisateur tente de comprendre la "banalité du mal", il est accusé de complaisance voire de complicité. Le réalisme et la finesse avec laquelle Louis MALLE questionne les agissements de son héros font peur car ils ouvre une brèche dans les abysses humaines que la plupart ne veulent pas voir. Ils préfèrent être rassurés par des histoires bien manichéennes dans lesquelles le bien et le mal sont clairement identifiés avec une belle catharsis où le bien l'emporte et où le mal est châtié. Or c'est cette vision simpliste qui conduit au fascisme (tant il est facile ainsi de construire un bouc-émissaire accablé de tous les maux) et non celle que dépeint Louis Malle.

Lucien (Pierre BLAISE) est un personnage qui dépasse largement le contexte historique et géographique du film. Il peut s'appliquer à nombre de jeunes paumés qui se font enrégimenter par les systèmes totalitaires d'hier (nazisme, communisme) et d'aujourd'hui (Daech). Lucien est en effet un candidat idéal:

-Il est sans éducation, par conséquent il ne comprend pas les enjeux qui le dépassent, agit et raisonne bêtement ce qui le rend très facilement manipulable.

-Il est privé de père (qui est prisonnier de guerre), sa mère couche avec le patron pour qui il est un intrus. Il n'a donc ni foyer, ni repère moral.

-Son boulot de déclassé consiste à nettoyer et vider les pots de chambre d'un hospice.

-Les humiliations et rejets cumulés font de lui une boule de frustrations et de rage prête à exploser comme on peut le constater dans son attitude envers les plus faibles que lui (il passe sa colère sur les animaux).

-Son engagement n'est pas politique mais social. Il se lie avec ceux qui lui apportent de la reconnaissance, du respect, du pouvoir, un statut, sans questionner la nature de leurs agissements ni leur nature tout court. Ce qui fait de lui un opportuniste sans scrupules, notamment lorsqu'il largue une serveuse antisémite (Cécile Ricard) pour une juive bourgeoise (Aurore CLÉMENT) qui ne l'aurait même pas regardé dans d'autres circonstances. L'erreur de l'instituteur résistant à qui il propose d'abord ses services est de l'avoir méprisé. Erreur réitérée de la part d'un autre résistant qui tente de le faire changer de bord mais en le tutoyant. Un minimum de connaissance de la nature humaine aurait pu les éclairer. Malle avait en tête un texte de Jean Genet extrait de "Pompes funèbres" décrivant une France terrifiée durant l'occupation par des gosses de 16 à 20 ans jouant au petit chef (dans la milice ou comme Lucien, dans les forces supplétives de la Gestapo). Mais ce phénomène de revanche sociale et générationnelle se retrouve tout aussi bien dans les dictatures d'extrême-gauche, sous le régime des khmers rouges par exemple, pour la plupart de jeunes paysans prenant sur revanche sur les citadins, les bourgeois, les intellectuels.

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La maison du docteur Edwardes (Spellbound)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1945)

La maison du docteur Edwardes (Spellbound)

"La maison du docteur Edwardes" est le premier thriller psychanalytique d'Alfred HITCHCOCK. Il annonce aussi bien "Psychose (1960)" (la perte d'identité, la démence) que "Pas de printemps pour Marnie (1964)" (les leitmotivs visuels du traumatisme, l'amnésie, les pulsions sexuelles refoulées). Si le scénario est la grande faiblesse de ce film en ce qu'il utilise la psychanalyse pour résoudre l'énigme sans la moindre subtilité, le brio de la mise en scène compense largement. Comme dans la plupart de ses autres films, Alfred HITCHCOCK mélange pulsions sexuelles et pulsions meurtrières pour offrir des séquences au suspense insoutenable souvent par le truchement d'un objet à fort pouvoir symbolique. L'exemple le plus évident de cette ambivalence est celui où le faux docteur Edwardes (Gregory PECK) quitte la chambre de Constance (Ingrid BERGMAN) au milieu de la nuit armé d'un rasoir ouvert tenu à hauteur du bassin. Rasoir suspendu comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête du docteur Brulov (Michael CHEKHOV) qui héberge le couple en fuite. Hitchcock joue aussi bien sur l'aspect menaçant que sur l'aspect phallique de l'objet (le fait de dormir à côté d'une femme désirable sans pouvoir la posséder peut se transmuer en pulsion meurtrière). Un second objet, le révolver, lié à un autre personnage masculin frustré, le docteur Murchinson (Leo G. CARROLL) joue exactement le même rôle. Côté féminin, la symbolique est tout aussi riche. Lors de leur première rencontre, Constance est envoûtée d'emblée par le regard du pseudo-Edwardes (éclairé d'une manière suggestive) et dessine à la fourchette sur la nappe une forme qui ressemble à un vagin. Puis lorsqu'elle décide de concrétiser son désir, elle monte un escalier vers une porte fermée sous laquelle dépasse un rai de lumière. Lorsqu'elle ira voir le docteur Murchison pour le démasquer, Alfred HITCHCOCK reprendra significativement la scène à l'identique. Enfin lorsque a lieu le premier baiser, sept portes s'ouvrent les unes derrière les autres jusqu'à libérer le septième ciel d'une blancheur éblouissante (leitmotiv qui ne trouve sa pleine signification qu'à la fin).

"La maison du docteur Edwardes" comporte enfin une séquence expérimentale tout à fait remarquable, celle du rêve dessinée par Dali. Voici ce que Alfred HITCHCOCK disait à propos de cette scène: "Quand nous sommes arrivés aux séquences de rêve, j'ai voulu absolument rompre avec la tradition des rêves de cinéma qui sont habituellement brumeux et confus, avec l'écran qui tremble, etc. J'ai demandé à David O. SELZNICK de s'assurer la collaboration de Salvador Dali. Il a accepté mais je suis convaincu qu'il a pensé que je voulais Dali à cause de la publicité que cela nous ferait. La seule raison était ma volonté d'obtenir des rêves très visuels avec des traits aigus et clairs, dans une image plus claire que celle du film justement. Je voulais Dali à cause de l'aspect aigu de son architecture - Chirico est très semblable - les longues ombres, l'infini des distances, les lignes qui convergent vers la perspective… les visages sans forme…
Naturellement, Dali a inventé des choses assez étranges qu'il n'a pas été possible de réaliser.. J'étais anxieux parce que la production ne voulait pas faire certaines dépenses. J'aurais voulu tourner les rêves de Dali en extérieurs afin que tout soit inondé de lumière et devienne terriblement aigu, mais on m'a refusé cela et j'ai du tourner en studio." Effectivement le producteur n'aimait pas cette séquence (sans doute trop avant-gardiste pour lui) et l'a faite considérablement raccourcir mais le résultat reste impressionnant, encore aujourd'hui.

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