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Tokyo-Ga

Publié le par Rosalie210

Wim Wenders (1985)

Tokyo-Ga

Le voyage à Tokyo de Wim Wenders 30 ans après celui de Yasujiro Ozu est une quête des traces du Tokyo filmé par ce grand cinéaste japonais que Wenders admire pendant ses quarante années de carrière. Le désir d'aller découvrir une ville parce qu'un cinéaste vous l'a rendue proche est un sentiment que je connais bien. Par un bel effet de miroir, c'est le film de Wim Wenders "Les Ailes du désir" qui a créé une impression d'intimité avec Berlin et m'a donné envie de partir à sa découverte.

Néanmoins ce qui domine dans le documentaire de Wenders est le sentiment d'étrangeté, exactement comme dans le "Lost in Translation" de Sophia Coppola. Même s'il interroge longuement des collaborateurs d'Ozu (Chishu Ryu, son acteur phare et Yuharu Atsuta, son assistant caméra devenu caméraman principal) il peine à retrouver le regard d'Ozu (et notamment ses fameux plans à hauteur de tatami qui donnent à ses films leur caractère profondément humaniste) à travers son périple tokyoïte. La mégapole lui apparaît inhumaine, à la fois bruyante et pleine de solitude. En témoigne tous les passages un peu mécanistes du film autour du pachinko, du golf ou de la confection des mets en cire pour décorer les vitrines des restaurants. Néanmoins la méditation autour du kanji "mu" ("impermanence") qui orne la tombe de Ozu, la déambulation dans les cimetières où les japonais font l'hanami (pique-nique sous les cerisiers en fleur), la rencontre dans un bar de Shinjuku avec le photographe et cinéaste Chris Marker qui a réussi à créer un lien intime avec la culture japonaise ou encore l'entretien avec son compatriote Werner Herzog en déplacement à Tokyo en même temps que lui l'aident à surmonter sa déception et à apprivoiser la ville et sa poésie particulière.

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Païsa (Paisà)

Publié le par Rosalie210

Roberto Rossellini (1946)

Païsa (Paisà)

Païsa est à la fois un cours d'histoire et de géographie, un reportage pris sur le vif (ou presque, quelques mois seulement séparent les événements de leur reconstitution par Rossellini) et une série de six tableaux qui réunis forment une fresque de la campagne d'Italie de 1943 à 1945 avec la progression des alliés du sud au nord:

-Le premier récit se situe dans le contexte du débarquement en Sicile de juillet 1943.
-Le deuxième daté de septembre 1943 filme Naples libérée mais en ruines et en proie à la misère noire. Le sort des orphelins qui tentent de survivre est au cœur de cet épisode.
-Le troisième évoque la libération de Rome en février 1944 et la prostitution de femmes romaines.
-Le quatrième se place au cœur des combats pour la libération de Florence en août 1944. Lui aussi montre les conditions de vie difficiles de la population.
-Le cinquième se situe en septembre-octobre 1944, au cœur de la Romagne, défendue village par village par les allemands (bien que non évoqué dans le film, on pense au massacre des habitants de Marzabotto, l'Oradour sur Glane italien).
-Le sixième enfin évoque les combats dans le delta du Pô dans lequel les alliés s'enlisèrent jusqu'au printemps 1945.

Chaque récit, d'une longueur équivalente (environ 20 minutes) mêle la grande et la petite histoire. Il commence par une contextualisation historique avec des images qui parfois sont prises dans les archives puis il se resserre sur des destins individuels qu'il parvient à restituer de façon admirable. A chaque nouveau récit, on assiste à différentes modalités de rencontre entre des italiens et des américains: difficultés de communication, incompréhension et malentendus, choc culturel, hospitalité, fraternisation et relations amoureuses systématiquement brisées par la guerre.

La puissance qui se dégage de ces récits est telle que ces fragments pourtant très ancrés dans l'espace et dans le temps deviennent intemporels et universels. Par exemple dans le quatrième épisode, lorsque les personnages traversent un musée florentin dont les trésors sont emballés, on pense à toutes les destructions récentes du patrimoine moyen-oriental. Il en va de même lors des scènes de civils massacrés ou de partisans froidement exécutés. Les détails documentaires et le dépouillement de la narration donnent un accent de vérité unique à l'ensemble.

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Frigo Fregoli (The Playhouse)

Publié le par Rosalie210

Buster Keaton et Edward F. Cline (1921)

Frigo Fregoli (The Playhouse)

Bien que Buster Keaton ait puisé l'idée de ce court-métrage chez Georges Méliès et son "Homme-orchestre", "The Playhouse" (en VO) est un trésor d'inventivité. Keaton explore les multiples facettes des faux-semblants, différentes façons de dupliquer, de démultiplier, d'imbriquer, de renvoyer en miroir. Il y a le porte-monnaie accordéon par lequel s'ouvre le film, métaphore des miroirs qui se réfléchissent à l'infini. Il y a la séquence où Buster Keaton à l'aide d'un trucage (la double exposition) joue tous les rôles au sein d'un théâtre: musiciens, acteurs, chef d'orchestre, machiniste, public (hommes, femmes, enfants), se démultipliant entre deux et neuf fois sur la même image, n'hésitant pas à se donner la réplique pour parfaire l'illusion. Il y a celle où il semble se réveiller d'un rêve de théâtre… sauf que le lit est encore sur une scène de théâtre. Il y a la scène des jumelles fondée sur la symétrie et le jeu de miroirs. Il y a l'extraordinaire scène où Buster Keaton mime un singe qui singe les hommes. Il y a la scène des zouaves qui jouent aux poupées gigognes avant que l'aquarium de la sirène ne se déverse, inondant le théâtre et parachevant la confusion générale.

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Frigo déménageur (Cops)

Publié le par Rosalie210

Buster Keaton et Edward F. Cline (1922)

Frigo déménageur (Cops)

L'un des courts-métrages les plus célèbres de Buster Keaton. La première partie est fondée sur des quiproquos en cascade, la seconde, sur une course-poursuite spectaculaire entre un homme ("Frigo", le surnom du personnage de Buster Keaton en France) et une meute de policiers lancés à ses trousses, persuadée qu'elle détient l'ennemi numéro 1. Cette débauche d'énergie est sous-tendue par le désir de surmonter la barrière sociale qui sépare Frigo de la jeune fille qu'il convoite dans la première scène du film. Sans taxer Frigo d'anarchisme, on peut aussi l'interpréter comme une lutte pour conserver son individualité face à une masse uniformisée qui veut l'engloutir dans l'indifférenciation (un peu comme Néo face aux Smith dans "Matrix"). Dans ce combat contre l'adversité, Keaton est particulièrement créatif pour détourner les objets qui lui tombent sous la main. Par exemple il invente le cheval relié par téléphone, le gant de boxe doté d'un bras amovible qui assomme ou encore l'échelle balançoire qui finit par se transformer en catapulte. Mais la chute de l'histoire, glaçante, semble nous signifier que la mort gagne toujours à la fin. Elle me fait penser à la fin d'un film d'horreur du type "Chroniques de Tchernobyl" où la dernière survivante finit engloutie par les zombies.

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Forza Bastia 78

Publié le par Rosalie210

Jacques Tati et Sophie Tatischeff (1978)

Forza Bastia 78

C'est à la demande de Gilbert Trigano, président du club bastiais de football, que Jacques Tati, passionné depuis toujours de sport, réalise ce documentaire autour d'un événement de taille : en effet, le 28 avril 1978, l'équipe locale est opposée au PSV Eindhoven sur le terrain de Furiani, à l'occasion du match aller de la finale de la coupe d'Europe de football de l'UEFA. C'est un moment historique pour la ville corse. Des semaines que la vie bastiaise est en suspens, on ne parle et on ne pense que foot, l'effervescence est à son comble. Ce matin-là, soleil radieux, comme le moral des Bastiais mais à midi, c'est le déluge. Bien que le stade de Furiani soit une mare de boue, le match a lieu, match nul : 0-0.

À défaut du match, Tati filme la montée de la ferveur puis le désenchantement bastiais avec le sens de l'observation qu'on lui connaît. Il y a beaucoup de points communs avec "Parade" son dernier long-métrage qui avait également pour sujet le déroulement d'un spectacle vivant.

C'est Sophie Tatischeff, fille de Jacques Tati, monteuse et elle-même réalisatrice, qui assurera le montage des rushes, redécouverts des années plus tard dans la cave de Sophie Tatischeff et jamais exploités jusqu'alors.

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Dégustation maison

Publié le par Rosalie210

Sophie Tatischeff (1976)

Dégustation maison

"Dégustation maison" est un court-métrage réalisé par Sophie Tatischeff, la fille de Jacques Tati. Il a été tourné dans le village où son père avait réalisé trente ans auparavant "Jour de fête". Les propriétaires d'une pâtisserie à Sainte-Sévère étaient devenus les amis de la famille Tati après le tournage de "Jour de fête" et c'est dans ce lieu que Sophie Tatischeff a tourné son film, témoignant ainsi de sa fidélité envers le village (et le souvenir de son père).


Au premier abord, le film ressemble à un documentaire type "brèves de comptoir" ("Le Comptoir" sera d'ailleurs le titre du seul long-métrage de Sophie Tatischeff avec Maurane, détail troublant puisque les deux femmes sont décédées à peu près au même âge). Mais quand on y regarde de plus près, il apparaît fondé sur un décalage surréaliste des plus savoureux (au sens propre et au sens figuré). Au lieu d'aller au bar et de jouer aux cartes ou de bavarder autour d'une ou plusieurs bières, cafés ou pastis comme cela se fait habituellement dans les villages, les hommes préfèrent se rendre dans une pâtisserie pour s'adonner à ces activités en faisant des tournées de gâteaux préparés par une dame d'un certain âge (Gilberte Géniat) et vendus par sa fille (Dominique Lavanant). Certes les gâteaux sont imbibés d'alcool mais voir tous ces hommes s'empiffrer dans cet univers féminin a quelque chose d'un retour en enfance ou à "l'origine du monde".

Ce court-métrage est disponible dans le DVD regroupant les courts-métrages de Jacques Tati.
 

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Rome ville ouverte (Roma città aperta)

Publié le par Rosalie210

Roberto Rossellini (1945)

Rome ville ouverte (Roma città aperta)

Dans ce qui est le plan séquence le plus célèbre du premier volet de la trilogie de la guerre (les deux autres sont "Païsa" et "Allemagne année zéro"), Pina (Anna Magnani) court en hurlant derrière le camion qui emporte son fiancé Francesco avant de s'effondrer sur le sol, tuée d'une balle tirée depuis le camion. La caméra saisit l'instant de ce basculement en plein vol ce qui le rend inoubliable.

C'est en ce sens que "Rome ville ouverte" est l'un des films fondateurs du néoréalisme. Réalisé à la fin de la guerre avec des bouts de pellicule (au sens propre), il va chercher dans la rue une matière brute qu'il filme à la manière d'un reportage ou plus exactement d'une reconstitution historique à chaud, le film ayant été tourné à proximité des faits réels dont il s'inspire. Le résultat est saisissant de vérité ce qui explique l'influence que ce film a eu sur de nombreux réalisateurs (ceux de la Nouvelle Vague notamment). Et ce alors qu'en fait le film se détache bien souvent du réalisme pour atteindre une dimension mystico-religieuse. Les trois personnages principaux de l'histoire sont filmés comme des martyrs (il y a quelque chose d'iconique dans leurs postures et expressions de visage) et leur parcours relève plus de la tragédie que du documentaire. C'est de la dualité (vie-art, terre-ciel, documentaire-fiction, réalisme-romanesque, communisme-catholicisme) que naît la beauté singulière du film.

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La Comtesse de Hong-Kong (A Countess from Hong-Kong)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1967)

La Comtesse de Hong-Kong (A Countess from Hong-Kong)

Le dernier film de Chaplin (et le seul en couleurs) fait écho à "L'Opinion publique" son deuxième long-métrage. Dans les deux cas, Chaplin cède la vedette à une femme exilée et vivant (élégamment) de ses charmes dans un milieu mondain. Dans les deux cas également, le film ne rencontra pas le succès, le public rejetant les films de Chaplin sans Chaplin.

Néanmoins le ton de "La Comtesse de Hong-Kong" est différent de celui de "L'Opinion publique". Le film de 1923 était un mélodrame, celui de 1967 est une comédie romantique burlesque. Edna Purviance était juste mélancolique alors que Sophia Loren est "mélancomique" et ultra sexy même si ses vêtements ne lui vont pas (comme pour le Vagabond, ils sont trop grands ou trop petits). La brune pulpeuse s'oppose en tous points à la blonde glacée jouée par Tippi Hedren tout juste sortie des griffes lubriques de Hitchcock.

D'autre part Chaplin a commencé sa carrière au théâtre et il la termine en quelque sorte au théâtre. "La Comtesse de Hong-Kong" est dans sa majeure partie un huis-clos vaudevillesque avec portes qui claquent, amante dans le placard ou dans la salle de bains, allées et venues, entrées et sorties intempestives de personnages. Marlon Brando est assez inattendu dans ce registre et ne s'en sort pas trop mal, physiquement du moins, épaulé par une Sophia impériale et quelques personnages secondaires amusants.

Enfin la "tribu Chaplin" est omniprésente avec Sydney dans le rôle de Harvey, Géraldine dans celui d'une danseuse et deux de ses sœurs dans une courte apparition. Chaplin lui-même vient faire un petit coucou avant de tirer définitivement sa révérence. 

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La Maison démontable (One Week)

Publié le par Rosalie210

Buster Keaton et Edward F. Cline (1920)

La Maison démontable (One Week)

Voici le premier court-métrage co-réalisé, produit et interprété par Buster Keaton à être sorti sur les écrans. Et c'est un coup de maître. En une semaine ("One Week", le titre en VO), une durée qui peut faire penser à la création du monde dans la Genèse, Keaton (Malec en VF) va surtout prouver son incapacité à se fixer avec sa drôle de "Maison démontable" (titre en VF).

Keaton prend pour point de départ l'imaginaire des pionniers qui devaient construire leur maison de toutes pièces souvent en réussissant à vaincre un milieu hostile mais il en détourne tous les codes. A la suite d'une série d'actes manqués, la maison qu'il parvient à édifier est totalement biscornue, elle n'est pas construite au bon emplacement et elle est balayée par les éléments. Ce qui pourrait au premier degré ressembler à un échec devient avec Keaton un manifeste poétique teinté d'absurde et de surréalisme ainsi qu'une ode à la créativité. La maison en kit se fait selon les situations manège, toboggan, trampoline ou encore mobil-home comme un jeu de Kapla. Quant à la jeune épouse qui l'habite (Sybil Seely) elle y apporte une touche d'érotisme en s'y dévoilant dans une séquence de bain qui remet elle aussi en question toute la pesanteur (bien-pensante) liée au "home".

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