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Oliver Twist

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (2005)

Oliver Twist

"Oliver Twist" est une sorte de suite officieuse du "Pianiste". Les points communs entre les deux films (qui se suivent dans la filmographie de Polanski) sont nombreux: adaptation d'une oeuvre littéraire, reconstitution historique, personnage de victime passive, ballottée par les événements et sauvée par un don naturel dans lequel Polanski a mis beaucoup de lui-même. Comme Oliver, Polanski est un ancien enfant rescapé de l'horreur. Et comme Szpilmann, son talent artistique l'a sauvé. S'y ajoute également une crudité dans la violence qui était absente du film de David Lean, plus onirique (même si Polanski choisit lui aussi de ne pas montrer le meurtre de Nancy). Enfin, le sauvetage s'accompagne d'un sentiment de perte et de la mélancolie qui l'accompagne. Dans le "Pianiste", Szpilmann se retrouve orphelin et ne peut remercier son bienfaiteur qui meurt prisonnier des russes. Dans "Oliver Twist" il n'y a pas le happy-end qu'il y avait chez Lean car le bonheur d'Oliver chez M. Brownlow est terni par l'exécution de Fagin qu'il considère également comme son bienfaiteur. Les liens d'affection avec ce dernier sont beaucoup plus mis en valeur que chez David Lean ce qui explique cette fin douce-amère. L'ambiguïté de la relation entre le bourreau et sa victime caractéristique du cinéma de Polanski se retrouve donc même dans un film dit "pour enfants". On peut d'ailleurs souligner que Polanski a enlevé tout ce qui a trait à la famille biologique d'Oliver. Sa mère n'apparaît pas de même que son demi-frère Monks. Ce déracinement est pour beaucoup dans l'impression que le destin d'Oliver se joue sur du hasard et de la chance bien plus que sur une quête des origines.

L'adaptation de Polanski est donc beaucoup plus personnelle qu'on ne l'a dit. Il a créé un Oliver qui lui ressemble. Le "Pianiste" avait été taxé à sa sortie d'académique avant que la Palme d'or et le succès du film n'en révèlent l'originalité. Même si "Oliver Twist" est moins réussi que le "Pianiste". D'abord parce que c'est la énième adaptation du chef-d'oeuvre de Dickens et qu'il y a quand même un air de déjà-vu. Ensuite la reconstitution trop léchée tue un peu l'émotion. A moins que ce ne soit le jeu de Barney Clark (Oliver) que je ne trouve pas très convaincant. Néanmoins il s'inscrit parfaitement dans l'oeuvre de Polanski et à ce titre il vaut le détour.

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Ascenseur pour l'échafaud

Publié le par Rosalie210

Louis Malle (1958)

Ascenseur pour l'échafaud

Bien avant de voir "Ascenseur pour l'échafaud", je l'ai entendu. Le cinéma art et essai dans lequel j'ai découvert la plupart des classiques diffusait en effet systématiquement l'air de Miles Davis dans les salles avant chaque projection. Quelle envoûtante entrée en matière qui confirme tout ce que le film doit à sa BO.

Ce qui est fascinant dans le premier long-métrage de fiction de Louis Malle, ce sont toutes les influences qui l'animent et qui en font un film carrefour entre la France et les USA, la tradition et la modernité.

L'influence du film noir américain est très forte, notamment le rôle de la fatalité, la tension permanente, le suspense permettant de dresser un portrait psychologique des personnages. On retrouve également les thèmes du thriller hitchcockien; crime (presque) parfait, blonde fatale et faux coupable. L'influence du cinéma classique français est également présente avec un scénario bien ficelé et des seconds rôles bien marqués comme le pilier de bar joué par Félix Marten ou le commissaire joué par un débutant plein d'avenir, Lino Ventura.

D'autre part le film oscille entre un cinéma de genre conventionnel (le polar adultère) et enfermé en studio (comme l'assassin dans son ascenseur-cercueil) et une liberté de mouvement qui annonce la nouvelle vague, surtout celle du cinéma indépendant US. Jeanne Moreau, magnétique, filmée caméra à l'épaule erre dans la nuit en décors réels sur une mélodie jazzy plaintive et mélancolique improvisée exactement comme les héros des films de Cassavetes. Un passage inoubliable qui a suffi à faire entrer le film dans la légende! La photographie, très belle est signée d'un opérateur emblématique de la nouvelle vague Henri Decaë. Et la cavale de Georges Poujouly et Yori Bertin annonce, certes en mode beaucoup plus mineur celle de Poiccard-Patricia dans "A Bout de Souffle".

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Ready Player One

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2018)

Ready Player One

Orgie rétro-futuriste, "Ready Player One" nous en met plein la vue mais il n'est certainement pas qu'un catalogue de références. Celles-ci débordent d'ailleurs le seul domaine de la pop culture. Même si celle-ci est centrale, le film met sur le même plan une sous-culture longtemps méprisée (le jeu vidéo, la japanimation, la musique pop, les séries TV, le cinéma populaire) et des références cinéphiliques plus pointues ("Excalibur" de John Boorman, "Citizen Kane" d'Orson Welles, "Sacré Graal" des Monty Pythons, "2001, l'odyssée de l'espace" et "Shining" de Kubrick). Le point commun de toutes ces références étant leur statut d'œuvre culte ayant marqué une ou plusieurs générations y compris d'artistes. Je pense en particulier au graffeur et mosaïste Invader, dont l'atelier ressemble comme deux gouttes d'eau à celui de James Halliday avec des Game boy, jeux d'Arcade et autres masques de Tortue Ninja.

Avec Spielberg aux manettes, il n'y avait aucun risque que cet empilement de références ne tourne à la bouillie indigeste comme dans "Lego Batman". Outre son savoir-faire, il injecte une âme au film qui n'est autre que la sienne. James Halliday, le créateur du monde virtuel Oasis est en effet la clé de la réussite de "Ready Player One". On retrouve en lui un mélange d'homme d'affaires, de créateur visionnaire et de geek-otaku éternellement enfant qui peut s'appliquer à Spielberg, même si la référence dans le film est plutôt Steve Jobs. C'est la compréhension de sa psyché qui permet au jeune Wade de résoudre les énigmes du jeu qu'il a instauré au sein d'Oasis pour désigner son successeur. Or ces énigmes prennent la forme d'un voyage dans des moments clés du passé (il s'agit de trouver des clés justement), ceux où Halliday a raté sa vie et s'est réfugié dans le virtuel. Evidemment celui qui en triomphera ne devra pas faire les mêmes erreurs que lui. Ce va et vient entre futur et passé explique d'ailleurs en partie la place prépondérante qu'occupent "Retour vers le futur" et "Shining" dans le film. En partie seulement car leur présence est aussi un hommage aux liens que Spielberg a avec Zemeckis et Kubrick. Il a mis le pied à l'étrier du premier et réalisé un projet du second ("A.I., Intelligence Artificielle").

Film extrêmement ludique titillant la fibre nostalgique du spectateur, il n'en reste pas moins que "Ready Player One" est aussi un film d'anticipation qui s'interroge sur la place du virtuel dans nos vies et la capacité de l'homme à répondre aux défis que lui pose la réalité d'une société hyper-technologique (et très peu développement durable en dépit des intentions affichées). Comme l'ont fait avant lui "Matrix", "Summer Wars" ou encore "Wall-E".

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La prisonnière

Publié le par Rosalie210

René Laloux (1985)

La prisonnière

René Laloux, Philippe Caza (auteur de la BD dont est inspiré le court-métrage) et Gabriel Yared avaient été déçus par l'animation et la mise en scène de la "Prisonnière" réalisé en 1985 alors que le projet de leur long métrage "Gandahar" était en suspens. A juste titre car ce n'est effectivement pas par son animation très sommaire que ce court-métrage brille mais par son atmosphère surréaliste, le mélange de mythologie, de SF et d'érotisme propre à Caza ainsi que la limpidité de sa fable aussi poétique que politique.

Deux enfants fuient la guerre et la mort sur une mer de cendres. Pas besoin de faire un dessin (il n'y en a pas d'ailleurs à ce sujet). Ils arrivent dans une cité monastique qui leur impose le silence. Une cité totalitaire d'hommes repliés sur eux-mêmes qui refusent le bruit créateur de chaos et de tumulte mais également l'altérité. La seule femme visible est prisonnière dans la plus haute tour de la cité. Jusqu'à ce que la vie déferle sous la forme d'une baleine dans laquelle se cachent des femmes nues aux formes opulentes typiques de Caza. Un épisode visiblement inspiré du cheval de Troie. Elles laissent la mer (l'élément féminin) pénétrer dans la cité et la prisonnière embarque avec les enfants pour continuer le voyage. "L'ordre et le bâillon ne gagnent pas toujours."

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Comment Wang-Fô fut sauvé

Publié le par Rosalie210

René Laloux (1987)

Comment Wang-Fô fut sauvé

C'est le dernier film de René Laloux et celui qu'il préférait, sans doute parce qu'il s'y retrouvait quelque peu. Adapté d'une nouvelle de Marguerite Yourcenar et dessiné par Philippe Caza, il s'agit d'un conte poétique et philosophique d'une grande beauté plastique situé dans la Chine médiévale qui s'interroge sur le pouvoir de l'art à la fois miroir trompeur du réel et chemin d'accès à l'immortalité.

Wang-Fô est un peintre errant dont les estampes exercent une telle fascination sur ceux qui les observent qu'ils en viennent à se détourner d'une réalité forcément moins belle. Ling son disciple délaisse sa femme qui en vient à se suicider. Quant à l'empereur, élevé dans la contemplation des œuvres du maître il ne supporte pas de n'avoir aucune prise sur le monde créé par Wang-Fô. Au lieu d'en tirer une leçon de sagesse sur les limites de son pouvoir, il est rongé par la jalousie et la rancune. C'est pourquoi il décide de le faire taire à tout jamais après lui avoir imposé de finir l'une de ses peintures restée inachevée. Quant à Ling qui tentait de s'interposer, il le fait décapiter. Mais Wang-Fô va littéralement donner vie à sa peinture, y retrouver Ling ressuscité et s'échapper avec lui hors de portée du pouvoir de l'empereur "Ces gens ne sont pas faits pour se perdre à l'intérieur d'une peinture".

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Oliver Twist

Publié le par Rosalie210

David Lean (1948)

Oliver Twist

"Oliver Twist" est le roman le plus connu de Charles Dickens et l'un des plus adaptés que ce soit pour le théâtre, le cinéma ou la télévision. Après "Les Grandes Espérances" en 1946, "Oliver Twist" est le deuxième film de David Lean inspiré par cet auteur. Ce n'est cependant pas la première version cinématographique du roman puisqu'un film muet du début des années 20 a été retrouvé dans les années 70 avec Lon Chaney (dans le rôle de Fagin) et Jackie Coogan (dans le rôle d'Oliver). Les versions antérieures ont été perdues partiellement ou totalement.

La version de David Lean est l'une des plus fidèles au roman dont elle restitue la critique sociale et la puissance romanesque. Elle conserve aussi l'aspect mélodramatique et les invraisemblances des rebondissements propres aux conventions du roman-feuilleton. S'y ajoute l'excellence de l'interprétation et une mise en scène inspirée, proche par moments de l'expressionnisme allemand. La séquence d'ouverture, très forte, fait penser à "Faust" de Murnau. On y voit une jeune femme sur le point d'accoucher, hors mariage et donc sans abri, luttant contre les éléments déchaînés symbolisant sa propre douleur. La photographie donne une allure inquiétante aux branches nues des arbres, aux nuages noirs qui s'amoncellent et au souffle du vent sur l'eau. Et lorsqu'elle entre à l'hospice, la mise en scène suggère qu'elle enferme son enfant dans un tombeau. La privation d'air et de lumière à laquelle est soumise Oliver est sans cesse rappelée, suggérant son interminable descente dans les enfers des bas-fonds. A l'hospice, il travaille et vit dans des espaces souterrains. Chez le croque-mort, il dort parmi les cercueils et mange au sous-sol. Chez Fagin, il vit dans un taudis aux fenêtres closes. Les décors (par exemple les toiles peintes représentant la ville en perspective, les escaliers qui se chevauchent, les coins de rue en arêtes vives) sont hérités également du muet. On pense par exemple à "L'heure suprême" de Frank Borzage avec le pont suspendu au dernier étage d'un immeuble parisien offrant une vue onirique sur la cité endormie.

Mais par contraste avec ces ténèbres qui l'entourent, la lumière est également soulignée. Celle qui émane d'Oliver, petit garçon pâle et frêle qui conserve son innocence en dépit de toutes les horreurs qu'on lui fait subir et en dépit des tentatives de corruption dont il est l'objet. Celle des gens qui le reconnaissent comme tel et tentent de le protéger, jouant le rôle des parents qu'il a perdu. M. Brownlow dont la demeure évoque le paradis perdu puis retrouvé et Nancy qui en se sacrifiant apparaît comme une mère de substitution. Ce symbolisme a d'ailleurs fait l'objet d'une polémique à la sortie du film, taxé d'antisémite. Oliver est un petit ange blond qui fait très aryen alors que Fagin (joué par un Alec Guiness méconnaissable sous le maquillage) possède tous les traits de la caricature antisémite très vivace dans les années 30 et 40: énorme nez crochu, barbe et cheveux longs, dos voûté, air fourbe, avarice... Lean s'est défendu en disant que jamais le mot juif n'est prononcé dans le film. Mais en fait, l'antisémitisme est logé dans l'œuvre originale. Lean s'est inspiré des descriptions de Dickens et des illustrations de Cruikshank les accompagnant. Comme le souligne Laurent Bury (professeur de littérature anglaise à Lyon 2) dans les bonus du DVD, les auteurs britanniques du XIX° étaient presque tous antisémites, cette caricature était donc largement répandue.

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