Oliver Twist
Roman Polanski (2005)
"Oliver Twist" est une sorte de suite officieuse du "Pianiste". Les points communs entre les deux films (qui se suivent dans la filmographie de Polanski) sont nombreux: adaptation d'une oeuvre littéraire, reconstitution historique, personnage de victime passive, ballottée par les événements et sauvée par un don naturel dans lequel Polanski a mis beaucoup de lui-même. Comme Oliver, Polanski est un ancien enfant rescapé de l'horreur. Et comme Szpilmann, son talent artistique l'a sauvé. S'y ajoute également une crudité dans la violence qui était absente du film de David Lean, plus onirique (même si Polanski choisit lui aussi de ne pas montrer le meurtre de Nancy). Enfin, le sauvetage s'accompagne d'un sentiment de perte et de la mélancolie qui l'accompagne. Dans le "Pianiste", Szpilmann se retrouve orphelin et ne peut remercier son bienfaiteur qui meurt prisonnier des russes. Dans "Oliver Twist" il n'y a pas le happy-end qu'il y avait chez Lean car le bonheur d'Oliver chez M. Brownlow est terni par l'exécution de Fagin qu'il considère également comme son bienfaiteur. Les liens d'affection avec ce dernier sont beaucoup plus mis en valeur que chez David Lean ce qui explique cette fin douce-amère. L'ambiguïté de la relation entre le bourreau et sa victime caractéristique du cinéma de Polanski se retrouve donc même dans un film dit "pour enfants". On peut d'ailleurs souligner que Polanski a enlevé tout ce qui a trait à la famille biologique d'Oliver. Sa mère n'apparaît pas de même que son demi-frère Monks. Ce déracinement est pour beaucoup dans l'impression que le destin d'Oliver se joue sur du hasard et de la chance bien plus que sur une quête des origines.
L'adaptation de Polanski est donc beaucoup plus personnelle qu'on ne l'a dit. Il a créé un Oliver qui lui ressemble. Le "Pianiste" avait été taxé à sa sortie d'académique avant que la Palme d'or et le succès du film n'en révèlent l'originalité. Même si "Oliver Twist" est moins réussi que le "Pianiste". D'abord parce que c'est la énième adaptation du chef-d'oeuvre de Dickens et qu'il y a quand même un air de déjà-vu. Ensuite la reconstitution trop léchée tue un peu l'émotion. A moins que ce ne soit le jeu de Barney Clark (Oliver) que je ne trouve pas très convaincant. Néanmoins il s'inscrit parfaitement dans l'oeuvre de Polanski et à ce titre il vaut le détour.