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Starship Troopers

Publié le par Rosalie210

Paul Verhoeven (1997)

Starship Troopers

En 1948, George Orwell avait fusionné le nazisme et le stalinisme pour nous dépeindre un terrifiant monde totalitaire. En 1997, Paul Verhoeven tourne un film mi sitcom/mi blockbuster de SF qui reprend tous les codes du nazisme (uniformes, emblèmes...) pour mieux tourner en dérision la société américaine. Tout y est:

- L'impérialisme avec le mythe de la frontière. L'attaque du fort et le contexte spatial se réfèrent clairement au western et au space opera. Dans les deux cas les "cafards" et "arachnides" remplacent les indiens, aliens et autres communistes. Si Verhoeven avait tourné le film 20 ans plus tard il aurait également fait allusion aux attentats islamistes. Le point commun étant que tous ces ennemis de la nation américaine sont montrés tels que les va-t-en-guerre se les représentent: des nuisible à exterminer. Et qu'aussi répugnants et dangereux soient-ils, les insectes ne font que défendre leur territoire alors que les humains eux ne supportent pas leur simple existence et cherchent à les éradiquer de l'univers.

- La propagande médiatique et la pornographie de la société du spectacle. Verhoeven reprend délibérément les codes du "Triomphe de la volonté", le film nazi de Léni Riefenstahl qu'il mélange à des slogans publicitaires, des reportages en caméra embarquée voire des fake news. La novlangue de la guerre du Golfe est très présente: "vitrifier", "passer la serpillière" remplacent les "dommages collatéraux" et autres "pacifications". Verhoeven filme délibérément la violence de façon obscène ("vous voulez en voir plus"? remplace "vous voulez en savoir plus"?) ce qui fait d'autant plus ressortir l'hypocrisie des cartons de censure dans les films de propagande.

- Le "décérébrage" de la jeunesse américaine, montrée comme une armée formatée de Ken et de Barbie (sourire éclatant, machoire carrée) docile, superficielle, parfaitement manipulable et qui au final ressemble aux insectes qu'ils combattent: de la matière cervicale et de la chair à canon. Les acteurs ont été volontairement choisis dans des casting de séries B et de soap opera et ils en ont le profil. Ils représentent parfaitement l'homme nouveau rêvé par les régimes totalitaires. C'est cette fusion qui fait réfléchir si l'on décode correctement le film.

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Wonder Wheel

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (2017)

Wonder Wheel

Le titre et l'affiche ne mentent pas: c'est la circularité qui caractérise ce film.

D'abord parce qu'il recycle (avec brio toujours mais c'est quand même du recyclage) les thèmes, personnages et références du cinéaste. Ginny la flamboyante rousse interprétée par Kate Winslet est une lunatique dont l'humeur fait des tours de montagnes russes (celles de Coney Island qui sert de toile de fond au film). Et quand elle est en bas (ce qui est souvent le cas) on reconnaît en elle une nouvelle "Blue Jasmine" sortie de l'univers de Tennessee Williams. Le chef opérateur Vittorio Storaro joue beaucoup avec ces deux couleurs pour dépeindre les états d'âme successifs de son héroïne qui oscille entre d'un côté ses rêves de gloire évanouis et sa quête chimérique d'amour et de l'autre sa frustration liée à sa vie minable somatisée sous forme de maux de tête récurrents.

Ensuite parce que la circularité de "Wonder Wheel" est également liée à son caractère de tragédie familiale en huis-clos. Avec "Hamlet", "Œdipe" et "Winchester 73" pour références, on comprend que l'on va avoir droit à une histoire d'inceste et de meurtre en boucle. Pas étonnant que Ginny se sente oppressée par un sentiment de claustrophobie. Il est bien réel car c'est une vision noire de la famille qu'a Woody Allen (et qui fait couler tant d'encre depuis quelque temps). Et c'est du besoin irrépressible de s'évader de cette situation sans issue que naît le drame. L'infidélité de Ginny à son premier mari qui fait exploser sa famille et transforme son fils en pyromane. Puis son infidélité envers son deuxième mari pour un homme plus jeune et sa rivalité avec sa belle-fille qui est au cœur de l'intrigue. Kate Winslet est remarquable dans ce rôle ingrat d'épouse et de mère indigne qui s'autodétruit alors que les autres personnages peinent à exister.

Wonder Wheel malgré ses couleurs pimpantes est donc un film désespéré qui exprime la noire misanthropie de son auteur comme dans "Blue Jasmine", "L'homme irrationnel", "Crimes et Délits", "Match Point" ou "Le rêve de Cassandre".

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Drôles d'oiseaux sur une ligne à haute tension (For the Birds)

Publié le par Rosalie210

Ralph Eggleston (2000)

Drôles d'oiseaux sur une ligne à haute tension (For the Birds)

Les courts-métrages Pixar ont souvent un caractère expérimental. La recherche-développement est dans l'ADN de cette société de la Silicon Valley. C'est aussi le moyen de tester le talent de nouveaux réalisateurs. Pourtant "Drôles d'oiseaux sur une ligne à haute tension" (pour une fois le titre en VF est bien plus riche qu'en VO), considéré comme l'un de leurs meilleurs courts-métrages a un caractère avant tout récréatif. Il s'agit de s'amuser tout en renforçant la cohésion du groupe des différents talents à l'œuvre au sein de la société.

De groupe, il en est justement question dans ces "Drôles d'oiseaux" d'une efficacité et d'une drôlerie imparables. Il faut dire que la référence du réalisateur Ralph Eggleston (qui a travaillé entre autre sur "Monstres et compagnie" comme scénariste, "Les Indestructibles et "Toy Story" comme directeur artistique et sur "Le monde de Némo", "Wall-E" et "Vice Versa" comme décorateur) n'est autre que "Dumbo". A cause de son rythme rapide et aussi parce que dans les deux cas, il s'agit d'une relecture du "Vilain petit canard" (dont la revanche ici a quelque chose de "L'arroseur arrosé"). Mais aucune sentimentalité ici et une concision extrême. En 3 minutes chrono, cet épatant court ultra dynamique nous revisite la séquence hitchcockienne des "Oiseaux" se posant un à un sur leur support à la sauce comique. Car entre eux le moins que l'on puisse dire c'est que le courant ne passe pas et que plus dure sera la chute!

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Tartuffe (Herr Tartüff)

Publié le par Rosalie210

Friedrich Wilhelm Murnau (1926)

Tartuffe (Herr Tartüff)

"Tartuffe", 454 ans et pas une ride. Mieux encore, il rajeunit à l'heure actuelle, porté par un contexte politico-religieux qui le rend plus que jamais pertinent. Derrière la figure du faux dévot, seule possibilité de passer les fourches caudines de la censure à l'époque du Grand Siècle, ce sont tous les fondamentalismes, toutes les intolérances que Molière dénonce. C'est pour cela que l'œuvre est si plastique, s'adaptant aussi bien au catholicisme d'hier qu'à l'islamisme d'aujourd'hui (la version algérienne de 1995 d'Ariane Mmouchkine le prouve) et plus généralement à toutes les religions et courants de pensée intégristes. Murnau et son scénariste Carl Mayer ont parfaitement compris cette extraordinaire universalité et intemporalité de la pièce. Le film utilise un dispositif alors encore très rare, celui de la mise en abyme. Mayer a encadré en effet la pièce d'un prologue et d'un épilogue se déroulant à son époque (les années 20). Quant à Murnau, il utilise des références picturales et architecturales du XVIII° et XIX° siècle (Chardin, le palais de Frédéric II de Prusse surnommé le « Sanssouci », Jean-Léon Gérôme) alors que la pièce se déroule au XVII° c'est à dire à l'époque de sa création.

Murnau avait des raisons très personnelles de remanier le scénario que Mayer avait écrit pour "Tartuffe", une pièce qui au début des années 20 venait juste alors d'être découverte en Allemagne. Et ce même si à l'origine il s'agissait d'une commande qui lui a été imposée par la Ufa (nom du studio allemand de l'époque). En tant qu'homosexuel, il ne pouvait qu'être sensible à une pièce qui dénonçait l'oppression exercée sur tous ceux qui s'écartaient de la norme rigoriste fixée par l'église en matière de morale sexuelle. De fait, il a accentué cet aspect qui est devenu le thème central du film. Si celui-ci n'est pas fidèle au texte de la pièce, il l'est certainement à l'esprit. Tellement fidèle d'ailleurs que la version américaine du film (hélas la mieux conservée et donc celle qui nous est montrée aujourd'hui) est amputée de 35 minutes jugées offensantes pour la religion « Un dévot dégénéré qui veut coucher avec la femme de son hôte. Un sujet de choix dans les pays catholiques » titrait alors le journal Variety. C'est dire si cette œuvre dérangeait.

Murnau a ainsi réalisé une sorte d'épure de la pièce originelle. Mayer n'avait gardé que les quatre personnages principaux (Orgon, Elmire, Tartuffe et Dorine.) Le personnage de Dorine est cependant minoré, car ce qui intéresse Murnau, c'est l'étude du comportement des trois autres face à la sexualité réprimée entre hypocrisie et frustration. Le dualisme entre la religion et la chair est symbolisé par un décor à deux étages. Celui du haut représente la perfection divine à laquelle Orgon aspire et que Tartuffe feint d'avoir atteint puisqu'il est qualifié de saint. Celui du bas représente la descente dans les bas instincts et agit donc comme un révélateur de la personnalité profonde de chacun. Sous l'emprise de Tartuffe que l'on peut comparer à un gourou, le désir sexuel d'Orgon se détourne de sa femme pour se reporter sur Tartuffe. Dans une scène censurée par la version US et rajoutée par Murnau, on voit Tartuffe exploiter le sentiment de culpabilité d'Orgon pour lui soutirer toute sa fortune, ce dernier, dominé et sous emprise consentant à tout pour son pseudo-ami « O mon frère ! C'est maintenant que je sais ce que tu es pour moi. ». Elmire, délaissée par son mari est décidée à lui prouver l'hypocrisie de Tartuffe en le séduisant. Ce qui donne lieu à des scènes assez troubles où elle s'offre à Tartuffe de manière plutôt frontale (elle se jette sur lui, se penche, relève sa robe...) sous les yeux de son mari. Tartuffe enfin, interprété de façon extraordinaire par Emil Jannings incarne la lubricité dans toute sa splendeur sous son vernis d'austérité. De façon très parlante pour notre époque contemporaine, Murnau le filme en train de manger comme un porc puis adopte son point de vue fixé sur la poitrine d'Elmire avant de montrer ses yeux porcins se rincer l'oeil devant ses jambes. Et comme tout bon harceleur qui se respecte, le regard est suivi d'un geste éloquent lorsqu'il pose son missel entre ses deux seins (sur des affiches, il les agrippe!)

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Cro Man (Early Man)

Publié le par Rosalie210

Nick Park (2018)

Cro Man (Early Man)

Tout d'abord un film des studios britanniques Aardman est un gage de qualité. Dans le domaine de l'animation en volume, ce sont des maîtres. Les mouvements en stop motion sont réalisés à la main avec beaucoup de précision. Les figurines sont également artisanales avec une armature en fil métallique recouvert d'une pâte à modeler spéciale plus résistante. Le résultat est parfaitement maîtrisé et dégage beaucoup de charme.

De plus leurs films, comme ceux des studios Pixar possèdent plusieurs niveaux de lecture. Les enfants peuvent apprécier cette histoire certes classique de David contre Goliath mais pleine d'inventivité et d'humour (souvent absurde comme le canard géant carnivore, la mésange vocale, les insectes à mandibules rasoir ou les chenilles à crampon) et de tendres portraits (celui du lapin est irrésistible). Les adultes eux peuvent être sensibles (ou non, les critiques sont partagés mais personnellement, j'adhère) au sous-texte de critique sociale. Ainsi les premières images de "Cro Man" font penser à celles de la période préhistorique de "2001 l'odyssée de l'espace" et les dernières à "Shaolin soccer". La fusion de l'homme de cro-magnon et du ballon rond produit un effacement de l'espace-temps exactement comme dans le film de Kubrick où le plan de l'os était prolongé par celui d'un satellite spatial. Et le sens est évidemment le même. Kubrick et Nick Park se moquent du comportement de "primate" des grandes puissances que ce soit au travers de la conquête spatiale ou de l'univers du foot. Ainsi dans "Cro-Man", la civilisation de l'âge du bronze, convaincue de sa supériorité s'empare de la vallée de celle de l'age de pierre et en chasse ses habitants ou tente de les réduire en servitude. Mais elle est minée de l'intérieur par la corruption et la cupidité (Lord Noz est un nouvel Harpagon amoureux de son coffre-fort), l'individualisme (les membres de l'équipe jouent "perso") et l'exclusion (les femmes sont bannies du jeu). Trois défauts qui se retournent contre eux lorsque l'équipe de l'âge de pierre présente son équipe mixte (il y a des femmes mais aussi un sanglier faisant office d'animal domestique, Crochon) et soudée.

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Visages, villages

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda et JR (2017)

Visages, villages

C'est un drôle de road movie documentaire qui l'air de rien ausculte la mémoire et le temps. Et qui questionne le regard. Un regard pluriel, fait de rencontres successives avec des lieux (le plus souvent en sursis) et des gens (humbles, marginaux et souvent âgés donc eux-mêmes en sursis). On roule ainsi d'une rue de corons dont la démolition est suspendue à la mort de sa dernière résidente à un village côtier à demi-construit puis abandonné en passant par un empilement de conteneurs, un bunker échoué sur une plage etc. De ces rencontres sans lendemain et de ces installations vouées à disparaître, Agnès Varda et JR tirent des instants d'éternité et rendent visibles l'invisible. JR, le jeune photographe plasticien magnifie par des collages géants sur les murs les visages des ceux qui vivent et travaillent dans ces lieux. Agnès Varda filme comme elle l'a toujours fait la mort au travail pour paradoxalement lui voler ces moments en les fixant pour toujours sur pellicule. Le passage le plus emblématique est celui où elle filme le collage sur le bunker d'une photo géante de Guy Bourdin jeune qui semble dormir dans un berceau et aussitôt après le même bunker balayé par la marée et le collage totalement effacé.

La relation entre Agnès et JR, tendre et humoristique est le fil conducteur de l'histoire. Agnès Varda aime les tandem à la Laurel et Hardy (comme dans "Jeanne B. par Agnès V.") Leur duo assez insolite est intrigant et attachant. Et tourne lui aussi autour de la question du temps, de la mémoire et du regard. JR vit au présent, Agnès Varda vit dans le passé. Comme dans son précédent film "Les plages d'Agnès", elle retrouve au hasard de ses pérégrinations ses chers disparus: Nathalie Sarraute, Guy Bourdin, Henri Cartier-Bresson. Et aussi les fantômes de Jacques Demy et de Jean-Luc Godard dont l'opacité lui rappelle JR. En effet si le regard d'Agnès est de plus en plus flou à cause de la maladie dégénérative qui lui voile les yeux, celui de JR est caché par d'épaisses lunettes noires qu'il ne veut pas enlever devant sa caméra. Sauf à la fin lorsque pour consoler Agnès il lui donne cette part de lui-même. Son visage devient alors celui de son regard à elle: flou.   

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Hamlet

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1996)

Hamlet

"Hamlet" est l'œuvre-somme de Shakespeare et Branagh, lui répondant en miroir en a fait son film-somme. Une œuvre monumentale de 4 heures (en version longue) pour laquelle Branagh a convoqué différents pans de la mémoire du cinéma hollywoodien dans ce qu'il a de plus puissant, de plus spectaculaire. Cela va du muet (la séquence finale en montage alterné et suspense dilaté fait penser à "Naissance d'une nation" de D.W. Griffith) jusqu'aux grandes fresques des années 50-60 comme le "Docteur Jivago" de David Lean (choix du format 70 mm, des paysages enneigés et de l'actrice principale Julie Christie pour jouer Gertrude) ou "Ben-Hur" de William Wyler (également pour le 70 mm, la durée de 4 heures et Charlton Heston qui joue le chef de la troupe des comédiens).

C'est donc du très grand spectacle qui nous est offert. Mais c'est aussi une réflexion sur le spectacle et son rapport avec la vie. Le jeu de miroirs accentue le théâtre dans le théâtre qui est au cœur de la pièce. Il s'agit du célèbre passage de mise en abyme où des comédiens rejouent la scène du meurtre de Hamlet père par son frère Claudius dont la réaction épidermique a valeur d'aveu. Le simulacre de la pièce dans la pièce accouche d'une vérité (de plusieurs même puisque Claudius comprend à cette occasion qu'Hamlet connaît son secret). A l'inverse, lorsque la pièce "imite" la vie, elle prend l'allure d'une énorme mascarade sociale. Claudius, forcé de dissimuler son crime joue la comédie à tout le monde et Hamlet excelle à feindre la folie furieuse pour déstabiliser son entourage. Sans parler des scènes ou celui-ci se sait observé derrière un rideau ou un miroir sans tain et en rajoute à l'intention de son public.

"Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark". Effectivement le royaume-monde dans lequel se déroule le film, clos sur lui-même, entouré de grilles, de bibliothèques, de rideaux, de miroirs a quelque chose de terriblement claustrophobique. La transposition de cet univers dans un XIX° très "fin de siècle" en accentue le caractère décadent. C'est en effet à cette époque que l'aristocratie anglo-saxonne, rongée par la consanguinité s'est progressivement éteinte. Or ce "Hamlet" met particulièrement bien en valeur l'aspect nihiliste, "no future" de l'histoire. Les enfants de "Hamlet" sont pris au piège de relations incestueuses dont ils ne parviennent pas à se défaire. C'est évidemment le péché originel de Claudius-serpent qui convoite le trône et la femme de son frère aîné et s'en empare par le crime. C'est Hamlet fils, privé d'identité propre qui en dépit de ses atermoiements (eux-mêmes troubles) ne parvient pas à devenir autre chose que le bras armé de la statue du commandeur qu'est son père. Il finit dans le film littéralement crucifié. C'est également Ophélie, rejetée par Hamlet qui la défend de concevoir et l'enjoint d'entrer dans un couvent. Ophélie dont l'amour pour Hamlet ne fait pas le poids face à l'emprise de son père Polonius dont elle ne supportera pas la mort. Les images claustrophobiques s'accentuent alors et on voit cette pauvre Ophélie se jeter contre la grille qui la sépare du corps de son père puis se cogner contre les murs de sa cellule de contention dans sa camisole de force jusqu'à ce qu'elle en dérobe la clé et aille se jeter dans la rivière pour le rejoindre.

Dans ce contexte verrouillé, il n'est guère étonnant que tout ce petit monde s'entretue jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne. Le royaume d'Elseneur, envahi de toutes part s'écroule alors comme un château de cartes. Et le film de refermer la boucle en rappelant que les statues réputées les plus indéboulonnables meurent aussi (une référence sans doute à "Octobre" d'Eisenstein où la statue du Tsar est brisée). Toute forme de passion (pouvoir, argent, plaisir) n'est-elle pas que vanité en ce bas-monde ou rien ne dure?

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Luxo Jr.

Publié le par Rosalie210

John Lasseter (1986)

Luxo Jr.

Avant de devenir la mascotte de la société Pixar, Luxo Jr. a été son tout premier bébé. On peut le considérer comme l'équivalent du "Steamboat Willie" de Disney.

A l'origine, Pixar est une entreprise créée par George Lucas en 1979 sous le nom de LucasFilms Graphics pour la réalisation des effets spéciaux de la saga Star Wars et d'autres films. C'est son rachat par Steve Jobs en 1986 qui lui donne un nouvel élan vers le film d'animation en images de synthèses. Afin de prouver le savoir-faire de la société, John Lasseter réalise avec peu de moyens ce court-métrage de deux minutes extrêmement dépouillé. Il n'y a en effet ni décor, ni paroles, ni mouvement de caméra ce qui rend d'autant plus fascinante la performance réalisée: donner vie et expressivité à deux objets identiques mais de taille différente qui n'ont même pas de visage! Car même si les auteurs avouent en avoir bavé pour animer le fil électrique et la balle, c'est l'animation des lampes qui est la plus impressionnante, notamment au niveau du jeu d'ombres et de lumières. Au point que l'un des pionniers de l'image de synthèse posa à John Lasseter la question qui démontrait que les personnages et le scénario l'emportaient sur la technologie "La lampe-parent, c'est son père ou sa mère"?

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La flûte enchantée (The magic Flute)

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (2006)

La flûte enchantée (The magic Flute)

Après Ingmar Bergman en 1975, Kenneth Branagh a été le deuxième réalisateur à proposer une version cinématographique de la "Flûte enchantée" en 2006. Désireux tout comme Bergman en son temps de rendre accessible l'opéra le plus connu mais aussi le plus ésotérique de Mozart, il a pris un certain nombre de risques:

- Il a transposé l'histoire dans le contexte de la première guerre mondiale ce qui donne une profondeur supplémentaire à cette histoire où s'affrontent la lumière et les ténèbres, la paix et la guerre, l'amour et la haine ou encore la fraternité et le combat. Ce choix est en tout cas plus convaincant que celui de situer "Peines d'amours perdues" son précédent film au début de la seconde guerre mondiale. Même si parfois le dispositif paraît un peu artificiel (la propreté des soldats fait sourire tout comme la couleur de leur uniforme rouge garance, impossible en 1918), il fonctionne et se marie bien avec la magie de l'histoire.

- Il a confié à Stephen Fry le soin de traduire le livret en anglais et de rajouter quelques dialogues. Evidemment son film s'adresse d'abord à des anglais mais la langue de Shakespeare étant plus familière aux oreilles d'un francophone que la langue allemande (langue d'origine du livret) cette traduction nous procure un sentiment de familiarité bienvenue.

La mise en scène de Branagh est tout de même inégalement inspirée. Le plan-séquence du début rempli d'images de synthèse nous plonge au cœur des partis-pris du film avec beaucoup de dynamisme. Il en va de même pour le premier air de Tamino poursuivi de façon assez saisissante par un serpent de gaz moutarde. Par la suite, cela se gâte avec de nombreuses scènes trop théâtrales dans le château de Sarastro. Heureusement il y a aussi ici et là des fulgurances visuelles comme celle du recueillement dans le cimetière militaire blanc sur fond de champ de bataille, celle des grosses lèvres rouges sur fond vert ou bien celle du chant choral des sacs de sable des tranchées transformées en têtes humaines. Et les superbes scènes de bal en noir et blanc où dansent Tamino et Pamina rappellent "Dead again". Après, on aime ou pas le style baroque qui est le propre de ce réalisateur. L'acteur-chanteur qui interprète Sarastro, René Pape est particulièrement remarquable et son charisme a lui seul compense en partie l'aspect statique de la majeure partie des scènes où il figure.

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Nausicaa de la vallée du vent (Kaze no Tani no Naushika)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1984)

Nausicaa de la vallée du vent (Kaze no Tani no Naushika)

"Nausicaa de la vallée du vent" est le deuxième long-métrage de Miyazaki mais c'est sa première œuvre totalement personnelle. C'est aussi sa première collaboration avec Joe Hisaishi (alors peu connu). Pour obtenir le financement nécessaire à sa réalisation, il dû créer une version manga qui rencontra un important succès. Le film est basé sur les deux premiers tomes de ce manga dont la publication s'étala sur 12 ans. Quant au succès du film, il lui permis de fonder les studios Ghibli.

Nausicaa est une œuvre-clé magnifique, d'une brûlante actualité, qui contient tous les thèmes et obsessions de son auteur. Il s'agit également d'une œuvre universelle qui s'inspire aussi bien de la culture occidentale qu'orientale. Ainsi le prénom de l'héroïne est une référence à la princesse phéacienne qui recueillit Ulysse dans "l'Odyssée" d'Homère en dépit de son aspect repoussant mais son caractère s'inspire aussi d'un conte japonais du XII° siècle intitulé "La princesse qui aimait les insectes" (plutôt que les apparences). On discerne également l'influence de l'un des plus grands auteurs de BD français, Jean Giraud alias Moebius. Miyazaki connaissait "Arzach" et aussi le film d'animation de René Laloux "Les Maîtres du temps" dont Moebius avait co-signé le scénario et conçu l'univers visuel. En retour, Moebius qui a découvert par hasard le film de Miyazaki en 1986 a prénommé sa fille Nausicaa.

On a tendance à réduire le film à un récit de science-fiction écologique. Mais il s'agit surtout d'une grande œuvre philosophique et spirituelle. L'héroïne est un personnage messianique, une sorte d'ange de la paix qui du haut de son planeur survole la terre ravagée par les conflits entre l'homme et la nature et entre les communautés humaines avec l'objectif de ramener la paix et l'harmonie sur terre. Ce rôle de messagère et de médiatrice préfigure Ashitaka le héros de "Princesse Mononoké" (les deux films sont en effet très proches.) De plus Nausicaa est un personnage christique prêt à se sacrifier pour sauver tous les êtres vivants. Car Nausicaa contrairement aux autres personnages ne fait aucune différence entre les formes de vie. Sa compassion est universelle. Elle touche aussi bien les ennemis de son peuple que les insectes géants qui peuplent la forêt toxique dont l'extension menace d'empoisonner les humains survivants (la manière dont elle leur tend la main et communique avec eux fait penser aux "Rencontres du troisième type" de Spielberg ou l'Alien est perçu comme un frère). Plutôt que de chercher à détruire la forêt, elle tente de comprendre son fonctionnement. Et découvre qu'au contraire, elle absorbe le poison que les hommes ont répandu dans le sol, l'eau et l'air 1000 ans auparavant quand ils ont détruit la planète (une métaphore de l'apocalypse nucléaire capable de polluer l'environnement sur des centaines de milliers d'années). Miyazaki enfonce un peu plus le clou de l'homme stupide et aveugle, incapable d'apprendre de ses erreurs et qui (se) détruit faute de (s') accepter tel qu'il est.


"Nausicaa de la vallée du vent" est donc un récit qui nous élève à tous les sens que peut recouvrir ce terme.

 

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