Arco
Ugo Bienvenu (2025)
Premier film de Ugo BIENVENU, "Arco" a remporté le cristal du meilleur long-métrage au festival d'Annecy et confirme la vitalité du cinéma d'animation français. La SF est un genre particulièrement pertinent lorsqu'il s'agit de sonder les craintes et les espoirs de notre futur. Or celui-ci paraît plus incertain que jamais si bien que Ugo BIENVENU en créé deux pour le prix d'un! Un futur lointain désirable dans lequel les humains auraient appris de leurs erreurs et auraient construit un univers dans lequel ils cohabiteraient harmonieusement avec la nature. Sans surprise, ce futur-là ressemble beaucoup à "Le Chateau dans le ciel" (1986) de Hayao MIYAZAKI avec ses plateformes-jardins perchées dans les nuages où l'écologie et la mythologie auraient remplacé la technologie. La pierre bleue magique, identique à celle de Sheeta ou encore de "Nadia et le secret de l'eau bleue" ne fait plus léviter mais carrément voyager dans le temps. Elle diffracte la lumière, permettant à son possesseur détenteur en prime d'une cape irisée de voler en laissant des traînées arcs-en-ciel derrière lui comme autant de ponts entre les époques. C'est par une classique transgression que Arco qui n'a pas encore l'âge de s'envoler mais ne supporte pas d'être mis à l'écart du reste de sa famille s'empare de ces objets magiques. Comme il ne les maîtrise pas, il se retrouve non là où il le voulait (à l'époque des dinosaures) mais dans ce qui est pour nous un futur proche: 2075. Logiquement, celui-ci est une extrapolation de ce qui nous attend avec le choix du tout-technologique. Le réchauffement climatique produit des catastrophes "naturelles" à la chaîne dont l'homme se détourne en vivant hors-sol dans une bulle de verre comme dans le roman "Globalia" de Jean-Christophe Rufin et en détournant le regard avec des lunettes de réalité virtuelle comme dans "Wall-E" (2008). L'homme s'est également détourné des liens sociaux et familiaux en confiant notamment l'éducation des enfants à des robots. Cela réserve son lot de surprises (la "salle des profs" ressemble au clip de "Another brick in the wall" des Pink Floyd) mais c'est moins anxiogène que comique. En effet le film s'adresse à tous les publics, y compris les enfants et le rire est parfois plus efficace pour faire passer des messages que la peur. On a donc un univers certes dystopique mais saturé de couleurs pop dans lequel les jeunes livrés à eux-mêmes s'avèrent intrépides et débrouillards ou à l'inverse, très gauches comme les trois impayables pieds nickelés qui traquent Arco. Quant aux robots, Ugo BIENVENU a encore une fois bien retenu les ambivalences que Hayao MIYAZAKI a illustré dans ses films à propos de la technologie et on peut même remonter jusqu'à Osamu TEZUKA. Arco se déplace comme Astro et l'androïde domestique d'Iris, Mikki m'a fait penser par son design, son comportement et ses avaries à ceux de "Metropolis" (2001) (et le principe du robot-nounou à "L'enfant qui venait de l'espace", une nouvelle de Robert Escarpit qui rendait hommage à Isaac Asimov, le père des questionnements éthiques posées par les IA). D'ailleurs Ugo BIENVENU a imaginé une scène très forte digne de Paul GRIMAULT dans laquelle, celui-ci, réfugié avec les enfants dans une grotte pour échapper à un méga-feu dessine sur les parois, envoyant ainsi un message aux hommes du futur. Il n'y a guère que dans "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968) que l'on voit une telle collision temporelle entre la préhistoire et la SF (on oubliera aisément "Lucy" (2014) du plagiaire qu'est Luc BESSON). Evidemment ce n'est que l'un des ponts que le film dresse entre les deux futurs de l'humanité, le proche et le lointain, reliés aussi par une catastrophe ultime (pas les sept jours de feu ayant fait éclore la vallée du vent et la forêt toxique de Nausicaa mais la grande jachère de l'eau qui a conduit les hommes à se percher dans le ciel) et par un final à la "Interstellar" (2013). On le voit, les références sont nombreuses, puisées dans notre imaginaire collectif et dans plusieurs cultures (et je ne les ai pas toutes citées, loin de là!) mais le résultat obtenu est quant à lui grandiose, original et harmonieux.
/image%2F2429364%2F20251026%2Fob_b7d959_critique-arco-5.jpg)
/image%2F2429364%2F20220209%2Fob_32c62c_hqdefault.jpg)
Commenter cet article