Jardin d'été (The Friends) (Natsu no niwa)
Shinji Somai (1994)
Toujours partante pour découvrir des cinéastes japonais dont la filmographie est inédite en France, je suis allée voir "Jardin d'été" de Shinji SOMAI sorti en 1994. Un réalisateur chaudement recommandé comme le précise l'affiche par Hirokazu KORE-EDA qui le considère comme un mentor pour sa propre filmographie. Et de fait, il existe une filiation assez évidente avec un film comme "L'innocence" (2022) et son refuge hors du temps pour des enfants quelque peu ostracisés par une société très normée.
"Jardin d'été" est un film à hauteur d'enfant, un film sur une enfance en jachère qui rappelle quelque peu "la base secrète" de la bande de "20th Century Boys chapitre 1" (2008) ou l'enfance qui joue à se faire peur en épiant un marginal "Du silence et des ombres" (1962) ou encore l'enfance confrontée à la mort en tant que rite de passage vers l'adolescence dans "Stand By Me" (1986) de Rob REINER. Il y a tout ça dans "Jardin d'été" et même aussi une allusion directe à "Mon voisin Totoro" (1988) lorsque l'un des enfants chante la chanson du générique de début en semant des graines de cosmos. Le fantastique affleure naturellement lors d'une scène de fantôme à l'hôpital ou lors d'un bouquet final sublime à la japonaise avec ces symboles de l'impermanence que sont les papillons et les lucioles (des équivalents des pétales de fleur de cerisier).
Néanmoins, la maison délabrée qui fascine les trois garçons n'a pas la même signification que dans "L'innocence" (2022) ou dans "Du silence et des ombres" (1962). En la nettoyant, la retapant, la défrichant, les enfants vont aussi entrer en contact avec son occupant, un vieillard solitaire vivant en quasi-reclus et qui symbolise la mémoire traumatique enfouie du Japon. Lorsque cette mémoire, celle d'un vétéran ayant commis des crimes de guerre est exhumée, on bascule dans un tout autre film qui fait penser à "Onoda, 10 000 nuits dans la jungle" (2021). Il faut en effet encore vingt ans de plus à cet homme perdu dans un puits sans fond au milieu de la jungle de son jardin pour retrouver, par l'intermédiaire des trois jeunes son identité et ses proches. Alors seulement il peut "rentrer" c'est à dire mourir en paix tandis que les garçons eux traversent le deuil en franchissent le seuil d'une nouvelle étape de leur vie.
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