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De rockstar à tueur, le cas Cantat

Publié le par Rosalie210

Zoé de Bussierre, Karine Dusfour, Anne-Sophie Jahn, Lartigue Nicolas (2025)

De rockstar à tueur, le cas Cantat

Depuis sa sortie sur Netflix, le documentaire consacré à l'affaire Cantat fait le buzz et c'est bien normal. Car 22 ans après la mort de Marie TRINTIGNANT, la relecture de l'affaire à l'aune post Metoo permet de se rendre compte du traitement que la société et les institutions réservaient aux féminicides, surtout s'ils étaient commis par des hommes puissants. D'ailleurs le mot féminicide n'existait pas, il était remplacé par le "crime passionnel", ça permettait de se défausser de sa responsabilité. C'est d'ailleurs ce que fait à longueur d'audience Bertrand Cantat qui justifie ses actes par des forces qui l'auraient dépassé. D'ailleurs dans un premier temps, il parle d'un simple accident. Quand les faits révélés par l'autopsie (19 coups en majorité portés au visage) l'obligent à rectifier sa version, il se victimise (c'est pas moi, c'est elle qui m'a tapé la première) et les médias lui emboîtent allègrement le pas. L'émission de Thierry ARDISSON, devenue en quelques années le baromètre des mentalités de l'époque refait le procès de Vilnius en désignant Marie TRINTIGNANT comme coupable, hystérique, consommatrice d'alcool de de cannabis et infidèle parce qu'ayant eu quatre garçons de quatre pères différents alors que Bertrand Cantat est lui présenté comme un "modèle de fidélité". Seule LIO prend la défense de son amie au cours de ce tribunal médiatique, elle témoigne d'ailleurs dans le documentaire. Une parole forte qui s'inscrit en contraste avec ceux du "clan Cantat" qui minimisent comme Dominique Revert ou s'en moquent comme Pascal Nègre qui raisonne en financier pour qui la seule chose qui compte c'est que "Noir Désir", ça rapporte.

Outre le fait de confronter les interrogatoires de Cantat à la réalité de faits qui mettent en lumière ses mensonges, le documentaire a le mérite de reconstituer le puzzle des violences commises par le chanteur sur les femmes. Car si le meurtre de l'actrice a été présenté au procès comme un cas isolé qui a bénéficié à Cantat (sur les 15 ans requis il n'a été condamné qu'à 8 ans, n'en a fait en réalité que 4, en partie en France et dans des conditions privilégiées), c'est parce qu'il a bénéficié de l'omerta de son entourage dont celui de Kristina Rady, la mère de ses enfants. Or celle-ci avec laquelle il s'était remis s'est suicidée en 2010 et Anne-Sophie Jahn, co-réalisatrice et scénariste du documentaire s'est intéressée à son histoire, lui consacrant une enquête dans "Le Point" en 2017 venant faire contrepoids au numéro de les "Inrockuptibles" qui réhabilitaient Cantat sans mentionner une seule fois les affaires dans lesquelles il avait été impliqué. A partir des éléments laissés par Kristina Rady (une lettre, un enregistrement), des témoignages de ses proches et de son dossier médical, il apparaît qu'elle était victime de l'emprise du chanteur qui avec elle comme avec Marie TRINTIGNANT se montrait étouffant et violent. Mais qui s'en souciait? Si même une actrice connue ne faisait pas le poids face à l'icône rock alors une "nobody", n'en parlons pas. Ironie de l'histoire, au moment même où Cantat était sur le point d'être blanchi par la presse, Metoo éclatait, suscitant aux abords des concerts du groupe des tensions entre pro et anti Cantat.

On peut reprocher au documentaire des éléments de forme un peu racoleurs. Mais on ne peut pas lui reprocher sa documentation fouillée et la rage qu'il suscite en mettant le doigt là où ça fait mal. Il y a tant eu de complaisance envers Cantat qu'un autre point de vue ne peut être que salutaire.

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